Extrait de l’ouvrage de Kajsa Ekis Ekman : L’être et la marchandise. Prostitution, maternité de substitution et dissociation de soi
Dans une clinique de la localité d’Anand, dans le nord de l’Inde, des Indiennes mettent au monde des enfants occidentaux. Des ovules de femmes blanches sont inséminés avec le sperme d’hommes blancs et l’embryon est ensuite implanté dans l’utérus d’Indiennes. Les enfants n’ont aucun des attributs des femmes qui les ont mis au monde. Ils ne vont ni porter leurs noms ni faire leur connaissance. Après avoir enfanté, les Indiennes se séparent des bébés. Un contrat a été conclu. Au moment même où les femmes renoncent aux enfants qu’elles viennent de mettre au monde, elles reçoivent de 2 500 à 6 500 dollars par naissance. Pour ces femmes, dont la plupart sont des pauvres habitant des villages avoisinants la clinique1, cette somme peut représenter l’équivalent de dix années de salaire2. Les clientes sont majoritairement des États-Uniennes, des Européennes, des Japonaises et de riches Indiennes, des couples hétérosexuels sans enfant, des homosexuels ainsi que des célibataires. Dans une interview à la BBC, la mère porteuse Rubina déclare : « C’est un miracle. Je me suis demandé moi-même comment j’ai réussi à mettre au monde un enfant aussi beau, américain et blanc. Je ne pouvais pas le croire – je suis si heureuse. » Elle raconte que l’un de ses propres enfants, souffrant d’une maladie cardiaque, avait besoin d’une opération et qu’avoir mis au monde l’enfant du couple états-unien était le seul moyen de se procurer l’argent nécessaire pour payer l’intervention3.
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