Galilée contre GPT-3 ? | Hubert Krivine 1 mars 2023
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Dans cet article, le physicien Hubert Krivine â auteur de nombreux ouvrages, dont Lâ#IA peut-elle penser ? â analyse la maniĂšre dont fonctionne #GPT-3 (Generative Pre-trained Transformer 3) et, Ă partir de rĂ©flexions sur les sciences modernes quâil poursuit depuis plusieurs livres, revient sur les limites de lâintelligence artificielle.
...Ce trĂšs bref rappel des limitations de lâIA fait, venons-en Ă son utilisation avec GPT-3. GTP-3 est un traitement automatique de langue (TAL). MĂȘme sâil donne lâimpression de rĂ©pondre Ă des questions, il nâest pas du tout fait pour ça. Sur une base gigantesque de donnĂ©es, il cherche dĂšs quâun mot (ou une phrase) est proposĂ©e, lâoccurrence la plus vraisemblable du mot suivant, puis il itĂšre. Un peu comme votre tĂ©lĂ©phone portable le fait, mais ici sur une base de donnĂ©es des milliards de fois plus grande. Il a beaucoup de problĂšmes, mais la recherche du vrai est le cadet de ses soucis. Un exemple que je connais assez bien : qui est lâauteur de ce papier ? La rĂ©ponse a Ă©tĂ© :
Hubert Krivine est un mĂ©decin, ancien militant politique et Ă©crivain français. Il est surtout connu pour son engagement politique dans les annĂ©es 60 et 70 en France, comme membre de lâOrganisation communiste internationaliste (OCI) et de Lutte OuvriĂšre. Il a Ă©tĂ© Ă©galement membre du Parti de Gauche pendant quelques annĂ©es. Il est aussi connu pour son engagement en faveur de la cause palestinienne et pour ses positions controversĂ©es en matiĂšre de politique Ă©trangĂšre. Il a Ă©crit plusieurs livres sur les sujets politiques et historiques. Il est aujourdâhui retraitĂ© de la politique active mais continue de sâexprimer sur des sujets qui lui tiennent Ă cĆur.
Pour quelquâun ignorant tout de lâaffaire, la rĂ©ponse, Ă©crite en bon français, est bluffante de vĂ©racitĂ©. Mais elle est simplement fantaisiste, elle met bout Ă bout des mots qui peuvent « aller ensemble » qui ont Ă©tĂ© pĂȘchĂ©s par proximitĂ© dans des textes diffĂ©rents. Câest une source inĂ©puisable et automatique de fake news. Sur la mĂȘme requĂȘte faite un peu plus tard (les rĂ©ponses ne sont jamais les mĂȘmes)jâapprends que je suis mort en 2020. Ce que jâignoraisâŠ
WikipĂ©dia fonctionne, pourrait-on dire, Ă rebours de cette logique. Il est le fruit de connaissances (et pas de mots) collectĂ©es, en principe vĂ©rifiĂ©es et surtout il fournit ses sources. CâĂ©tait un pari audacieux dans les annĂ©es 2000 que de faire fonctionner une encyclopĂ©die sans rĂ©dacteur attitrĂ©, mais reposant sur une collaboration autodisciplinĂ©e de ses lecteurs. Pari gagnĂ© : en nombre dâerreurs il le dispute aux grandes encyclopĂ©dies, comme lâEncyclopĂ©dia Britannica ou Universalis. Et surtout il se rĂ©actualise en permanence, ce que ne peut pas faire GPT-3. On nous promet une nouvelle version GPT-4, avec correction humaine des plus gros biais. Reviendriait-on alors Ă une logique WikipĂ©dia ?⊠On verra.
Mais quel rapport avec ce vieux GalilĂ©e citĂ© en prologue de ce papier ? Câest quâau lieu de chercher la vĂ©ritĂ© « dans le monde et la nature », GPT-3 ne peut que se limiter Ă la chercher dans « les textes » dĂ©jĂ produits et mĂȘme pire, dans les assemblages de mots fabriquĂ©s sur leur probabilitĂ© dâoccurrence piquĂ©e un peu partout. La dĂ©marche scientifique interroge certainement la littĂ©rature. Pas pour y trouver une rĂ©ponse, mais pour aller au-delĂ . Pour questionner intelligemment la nature, en sâaidant des connaissances acquises...