• « Uber Files » : Emmanuel Macron assume son implication dans le développement d’Uber en France


    Emmanuel Macron et le commissaire européen pour le marché intérieur, Thierry Breton, visitent l’usine STMicroelectronics à Crolles (Isère), mardi 12 juillet. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

    Interrogé lors d’un déplacement consacré à la souveraineté industrielle en Isère, le président de la République, offensif, a assuré que si c’était à refaire, il le « referait demain et après-demain ».

    Emmanuel Macron voulait revenir à ses fondamentaux. Se faire à nouveau l’apôtre d’une économie triomphante qui parviendrait, tôt ou tard, à vaincre le chômage de masse et à redonner au pays l’élan perdu d’une France pompidolienne. Mardi 12 juillet, depuis Crolles (Isère), commune limitrophe de Grenoble, toutes les conditions avaient été réunies pour que le président reprenne la main sur son thème de prédilection, trop longtemps occulté par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine.

    Laissant loin de lui l’affaire des « Uber Files » – révélations du Consortium international de journalistes d’investigation dont Le Monde fait partie – mettant à jour son implication personnelle lorsqu’il était ministre de l’économie pour favoriser l’implantation en France de l’entreprise américaine moins disante socialement ; éloignant de lui les tracas d’un Parlement où il ne dispose que d’une majorité relative ; oubliant les procès en « ultralibéralisme » intentés sans relâche contre lui par la gauche, le chef de l’Etat voulait reprendre les accents d’un prêcheur d’optimisme. « Je viens ici célébrer une bonne nouvelle », a-t-il expliqué depuis le site de l’entreprise de semi-conducteurs, STMicroelectronics.

    Sur une estrade plantée dans les jardins asséchés de l’entreprise, entre le massif de Belledonne et celui de la Chartreuse, le chef de l’Etat, comme insensible à la chaleur caniculaire, est revenu sur l’investissement massif de 5,7 milliards d’euros réalisé par l’Etat et la société américaine Global Foundries pour la construction d’une « méga-usine » sur le site. Annoncé la veille, depuis Versailles, dans le cadre du salon « Choose France » visant à renforcer l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers, le projet doit permettre à la France de se renforcer dans le secteur des semi-conducteurs utilisés dans les voitures, les téléphones ou le matériel médical en créant plus d’un millier d’emplois.

    Offensif et sûr de lui

    En investissant dans la recherche et l’innovation, il s’agira aussi d’améliorer la technologie afin de réduire la taille des puces et baisser drastiquement leur consommation d’énergie. « Ce qui est décidé aujourd’hui est au cœur des défis qui sont les nôtres, celui de la souveraineté industrielle et de la réindustrialisation, de la transition énergétique et numérique », s’est enthousiasmé le président.

    Dans l’assistance, le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, opine de la tête. Prêt à laisser de côté, l’espace d’un instant, ses divergences avec le chef de l’Etat, l’élu, dont le parti est membre de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) emmenée par Jean-Luc Melenchon, trouve même cette annonce « réjouissante ».

    Certes, l’édile regrette que le locataire de l’Elysée n’aborde la sobriété énergétique que sous l’angle de l’efficacité sans remettre en question nos usages et « l’hyperconsommation ». Quant au dossier Uber, relancé quelques heures plus tôt par les confessions de Mark MacGann, l’ancien lobbyiste d’Uber à l’origine de ces révélations, regrettant « les mensonges » vendus par le groupe américain, le Grenoblois attend qu’« à un moment ou à un autre, Emmanuel Macron s’explique ». Mais ce n’était ni le lieu, ni l’heure d’attaquer, pensait-il.

    Finalement c’est le chef de l’Etat lui-même qui reviendra sur ce sujet délicat. Comme pressé d’en découdre, offensif et sûr de lui. Au moment de quitter l’entreprise, répondant aux questions de journalistes, le président explique et assume. « Je suis très fier de ce que j’ai fait, du combat que j’ai mené. Mais ce combat, il faut le regarder jusqu’au bout. J’ai fait venir des entreprises, j’ai fait venir des entrepreneurs. J’ai surtout aidé des jeunes à qui on n’offrait pas d’emplois et qui venaient de quartiers difficiles. Ces jeunes qui n’avaient pas d’opportunités de jobs, je les ai aidés à en trouver pour la première fois de leur vie (…). Et quand je suis devenu président, on a régulé le secteur, sans aucune complaisance », s’est-il défendu.

    Si c’était à refaire ? « Je le referais demain et après-demain », lance-t-il sur un ton de défi. Ajoutant : « On a aidé les taxis comme pas possible. Mais on avait un système fermé, ceux qui s’étaient enrichis ce n’était pas les taxis mais les sociétés qui avaient un effet de rente (…). Je ne serai jamais du côté de ceux qui défendent la rente. » [sans se soucier de ses conditions de création, ndc]

    Balayant les craintes qu’il pourrait avoir – la Nupes réclamant une commission d’enquête sur le sujet –, il affirme, bravache, en référence à une phrase culte de l’ancien président Jacques Chirac : « Je conçois tout à fait qu’on veuille s’attaquer à ma pomme, ça fait cinq ans et demi. Très sincèrement, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. » Et si la Nupes se focalise sur ce sujet, c’est qu’« elle a perdu la boussole ».

    Emmanuel Macron semble persuadé que cette affaire n’occupera les esprits qu’un temps. « Voyez l’état de notre débat public ! On est là, dans un moment essentiel de notre pays (…) et on parle de quelque chose – je vous fiche mon billet – dont on ne parlera plus dans un mois », assure-t-il. Le camp présidentiel estime que la polémique s’éteindra d’elle-même faute de passionner l’opinion. Les services comme Uber, Deliveroo ou Uber Eats sont passés dans les mœurs sans que le statut des travailleurs de ces plates-formes n’émeuve outre mesure. Dans la matinée, le ministre des comptes publics, Gabriel Attal, avait assuré sur le même thème que l’opposition faisait « une tonne de mousse avec un gramme de savon ». Une image qu’il avait déjà utilisée en 2018 lorsqu’il était porte-parole du gouvernement. A l’époque, il s’agissait de minimiser l’affaire Benalla.

    Claire Gatinois

    https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/07/12/uber-files-emmanuel-macron-assume-son-implication-dans-le-developpement-d-ub

    certaines têtes à claques appellent le billot

    #économie_triomphante