• Il demande une augmentation de salaire et se fait congédier Julien Lecacheur
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1884380/il-demande-une-augmentation-de-salaire-et-se-fait-congedier

    À l’Île-du-Prince-Édouard, un pharmacien adjoint a été renvoyé après avoir demandé une augmentation salariale à son employeur.

    Joseph Moniz ne s’attendait pas à cela. Pendant huit mois, il a travaillé comme pharmacien adjoint. Durant ce temps, il a demandé à de nombreuses reprises à rencontrer son employeur pour lui demander une revalorisation salariale. Sur les conseils de son supérieur, il a écrit un courriel à son responsable régional pour lui demander une augmentation de salaire. Deux jours plus tard, il a été congédié.


    Joseph Moniz a demandé une hausse salariale le 3 mai. Il a été renvoyé le 5 mai. - Photo : Julien Lecacheur

    Depuis le mois de septembre, Joseph Moniz travaillait dans une pharmacie à Kensington, un emploi à temps plein payé 14 $ de l’heure.

    Avec ses qualifications, son expérience et la hausse du coût de la vie, il souhaitait obtenir un salaire de subsistance, évalué en 2020 par le centre canadien de politique alternative à 19,30 $ pour la ville de Charlottetown.

    Selon lui, son salaire ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins. “Depuis que je suis sur l’île, je travaille au salaire minimum. C’est juste impossible de vivre aujourd’hui alors que je n’ai pas de grosses dépenses”, explique-t-il.

    La précarité des travailleurs prince-édouardiens en hausse
    La hausse des prix des carburants, de l’huile de chauffage, des loyers ou encore de la nourriture pousse de nombreux travailleurs insulaires vers la précarité.

    En avril, l’inflation a atteint les 8,9 % par rapport à l’an dernier, selon les dernières données publiées par Statistique Canada.

    Mary Boyd connaît très bien ce sujet. Depuis des années, elle récolte des données sur la pauvreté. Selon l’un des rapports qu’elle a produits, en 2019 le taux de pauvreté à l’Île-du-Prince-Édouard s’établissait à 16,8 %.

    En 2021 , elle a constaté que ce taux avait augmenté pour les travailleurs vivant dans la capitale insulaire. “Charlottetown a été très durement touchée : 25 % des travailleurs sont dans une situation de pauvreté. C’est énorme pour une ville”, constate-t-elle.


    Mary Boyd assure que 25 % des travailleurs vivant à Charlottetown sont dans une situation de pauvreté. - Photo : Julien Lecacheur

    Augmenter le salaire minimum, suffisant ?
    Pour tenter d’endiguer cette précarité, le gouvernement insulaire a promis 20 millions de dollars afin d’atténuer l’impact de l’inflation sur le portefeuille des citoyens.

    Un chèque de 150 $ sera par exemple donné aux plus démunies. Trois millions de dollars seront aussi réservés au programme d’aide aux dépenses de chauffage offert aux personnes assistées par l’Armée du Salut.

    Malgré cette annonce, Karla Bernard, la députée du Parti vert dans Charlottetown–Victoria Park estime que ces mesures demeurent insuffisantes. Elle réclame une augmentation du salaire minimum, aujourd’hui établi à 13,70 $.

    La transparence salariale, un pas dans la bonne direction ?
    Un espoir existe. Le 1er juin entrera en vigueur une modification à la loi sur le travail, avec la transparence salariale. Les employeurs seront obligés d’indiquer clairement le salaire offert dans les offres d’emploi. De plus, ils ne pourront plus demander d’information sur les candidats à leurs anciens employeurs.

    Une importante avancée pour les travailleurs, selon Karla Bernard. “Cela va créer un marché du travail plus efficace. Tu connaîtras le salaire de ton poste avant même de postuler, comme cela tu pourras décider très rapidement si oui ou non tu souhaiterais obtenir ce poste”.

    La transparence salariale doit aussi permettre de réduire les discriminations à l’embauche, notamment en fonction de l’origine ethnique, mais aussi du sexe. “Cela va automatiquement et naturellement rendre les salaires plus haut. Cela va aussi éliminer la discrimination”, croit Karla Bernard.

    En attendant, Joseph Moniz ne regrette rien et espère retrouver rapidement du travail. “Je suis certain que quelque chose de bien sortira de cette histoire”, assure-t-il.

    Il n’a aucune rancœur par rapport à son ancien employeur. Il espère néanmoins que son histoire poussera les pharmacies à augmenter les salaires de leurs employés.

    L’entreprise n’a pas souhaité répondre à nos questions mercredi.