• « Giorgia Meloni », la Flamme et le Capital
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    Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir.
    -- Frantz Fanon

    Reprenant l’incessante interrogation sur le contenu politique et idéologique des signifiants successifs, ces « noms » qui nous gouvernent, et dont on pressent bien qu’il s’agit précisément de noms, et non de corps réels, nous nous interrogeons ici sur celui de Giorgia Meloni.

    Le portrait de la femme est ciselé. Rien ne dépasse. Rien. Vous pouvez cherchez, vous ne trouverez rien. C’est ce qu’elle martèle.

    C’est que nous avons pris l’habitude, dans un vieil esprit jacobin, de nous intéresser toujours plus aux « affaires » qu’aux idées. Une part de la gauche jacobine et bien implantée médiatiquement, a ouvert la voie. Peu d’intérêt pour la matérialité des rapports de classes et de dominations, ainsi que pour nos luttes quand elles se déploient en marge des autoroutes balisées de l’institution, alors que les tricheries, les faux-semblants, les histoires de coucherie semblent la fasciner.

    Tout ceci se fond aimablement dans le Spectacle. C’est émouvant. Et nous en parlons à table.

    Pour Giorgia Meloni, l’affaire est entendue : à 15 ans, elle milite au MSI, le parti mussolinien rescapé de la chute de Benito ; à 19 ans, elle occupe des fonctions « jeunesse » au sein d’Alleanza nazionale, nouvelle entité actant une stratégie de conquête de l’hégémonie au sein de la droite populiste ; à 29 ans, elle est élue députée ; à 31 ans, elle est nommée ministre des sports et de la jeunesse sous la présidence du conseil de Berlusconi ; puis elle fait sécession, crée son propre parti, Fratelli d’Italia, et met 10 ans — ce qui est peu et rapide, c’est selon —, pour parvenir à la conquête du pouvoir institutionnel.

    Ces éléments sont à peu près tout ce qu’on raconte sur elle, en France, en Europe et dans le monde.

    Disons que la vie et l’œuvre de Giorgia Meloni résume assez bien l’histoire du postfascisme italien, de sa recomposition précoce dès 1946 à l’inflexion donnée à sa stratégie de conquête de pouvoir : le fascisme diluable dans la démocratie bourgeoise et dans la société du spectacle, en somme.

    Passons au cœur de l’affaire, maintenant. La propagande identitaire, pour commencer.

    Il y a cette anaphore célèbre, et répétée jusqu’à l’écœurement :

    Je suis Giorgia.
    Je suis une femme.
    Je suis une mère.
    Je suis italienne.
    Je suis chrétienne.

    reprise en boucle sur les écrans, elle fait danser la jeunesse non nécessairement fasciste d’Italie. Littéralement. En effet, Giorgia Meloni, cette figure du « postfascisme » italien est indéniablement diluable dans la culture pop. Et cela n’a rien d’étonnant : le #postfascisme n’est pas un retour au fascisme historique de 1922-1943, il n’est que la stratégie employée par le pouvoir néocapitaliste afin de demeurer hégémonique.

    [...]

    Le corps de l’État, c’est sa puissance policière, il est visible en tant que main d’oeuvre servile et militarisée, et toujours au service du néocapitalisme. C’est afin de masquer cette inféodation de l’État au Capital, qu’un nom nouveau émerge régulièrement, et ce afin d’offrir une coloration nouvelle au signifiant-vide de la politique institutionnelle.

    N’empêche que l’État moderne est en crise permanente depuis son avènement, et précisément parce que son corps réel fait défaut. Que furent le fascisme et le nazisme, si ce n’est une tentative de donner un corps à l’État, en misant sur la constitution d’un socle identitaire fondé sur la stigmatisation et l’élimination de toute altérité, ethnique ou politique.

    #gauche #anti-féminisme #féminisme_bourgeois #réfugiés