• « Donnez-moi la liberté ou donnez-moi le Covid ! » : Les manifestations anti-prévention comme déssurrection nécropopuliste | Jack Bratich
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    Achille Mbembe s’est principalement concentré sur les dimensions nécropolitiques des institutions de l’État. Mais nous devons penser au-delà de la forme étatique, car les événements récents montrent que la nécropolitique est aussi et surtout le fait d’acteur·ices non étatiques.

    Jack Z. Bratich est professeur associé au département de journalisme et d’études médiatiques de l’université Rutgers, aux États-Unis. Il développe une approche critique au croisement de la culture populaire et la culture politique. Il est l’auteur de Conspiracy Panics : Political Rationality and Popular Culture et co-éditeur de Foucault, Cultural Studies, and Governmentality. Il a récemment publié On Microfascism : Death, Gender and War chez Common Notions.

    En 2020 la pandémie de COVID-19 a mis à nu la gouvernance, les normes et les relations sociales insoutenables qui définissent le capitalisme racial. La crise a mis en lumière un « capitalisme du désastre » du coronavirus (Solis et Klein 2020) ainsi qu’une « solidarité pandémique » basée sur l’entraide (Sitrin et Colectiva Sembrar 2020). Cette rupture pourrait-elle ouvrir un espace de lutte qui ne serait pas refermé par une re-légitimation ou une re-stabilisation typique de l’après-crise ? En effet, nous pourrions bien être en train d’observer les prémisses d’une restauration plus belliqueuse. Comme l’a dit Gramsci (1996, p. 33) (et comme l’ont récemment rappelé de nombreu·ses commentateur·ices), nous vivons un moment où « l’ancien se meurt et le nouveau ne peut pas encore naître : dans cet interrègne, les phénomènes morbides les plus divers se produisent ». Dans cette brève note, je me penche sur l’un de ces phénomènes morbides, plus précisément sur les individu·es et les groupes qui sont politiquement préoccupés par la morbidité en tant que telle. En partant des manifestations de 2020 contre le confinement et le port du masque aux États-Unis, j’esquisse les traits d’une large sensibilité réactionnaire caractérisée par un mouvement politique descendant, ou déssurrection, qui trouble les notions de « populaire » et de populisme.

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    La dimension raciale de cette homogénéité apparaît clairement dans une pandémie qui touche de manière disproportionnée les communautés de couleur. Sara Ahmed (2004) affirme que les affects racialisés ne se présentent pas toujours comme de la haine des autres mais aussi comme l’amour de sa propre identité (excluante et exclusive). Les cris anti-masque en faveur de la « liberté individuelle » sont en fait des défenses passionnées de l’homogénéité - d’une blanchité qui s’exprime par un mépris de la vie des autres, une indifférence à l’égard de cell·eux qui sont différent·es. Les accents eugénistes de la pancarte anti-confinement dans le Tennessee, qui disait « Sacrifier les faibles », annonçaient ainsi une blanchité qui défini qui est indigne de bénéficier de soins et de protection.

    #covid-19 #nécropolitique #microfascisme