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  • La Nouvelle-Calédonie en manque de bras
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/13/la-nouvelle-caledonie-en-manque-de-bras_6141461_3234.html

    La Nouvelle-Calédonie en manque de bras
    Pour la première fois en quarante ans, l’archipel connaît une décrue démographique. La pénurie de main-d’œuvre touche tous les secteurs mais en particulier celui de la santé.
    Par Claudine Wéry(Nouméa, correspondante)
    Publié le 13 septembre 2022 à 17h07
    C’est l’archipel du plus beau lagon du monde et de la langueur océanienne. Pourtant, la Nouvelle-Calédonie ne donne plus envie. « Je cherche trois responsables administratif et financier depuis huit mois. Je ne trouve personne, c’est un cauchemar de recruter », témoigne Romain Babey, le dirigeant d’une entreprise de produits d’hygiène et vice-président de la Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie (FINC). Son cas n’est pas isolé. A la tête d’une des principales agences de recrutement de Nouméa, Danièle Brault-Delahaie a sous le coude des offres en pagaille. « On me demande des ingénieurs, des comptables, des financiers, des mécaniciens, des chauffeurs, des maçons, des techniciens informatique, des échafaudeurs, des responsables RH… Même de simples vendeuses », égrène cette dynamique quinqua, dont les offres « à partir du bac ont augmenté de 30 % ».
    Cette disette de bras n’est pas due à une effervescence de l’économie – le PIB de l’archipel est en recul depuis trois ans –, mais à une décrue démographique. Pour la première fois en quarante ans, l’Institut de la statistique et des études économiques (ISEE) a observé un solde migratoire négatif de 10 600 personnes lors du recensement de 2019, comparé à celui de 2014. Et le phénomène se confirme au fil des ans, de sorte que les experts chiffrent aujourd’hui l’exode à « environ 17 000 personnes » en huit ans, pour les trois-quarts non natives de Nouvelle-Calédonie. « La vie économique a toujours été faite de hauts et de bas, mais c’est la première fois que je vois un phénomène lourd et installé depuis environ cinq ans. Il n’y a plus les mouvements [de population] avec la métropole comme auparavant, et les étudiants calédoniens n’ont pas envie de revenir faute de perspective », s’inquiète Danièle Brault-Delahaie.
    « Ce sont des gens avec des compétences qui occupaient des emplois qualifiés qui sont partis », abonde Charles Roger, directeur de la chambre de commerce et d’industrie, citant l’exemple du secteur bancaire où « 10 % des emplois sont vacants ». Mais l’impact le plus explicite et aussi le plus dramatique de ces milliers de départs concerne la santé. « La Nouvelle-Calédonie est devenue un désert médical. Nous sommes dans une situation très grave, qui va durer plusieurs années et va coûter très cher alors que les déficits sociaux sont déjà énormes », s’alarme Joël Kamblock, cardiologue et membre du bureau du syndicat des médecins libéraux (SML). Une enquête récemment commandée par ce syndicat a mis en lumière un tableau catastrophique : plus de la moitié des généralistes et 67 % des spécialistes de Calédonie ont plus de 55 ans, la densité de médecins généralistes libéraux est de 53,8 pour 100 000 habitants contre 78,9 en métropole, et en cinq ans une vingtaine de praticiens ont fermé boutique, sans trouver de successeur. Dans le même temps, le nombre de patients en longue maladie a augmenté de moitié pour atteindre le chiffre record de 17,5 % de la population totale (271 000 habitants) alors que diabète, obésité et maladies respiratoires font des ravages.
    Dans les hôpitaux et dans les cliniques, des lits sont fermés, cardiologues, gastro-entérologues, pneumologues, infirmiers, kinésithérapeutes, ou aides-soignants sont désespérément recherchés. Et, en brousse (hors Grand Nouméa), la moitié des dispensaires n’ont plus de médecins. « Au Médipôle [hôpital territorial], seuls 5 des 12 postes du service de cardiologie sont pourvus. Ce n’était plus possible d’organiser des gardes, donc les libéraux ont pris des astreintes », rapporte Joël Kamblock. Un sujet que doit évoquer le ministre délégué à l’outre-mer, Jean-François Carenco, qui a entamé lundi 12 septembre une visite de quatre jours en Nouvelle-Calédonie.
    Tous les acteurs désignent « un manque d’attractivité multifactoriel ». En haut de la pile, les incertitudes politiques alors que, après trois référendums successifs sur l’indépendance en 2018, en 2020 et en 2021 – tous remportés par les partisans du maintien dans la France –, la Nouvelle-Calédonie, qui suit depuis 1998 un processus évolutif de décolonisation, doit s’inventer un nouveau statut. Pour le moment, loyalistes et indépendantistes se livrent à un anxiogène concours de radicalité, et les discussions sont au point mort.
    La fermeture des frontières pendant près de dix-huit mois lors de la crise liée à la pandémie de Covid qui a fait fuir de nombreux métropolitains, angoissés à l’idée d’être à nouveau bloqués à 18 000 kilomètres de leurs familles, la multiplication des agressions violentes dont sont victimes les médecins ou les règles de protection du marché de l’emploi local (il faut une durée de résidence minimale sur le territoire pour avoir accès à l’emploi) sont autant de repoussoirs. « Quand on tape “Nouvelle-Calédonie” sur Google, on tombe sur “vie chère”, “désert médical”, “déficits sociaux”, “risque requin”, et en plus il pleut depuis deux ans ! [en raison du phénomène climatique la Niña] », résume Romain Babey. N’en jetez plus !

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