• Un chauffeur de car licencié en Haute-Vienne pour avoir refusé de laisser une enfant seule en rase campagne Florence Clavaud-Parant - lepopulaire.fr/limoges
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    Pour éviter à une jeune collégienne de parcourir chaque jour 650 mètres à pied sur une route de campagne isolée, sans trottoir, sans marquage et dans le noir, le conducteur du car scolaire avait pris l’habitude de s’arrêter devant son domicile situé exactement sur son circuit. Il vient d’être licencié par son entreprise pour faute grave.

    Par souci de sécurité, un conducteur de car scolaire avait pris l’habitude de s’arrêter devant le domicile de certains enfants pour leur éviter d’avoir à marcher seuls dans le fossé, et parfois dans la nuit. Une initiative qui n’est pas du goût de son entreprise, qui vient de le licencier pour faute grave. 

    L’affaire, qui met en émoi la petite commune des Billanges, en Haute-Vienne, relance le débat sur la gestion humaine des transports scolaires en milieu rural. 

    650 mètres à pied, dans le fossé, sans éclairage
    A plusieurs reprises, la maman d’une collégienne de 12 ans (résidant au lieu-dit Entrecolle et scolarisée à Saint-Sulpice-Laurière) avait pourtant alerté les services compétents afin qu’ils prennent en compte le bien-fondé de la démarche du conducteur, en expliquant que les 650 mètres que doit parcourir chaque jour son enfant pour rejoindre son arrêt de bus (ou à l’inverse pour rentrer chez elle le soir) ne sont en fait qu’un long parcours du combattant. Un bord de route en rase campagne, sans trottoir, sans éclairage, sans marquages, sur un axe très fréquenté avec virages et problèmes de visibilité...

     « Il n’est évidemment pas question de laisser ma fille prendre de tels risques, d’autant que notre domicile est situé exactement sur le trajet du bus, explique Christelle Nozière. Mais nous nous sommes heurtés à un mur. La règle veut que si le domicile de l’enfant est à moins d’un kilomètre de l’arrêt initial, on ne crée par de nouvel arrêt. On s’est même entendu répondre “on va quand même pas aller chercher les enfants jusque dans leur lit”... »

    Licencié lundi 28 novembre
    Pourtant plusieurs fois averti par son nouvel employeur (la société Europ Voyage a repris le service sur cette ligne en septembre dernier) qu’il s’exposait à des sanctions, le chauffeur du car s’est malgré tout refusé à laisser l’enfant seule.

    Il a donc continué à s’arrêter matin et soir chez la jeune collégienne. Jusqu’à ce vendredi 25 novembre, où il s’est retrouvé convoqué pour un entretien préalable au licenciement.

    « J’ai reçu ma lettre ce lundi 28 en recommandé, explique le chauffeur, Damien Tabard. Pour moi ce n’est pas grave après tout, je trouverai un emploi par ailleurs on cherche des chauffeurs partout. Mais ça me fait de la peine de laisser des enfants que j’aimais bien. Je voulais qu’ils soient en sécurité. C’est difficile de laisser un enfant seul sur la route. Tout comme de contraindre une maman avec une poussette et son bébé à marcher le long d’une voie dangereuse pour rejoindre un arrêt alors que mon bus passe juste devant chez eux. »

    Des itinéraires obsolètes ?
    Car le cas de la jeune collégienne n’est pas unique. Dans ce secteur rural à l’habitat dispersé, les circuits scolaires ont visiblement du mal à s’aligner sur les besoins. Le chauffeur, qui travaillait dans le secteur depuis 17 ans, avait donc l’habitude de faire preuve d’une certaine souplesse.

    Il évoque des itinéraires mal réactualisés et obsolètes. « Je l’ai signalé plusieurs fois, mais rien n’a été fait. Du coup j’estimais que je devais m’adapter. On me reproche des "arrêts sauvages". Mais pour moi, ce sont des arrêts de sécurité. D’ailleurs, on me disait : "faites selon votre bon sens". Jusqu’à cette année... »

    Le maire demande une révision du circuit 
    Le maire des Billanges se dit étonné de la décision de l’entreprise. « Le chauffeur licencié est un monsieur connu sur la commune, un professionnel sérieux et responsable, lui-même père de famille. S’il a pris des initiatives, c’est dans l’intérêt des enfants », explique Manuel Perthuisot qui dit avoir sollicité la région Nouvelle-Aquitaine pour obtenir la révision du circuit. « Il y a des contraintes que l’on comprend, mais tout de même, les gens qui font les circuits devraient en discuter plus souvent avec le terrain. Il y a certaines situations à prendre en compte. »

    La région promet une concertation
    La société Europ Voyage, que nous avons contactée, n’a pas souhaité répondre à notre demande d’interview. Quant à la région Nouvelle-Aquitaine ( désormais compétente pour la gestion des transports scolaires), elle dit envisager d’engager une concertation au plus vite sur le secteur des Billanges. 

    « Nous recevons chaque année environ 250 demandes de nouveaux points d’arrêt, explique Didier Duchier, directeur des transports routiers de voyageurs à la région Nouvelle-Aquitaine. Nous avons toujours un arbitrage à trouver pour ne pas s’arrêter trop souvent et préserver les temps de parcours, tout comme la sécurité des enfants, laquelle n’est pas forcément assurée au pied d’un domicile. Nous allons lancer une procédure pour faire évoluer les réseaux, sachant que l’organisation des transports scolaires en milieu rural est toujours complexe. »
     
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