François Isabel

Ni dieu, ni maître, nirvana

  • Plus on vit vieux, moins on mute vite
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/04/19/plus-on-vit-vieux-moins-on-mute-vite_6122717_1650684.html

    Les espèces animales qui accumulent plus lentement des mutations dans l’ADN de leurs cellules non sexuelles ont aussi une durée de vie plus longue. Ce qui expliquerait en partie pourquoi le risque de cancer n’augmente pas avec la longévité.

    Par Florence Rosier
    Publié aujourd’hui à 06h00, mis à jour à 06h00

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    C’est une nouvelle étape dans la longue traque des causes du vieillissement biologique. Nouvelle, mais pas si neuve : l’étude publiée le 13 avril dans la revue Nature, en réalité, vient valider « une hypothèse émise en 1952 par un futur Prix Nobel, Peter Medawar [1915-1987], mais jusqu’ici impossible à démontrer : l’idée que le vieillissement résulterait, en partie du moins, d’une accumulation inéluctable de mutations dans le génome de nos cellules, relève Hugo Aguilaniu, généticien, directeur de l’Institut Serrapilheira, une fondation brésilienne à but non lucratif. Et cette accumulation finirait par induire un état critique pour le fonctionnement de ces cellules. »

    L’immense essor des capacités de séquençage a changé la donne. Grâce à quoi des chercheurs britanniques ont pu prouver la réalité de ce phénomène. Coordonnés par le Wellcome Sanger Institute (Royaume-Uni), ils ont dénombré les altérations de l’ADN dans des cellules de seize espèces de mammifères, couvrant un vaste éventail de durées de vie et de tailles corporelles : chat, chien, cheval, vache, lapin, furet, souris, rat, rat-taupe nu, girafe, marsouin, lion, tigre, lémurien à queue annelée, colobe noir et blanc et espèce humaine. Pour cinq d’entre elles, plusieurs individus (56 au total) d’âges différents ont été analysés.

    Résultat : les espèces qui vivent plus longtemps acquièrent plus lentement des mutations dans l’ADN de leurs cellules somatiques (non sexuelles) que celles qui vivent moins longtemps. Cette observation explique en partie le fameux « paradoxe de Peto », du nom de l’épidémiologiste britannique Richard Peto qui l’a énoncé en 1977. Une baleine ou un éléphant, par exemple, possèdent bien plus de cellules et vivent bien plus longtemps qu’une souris. La probabilité qu’une de leurs cellules subisse des mutations – entraînant sa prolifération incontrôlée – est donc plus élevée. En toute logique, ces mastodontes devraient avoir un risque accru de cancer. Or ce n’est pas le cas.
    Différences très marquées

    Mais comment estimer le rythme auquel ces mutations s’accumulent dans les cellules de chaque espèce ? Difficile de suivre un individu toute sa vie ! Les chercheurs ont donc analysé le génome d’un type de cellules particulier, propice à cet examen : les cellules qui tapissent les minuscules replis de la paroi interne du côlon, ou « cryptes intestinales ». Toutes les cellules d’une même crypte – micro-découpable au laser – dérivent d’une même cellule souche ancestrale et accumulent de façon linéaire des mutations avec l’âge. Dans ces cellules, par ailleurs, la plupart des mutations sont causées par des processus naturels endogènes – communs à d’autres tissus – plutôt que par une exposition à des toxiques environnementaux. Il a ensuite suffi de diviser le nombre de mutations mesuré par l’âge de l’individu étudié pour obtenir les taux de mutation de chaque espèce au fil des ans.

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