Bien qu’affirmant sa volonté de se maintenir « dans une perspective de science ouverte », il semblerait que ce soit justement l’ouverture du Maitron à des auteurs non universitaires qui constitue l’un des problèmes. Pour prendre exemple sur le dictionnaire des anarchistes, un travail coopératif et collaboratif a permis la publication de l’ouvrage Les Anarchistes. Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone (Les Editions de l’Atelier, 2014, 526 p.) et surtout la création d’une division consacrée aux anarchistes (plus de 3 000 entrées) sur le site du Maitron. De nombreuses notices anciennes (parues dans les différents tomes de la version papier) ont été révisées et complétées, et de nouvelles ont été créées, directement ou non par des militants (toutes tendances confondues), qui se sont consacrés à l’étude du mouvement, et des historiens, sous le contrôle d’administrateurs qui assuraient la coordination (lire avant-propos).
La nouvelle direction aurait, entre autres, pour projet de mettre fin à l’action « des administrateurs (corrections, mises à jour, mises en ligne, statistiques…). Il faudrait communiquer les notices sous Word à des salariés du CNRS qui les contrôleraient et les mettraient en ligne par lot au rythme lent de la publication d’un dictionnaire papier. Ce serait la fin de ce que nous avons construit avec la réactivité du site et la fin de l’esprit du Maitron, la fin de sa dynamique », confie Claude Pennetier. Le terme de « gouvernance » peut également faire tiquer. De quoi s’agit-il ? Pour le philosophe Alain Deneault (1), la gouvernance est à l’opposé de la démocratie (2). Ce concept a semble-t-il été élaboré par des néolibéraux au cours des années 1980, niant la chose commune et publique, et tendant à substituer le management à la politique. Plus de débat et de décision élaborés en commun mais une « bonne gestion ». Un dictionnaire des anarchistes, par exemple, sera-t-il compatible avec le mode de gouvernance en cours d’élaboration ?