odilon

artiste aux mains pleines de doigts - visionscarto.net - Autrice de Bouts de bois (La Découverte)

  • « Le #capitalisme entre dans sa phase sénile » — Samir AMIN
    http://www.legrandsoir.info/le-capitalisme-entre-dans-sa-phase-senile.html

    Justement, ces plans d’austérité se succèdent, soi-disant pour réduire les dettes des États. Or on sait que cela aggrave la crise. Les dirigeants politiques sont-ils des imbéciles ?

    Samir Amin. Mais non ! C’est sur l’objectif qu’il y a mensonge. Lorsque les gouvernements prétendent vouloir la réduction de la dette, ils mentent délibérément. L’objectif n’est pas la réduction de la dette mais que les intérêts de la dette continuent à être payés, et de préférence à des taux encore plus élevés. La stratégie des monopoles financiarisés, au contraire, a besoin de la croissance de la dette – le capital y gagne, ce sont des placements intéressants.

    Entre-temps, les austérités aggravent la crise, il y a clairement contradiction. Comme le disait Marx, la recherche du profit maximal détruit les bases qui le permettent. Le système implose sous nos yeux mais il est condamné à poursuivre sa course folle.

    Après la crise des années 1930, l’Etat a tout de même pu surmonter partiellement cette contradiction, et une politique keynésienne de relance a été menée.

    Samir Amin. Oui, mais quand cette politique keynésienne a-t-elle été introduite ? Au début, la riposte à la crise de 1929 a été exactement la même qu’aujourd’hui : des politiques d’austérité, avec leur spirale descendante. L’économiste Keynes disait que c’était absurde et qu’il fallait faire le contraire. Mais ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale qu’on l’a écouté. Pas parce que la bourgeoisie était convaincue par ses idées, mais parce que cela lui a été imposé par la classe ouvrière. Avec la victoire de l’Armée rouge sur le nazisme et la sympathie pour les résistants communistes, la peur du communisme était bien présente.

    Aujourd’hui, quelques-uns – ils ne sont pas très nombreux – des économistes bourgeois intelligents peuvent dire des mesures d’austérité qu’elles sont absurdes. Et alors ? Tant que le capital n’est pas contraint par ses adversaires à mettre de l’eau dans son vin, cela continuera.

    Quel est le lien entre la crise surgie voici quelques années et celle des années 1970 ?

    Samir Amin. Au début des années 1970, la croissance économique a subi une chute. En quelques années, les taux de croissance sont tombés à la moitié de ce qu’ils avaient été lors des trente glorieuses : en Europe, de 5 à 2,5 %, aux États-Unis, de 4 à 2 %. Cette chute brutale était accompagnée d’une chute de même ampleur des investissements dans le secteur productif.

    Dans les années 1980, Thatcher et Reagan ont réagi par des privatisations, la libéralisation des marchés financiers et une très dure politique d’austérité. Cela n’a pas fait remonter les taux de croissance, mais les a maintenus à un très bas niveau. Par ailleurs, le but des libéraux n’a jamais été le rétablissement de la croissance, quoi qu’ils en disent. Le but était surtout de redistribuer les revenus vers le capital. Mission accomplie.

    • Au début des années 1970, la croissance économique a subi une chute.

      Pour moi cette époque, c’est la fin du pétrole « gratuit », et en même temps le début de la saturation planétaire, en tous cas occidentale. La fin de la poule aux oeufs d’or industrielle pour les capitalistes : la surproduction a engendré une forte concurrence entre les entreprises (entendez entre les travailleurs), ce qui a menacé leurs profits traditionnels. Les capitalistes ont donc dû étendre leur champ d’action.

      Effectivement c’était le début de la fin, le début de la sénilité... La fin de l’expansion industrielle marque le début de la « globalisation », à savoir la vampirisation de toutes les activités humaines pour capter de nouveaux profits.
      Avec le mot mondialisation, on a voulu nous faire croire qu’il ne s’agissait que d’une uniformisation géographique des marchés et de la mise en concurrence de tous contre chacun pour les bienfaits de la performance économique. On prend conscience aujourd’hui à quel point il s’agissait simplement de remplacer la croissance matérielle par une interminable pressurisation prédatrice de la population active de la planète pour garantir la croissance des profits...