Monolecte 😷🤬

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • Une vraie révolution pour l’entreprise
    Le travail #hybride conduit à une nouvelle manière de vivre, chez soi comme au bureau.

    Le Figaro29 Mar 2023Anne Bodescot

    Le télétravail a pris ses quartiers dans les bureaux de l’hexagone. Selon une étude réalisée par Sarah Proust, experte associée à la Fondation Jean Jaurès, 80 % des employés des grandes entreprises françaises ont aujourd’hui la possibilité de travailler à distance un ou plusieurs jours par semaine. Dans les PME, ils sont 74 %. Certes, tous les métiers ne sont pas « télétravaillables ». Tous les salariés éligibles n’usent pas non plus de cette liberté. Même en 2021, quand le Covid menaçait encore, l’insee chiffrait à 22% les salariés qui, en moyenne, chaque semaine, avaient télétravaillé. Néanmoins, le travail hybride (en partie au bureau et en partie à distance) est bel et bien entré dans les moeurs. Selon l’étude de l’observatoire de l’hybridation des modes de vie réalisée par de Toluna et Harris Interactive pour HP, 82 % des Français estiment même qu’il sera amené à se généraliser.

    À leurs yeux, en tout cas, c’est une bonne nouvelle. « Qu’ils le pratiquent ou pas, 75 % des salariés européens estiment que le télétravail constitue une avancée sociale », indique Sarah Proust. Pourtant, passé le premier moment d’émerveillement, ils en mesurent aussi les inconvénients. « Ils ont conscience, pour plus d’un tiers, de travailler davantage. Beaucoup se sentent plus isolés, estiment avoir une vie sociale moins riche et éprouver plus de difficultés à séparer vie personnelle et vie professionnelle », énumère Sarah Proust.

    Mais ils ne remettent pas en cause les méthodes de management auxquelles ils sont habitués. Aujourd’hui encore, sur la question du télétravail, leurs attentes, vis-à-vis de leur employeur, se limitent à des questions matérielles : l’équipement (informatique, mobilier…) pour travailler à la maison est une préoccupation pour 35% des salariés européens et le défraiement pour 28 % d’entre eux.

    Les entreprises, elles, voient avec inquiétude émerger de nouveaux enjeux. « Elles s’interrogent sur la durée du travail : elle s’est allongée car le temps gagné sur les transports est passé, souvent, à travailler. Et le droit à la déconnexion est peu appliqué en France », observe la consultante.

    Les employeurs planchent aussi sur l’intégration des jeunes. « Quelques entreprises ont même décidé de les priver de télétravail les six ou douze premiers mois, pour faciliter l’acculturation », observe Sarah Proust. À défaut de travailler à la maison, ces nouvelles recrues profitent de dispositifs de mentorat, destinés à compenser le fait qu’elles côtoient moins au bureau leurs collègues, en télétravail, eux, un tiers du temps. Les entreprises cherchent aussi à atténuer la nouvelle « injustice sociale » qui touche ceux pour lesquels le télétravail est impossible. « Dans certaines organisations, la semaine de quatre jours est vue comme une réponse. Elle permet aux salariés qui ne peuvent pas télétravailler de disposer eux aussi de plus de temps à la maison », ajoute Sarah Proust.

    transformation des bureaux

    Autre lourd chantier, celui de l’asynchronisation du travail. Continuer à demander aux salariés chez eux de respecter peu ou prou les horaires de présence collective au bureau semble de plus en plus anachronique. Mais comment encadrer des collaborateurs qui n’ont pas tous les mêmes horaires ? Ou qui, parfois, ne se croisent jamais au bureau ? Un modèle émerge, celui du management « par objectif » : chacun reçoit des missions à remplir, sans questions d’horaires ou contraintes d’organisation du travail.

    « Le risque est que cela débouche sur la suppression du management de proximité. Cela accroîtrait l’isolement des télétravailleurs », estime la sociologue Danièle Linhart. C’est ce schéma qui prévaut, rappelle-t-elle, dans les entreprises « libérées », où l’initiative est laissée aux salariés afin d’améliorer la performance. Surtout, les salariés aimeraient être consultés sur tous ces changements d’organisation. « Jusqu’à présent, les règles ont surtout été édictées par les entreprises, alors qu’elles devraient être fixées au niveau des équipes », souligne Jean Pralong, professeur de management à L’EM Normandie.

    En attendant, l’un des grands chantiers menés par les entreprises a été la transformation des bureaux : ils doivent devenir plus conviviaux pour faciliter les retrouvailles des télétravailleurs avec leurs collègues… ou moins coûteux. Pour réduire la surface de leurs locaux, un nombre croissant d’entreprises optent pour le flex office : les collaborateurs n’ont plus de place attitrée. « Le salarié ne se sent plus attendu, il est parfois anxieux de ne pas savoir où il sera assis, à côté de qui », rappelle Danièle Linhart. Les entreprises corrigent donc le tir, avec une flexibilité très régulée où le salarié est sûr de disposer d’un bureau, voire de s’organiser pour s’installer près des collègues qu’il apprécie le plus.

    • Le télétravail est une entorse à la sociabilité sur le lieu de travail et, plus précisément aux liens élémentaires de solidarité d’intérêt des salariés vis à vis de leurs employeurs, si ce n’est de solidarité de classe contre les patrons.

      Si la notion de « collectif de travail » est ambiguë car elle renvoie à des logiques et des méthodes de management des plus perverses (le « corporate »), elle n’en reste pas moins une condition minimale pour créer un rapport de force collectif de lutte sociale, dès lors que cela signifie le regroupement physique de salarié·es sur un même site géographique.

      J’ai assisté, totalement effaré, à l’intégration progressive par les syndicats du télétravail en tant que « revendication légitime » des salariés sous prétexte que ces derniers en faisaient la demande, alors que personne ne semble se demander pourquoi les personnes souhaitent à ce point quitter leur lieu de travail et que cela ne semble pas choquer grand-monde que certaines personnes préféreront travailler dans des conditions d’hygiène et de sécurité ultra précaires, dans leur cuisine, avec leur propre matériel informatique, plutôt de se farcir la tronche du petit chef…

      Cela ne semble pas non plus choquer grand-monde qu’en délocalisant l’activité d’un site géographique, on ouvre la possibilité de délocaliser pour de bon et sans retenue toute main d’œuvre délocalisable afin d’obtenir la meilleure productivité au meilleur coût.

      On glisse les problèmes sous le tapis, sous prétexte que ce serait « une demande des salariés » et chacun bouffe sa merde.

      Enfin (si je peux dire, car le sujet est vaste) le télétravail accentue un rapport au travail des plus aliénés, contribuant à transformer le salarié en prestataire de l’employeur, voire de plusieurs employeurs - car on emboîte la logique en usage aux USA de cumuler plusieurs emplois à la maison, car les salaires sont de plus en plus minables - y compris pour des salarié·es ayant un statut garanti (CDI ou fonctionnaires).

      D’un point de vue politique, cette question me semble centrale, car elle se pose notamment aujourd’hui quand un nombre considérable de salarié·es garanti·es de PME, grandes entreprises ou administrations estiment ne « pas pouvoir » se mettre en grève, comme s’il s’agissait d’artisans ou de petits patrons, intégrant le discours selon lequel le droit de grève serait une sorte de « privilège » réservé à d’autres catégories (ceux qui restent « sur le terrain », peut-être ?).

      J’ai été directement confronté à ce type de réponses avec mes anciens collègues de l’une des structures où je bossais : des fonctionnaires, professeurs d’enseignement artistiques de conservatoire, qui exprimaient beaucoup de sympathie pour mon action, mais qui me laissaient toujours seul parmi eux à faire grève, estimant qu’ils n’étaient « statutairement » pas concernés par la grève. J’ai retrouvé ce type de justification venant d’un nombre incroyable de personnes, toutes les mieux intentionnées les unes que les autres à propos de la lutte actuelle contre la réforme des retraites mais qui estimaient que la grève n’était en rien une problématique qui pourrait dépendre de leur ressort.

      On voit aujourd’hui que l’on risque un terrible et déprimant retour de bâton des plus répressif et régressif (qui dépasse de très loin la seule question des retraites) faute d’avoir été en capacité d’étendre la grève le plus largement possible dans la société pour réellement geler complètement l’activité économique du pays – ne serait-ce qu’une journée.

      Une fois de plus, on semble attendre la relève « d’autres » sans s’interroger sur sa propre responsabilité individuelle – car s’il y a une responsabilité individuelle de l’action sociale, c’est bien celle de la décision de faire grève, laquelle ne pourra jamais être mandatée ou déléguée à qui que ce soit.

      Pour se justifier, on considère, par exemple, que « la grève générale, ça ne marche pas et qu’il est temps de passer à d’autres formes de luttes ». Voilà un discours qui semble faire consensus, comme par hasard, alors que depuis 68, on n’a jamais pratiqué la grève générale, mais par contre, depuis plus de 40 ans, on a cumulé les débâcles sociales, faute de contre-offensives conséquentes et celle qui s’annonce sera des plus terrifiantes.

      Les secteurs « stratégiques » – ordures et carburants – semblent lâcher prise, et il serait quand même mal venu de leur lancer la pierre, car nous n’avons pas été assez nombreux à les soutenir sur sites, on entend déjà que ce serait désormais au tour des jeunes de prendre la relève pour combattre la réforme honnie.

      Ce n’est pas comme ça qu’on y arrivera.

    • c’est effectivement l’acmé d’une société-usine où plus la production est centralement organisée de manière fragmentée, décentralisée, sous-traitée, individualisée (autoentrepreneur), et, de nouveau, réalisée à domicile et plus seulement sur le territoire de la ville, mais en tout cas au-delà des murs des entreprises, plus on glorifie une entreprise (cf. les années 80 PS) qui ne sert de lieu de concentration d’une force « ouvrière » que par exception (on y a d’ailleurs réindividualisé les salaires dès les années 90 PS).

      les luttes de l’ouvrier masse (les O.S) sont passées par là...

      il s’agit pour la domination et l’exploitation de détruire les conditions matérielles de la solidarité. on se souvient comme le pointage et ses files d’attente dans les ANPE fut supprimé. et c’est ce qui explique le thème « des quartiers », ou des formes d’entente et de solidarité ont tendance à se manifester encore (quand un écart se fait d’avec la lutte pour la survie, dont l’économie concurrentielle de la drogue informe les comportements)

      c’est le cas depuis longtemps. dès les années 70 on a vu que ce sont depuis les divers ateliers où se concentre la production de travail vivant au moyen de travail vivant, l’école, qu’ont pu émerger des mouvements collectifs. là aussi, contre la capacité politique des scolarisés, le passage (un dépassement qui conserve, comme disait Georges) de la discipline et de ses lieux à une société de contrôle poursuit son chemin (cette route est longue).

      #atomisation #séparation #travail