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Fil d’actualités Covid19-Migration-santé (veronique.petit@ird.fr) relié à CEPED-MIGRINTER-IC MIGRATIONS.

  • En Chine, la poursuite des mesures drastiques contre le Covid-19 pousse la population à vouloir s’exiler
    https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/20/en-chine-la-poursuite-des-mesures-drastiques-contre-le-covid-19-pousse-la-po

    En Chine, la poursuite des mesures drastiques contre le Covid-19 pousse la population à vouloir s’exiler. Les recherches sur les conditions d’émigration ont explosé sur Internet, mais le gouvernement de Pékin multiplie les mesures de restriction au départ.
    Par Simon Leplâtre(Shanghaï, correspondance) et Frédéric Lemaître(Pékin, correspondant)
    Au fil des semaines, Sam, Shanghaïen de 27 ans, a vu son anxiété monter. « Il y a vraiment une pression mentale à ne pas pouvoir sortir de chez soi. Travailler en ligne est compliqué, et le fait de ne pouvoir rencontrer personne… je me sens déprimé », soupire le jeune homme, confiné depuis le 16 mars. Au stress de l’isolement s’ajoute une inquiétude spécifique à l’approche drastique adoptée par la Chine, dans sa politique zéro Covid : « J’ai peur parce qu’ils peuvent m’embarquer à tout moment : il suffit d’un cas positif dans mon bâtiment, et je serai envoyé en centre d’isolement. Ils peuvent venir à minuit, aucune discussion n’est possible. Et, en plus, il faut laisser sa porte ouverte pour que des équipes viennent asperger votre intérieur de désinfectant… On n’a même pas la liberté de rester chez soi. » Alors Sam a décidé de quitter son pays : « Parce que je pense que les années à venir vont être très difficiles en Chine. »Depuis le début du confinement de Shanghaï, il y a huit semaines, les recherches en ligne au sujet des procédures d’émigration ont explosé. Le 17 mai, le sujet a été mentionné cent millions de fois sur WeChat, le réseau social dominant en Chine, contre cinq à vingt millions de fois par jour, en février. Sur le moteur de recherche Baidu, les demandes concernant l’émigration ont aussi explosé : la question « Combien coûte la procédure d’émigration vers l’Australie ? » arrive en tête des demandes. Devant ce regain d’intérêt pour l’exode, les autorités chinoises ont décidé, jeudi 12 mai, de « mettre en place une politique de migration stricte », précisant que les « sorties non essentielles » du territoire étaient limitées pour les ressortissants chinois, officiellement pour limiter les retours, et donc les risques d’importer le virus. Seuls sont tolérés les voyages à l’étranger pour raison professionnelle ou d’étude, ce qui peut entraîner des situations kafkaïennes pour les couples mixtes.
    Depuis mars 2020, la Chine a annulé 98 % des vols internationaux. Les rares billets disponibles le sont à des prix prohibitifs. Dès août 2021, Pékin avait limité les sorties du territoire aux facteurs « nécessaires ». Résultat, en 2021, la Chine n’a enregistré que soixante-quatorze millions d’entrées et de sorties de son territoire – 79 % de moins qu’en 2019 – et délivré seulement trois cent trente-cinq mille passeports au premier semestre 2021, soit 2 % du total délivré sur la première moitié de 2019.
    Cet état d’exception, qui se prolonge alors que le reste du monde a abandonné la plupart des restrictions liées au Covid, est de plus en plus frustrant pour la classe moyenne supérieure chinoise, habituée à voyager. D’où une explosion des demandes pour les services d’aide à l’émigration. « J’ai été contacté par des dizaines de personnes, depuis avril, mais cela ne veut pas dire que tous vont effectivement émigrer, tempère M. Wang (un pseudonyme), fondateur d’une petite entreprise de conseil en émigration pour les Chinois. Le processus est long : il faut évaluer le profil du client, vérifier les documents qu’il nous soumet avant de décider quel projet peut lui convenir. En général, on compte trois à six mois avant de signer un contrat. »L’intérêt pour l’étranger n’est pas nouveau : des millions de Chinois aisés envoient leurs enfants étudier dans les pays anglo-saxons ou cherchent à mettre en sécurité une partie de leurs avoirs. D’après l’ONU, la diaspora chinoise compte soixante millions de membres, dont 10,7 millions sont encore citoyens de la République populaire de Chine.Dans certaines villes, comme Sydney, en Australie, ou Vancouver, au Canada, cet afflux de capitaux chinois a fait exploser les prix de l’immobilier. « Avant le Covid, la moitié de mes clients demandaient s’ils pouvaient continuer à gagner leur vie en Chine, en ayant une porte de sortie, un visa ou un passeport étranger. Les motivations ont aussi changé : avant, l’éducation des enfants était la principale raison, la sécurité de la propriété privée venait ensuite, la qualité de vie et de l’air en troisième, et enfin la sécurité politique, pour des hommes d’affaires qui pouvaient craindre des campagnes anticorruption. Mais cette fois, c’est différent : les gens veulent partir parce qu’ils ne supportent plus les restrictions », explique cet agent.Encore faut-il y parvenir : Sam a contacté un agent et lancé, mi-2020, une demande de visa pour le Canada, en tant que travailleur qualifié. Malgré un diplôme d’analyste financier dans une université américaine, il est sur liste d’attente. « A l’époque, je voyais ça plutôt comme une sécurité, mais je n’étais pas déterminé à partir. Cette fois, avec le confinement, je veux vraiment m’en aller », témoigne-t-il. L’annonce du resserrement des restrictions aux voyages par l’administration de l’immigration l’inquiète : « Je dois renouveler mon passeport en septembre, et je ne sais même pas si je pourrai. » Dans la province du Hunan, dans le centre de la Chine, certaines localités ont ordonné à tous les détenteurs de passeport de les remettre à la police « jusqu’à la fin de la pandémie ». Une obligation qui touche de plus en plus de fonctionnaires, de membres du Parti communiste ou de cadres travaillant dans les entreprises publiques.D’autres ont repoussé leur projet de départ, après l’annonce des autorités de l’immigration. « Ce qui constitue un voyage essentiel n’est pas défini, à dessein. Cela crée de l’incertitude. Et cela fonctionne : nous avons abandonné l’idée de partir pour l’instant », témoigne Simon, un citoyen chinois qui a grandi en Allemagne. Il a tenté de quitter Shanghaï, fin mars, juste avant le confinement. « Je suis résident permanent en Allemagne, mais ma femme, chinoise, avait besoin de demander un visa Schengen. Nous n’avons pas eu le temps. On avait aussi envisagé d’aller en Thaïlande ou au Vietnam avec un visa de tourisme dans un premier temps, mais ce serait considéré comme non essentiel. »Investisseur en Chine pour un fonds de capital-risque allemand, Simon craint une fuite des cerveaux et des capitaux. « Jusqu’ici, j’étais plutôt optimiste sur les perspectives du marché chinois, mais, désormais, je conseille à notre fonds de quitter le pays : je ne vois pas de scénario favorable pour la Chine ces deux prochaines années. » L’annonce, le 14 mai, que la Chine renonçait à accueillir la Coupe d’Asie de football en juin 2023 a douché les espoirs de ceux qui croyaient à une réouverture prochaine du pays.Sur les réseaux sociaux, une nouvelle expression est apparue début avril : le run xue, un jeu de mots avec un caractère qui se prononce comme run, « courir » en anglais, et xue, « l’étude » en chinois : une sorte de philosophie de la fuite. Sous ce mot-clé, les internautes chinois discutent de l’anxiété du quotidien confiné, de la liberté retrouvée dans le reste du monde et des conditions pour quitter le pays.« Les témoignages sur les réseaux sociaux montrent clairement que, pour une partie des Chinois, les confinements ne font pas partie du contrat implicite qui les lie au Parti communiste, commente un diplomate occidental. Cela laissera des séquelles politiques, comme l’arrestation puis la mort du docteur Li, à Wuhan en 2020. Partir n’est pas un acte facile, mais on verra sans doute des départs dans les mois à venir. De même que certains Chinois vivant à l’étranger vont hésiter ou renoncer à rentrer. » Jeudi 19 mai, un de ses collègues était exceptionnellement en retard à un rendez-vous : « Désolé, j’étais à un pot de départ d’un collaborateur de l’ambassade présent depuis douze ans. Sa femme chinoise n’en peut plus. Ils ont décidé de partir en Europe. »

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