• Les réfugiés ukrainiens en #Europe

    Le déclenchement de la guerre en Ukraine a provoqué l’un des plus importants déplacements de population du 21e siècle. S’ils transitent majoritairement par les pays limitrophes, comment leur accueil se répartit-il en Europe et aux portes de l’Europe ?

    À l’heure d’écrire ces lignes, le gouvernement ukrainien fait état de plus de 12 millions d’Ukrainiens déplacés par la guerre, dont 4,8 millions sont dénombrés hors des frontières du pays par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR)[1] pour une population totale de 44 millions de personnes. L’invasion russe du pays déclenchée le 24 février 2022 a entraîné l’un des plus importants mouvements forcés de population du 21e siècle. Par comparaison, et d’après les mêmes instances, 5,7 millions de Syriens ont quitté leur pays en guerre pour une population totale de 21 millions ; et au Sud-Soudan, 2,3 millions des 12,4 millions d’habitants initiaux se trouvent en-dehors des frontières.

    Le refuge vers les pays frontaliers

    Les pays frontaliers ont été les plus directement et largement affectés par l’arrivée de réfugiés ukrainiens. Les enregistrements opérés par le UNHCR dans les différents pays, tels que représentés par la première carte, rendent compte du fait que les pays limitrophes ont vu transiter 7 millions d’individus en provenance d’Ukraine. Il faut souligner que cette carte reflète les enregistrements d’arrivées par pays, les flux, et donc le fait que certains réfugiés, au cours de leur transit, ont été enregistrés successivement dans différents pays.

    Trois millions et demi d’Ukrainiens ont transité par la Pologne qui s’avère la destination principale de fuite hors d’Ukraine. Les décomptes du UNHCR font état de près de 100 000 passages quotidiens dès le 27 février, avec un pic au 6 mars 2022, avec près de 140 000 traversées de la frontière polono-ukrainienne, pour redescendre à 30 000 autour du 21 mars et se stabiliser aux alentours de 20 000 par jour à la fin du mois de mars. La présence d’une importante diaspora ukrainienne de près d’un million de personnes dans le pays avant-guerre a facilité l’orientation des réfugiés. Incitée par le gouvernement polonais à se mobiliser pour accueillir de potentiels réfugiés dès le 15 février, tandis que les rumeurs d’invasion russe planaient sur l’Ukraine, cette diaspora a joué un rôle déterminant dans l’accueil.

    En dépit de la relative étroitesse de leur frontière avec l’Ukraine, les autres pays limitrophes situés à l’ouest ont accueilli d’importantes populations : 698 420 réfugiés ont été enregistrés en Hongrie, 587 219 en Roumanie, 483 306 en Moldavie, 466 264 en Slovaquie. Des chiffres particulièrement importants si on les rapporte à la population des pays concernés. Comme en Pologne, les arrivées se sont surtout concentrées en mars, se stabilisant aux alentours du 21 mars à 5 000 traversées quotidiennes en Hongrie, 3 000 en Slovaquie, 2 000 en Roumanie et 1500 en Moldavie.

    Souvent oubliée de la couverture médiatique du phénomène, la Russie s’est aussi imposée comme un lieu de refuge majeur pour les Ukrainiens, avec un million de réfugiés notamment en provenance des régions orientales de l’Ukraine, particulièrement touchées par la guerre. Cette fuite s’inscrit dans la continuité des départs entamés au cours de la première phase du conflit, à partir de 2014. La valorisation des structures d’accueil, des pratiques initialement incitatives comme la facilité à obtenir le passeport russe ont certainement joué dans ce mouvement vers l’est, mais la presse s’est récemment fait écho[2] de pratiques d’internement, d’interrogatoires et de filtration sur la base d’une supposée loyauté politique, notamment pour les populations déplacées aux mois de mai et juin.

    Des portes d’entrée vers l’Union Européenne

    À l’exception de la Russie dans laquelle sont restés les 1,1 million d’Ukrainiens qui s’y sont réfugiés, les autres pays ont peu à peu vu leur population de réfugiés décroître. Des 3,7 millions de réfugiés arrivés en Pologne, 1,152 million, soit près d’un tiers, sont toujours enregistrés sur le sol polonais début juin. La décrue est plus notable encore dans les autres pays limitrophes. En Moldavie, le nombre d’arrivants a toujours été dépassé par le nombre de partants, à destination notamment de la Roumanie où la moitié des réfugiés ukrainiens sont directement en provenance d’Ukraine et l’autre moitié, de Moldavie. Mais peu restent en Roumanie, puisque le UNHCR dénombre sur quasiment un million de réfugiés ayant transité par le pays, que seuls 82 344 y sont demeurés. En Moldavie, en Roumanie comme en Slovaquie, moins de 20 % des réfugiés enregistrés sur le territoire concerné y sont restés. Le cas le plus notable est celui de la Hongrie : le UNHCR a enregistré 731 098 passages à la frontière ukrainienne, mais seuls 24 091 réfugiés sont toujours comptabilisés en Hongrie début juin, soit à peine plus de 3 %. Seule la Pologne s’est présentée tout à la fois comme un pays de transit et d’installation. Si l’on excepte la Russie, 1,4 million de réfugiés stationnent début juin dans les pays frontaliers, tandis que 2,165 millions se trouvent plus à l’ouest, dont près d’un tiers, 780 000, en Allemagne. Une bascule très nette s’est opérée vers l’Europe centrale.

    L’Europe a temporairement levé toute restriction en matière d’immigration pour les Ukrainiens au 4 mars, permettant le transit à travers l’Europe et accordant la protection exceptionnelle aux populations ukrainiennes déplacées qui la réclamaient. La possibilité de traverser une frontière sur simple présentation d’un passeport ukrainien explique aussi la fuite vers d’autres destinations pourtant plus lointaines, comme la Turquie (environ 135 000 réfugiés, d’après le gouvernement turc), la Géorgie (environ 20 000 réfugiés) ou Israël pour les citoyens ukrainiens pouvant démontrer une ascendance juive (environ 15 000).
    Retours dans un pays en guerre

    7 millions de sorties du territoire ukrainien pour 4,8 millions de réfugiés dénombrés : les chiffres du Haut-Commissariat pour les Réfugiés soulignent un phénomène parfois difficile à circonscrire, celui des retours.

    Avec une relative constance, le UNHCR décompte environ 10 000 retours quotidiens depuis le début de la guerre. De telle sorte qu’à partir du mois de mai 2022, les retours ont commencé à contrebalancer les départs. Les témoignages confiés à la presse reflètent des raisons diverses. Pour les hommes émigrés de longue date, le souhait de rejoindre l’armée ; pour les femmes, le désir de retrouver des proches, des parents, des enfants confiés afin d’aller travailler de l’autre côté de la frontière. Les réfugiés récents, enfin, font état, après trois mois d’exil, de l’épuisement des dispositifs d’urgence, de l’éclatement des familles, des difficultés à se loger et plus généralement à se réinstaller à l’étranger. Un mouvement de retour qui touche aussi les déplacés internes : fin mai, le maire de Kyiv faisait état du retour des deux tiers des Kiéviens en ville.

    https://www.icmigrations.cnrs.fr/2022/05/05/defacto-033-05
    #réfuigés #réfugiés_ukrainiens #statistiques #chiffres

    ping @isskein @karine4