Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Les quartiers populaires ne sont pas des déserts politiques
    https://theconversation.com/les-quartiers-populaires-ne-sont-pas-des-deserts-politiques-185524

    Alors que l’actualité électorale montre du doigt la forte abstention des quartiers populaires et que de nombreux analystes y voient un désintérêt pour la politique, notamment chez les jeunes, notre recherche participative invite à déplacer le regard et à reconsidérer les idées reçues. Si en effet les jeunes des quartiers populaires participent peu au jeu électoral, nos travaux mettent clairement en évidence que ces jeunes ne sont ni désintéressés ni passifs face à la politique.

    Notre recherche a été menée de 2017 à 2021 dans 10 quartiers d’Île-de-France. Elle a associé des chercheurs, des responsables de services ou d’associations jeunesse et une dizaine de jeunes par quartier. Ensemble, nous avons notamment co-rédigé le livre Jeunes de quartier. Le pouvoir des mots qui rend compte de ces réflexions collectives. L’ouvrage est accompagné d’un site sur lequel sont publiés par thématiques les travaux réalisés.

    L’expérience de la politique faite par les jeunes de ces quartiers populaires est d’abord sociale. Elle se décline en des formes multiples d’engagement : au niveau du quartier, du lycée, de la ville ou de la solidarité internationale. Pensées comme individuelles et ponctuelles, elles s’inscrivent cependant souvent dans une logique de continuité et de restitution. Beaucoup s’engagent en effet dans des activités telles que l’aide aux devoirs, l’encadrement informel des plus jeunes, la contribution à la vie culturelle et sportive de la ville, la création d’associations, la participation au conseil de jeunes de la municipalité.

    Les actions de solidarité sont aussi des motifs d’engagement fréquents, qu’il s’agisse de maraudes vers Paris en faveur de populations précarisées, de l’accueil des réfugiés, ou de voyages en Afrique pour planter des arbres ou creuser un puits.

    Le sentiment d’inégalité ou d’injustice est un facteur plus limité d’engagement : il s’exprime par exemple dans la lutte contre la réforme du baccalauréat ou de l’entrée à l’université., la participation ponctuelle au mouvement des « gilets jaunes ».

    Lorsque le quartier ou la ville sont évoqués, ils sont souvent décrits par les jeunes en des termes possessifs et affectifs. Cet attachement au territoire est fréquemment défensif, à rebours d’une stigmatisation puissante. On peut faire l’hypothèse que le « patriotisme de clocher à base de classe » analysé par l’historienne Annie Fourcaut, pour définir l’implantation et l’enracinement du communisme municipal des années 1920 et 1930, se rejoue sous d’autres formes, avec d’autres acteurs.

    Ce qui réunit les jeunes des quartiers populaires étudiés, c’est d’abord leur méfiance et leur distance critique à l’égard de la politique dite « politicienne » et du système de représentation qui leur paraît ne pas refléter leur situation. Les engagements bénévoles des jeunes et leurs capacités d’initiative révèlent l’importance qu’ils donnent aux actes, à des solidarités animées par des valeurs, à la volonté et au pouvoir d’agir par soi-même.

    Ainsi, les quartiers socialisent plus qu’ils ne politisent. Mais à l’opposé des idées reçues sur l’enfermement et le « communautarisme » des habitants des cités, la vie des jeunes ne s’apparente ni à désert politique ni à un ghetto politique.

    Si la dimension territoriale apparaît déterminante dans les représentations et les dynamiques d’affiliation sociale et politique, elle ne suffit pas pour autant à construire un « nous » politique.

    #Jeunes_de_quartier #Politique #Quartiers_populaires