• Spontanéité, Médiation, Rupture by Endnotes
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    « Nous ne savons pas s’il faut voir dans les destins [opposés] de Luxemburg […] et de Lénine un lien avec le fait que Lénine et son groupe aient armé les #ouvriers, quand les Spartakistes ont persisté à penser l’organisation comme une #coordination […] et le #refus_du_travail comme unique arme adéquate pour les ouvriers. L’essence du léninisme évolue, du rapport entre #spontanéité et #parti au rapport entre parti et #insurrection. » Sergio Bologna.

    Est-ce que les luttes actuelles évoluent vers la #révolution ? Nous tentons de nous positionner par rapport à cette question de la seule façon possible : non seulement grâce à notre vécu actuel, mais aussi en relisant les théories révolutionnaires du passé. Se référer à de telles théories peut toutefois se révéler hasardeux : elles sont apparues en réaction à un ensemble de questions énoncées au cours d’une période spécifique — une époque qui n’est pas la nôtre. Il est vrai que les théories révolutionnaires du XXe siècle se sont développées au cours d’une séquence de luttes que nous appelons le mouvement ouvrier. Elles ne portent pas uniquement les traces du mouvement ouvrier dans son ensemble. Ces théories ont été formulées en réaction aux limites auxquelles ce mouvement a été confronté à son apogée, à savoir la période révolutionnaire de 1905-1921.

    Les limites du mouvement ouvrier étaient entièrement prises dans la question de la diffusion de la conscience de classe au sein d’une population qui n’avait alors été que partiellement prolétarisée. Confrontés à une importante paysannerie dans les campagnes et à un ensemble hétérogène de classes ouvrières dans les villes, les stratèges du mouvement ouvrier espéraient un moment futur, lorsque la prolétarisation complète, dépendante du développement des forces productives, éliminerait les divisions entre prolétaires. L’unité objective de la classe trouverait alors son corolaire subjectif. Il se trouve que ce rêve n’est pas devenu réalité. Le développement des forces productives qui s’en est suivi a renforcé certaines des divisions entre prolétaires, tout en en créant d’autres. Dans le même temps, ce développement a détruit le fondement de l’unité des ouvriers. Ils ont découvert qu’ils n’étaient plus la force vive de l’époque moderne : à la place, ils avaient été transformés en appendices — en accessoires d’un ensemble proliférant de machines et d’infrastructures qui échappait à leur contrôle2.

    Il peut être utile de se rapporter brièvement au zénith révolutionnaire du siècle précédent, avant la destitution du mouvement ouvrier, pour comprendre le contexte dans lequel les théories révolutionnaires du passé avaient pris naissance. Partant, on commencera à articuler une théorie révolutionnaire de notre époque. Mais il nous faut prendre garde lorsqu’on entreprend aujourd’hui une telle tâche : l’émergence des révolutions est, de par sa nature même, imprévisible ; notre #théorie doit d’une façon ou d’une autre intégrer cette imprédictibilité en son sein. Les révolutionnaires de l’ère précédente refusaient le plus souvent de s’ouvrir à l’inconnu — alors même que les révolutions dont ils faisaient l’expérience ne se déroulaient jamais comme ils l’avaient imaginé.