• 25.10.2022. Mort de Blessing Matthew : Face à l’impunité en France, nous introduisons une requête devant la #Cour_européenne_des_droits_de_l’homme

    Nous refusons d’accepter qu’à la violence qui coûta la vie à Blessing Matthew s’ajoute celle de l’impunité !

    Le 9 mai 2018, le corps d’une jeune femme est découvert dans la Durance au barrage de Prelles, une dizaine de kilomètres en aval de Briançon (Hautes-Alpes, France). La jeune femme est identifiée quelques jours plus tard comme étant Blessing Matthew, âgée de 21 ans et originaire du Nigeria. Elle avait été vue pour la dernière fois le 7 mai, entre 4 heures et 5 heures du matin, alors que des gendarmes mobiles tentaient de l’interpeller avec ses deux compagnons de route, Hervé S. et Roland E., dans le hameau de La Vachette, à proximité de la frontière franco-italienne.

    Au-delà de la douleur de sa famille et de ses deux compagnons de route, la mort de Blessing a suscité une vive émotion dans le Briançonnais. Elle a concrétisé les craintes, maintes fois exprimées par la société civile, concernant la militarisation de la frontière haute-alpine et ses conséquences dangereuses pour les personnes exilées. C’est le premier cas documenté d’une personne exilée décédée dans le Briançonnais, depuis la décision du gouvernement français de rétablir les contrôles fixes aux frontières en 2015. Depuis lors, plusieurs autres cas ont été documentés. Au total, de 2015 à mai 2022, 46 personnes ont trouvé la mort en tentant de franchir la frontière franco-italienne.

    À la suite de sa mort, la famille de Blessing – soutenue par l’association briançonnaise Tous Migrants – n’a eu de cesse de demander vérité et justice pour sa mort. Or, en réponse à la plainte déposée le 25 septembre 2018 par une des sœurs de Blessing, Christiana Obie, le 15 novembre 2019, le procureur de Gap décide d’un non-lieu ab initio, une décision confirmée par la suite.

    Ce processus judiciaire n’a pas permis de faire la lumière sur les faits ayant mené à la mort de Blessing et les responsabilités impliquées. Au contraire, l’analyse par Tous Migrants du dossier d’enquête du procureur, et notamment des déclarations des gendarmes mobiles, a révélé de nombreuses incohérences, contradictions et zones d’ombres.

    À la demande de l’association Tous Migrants et en collaboration avec elle, et grâce à la contribution fondamentale d’un des compagnons de route de Blessing Matthew, Hervé S., l’agence Border Forensics à mobilisé des méthodes d’analyse spatio-temporelle de pointe pour mener sa propre contre-enquête. L’analyse de Border Forensics a permis, grâce au témoignage in situ d’Hervé S., de confirmer et de préciser la reconstitution des événements. Selon ce témoignage, en poursuivant Blessing, les gendarmes l’ont mise en danger, menant à sa chute dans la Durance et à sa mort. De plus, Border Forensics a réalisé une analyse spatio-temporelle des déclarations des gendarmes qui a fait émerger les nombreuses omissions, contradictions et zones d’ombre de l’enquête de police judiciaire concernant les conditions qui ont mené à la mort de Blessing.

    L’analyse produite par Border Forensics, publiée le 30 mai 2022, a ainsi remis en cause les conclusions de l’enquête de police judiciaire disculpant les gendarmes. Compte tenu de ces nouveaux éléments qui apportent un éclairage inédit et déterminant sur les faits, une demande a été déposée le 27 mai 2022 par Maître Vincent Brengarth auprès du Parquet Général de Grenoble, une demande de réouverture de l’instruction sur charges nouvelles a été déposée le 27 mai 2022 par Maître Vincent Brengarth auprès du Parquet Général de Grenoble.

    Or, contre toute attente, le 23 juin 2022, le procureur général a indiqué qu’il n’envisageait pas de saisir la chambre de l’instruction. Le procureur général, par sa décision qui tient en quelques lignes et qui a été prise en très peu de temps, a balayé tous les éléments nouveaux apportés par Border Forensics et a refusé d’entendre le témoignage d’Hervé S. qui, pour la première fois, révélait l’existence d’un véritable guet-apens. Cette décision a totalement fait fi des éléments nouveaux qui devaient justifier des investigations complémentaires, conformément aux obligations pesant sur la justice en la matière.

    En réaction aux circonstances de la mort de sa sœur, Happy Matthew nous a dit : “Ils ont juste laissé une personne mourir parce qu’elle n’est pas blanche comme eux, elle n’est pas Française comme eux.” Le déni de vérité et de justice qu’a confirmé le procureur général perpétue ainsi le traitement discriminatoire et inhumain de Blessing Matthew après sa mort.

    Nous refusons qu’à la violence qui coûta la vie à Blessing Matthew s’ajoute celle de l’impunité. Comme le dit Christiana Obie : « Ma soeur continuera de hurler et hurler » tant que justice ne sera pas faite. Au-delà du cas de Blessing, l’impunité pour les morts de personnes migrantes aux frontières italo-françaises permet de perpétuer les politiques et pratiques de contrôles et de renvois systématiques mettant les exilé·es en danger.

    Ainsi, considérant l’impératif de vérité et de justice pour Blessing et l’épuisement des voies de recours en France, Maître Vincent Brengarth a déposé une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 20 octobre 2022. Cette requête contre la France souligne l’absence d’enquête effective et le manque d’indépendance de celle-ci. Elle se fonde en effet sur les obligations pesant sur les États membres en vertu de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui protège le droit à la vie. Le refus de prise en compte de ce témoignage révèle a posteriori l’absence d’indépendance dans le cadre des investigations menées mais également leur partialité. Par ailleurs, la requête tend également à dénoncer l’absence de tout recours pour dénoncer la position du Parquet Général refusant de rouvrir l’information judiciaire malgré les éléments produits et par le truchement d’une motivation expéditive. Maître Vincent Brengarth déclare au sujet de la procédure : “Il est indispensable que la CEDH condamne la France pour la manière inacceptable dont elle a instruit le décès de Blessing qui n’a pas bénéficié d’une enquête indépendante et impartiale”.

    À l’occasion du dépôt de la requête devant la CEDH, Border Forensics publie la reconstruction vidéo complète de l’analyse spatio-temporelle des contradictions des déclarations des gendarmes, et publie la traduction anglaise de l’ensemble de son rapport.

    Rien n’arrêtera notre demande de « vérité et justice pour Blessing » !

    https://www.borderforensics.org/fr/updates/25-10-2022-mort-de-blessing-matthew-face-a-limpunite-en-france-nous

    #CEDH #courEDH #justice #Blessing_Matthew
    #décès #morts_aux_frontières #asile #migrations #frontières #Hautes-Alpes #Briançon #La_Vachette #Briançonnais #France #gendarmes #border_forensics #mourir_aux_frontières #Blessing
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    voir aussi ce fil de discussion sur l’"affaire Blessing" :
    https://seenthis.net/messages/962473

    • Mort d’une Nigériane dans les Alpes : la Cour européenne des droits de l’Homme saisie par Tous Migrants

      L’association Tous Migrants a annoncé, mardi, avoir déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme au sujet du décès en 2018, de Blessing Matthew, une jeune Nigériane, morte noyée près de Briançon, après avoir franchi la frontière franco-italienne. Deux non-lieux avaient été prononcés au terme de l’enquête.

      La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) va-t-elle réussir à faire la lumière sur les circonstances de la mort de Blessing Matthew ? L’association Tous Migrants a annoncé, mardi 25 octobre, avoir saisi l’instance européenne concernant la mort, en 2018, de cette jeune Nigériane, dans les Hautes-Alpes, après un contrôle de gendarmerie.

      « Nous refusons d’accepter qu’à la violence qui coûta la vie à Blessing Matthew s’ajoute celle de l’impunité ! », déclare l’association dans un communiqué.

      L’enquête sur les circonstances du décès, portant notamment sur un contrôle de gendarmerie à la frontière, en la présence de Blessing Matthew le 7 mai 2018, avait d’abord été classée sans suite par le parquet de Gap. La sœur de la victime, Christiana Obie Darko, avait déposé plainte avec constitution de partie civile et une information judiciaire avait été ouverte. Elle avait conclu à un non-lieu, le 18 juin 2020, confirmé en appel le 9 février 2021.

      Le 13 juin dernier, Tous Migrants et la sœur de l’exilée avaient déposé une demande de réouverture d’information judiciaire, en invoquant le nouveau témoignage fourni par un des « exilés pourchassés par les gendarmes » évoquant un « véritable guet-apens ».
      « Help me, help me »

      Cette personne, présentée comme Hervé S., avait fait, en mai 2018, la route depuis l’Italie avec Blessing Matthew. Il assure que les gendarmes les ont repérés dans le village de La Vachette et que l’un d’eux a poursuivi Blessing dans un jardin près de la Durance. La jeune femme serait alors tombée dans l’eau en voulant lui échapper.

      « Je l’ai entendue crier : ’Help me, help me !’ [’Aidez-moi, aidez-moi !’] Au fur et à mesure qu’elle criait, sa voix s’éloignait… Ensuite, le gendarme est allé dire à ses collègues qu’elle était tombée dans la rivière mais qu’elle avait peut-être traversé. Ils n’ont pas appelé les secours. Des gendarmes sont allés [essayer de] chercher Blessing de l’autre côté », avait confié Hervé S. à Médiapart en avril dernier.

      Tous Migrants s’est également appuyé sur les travaux de Border forensics, qui a recueilli le témoignage de Hervé S. « in situ », et reconstitué la scène qui s’est déroulée dans le village de La Vachette. Une investigation qui contredit l’enquête de police judiciaire.

      Le procureur général de Grenoble avait indiqué, fin juin, qu’il ne donnerait pas suite à la demande de réouverture d’une information judiciaire, indiquant que Hervé S avait été interrogé et n’avait pas évoqué de guet-apens.

      http://www.infomigrants.net/fr/post/44294/mort-dune-nigeriane-dans-les-alpes--la-cour-europeenne-des-droits-de-l

    • Justice for Blessing: Contesting Police Violence at the Franco-Italian Border

      On October 25th, Tous Migrants, a French migrant advocacy organization, announced that it had filed an appeal with the European Court of Human Rights concerning the death of Blessing Matthew, a young Nigerian woman who died after crossing the Franco-Italian border. This appeal is based in part on new evidence in the case that came to light in an investigation by Border Forensics.

      Blessing Matthew was 21 years old, from Nigeria, and had graduated high school there. She arrived in Italy in the autumn of 2016 but was unable to secure the right to stay or find work, so she decided to continue her journey. On the night of May 7th 2018, she crossed the border from Italy to France. Two days later her body was found in the Durance River, several kilometers downstream from the border. The sequence of events that led to her death was unclear until Border Forensics conducted an investigation to reconstruct the events. Using new witness testimony from one of Blessing’s fellow travelers, alongside additional evidence, Border Forensics conducted a spatio-temporal analysis to visually reconstruct the scene. Border Forensics has shown that French police may have endangered Blessing in a way that led to her fall into the river and ultimately to her death.

      Border Forensics takes an innovative approach combining academic inquiry and activism with the goal of revealing border violence and seeking mobility justice. Their investigations bring together civil society, academics, and migrants and their families in a way that recognizes the distinct knowledge that each party contributes. This enables them to reveal new information about the violence that takes place at borders around the world. In Blessing’s case, the previous investigation by the French police was inconclusive with contradictory statements from the police who saw Blessing the night she died. The two attempts to bring the case to court in France were dismissed, so the new evidence from Border Forensics that has been brought to the ECHR is the last resort to seek justice for Blessing.

      Blessing’s death falls into a larger pattern of police repression and violence at the Franco-Italian border. Migrants are criminalized for their mobility, facing verbal and physical violence from French police, and being refused entry to France despite their right to claim asylum. Residents of the town of Briançon and activists have mobilized in solidarity with migrants, running a shelter for migrants and going to the border and look for people who are in need of assistance after crossing. My doctoral research considers how citizens and migrants act in solidarity together in this region despite the threat of criminalization. I spent a year conducting fieldwork at this border, and with the support of a UACES microgrant, I was able to return after I had completed my fieldwork in order to share my findings with the people who have contributed to my research. As an activist academic, I seek to ensure that my research is engaged with community priorities and done in a way that is not extractive. Even though I am no longer in the field, collaborating with Border Forensics to translate the investigation and publicize it in English is a way for me to contribute and stay engaged in the cause for justice at this border.

      https://uacesoneurope.ideasoneurope.eu/2022/11/01/justice-for-blessing-contesting-police-violence-at-the-f

    • Le 23 novembre 2022, la CEDH informe Tous Migrants et la famille de Blessing que la requête est recevable !!

      Le 7 mai 2018, Blessing Matthew chutait dans la Durance en crue, alors qu’elle était poursuivie par une patrouille de gendarmes mobiles. Les deux personnes qui l’accompagnaient avaient réussi à se cacher. Depuis sa cachette, Hervé voyait et entendait toute la scène qu’éclairaient les torches des gendarmes mobiles.

      Au-delà de la douleur de sa famille et de ses deux compagnons de route, la mort de Blessing a suscité une vive émotion dans le Briançonnais. Elle a concrétisé les craintes, maintes fois exprimées par la société civile, concernant la militarisation de la frontière haute-alpine et ses conséquences dangereuses pour les personnes exilées. C’est le premier cas documenté d’une personne exilée décédée dans le Briançonnais, depuis la décision du gouvernement français de rétablir les contrôles fixes aux frontières en 2015. Depuis lors, plusieurs autres cas ont été documentés. Au total, de 2015 à mai 2022, 46 personnes ont trouvé la mort en tentant de franchir la frontière franco-italienne.

      À la suite de sa mort, la famille de Blessing - soutenue par l’association briançonnaise Tous Migrants - n’a eu de cesse de demander vérité et justice pour sa mort. Mais la justice française a refusé toute instruction depuis le classement sans suite de l’enquête du procureur disculpant les gendarmes mobiles. Elle a refusé d’entendre le témoin et d’examiner les nombreuses omissions, contradictions et zones d’ombre de l’enquête de police judiciaire, mises en évidence par notre contre-enquête et par celle de Border Forensics.

      Face à l’impunité des responsables et au déni de justice en France, nous avons déposé une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 25 octobre.

      Le 23 novembre, la CEDH nous a signifié que notre requête était recevable et que la Cour allait donc l’examiner.

      Nous espérons que sa décision obligera la justice française à ouvrir l’instruction et faire correctement son travail, en toute impartialité. Mais cela peut prendre du temps, pour ne pas dire des années. Nous allons donc poursuivre notre travail de sensibilisation sur ce drame qui est la conséquence d’une politique responsable de dizaines de morts dans les alpes, de centaines de morts aux frontières de notre pays et de dizaines de milliers de morts aux frontière de l’Europe.

      source : newsletter Tous Migrants, décembre 2022