Xi Jinping, le nouvel empereur rouge de la Chine (4mn)
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On le compare à Mao Zedong. Le président Xi Jinping est sur le point d’obtenir un troisième mandat à la tête de la Chine, lors du congrès du Parti communiste chinois, qui débutera le 16 octobre. Xi Jinping, le nouvel empereur rouge de la Chine, c’est un reportage de Sébastien Berriot.
Au fond de cette petite grotte, à flanc de montagne, un matelas est posée à même le sol, avec au-dessus une photo de Xi Jinping adolescent. On est dans le petit village de Liang Jiahe, à 1000 kilomètres à l’ouest de Pékin. C’est ici, dans cette campagne très pauvre, que le jeune Jinping a vécu quand il avait 15 ans, envoyé de force à la fin des années 1960 dans le cadre d’un vaste programme de rééducation de la jeunesse.
Xi Jinping a travaillé la terre pendant sept ans dans ce village qui est aujourd’hui transformé en musée et lieu de pèlerinage national à la gloire du président. Des bus emmènent chaque jour des milliers de visiteurs. On est cœur du système de propagande qui présente le président comme un enfant du peuple.
Le discours de la guide est bien rodé : « Camarades, aujourd’hui, nous sommes venus ensemble à Liang Jiahe pour retracer les empreintes de notre nouvelle génération de dirigeants. Notre Secrétaire Général a dit que la vie ici pendant sept ans dans les montagnes était un grand exercice pour lui. Lorsqu’il était un jeune homme ordinaire âgé de 16 ou 17 ans, il a accompli un travail pratique pour améliorer le sort des gens dans le futur. Aujourd’hui, son idéal s’est effectivement réalisé. Je partage avec vous les mots de notre Secrétaire Général, ’Quand le pays va bien, la nation va bien, et tout le monde va bien »."
Une légende construite au fil des années
Prince rouge au milieu des champs, Xi Jinping a construit sa légende dans ces campagnes où le culte de la personnalité a bien produit ses effets. Ici, la conscience politique et les critiques sont quasiment inexistantes. Le président est vu comme un bienfaiteur. « Mes ancêtres vivent ici depuis des générations », indique un homme, âgé, qui n’a pas oublié le jeune Jinping*. « J’ai rencontré Xi quand il était un grand garçon, un adolescent. Nous avons travaillé ensemble, fait toutes sortes de travaux, planté des graines, des céréales et des légumes. Je suis content, parce qu’aujourd’hui, il pense aux paysans, cultivateurs*. »
« Quand il est revenu en 2015, tout notre village l’a accueilli et tout le monde l’a immédiatement reconnu, comme si c’était un homme du village, revenu voir sa famille », ajoute sa compagne. « Je l’ai appelé Jinping comme avant. Je suis contente de son travail. Grâce à lui, la vie s’est améliorée. Avant on se nourrissait uniquement de mil. Maintenant, on utilise le blé, et la farine. »
"Le modèle Poutine"
Sa réélection est présentée comme une formalité. Après dix ans à la tête du parti, Xi Jinping a accumulé les pouvoirs. Une vaste campagne contre la corruption lui a permis d’éliminer ses opposants à la tête du parti. Quant à la base du PCC, elle est acquise à la cause du président de façon presque automatique, analyse un politologue chinois, dont nous ne publions pas l’identité. Cet ancien professeur de sciences politiques au sein de la prestigieuse université Tsinghua de Pékin est l’un des rares universitaires à continuer de critiquer publiquement le régime communiste.
« Chaque cellule de base du PCC étudie en permanence les discours et les écrits de XI. Il a publié plus de 100 livres au cours des dix dernières années et d’après mes propres calculs, il prononce en moyenne deux discours importants par semaine, que les membres du parti doivent étudier », explique cet ancien professeur. « Cet apprentissage collectif est une sorte de lavage de cerveau. Depuis dix ans, les 90 millions de membres du PCC ont en fait progressivement perdu leur capacité à douter et à critiquer. La grande majorité des Chinois n’a pas conscience du danger que représente un tel parti et un tel dirigeant. »
Ce politologue ose faire le lien entre Xi Jinping et Vladimir Poutine : « Cela suit exactement le modèle de Poutine. Sa réélection, son mode de contrôle sur la société. C’est en fait un exemple pour Xi, qui a rencontré Poutine 38 fois au cours des dix dernières années. Il a en fait son professeur. »
Des questions que personne ne se pose dans le petit village de Liang Jiahe. Pour les paysans, le troisième mandat de Xi Jinping est simplement vécu comme une continuité de l’histoire.