• Aux origines de l’obsession autour de la #démographie de la vieille Europe :

    "En tant que telle, l’anxiété collective à l’égard d’un débordement démographique qui caractérise le volet quantitatif du mythe de l’islamisation ne date pas d’hier, mais plutôt des années 1950 en Europe, sans concerner à l’époque les musulmans en particulier, mais l’ensemble des peuples du tiers-monde. Au coeur de cette période de prospérité et de plein-emploi que l’on appelle les Trentes Glorieuses, les Européens regardent avec une certaine appréhension la distance qui se creuse entre eux, qui bénéficient de cette glorieuse prospérité, eux qui font de moins en moins d’enfants, et les plus pauvres qui en font de plus en plus, et qui sont géographiquement, juste de l’autre côté de l’étroite Méditerranée, en Afrique, au Moyen-Orient, un peu plus loin en Inde mais dans la continuité continentale, alors que la riche Amérique, elle est protégée par le vaste océan Atlantique. Et ce malgré le fameux baby-boom, qui durera, suivant les pays, en gros une vingtaine d’années à partir de 1946, et qui a été très loin d’endiguer le mouvement de fond de baisse de la natalité qui avait commencé dés l’entre-deux guerres et qui se poursuivra à partir des année 1970. Il semble aux Européens que l’écart entre leur monde vieillissant et opulent, se dépeuplant dangereusement, et un monde affamé se surpeuplant, risque de les conduire à la catastrophe. Comment empêcher, en effet, ces milliards d’êtres humains qui n’ont rien à perdre de franchir la fine palissade juridique qu’on appelle une frontière et qui les sépare de contrées d’où déborde une si désirable abondance ? Les aides au développement économique corrélatives des incitations à la limitation des naissances dans le tiers- monde propres à cette seconde partie du XXe siècle sont avant tout censées empêcher la réalisation de ce scénario catastrophe qui hante une Europe qui se sent démographiquement fragile, prise de vertige perchée au sommet de sa domination économique, culturelle et politique, au sommet même de sa domination coloniale. L’ambiance est au néomalthusianisme pour les pays du Sud et, à l’inverse, à l’incitation nataliste pour le Nord, par peur de la dénatalité européenne alimentée par exemple dès la sortie de la Seconde Guerre mondiale par les thèses du célèbre économiste, démographe et journaliste Alfred Sauvy. Ce dernier, conscient par ailleurs de la nécessité de recourir à l’immigration pour répondre aux besoins de main- d’oeuvre, se persuadera progressivement que le Sud, pauvre, jeune, débordant de vitalité va forcément finir par se « déverser » sur une Europe financièrement riche, mais vieillissante et déclinante. Ce « petit cap de l’Asie », pour reprendre une de ses expressions favorites, sera alors littéralement écrasé. #Sauvy n’est pourtant en rien un extrémiste, un raciste, ni même un nationaliste. Père de l’expression « tiers- monde », forgée par analogie avec le tiers- état afin de dénoncer l’exploitation dont sont victimes les pays les plus pauvres de la planète, il deviendra néanmoins, conforme en cela aux angoisses européennes les plus profondes des Trente Glorieuses, le prophète d’une Europe qui s’apprête à sombrer sous l’irrésistible déferlement des flots de populations allogènes..." (Raphael #Liogier, "Le Mythe de l’ #islamisation") #Eurabia