François Isabel

Ni dieu, ni maître, nirvana

  • Archéologie : la plus vieille preuve de cuisson d’un aliment peut-être découverte en Israël
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    Des chercheurs israéliens ont découvert des restes de poissons cuits à basse température, révélant peut-être la preuve la plus ancienne de cuisson d’un aliment, il y a 780 000 ans

    On sait bien peu de choses sur les habitudes alimentaires des premières lignées humaines. Les paléontologues supposent que la cuisson des aliments, en les rendant plus masticables, digestes et plus sains, a grandement contribué à l’expansion du genre humain. Jusqu’à ce jour, on n’avait pas de preuve d’une cuisson des aliments, par Homo sapiens ou Neandertal, au-delà de 170 000 ans. Mais une équipe d’archéologues israéliens pourrait avoir découvert la preuve la plus ancienne de cuisson d’un aliment, il y a 780 000 ans. Des restes d’une sorte de carpe, cuite, peut-être à des fins alimentaires.

    « C’était comme être face à un puzzle, avec de plus en plus d’informations jusqu’à pouvoir raconter une histoire sur l’évolution humaine », explique Irit Zohar, ichtyoarchéologue (étude de l’évolution des poissons) au Muséum d’histoire naturelle Steinhardt de l’Université de Tel-Aviv. Cette dernière est la première autrice de l’étude parue lundi dans Nature Ecology and Evolution, couronnant seize ans de travaux.

    Ces recherches contribuent à enrichir le catalogue de milliers de restes de poisson, trouvés sur le site de Gesher Benot Ya’aqov, dans le nord d’Israël. L’endroit, sur les rives du Jourdain, a conservé l’histoire d’un lac disparu, Houla, aujourd’hui réserve naturelle. Plusieurs couches archéologiques y recèlent quantité d’os de poisson. Mais là où la plupart contenaient aussi bien des os que des dents, l’une d’elles « ne contenait quasiment aucun os et presque que des dents », raconte Irit Zohar.

    Premier indice d’une possible cuisson, car les os de poisson se transforment en gélatine une fois chauffés à quelques centaines de degrés, se conservant moins bien. À ce même endroit, les scientifiques ont identifié des morceaux de charbon, associés à des foyers. Nous savons également qu’un ancêtre humain disparu, probablement Homo erectus, maîtrisait le feu pour se chauffer il y a déjà 1,7 million d’années.

    Brûlés à basse chaleur

    Mais les os de poisson manquants auraient très bien pu disparaître dans un foyer, comme l’explique Anaïs Marrast, archéozoologue au Muséum national d’histoire naturelle de Paris pour « se débarrasser de déchets ou d’une volonté de cuisson ». Autre indice évoquant une cuisson alimentaire, la zone clé comptait une faible diversité d’espèces, contrairement aux autres, signant une sélection.

    L’élément décisif est venu avec l’étude des dents, et plus précisément de leur émail. Il a été soumis, au Muséum d’histoire naturelle de Londres, à des analyses de diffraction à rayon X, pour déterminer si une chauffe avait changé la structure des cristaux composant l’émail. Ils ont conclu que cette dernière ne pouvait être due à la fossilisation, et que les restes de poissons trouvés dans la zone clé avaient été « soumis à une chaleur allant de basse à modérée », sous les 500 degrés. De quelle façon ? Cela reste une énigme, selon l’étude qui suppose l’utilisation d’une sorte de four de terre.