• La mentalité conspirationniste
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    À propos de : Sébastian Dieguez, Sylvain Delouvée, 2021, Le complotisme. Cognition, culture société, Bruxelles, Mardaga. On ne naît pas complotiste, mais on choisit de le devenir. La thèse défendue par S. Dieguez et S. Delouvée est forte, à rebours des interprétations très répandues qui voient dans le conspirationnisme un effet de l’ignorance ou de la crédulité. Cette recension est suivie d’une réponse des deux auteurs.

    #Société #vérité #post-vérité
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20220708_conspiration.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20220708_conspiration.docx

    • Pour Delouvée et Dieguez, « les théories “critiques” du monde social, après tout, ont du succès précisément par leur capacité à “révéler” des processus cachés et ignorés des acteurs ordinaires (et ces processus sont efficients précisément parce qu’ils sont cachés et ignorés). La raison de ce succès est donc la même que pour celui du complotisme » (p. 316). Pour Delouvée et Dieguez, voir dans le complotisme une forme de prise de conscience collective – certes fondamentalement erronée dans la mesure où le complotisme se trompe en les imputant à l’action de groupes d’individus secrets alors que leurs causes et leurs effets sont le produit multifactoriel de structures sociales qui échappent largement aux titulaires du pouvoir – des maux sociaux qui traversent nos régimes représentatifs revient à l’excuser, si ce n’est même à le légitimer. Telle est la position anti- sociologique développée par les deux chercheurs qui rejettent toute approche compréhensive du complotisme.

      Pour conclure, quel est _in fine l’objectif poursuivi par les auteurs de ce livre ? Il tient en trois mots : individualisation, dépolitisation et rappel à l’ordre. En cherchant à réduire le complotisme à des traits et dispositions individuels (paranoïa, schizothypie, narcissisme, manichéisme, etc.), les auteurs, qui s’inscrivent dans la droite ligne de la tradition cognitiviste, en arrivent, bien qu’ils s’en défendent, à pathologiser le conspirationnisme comme une forme de défiance illégitime et irrationnelle qu’il convient, non pas de _comprendre, mais de combattre. Cette approche qui tend à dépolitiser le complotisme, en refusant d’y voir une forme de défiance vis-à-vis des pouvoirs publics et une dénonciation, hasardeuse certes, des injustices et dysfonctionnements sociaux pourtant bien réels, n’en épuise pas pour autant la dimension politique. Bien au contraire, en renvoyant sans ménagement ces formes désordonnées et radicales de contestation dans les limbes de l’irrationalité et de l’illégitimité, Delouvée et Dieguez en viennent à naturaliser l’ordre sociopolitique tel qu’il est établi. Quiconque, en particulier leurs collègues sociologues, qui adopterait une approche compréhensive du complotisme serait alors suspect de complaisance ou de complicité.

      #complotisme