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  • #témoignage #ecole #prof #education

    La lettre d’une jeune professeure des écoles au ministère de l’éducation : « Nous travaillons dans la frustration, celle de mal faire notre travail »
    https://www.lemonde.fr/education/article/2023/01/17/nous-travaillons-dans-la-frustration-celle-de-mal-faire-notre-travail-l-aler

    Laura Vinas

    Professeure des écoles

    « Si je me permets de vous écrire, c’est parce que je suis plus que passionnée, mais déjà terriblement déçue », dit Laura Vinas.

    Monsieur le ministre, j’ai longuement hésité à vous écrire. Je sais combien vous devez recevoir de messages chaque jour. Le mien ne sera sans doute qu’un message parmi les autres – s’il est lu – mais je me devais de tenter ma chance et d’essayer de faire changer les choses.

    Je ne pouvais pas me résigner, continuer d’aller enseigner chaque matin comme si tout allait bien, continuer de pleurer seule dans ma classe, une fois mes élèves en récréation. Je n’aurais pas supporté d’être restée spectatrice de ce carnage. Car oui, il s’agit bien d’un carnage : les enseignants, les Atsem [agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles] et les AESH [accompagnants d’élèves en situation de handicap] sont en souffrance et l’éducation des enfants est totalement bafouée.

    Si je me permets de vous écrire aujourd’hui, c’est parce que je suis une jeune professeure des écoles plus que passionnée, mais déjà terriblement déçue – après seulement quatre années d’ancienneté – et surtout très inquiète en ce qui concerne le déclin de l’école de la République.

    « Nous sommes épuisés »
    En effet, les conditions d’enseignement et d’apprentissage sont absolument lamentables. Malgré l’énorme budget alloué à l’éducation, nous travaillons sans matériel et sans moyens. Nos classes sont délabrées, certaines ont aux fenêtres des lambeaux de tissu en guise de rideaux, d’autres ont une porte qui donne sur la cour qui ne ferme pas (et par laquelle des enfants de 3 ans peuvent facilement s’échapper), nombreuses sont celles dans lesquelles il fait 28 à 32 °C entre juin et septembre. Et j’en passe, car le matériel et les équipements ne sont pas ce qui est le plus à déplorer.

    L’humain est au cœur de cette crise. De nombreux collègues et moi-même partageons un sentiment commun : l’absence de considération et de respect, que ce soit envers les personnels de l’éducation ou les enfants, futurs citoyens de la République. Certains enseignants ont quatre, voire six postes différents dans la semaine. Et en plus de ces postes qui ne représentent qu’un temps partiel, ils sont remplaçants le reste du temps. Ils sont contraints de changer d’école entre midi et 14 heures, en faisant l’impasse sur leur déjeuner. Ils doivent trouver leur place parmi plusieurs équipes, connaître les besoins de dizaines et de dizaines d’élèves, travailler main dans la main avec des parents qu’ils ne connaissent même pas tant ils sont nombreux, se dédoubler pour tenter de venir en aide à chacun de leurs trente, trente et un ou trente-deux élèves, ayant tous des besoins très différents.

    Nous sommes épuisés. Nous sommes en souffrance. Et pourtant, nous continuons à faire notre travail, et plus que bien. Nous ne nous arrêtons jamais car nous culpabilisons d’abandonner nos élèves ou de les répartir dans les classes de nos collègues (qui n’auraient d’ailleurs même pas assez de chaises ou de superficie pour les accueillir décemment !).

    Nous travaillons le soir, le mercredi et le week-end. Nous sacrifions beaucoup de notre vie privée. Nous mettons notre santé en danger. Nous travaillons dans la frustration, celle de mal faire notre travail car vous ne nous donnez pas les moyens de le faire correctement, comme il nous l’a été pourtant bien enseigné. Et nous faisons tout ça sans rien dire, et en acceptant un salaire de misère.

    « Précarité abominable » des AESH
    Je n’ai rien à faire de l’argent. Si je voulais gagner ma vie grassement, je n’aurais pas choisi ce métier. J’ai choisi cette profession car elle pourrait être la plus belle de toutes. Nous avons pour mission d’élever des enfants, de leur transmettre les valeurs de la République, de les éduquer, de les instruire, de leur donner les clés pour qu’ils puissent faire partie de la société, raisonner, agir en tant que citoyens éclairés. Avez-vous oublié l’histoire de la France ? Celle de l’école de la République ? Ses valeurs, ses principes ? Combien l’éducation est à la base de toute la société ? Elle devrait être la priorité de notre pays, comme celle de toutes les autres nations. Nous sommes une des plus grandes puissances mondiales et nous laissons dépérir notre système éducatif.

    Les AESH n’obtiennent absolument aucune reconnaissance. Elles vivent dans une précarité abominable. Elles sont déplacées d’une école à l’autre depuis la naissance des PIAL [pôles inclusifs d’accompagnement localisés], comme si l’efficacité de leur action ne reposait pas en très grande majorité sur la relation de confiance qu’elles ont su établir avec un enfant après de longues semaines, mois, voire années de dur labeur, ainsi que sur la parfaite connaissance de l’enfant dont elles s’occupent.

    Laura Vinas(Professeure des écoles)❞

    • Je n’ai rien à faire de l’argent.

      Un témoignage qui tombe à pic pour l’ouverture de la concertation sur les salaires (avec des conséquences pour le rentrée prochaine).