Un article sur la Soupe Populaire Lausanoise et sa réponse a la crise.
Mère Sofia doit se réorganiser
Lausanne. Face à la crise sanitaire, la fondation Mère Sofia, qui vient en aide aux plus démunis, a revu toute son organisation. Trois questions à son directeur, Yan Desarzens.
Quel impact la crise a-t-elle eu sur vos structures ?
Yan Desarzens : Elles ont toutes subi cette crise de plein fouet. La Soupe populaire est de retour dans la rue. Nous sommes revenus à une dis- tribution de nourriture à la Riponne comme nous le faisions il y a vingt ans. Nous ne pouvons plus accueillir nos bénéficiaires dans nos locaux si nous voulons respecter les règles de l’Office fédéral de la santé publique. Les hébergements d’urgence de nuit ont été augmentés : à Saint-Martin, le Répit ne peut accueillir que 30 personnes par nuit. Nous y plaçons les personnes qui ont des problèmes d’addictions ou des soucis psychologiques. En revanche, la Ville de Lausanne et le canton nous ont mis à disposition la salle de gym du gymnase de Bugnon, soit 60 places. Le canton a aussi ouvert cette semaine le bâtiment administratif de la Pontaise pour y accueillir 50 lits.L’Echelle, notre camping-car itinérant, assurait un soutien social et alimentaire dans les quartiers. Nous avons été contraints de réduire son activité à de l’aide alimentaire. Nous prenons en charge une centaine de familles, mais nous ne pouvons pas en aider davantage car nous n’avons pas assez de nourriture. Enfin, Macadam, l’agence de placement de personnes précarisées, a fermé ses portes. Mais les bénéficiaires qui y travaillaient s’activent dans nos autres structures.
Quels changements observez-vous chez vos bénéficiaires ?
Ils fréquentent davantage la rue. Les hébergements d’urgence sont complets chaque soir. La Soupe populaire permettait d’avoir un moment de répit dans la journée, dans un local, au chaud, sans stress, et cela ne peut plus être assuré. C’est une violence émotionnelle intense pour les familles. Nous avions 150 à 180 bénéficiaires à la Soupe chaque soir. Nous en avons un peu moins actuellement. Cela est encourageant. Certains ont trouvé d’autres solutions d’urgence. Par contre, nous observons l’arrivée d’une nouvelle catégorie de population : des familles entières, qui vivotaient souvent grâce à des petits boulots payés à l’heure, sans utiliser les structures de bas seuil, mais qui se trouvent obligées aujourd’hui d’y recourir. Elles tombent dans une précarité extrême.
Recevez-vous un soutien supplémentaire de la part des autorités ?
Financièrement, pas encore, mais nous allons en faire la demande. Nous avons besoin d’argent et de denrées alimentaires pour assurer le maintien de nos structures. Nos fournisseurs habituels comme Manor, Fooby ou la Carl ont beaucoup moins d’invendus ou n’arrivent plus à nous livrer en produits frais. Des maraîchers, très solidaires, sont venus en renfort. Mais cette pandémie va durer et nous avons besoin d’aide. Nous appelons à la création d’un fonds de soutien pour toutes les structures sociales existantes.
PROPOS RECUEILLIS PAR SELVER KABACALMAN