Aurélien Leif

couteau suisse praxéologique. Visitez le Dundee :

    • Lettres et autres textes est le troisième et dernier volume des textes posthumes de Gilles Deleuze, publié à l’occasion du vingtième anniversaire de sa disparition. Il regroupe de nombreuses lettres adressées à ses contemporains (Michel Foucault, Pierre Klossowski, François Châtelet ou Clément Rosset). Particulièrement importantes à cet égard sont les lettres adressées à #Félix_Guattari, qui constituent un témoignage irremplaçable sur leur « travail à deux », de L’Anti-Œdipe jusqu’à Qu’est-ce que la philosophie ? On y trouve aussi des lettres plus tardives adressées à des étudiants qui l’interrogent sur son œuvre et lui permettent de l’éclairer d’un regard nouveau. Y figurent également un ensemble de textes introuvables ou inédits, comme certains essais de jeunesse, quelques dessins insolites, ou un long entretien de 1973 sur L’Anti-Œdipe avec Guattari [avec Raymond Bellour].

      http://www.leseditionsdeminuit.com/images/3/extrait_3183.pdf

      avec parmi les écrits qui peuvent susciter la curiosité, au titre des « textes de jeunesse » : Description de la femme. Pour une philosophie d’autrui sexuée, voir la table de l’ouvrage :

      http://www.leseditionsdeminuit.com/images/3/revue_3183.pdf

      #livre pas en ligne, Minuit, un fonds remarquable de livres au prix régulièrement augmentés, et des rentes.

    • Une précision quand même sur ces fameux textes de jeunesse : Description de la femme est pour partie un texte pastiche « à la Sartre » et surtout, Deleuze a renié la totalité de ce petit corpus (quatre en tout) ; si c’est édité, c’est que des éditions pirates - fautives - circulent de toute façon. Mais l’important c’est ça : renié, renié, renié.
      Quant à Minuit : qu’ils spéculent sur leur fonds, à la limite ce serait pas grand chose s’ils n’en réinvestissaient pas les bénéfices dans les fictions merdiques à la papa et les pitreries théoriques qui leur servent de ligne -segment- éditorial depuis 30 ans...

    • Merci pour la précision.
      Pastiche renié ou pas, « Sartre a été tout pour moi. Sartre a été quelque chose de phénoménal [...] J’ai été fasciné par Sartre. Et pour moi, il y a une nouveauté de Sartre qui ne se perdra jamais, une nouveauté pour toujours. », G.D.
      Et sinon, vendre très cher, et toujours plus cher des livres qui sont plus que rentables depuis des décennies, en évitant soigneusement de les publier en poche, comme le fait Minuit, ce n’est pas "pas grand chose" même "à la limite", c’est tout simplement infâme. Il est effectivement loin le temps où, parfois (la création de l’égyptologie, par exemple), la rente occasionnait des découvertes

    • Un entretien avec D. Lapoujade qui a préparé l’édition (mais pourquoi télérama enfin !)
      http://www.telerama.fr/idees/gilles-deleuze-est-mort-il-y-a-20-ans-il-n-est-toujours-pas-post-il-est-neo

      « Oui, les lettres qu’il lui adresse montrent combien Deleuze a besoin de Guattari pour avancer. Et, comme le révèlent les reproches qu’il fait à Arnaud Villani (philosophe qui était en train d’écrire un livre sur son œuvre), Deleuze supporte très mal l’idée qu’on oublie Guattari lorsqu’il est question de L’Anti-Œdipe ou de Mille Plateaux. On ne perçoit pas toujours combien la rencontre avec Guattari a provoqué une profonde refonte d’un système philosophique que Deleuze a d’abord construit seul. Avec Guattari, tout change, le structuralisme cède la place à un machinisme généralisé. La philosophie devient pratique. J’aime beaucoup les passages où Deleuze écrit à Guattari : j’ai absolument besoin que vous m’expliquiez ceci ou cela. J’espère que cela tordra le cou à l’idée que Guattari est un complément gauchiste secondaire dans leur œuvre commune. »

  • Air France et le parti de la liquette, par Frédéric Lordon (Les blogs du Diplo, 9 octobre 2015)
    http://blog.mondediplo.net/2015-10-09-Le-parti-de-la-liquette

    Si l’on avait le goût de l’ironie, on dirait que le lamento décliniste ne se relèvera pas d’un coup pareil, d’une infirmation aussi catégorique ! Coup d’arrêt au déclin ! Mais l’ironie n’enlève pas la part de vérité, fut-elle ténue : un pays où les hommes du capital finissent en liquette est un pays qui a cessé de décliner, un pays qui commence à se relever. Car, dans la tyrannie du capital comme en toute tyrannie, le premier geste du relèvement, c’est de sortir de la peur. [#st]

    http://zinc.mondediplo.net/messages/9005 via Le Monde diplomatique

  • Personne ne l’attendait mais tout le monde en jouira :
    Contretype, subst. Masc
    A. - ARTS GRAPH. Reproduction obtenue à partir du type.
    PHOT. CIN. Fac-similé d’un phototype négatif ou positif :
    I. Théoriquement, les films d’archives devraient être conservés dans des blockhaus aussi précieusement que les manuscrits ou les incunables des bibliothèques et ne jamais être l’objet de projections qui pourraient les endommager. Pour leur divulgation publique on devrait utiliser exclusivement des contretypes.

    Le site Contretypes, qui présente le travail de Noémie Lothe (vidéos, pellicules, photos...) vient d’être mis en ligne il y a peu, et on peut s’y égarer ici :
    http://cargocollective.com/Contretypes

    Je vous laisse découvrir ce très beau réseau de galeries graphiques et surtout vous y perdre, c’est une joie rare d’archéologue et de taupe à la fois.

    #graphisme #art #contretypes #Noémie_Lothe

  • Lordon chez Mediapart, sur la Grèce et l’Europe :
    https://www.youtube.com/watch?v=GN9IIu3417E

    Et même série, un entretien collectif sur la charognerie intellectuelle française, avec Filiu en attaque et Arlette Farge en défense :
    https://www.youtube.com/watch?v=n4Yz7YMKkt8

    Et sur Lordon à nouveau, plus intéressant que le premier, un petit entretien sur son (très bon) livre, La société des affects :
    http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article3813.html

  • Un entretien écrit avec Jacques Rancière, sur Médiapart :

    http://blogs.mediapart.fr/blog/bertrand-dommergue/310815/entretien-avec-jacques-ranciere-ou-en-est-lart

    Et pan au passage sur le groin des neuneus et neuneues qui se branlochent à vide sur la pop’philosophie :
    "Je n’ai pas parlé du cannibalisme de l’art contemporain mais de celui des « cultural studies », « media studies » et autres disciplines du même genre qui ont fait leur gagne-pain pratique et leur titre de légitimité scientifique de l’annexion de toutes les pratiques de la vie quotidienne au domaine de la science, tout en jouant du prestige politique vaguement attaché à l’idée de la « démystification » du grand art et de la culture élitiste. J’ai parlé de la violence symbolique que comporte en fait cette prétendue dénonciation : sous prétexte de réhabiliter des pratiques populaires méprisées, on les oblige à devenir ce qu’elles n’ont pas souci d’être : des formes d’art et des objets de science. Il est parfaitement exact que ces formes d’appropriation sont autorisées par l’abolition des frontières propre au régime esthétique de l’art. L’abolition des frontières, c’est aussi, entre autres, le principe de l’impérialisme."

    #Rancière #esthétique #critique_rongeuse_des_souris #philosophie

    • #rengaine. Légitime pour les gars de la nouvelle vague d’analyser Hitchcock, mais pas pour les intellectuels des années 90/2000, issus de milieux plus larges que par le passé, d’analyser, leur propre environnement, les items culturels qu’ils reçoivent et produisent. On devrait arrêter de lire, moi je dis, sauf quelques-uns, qui touchés par la grâce de la culture légitime écriraient poésie en vers, menuets et opéras. Tous les autres, consommez, produisez vos chansonnettes, mais surtout ne les pensez pas dans leur rapport au reste des mondes de l’art.

      C’est là qu’on arrête de le suivre le Rancière.

      Koons le courtier, l’ambiguité de Parr ne s’équilibrent pas sur la balance des conditions sociologiques et économiques concrètes qui cantonnent les intellectuels noirs, par exemple, dans les cultural studies et l’analyse artistique - mais on s’en fout hein, ça compte pas du tout. Ecrivons des alexandrins. Je ne citerais pas les exemples que je connais de lecteurs avertis de Blake ou de Spinoza qui sont matériellement obligés de produire sur Tarantino ou autre.

      Curateur on peut aussi le devenir par lassitude ou juste pour bouffer (bien que la majorité des curateurs ne soient pas rémunérés).

  • Le numéro estival du Turkey Magazine est disponible depuis quelques jours sur le blog des éditions Hoochie Coochie :
    Pdf de lecture ici :
    http://www.thehoochiecoochie.com/blog/wp-content/uploads/2015/07/TMAGJUILLET2015.pdf
    et pdf d’impression :
    http://www.thehoochiecoochie.com/blog/wp-content/uploads/2015/07/tmagjuillet2015_imprim.pdf

    Au sommaire : Jean-charles andrieu de levis, Noémie Lothe, Voitachewski, Yoann Legrand, A. Leif

    #BD #the_hoochie_coochie

  • Une fois n’est pas coutume, je viens vous parler d’une nouvelle publication issue de notre atelier de Bruc, le sixième numéro de la revue Pré Carré

    Sous une belle couverture « betterave oubliée dans son jus de cantine », c’est Julien Meunier qui habille notre sixième numéro de Pré Carré.

    Encore un numéro très copieux, qui vous occupera pour les cinq mois nous séparant du suivant, et dont voici le beau menu :

    Dans « Les cases érogènes » Gwladys Le Cuff aborde l’oeuvre déjà considérable de Bertoyas par son origine, « L’Internationale mutique », plongeant son nez de chercheuse dans tous les trous les moins ragoûtants de ses premières bandes.

    « Avenir colon » de Docteur C. traque les signes qui colonisent et, graphiquement, font symptôme du récit-colon dans « Arsène Schrauwen » d’Olivier Schrauwen

    Par « Une lecture de Renée de L. Debeurme », Cathia Engelbach rejoint notre équipe en se penchant sur les incarnations paradoxales de Debeurme et sa tératologie des grands espaces lacunaires.

    « Le contour, le vecteur » de L.L. de Mars poursuit l’étude à la fois historique et conceptuelle des notions qui accompagnent le dessin comme mode de compréhension et de traversée du monde depuis Xenocrate, en se penchant cette fois-ci sur la « circonscription » d’Alberti.

    « Le récitatif contre le récit » de Jean-François Savang poursuit son beau travail sur les liaisons et déliaisons de la bande dessinée et du langage à travers leurs différents cadres théoriques.

    « Autrement dit la guerre » de Aurélien Leif consacre un dense travail de spéléologue aux sillages et cartographies en toutes dimensions de Loïc Largier.

    Cinq pages de magnifiques PALIMPSESTES de Jérôme LeGlatin (sur The Flash & Lulu ), et de Nicolas Zouliamis (sur Petite terrienne ).

    Retour de deux de nos rubriques « MOINS LA MAIN » et « LIEUX COMMUNS » mettant en avant l’une le travail d’écriture de F’murr, Doury, Bukulin et Altan et l’autre tout ce qui résiste à la « pure fonction » dans l’usage qui est fait du lieu commun.

    Encore une belle série des « Tricoter » de Guillaume Chailleux , qui viennent pointiller le texte de J.-F. Savang.

    Et notre « atome d’herméneugène » a pour objet, cette fois-ci, le
    « Carnation » de Mussat qui fait, en quelque sorte, l’unanimité.

    Toujours 48 pages, toujours 7 euros, ce sixième numéro est commandable
    par Paypal ou par chèque ici :

    http://www.le-terrier.net/concerts/precarre6/index.htm

  • Le crépuscule d’une époque, par Frédéric Lordon - Les blogs du Diplo
    http://blog.mondediplo.net/2015-07-07-Le-crepuscule-d-une-epoque

    Comme un symptôme du degré ultime de soumission à l’ordre des choses qu’aura incarné la « social-démocratie », c’est en effet au Parti socialiste qu’on trouve les plus beaux spécimens de la catastrophe : Sapin donc, mais aussi Macron, Valls, Moscovici, et bien sûr, primus inter pares, Hollande. Les figures ahuries du gouvernement des ratios et, en temps de grande crise, les poules dans une forêt de démonte-pneu. Un cauchemar de poules. Il faut les regarder tourner ces pauvres bêtes, désorientées, hagardes et incomprenantes, au sens étymologique du terme stupides. Tout leur échappe. D’abord il y a belle lurette que les ratios ont explosé à dache, mais la vague angoisse qui les gagne leur fait bien sentir que c’est plus grave que ça : ça pourrait ne plus être une affaire de ratios… La pensée par ratios risque de ne plus suffire. Il faudrait refaire « cette chose… » : de la politique. « Mais comment faire ? Nous ne savons pas ».

    On le sait qu’ils ne savent pas. Le pire, d’ailleurs, c’est quand ils font comme s’ils savaient. Qu’ils s’essayent à la « vision ». « Il faut que les jeunes Français aient envie de devenir milliardaires », voilà la pensée des ratios dans son effort de « prendre de la hauteur ». Les ratios en hauteur, ça donne ça : la vision civilisationnelle d’Emmanuel Macron. Voici les gens que nous mandatons pour nous conduire. Mais où peuvent-ils nous emmener si ce n’est au désastre — civilisationnel, précisément ? Comment imaginer que l’Europe à tête de bulot ait pu aller ailleurs qu’au naufrage ? Quelqu’un depuis vingt ans a-t-il éprouvé le moindre tremblement à un discours européiste ? Senti le moindre souffle ? Peut-on composer une épopée autre que grotesque lorsqu’on met bout à bout les odes à l’Europe sociale d’Elisabeth Guigou et de Martine Aubry, les bafouillements de Jacques Delors, les chuintements de Jean-Claude Juncker, les hystéries de Cohn-Bendit, les commercialismes de Lamy, les fulgurances charismatiques de Moscovici, et tant d’autres remarquables contributions à la chronique d’un désastre annoncé ? La vérité est qu’il suffisait de les écouter, ou plutôt de tendre l’oreille, en fait de percevoir l’absence de toute vibration, pour se pénétrer de la certitude de l’échec : une entreprise historique conduite par des gens de cette étoffe ne pouvait qu’échouer. [#st]

    http://zinc.mondediplo.net/messages/4160 via Le Monde diplomatique

  • L’euro, ou la haine de la démocratie - Frédéric Lordon - Les blogs du Diplo
    http://blog.mondediplo.net/2015-06-29-L-euro-ou-la-haine-de-la-democratie

    C’est qu’on peut difficilement porter la démocratie en bandoulière, en faire des chartes à enluminures ou des hymnes à la joie, un modèle offert au monde (éventuellement à coup de frappes aériennes), et la bafouer à ce point à domicile.

    (...)

    Car les 80 points de PIB de dette pris depuis 2008 ne sont pas, comme le répète l’éditorialisme en pilotage automatique, « la dette de la Grèce » : c’est la dette de l’impéritie européenne, la dette de la plus gigantesque erreur de politique économique de l’histoire du capitalisme, la dette de l’acharnement idéologique, dit plus brièvement : la dette de la zone euro – et par conséquent la dette dont il n’est que justice que la zone euro se la carre dans le train.

    (...)

    En écrivant en janvier que l’alternative de Syriza était de passer sous la table ou de la renverser( [7] et qu’il n’y aurait pas de tiers terme, en particulier que l’idée d’obtenir quoi que ce soit des institutions européennes, ou pire encore d’engager leur transformation de l’intérieur, était un rêve de singe, il faut bien avouer qu’on n’était pas prêt à parier grand-chose sur l’hypothèse du renversement. Hic Rhodus hic salta [8] comme dit l’adage latin. Et c’est là qu’on voit les vrais hommes politiques. Pour toutes les erreurs stratégiques qu’il a commises jusqu’ici, il se pourrait bien que Tsipras en soit un. C’est qu’il faut une sacrée consistance pour faire face à ce mélange de périls et de chances qui s’offre à lui aujourd’hui – qui s’offre à lui ? non, qu’il a fait advenir en se tenant au plus près de l’essence de la politique : la proposition faite au peuple de décider souverainement.

    Comme Roosevelt se déclarait fier en 1936 d’être devenu objet de haine de l’oligarchie capitaliste qu’il avait décidé de défier carrément, Tsipras peut s’enorgueillir des tombereaux d’injures que lui réserve une oligarchie d’un autre type, le ramassis des supplétifs d’une époque finissante, et qui connaitront le même destin qu’elle, la honte de l’histoire. La première chose que Jean Quatremer a cru bon de tweeter consiste en photos de queues devant les distributeurs à billets. Et d’annoncer avec une joie mauvaise : « La Grèce sera donc en faillite mardi à minuit. Accrochez-vous ! ».

    On voudrait que quelque archiviste de talent, conscient de ce qui se joue d’historique ces jours-ci, s’attache à collecter tout ce qui va se dire et qui méritera de rester, tout ce que pense et dit l’oligarchie quand, à l’épreuve d’un moment critique, elle jette enfin le masque – car cette fois-ci le masque est bel et bien jeté. « La Grèce, c’est fini » titre le JDD du 28 juin, dirigé par Denis Olivennes, l’un des Gracques à qui l’on doit cette tribune à valeur de document quasi-psychiatrique publiée dans Les Echos, où l’on apprenait qu’il était urgent de « ne [pas laisser] Monsieur Tsipras braquer les banques » [9], textuellement, alors que le refus de restructurer la dette grecque jusqu’en 2012 n’a pas eu d’autres finalités que de sauver les banques allemandes, françaises, etc., ces banques où, précisément, prolifère la racaille Gracque, en effet la vraie racaille dans la société française – pas celle de Sarkozy –, ces « anciens hauts fonctionnaires socialistes » comme ils aiment à se présenter eux-mêmes, et qui en disent assez long sur l’état réel du « socialisme » français – pour ceux qui ne s’en seraient pas encore aperçus.

    #Grèce

    • sinon "Par un paradoxe qui doit tout aux coups de fouet de l’adversité, il se pourrait que cette avalanche de haine, car il n’y a désormais plus d’autre mot, soit le meilleur ciment des gauches européennes, et leur plus puissant moteur. Car la guerre idéologique est déclarée. Et il faudra bien cet état de mobilisation et de colère pour supporter ce qu’il va falloir supporter. Il ne faut pas s’y tromper : sauf à ce que tout l’euro parte en morceaux à son tour, hypothèse qui n’est certainement pas à exclure mais qui n’est pas non plus la plus probable, les yeux injectés de sang d’aujourd’hui laisseront bientôt la place à l’écœurant rire triomphateur des Versaillais quand la Grèce passera par le fond du trou. Car elle y passera. Elle y passera au pire moment d’ailleurs, quand Espagnols et Portugais, sur le point de voter, se verront offrir le spectacle du « désastre grec » comme figure de leur propre destin s’ils osaient à leur tour contester l’ordre de la monnaie unique. Ce sera un moment transitoire mais terrible, où, sauf capacité à embrasser un horizon de moyen terme, les données économiques de la situation n’offriront nul secours, et où l’on ne pourra plus compter que sur la colère et l’indignation pour dominer toutes les promesses de malheur. En attendant que se manifestent les bénéfices économiques, et plus encore politiques, du geste souverain."

    • Que le gouvernement Syriza, à l’encontre de ses propres engagements électoraux, ait accepté de se couler dans la logique du mémorandum et de jouer le jeu de l’ajustement budgétaire n’était pas encore assez : car la Troïka ne demande pas qu’un objectif global, mais aussi la manière. Il n’est pas suffisant que la Grèce s’impose une restriction supplémentaire de 1,7 point de PIB, il faut qu’elle la compose comme il faut. Par exemple l’augmentation du taux d’imposition sur les sociétés de 26% à 29%, ainsi que la taxe exceptionnelle de 12% sur les profits supérieurs à 500 000 euros ont été refusées par la Troïka au motif qu’elles étaient… de nature à tuer la croissance ! – ou quand l’étrangleur déconseille à ses victimes le port du foulard. En revanche la Troïka tient beaucoup à ce qu’on en finisse avec la petite allocation de solidarité servie sur les retraites les plus pauvres – le décile inférieur a perdu jusqu’à 86 % de revenu disponible de 2008 à 2012 [1] … c’est donc qu’il reste 14 bons pourcents : du gras ! Elle refuse la proposition grecque de taxer les jeux en ligne, mais demande la fin du subventionnement du diesel pour les agriculteurs – des nantis. Et tout à l’avenant.

    • On pourrait se perdre à l’infini dans ces détails qui disent tous le délire idéologique additionné d’instincts sociaux meurtriers – au sens presque littéral du terme, car rompre avec le fléau du gouvernement par abstractions macroéconomiques demande de prendre connaissance du tableau des conditions concrètes d’existence de la population grecque à l’époque de l’austérité, entre baisse de l’espérance de vie, explosion du taux de suicide, effondrement de la qualité des soins, etc [2]. On pourrait dire tout ça, donc, mais on n’aurait pas dit l’essentiel, qui tient à une forme de haine politique, comme il y avait jadis des haines religieuses, mais, fait inédit, une haine politique institutionnelle, une haine portée par des institutions. Depuis le premier jour, les institutions européennes n’ont pas eu d’autre projet que de faire mordre la poussière au gouvernement Syriza, d’en faire, par un châtiment exemplaire, une leçon à méditer par tous les autres pays qui pourraient avoir à l’idée eux aussi de ne pas plier, comme s’il fallait annuler l’événement de la première authentique alternance politique en Europe depuis des décennies.

    • Juncker : « égoïsme et populisme ont pris le dessus » en Europe
      29 juin 2015
      http://francais.rt.com/international/3742-juncker-afflige-par-spectacle-europe-crise-gecque

      S’adressant directement au peuple hellénique, ce dernier lui a demandé de voter « oui » et ce « indépendamment de la question posée » de lors du référendum qui doit se tenir en Grèce le samedi 5 juillet. « Un "non" serait désastreux car cela signifierait un "non" à l’Europe », a martelé le président de la Commission. « Il ne faut pas se suicider parce que l’on a peur de la mort », a ainsi conclu Jean-Claude Juncker.

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      Alexis Tsipras
      ‏@tsipras_eu

      We have justice on our side. If we can overcome fear, then there is nothing left to fear. @ErtSocial #ert #Greece

  • L’invention étymologique et catégorielle de l’ennemi/étranger, décrite par Benveniste -ou pourquoi y a-t-il Frontex plutôt que rien :

    "La signification première de hostis est bien celle que dit Festus : non pas n’importe quel « étranger », mais l’étranger qui est pari iure cum populo Romano. C’est par là que hostis assume à la fois le sens d’« étranger » et celui d’« hôte ». L’égalité de droits dont il jouit à l’égard du citoyen romain est liée à sa condition d’hôte. Hostis est proprement celui qui compense et jouit de compensation, celui qui obtient à Rome la contrepartie des avantages qu’il a dans son pays et en doit à son tour l’équivalent à celui qu’il paie de réciprocité. Cette vieille relation s’est affaiblie, puis abolie, à mesure que le statut du civis se définissait avec plus de rigueur et que la civitas devenait la norme unique et toujours plus stricte de l’appartenance juridique à la communauté romaine. Les rapports réglés par des accords personnels ou familiaux se sont effacés devant les règles et les devoirs imposés par l’Etat ; hostis est devenu alors l’« étranger », puis l’« ennemi public », par un changement de sens qui est lié à l’histoire politique et juridique de l’Etat romain.
    A travers hostis et les termes apparentés en vieux latin nous pouvons saisir un certain type de prestation compensatoire qui est le fondement de la notion d’« hospitalité » dans les sociétés latine, germanique et slave : l’égalité de condition transpose dans le droit la parité assurée entre les personnes par des dons réciproques."
    (Problèmes de linguistique générale I, p. 321-2).

    • les romains avait un systeme très perfectionné de redistribution de ce qu’ils allaient razzier ici ou là ( céréales ) mais il y eut toujours des flux incontrolés essayant en clandos ou pas de participer aux festin de leur maitres , même des miettes ; l’équivalence dans le mode de remplissage des carnets de commande qui impliquerait des redistributions l’urgence faisant loi , mais non compte tenu du génocide des demandeuses d’asile et autres n’accédant pas à l’espace des ayant droit ! il y eut Kienge , il y eut frontex et le grand Putshiste vit que cela marchait et la repassa à la commission !

    • En France, bien qu’on compte assez peu d’études sur l’homosexualité féminine – un sujet jusqu’alors déconsidéré par la recherche académique et essentiellement documenté par les associations LGBT –, elles s’accordent toutes sur une chose : la pluralité des vécus et des profils des femmes qui aiment les femmes. Pas plus que « la femme » existe, « la lesbienne » n’existe pas. Qu’en est-il, par exemple, de la « virilité » qui leur est attribuée ? Dans l’étude « Visibilité des lesbiennes et lesbophobie » (SOS homophobie, 2015), la majorité des enquêtées1 se décrivent comme « féminines » (53 %), voire « très féminines » (8 %). Parallèlement, une lesbienne sur quatre se définit comme « androgyne », une sur dix comme « masculine » et 1 % comme « très masculine » ; un tiers d’entre elles portent les cheveux longs, un tiers les cheveux mi-longs et un tiers courts.

  • Le Turkey Magazine (The Hoochie Coochie) de Mai est en ligne au format pdf, comme d’habitude.
    Le pdf à lire ici :
    http://www.thehoochiecoochie.com/blog/wp-content/uploads/2015/06/turkeymagazine_mai_lecture.pdf
    Et le pdf à imprimer at home là :
    http://www.thehoochiecoochie.com/blog/wp-content/uploads/2015/06/turkeymagazine_mai_impression.pdf

    Sommaire : Adrien Houillère, Aurélien Leif, Barthélémy Schwartz, J. & E. leglatin, L.L. de Mars, Léo Duquesne, Loïc Largier, Robert Varlez, Tim Danko.

    #BD #fanzine #the_hoochie_coochie

  • Récoltes et semailles , l’autobiographie mathématique inédite d’Alexandre Grothendieck, lisible en ligne pour les courageux :

    http://lipn.univ-paris13.fr/~duchamp/Books&more/Grothendieck/RS/pdf/RetS.pdf

    C’est un texte énorme (presque mille pages de pdf), mais le peu que j’en ai lu pour l’instant est plutôt passionnant, didactique, et même assez beau ; pas besoin d’être un génie des maths pour s’y aventurer, bien au contraire même, c’est un texte très intuitif où Grothendieck se montre soucieux de faire sentir ce que peut bien être, pour les butés du chiffre, cette nébuleuse a priori inaccessible qu’est la création mathématique.

    "Je viens là d’esquisser à grands traits deux portraits : celui du mathématicien « casanier » qui se contente d’entretenir et d’embellir un héritage, et celui du bâtisseur-pionnier, qui ne peut s’empêcher de franchir sans cesse ces « cercles invisibles et impérieux » qui délimitent un Univers. On peut les appeler aussi, par des noms
    un peu à l’emporte-pièce mais suggestifs, les « conservateurs » et les « novateurs ». L’un et l’autre ont leur raison d’être et leur rôle à jouer, dans une même aventure collective se poursuivant au cours des générations, des siècles et des millénaires. Dans une période d’épanouissement d’une science ou d’un art, il n’y a entre ces
    deux tempéraments opposition ni antagonisme. Ils sont différents et ils se complètent mutuellement, comme se complètent la pâte et le levain.
    Entre ces deux types extrêmes (mais nullement opposés par nature), on trouve bien sûr tout un éventail de tempéraments intermédiaires. Tel « casanier » qui ne songerait à quitter une demeure familière, et encore moins à aller se coltiner le travail d’aller en construire une autre Dieu sait où, n’hésitera pas pourtant, lorsque décidément ça commence à se faire étroit, à mettre la main à la truelle pour aménager une cave ou un grenier,
    surélever un étage, voire même, au besoin, adjoindre aux murs quelque nouvelle dépendance aux modestes proportions. Sans être bâtisseur dans l’âme, souvent pourtant il regarde avec un oeil de sympathie, ou tout au moins sans inquiétude ni réprobation secrètes, tel autre qui avait partagé avec lui le même logis, et que voilà à trimer à rassembler poutres et pierres dans quelque cambrousse impossible, avec les airs d’un qui y verrait
    déjà un palais..."

    #maths #Grothendieck

  • Le troisième numéro de la revue américaine Ink Brick est sorti il y a quelques jours :
    http://inkbrick.storenvy.com/products/13130364-ink-brick-no-3

    La revue, c’est 60 pages en couleur et en anglais pour une taille au garrot de 21x15 en gros dont quelques pages sont visibles là :
    http://inkbrick.tumblr.com/tagged/ink-brick

    Au sommaire :
    Alyssa Berg, Catherine Bresner, Sabin Cauldron, Anthony Cudahy, Maëlle Doliveux, Glynnis Fawkes, Hayley Fiddler, Eva Jaroňová, Anna Krztoń, Aurélien Leif, Laurence Musgrove, Myra Musgrove, James Romberger, Alexander Rothman, Alexey Sokolin, Bianca Stone, John Swogger, Paul K. Tunis, Marguerite Van Cook, Wynn

    Pour le prix, avec frais de port transatlantiques (4 dollars) et converti en euros au doigt mouillé, je dirais 11-12 euros par là (ou bien je comprends rien à un taux monétaire, c’est très possible aussi).

    #revue #BD #graphisme

  • Allez on se lâche :

    "Quelques aspects théoriques et pratiques de l’économisme.
    La position du mouvement libre-échangiste se fonde sur une erreur théorique dont il n’est pas difficile de découvrir l’origine pratique : sur la distinction entre société politique et société civile, distinction méthodique qu’il transforme en distinction organique et qu’il présente comme telle. C’est ainsi qu’on affirme que l’activité économique appartient en propre à la société civile et que l’Etat ne doit pas intervenir dans sa réglementation. Mais comme dans la réalité effective, la société civile et l’Etat sont une seule et même chose, force est de reconnaître que le libéralisme économique est lui aussi une « réglementation » de caractère étatique, introduite et maintenue au moyen de la loi et de la contrainte : c’est l’acte d’une volonté consciente de ses propres fins et non l’expression spontanée, automatique, du fait économique. [...]
    L’attitude de l’économisme à l’égard des expressions de la volonté, de l’action et de l’initiative politique et intellectuelle, est pour le moins étrange : comme si celles-ci n’étaient pas une expression organique des nécessités économiques, et même la seule expression efficiente de l’économie !"
    Gramsci

  • Loi renseignement, six heures d’émission sur Médiapart :

    https://www.youtube.com/watch?v=SWW0pIbSN58

    Beaucoup d’intervenants, et notamment un vrai de vrai terroriste bocager bien de chez nous, planteur de carottes antipersonnelles, djihadiste rural et épicier marxiste, un authentique diable de Tarnacie particulièrement pertinent et qui, on peut le dire, connaît les grosses ficelles de l’antiterrorisme par coeur -comble de l’ironie, deux ou trois jours après cette vidéo on apprenait que la saison deux du procès de Tarnac serait tournée cette année. Même casting, même intrigue, le décor est juste un peu plus vermoulu.
    (c’est en gros dans le dernier quart de la vidéo)

    (ça m’étonne que personne ne l’ait encore postée mais après une recherche multitags, on dirait bien que non)

    #loi_renseignement #surveillance #frenchiot_act #pjlrenseignement

  • Retuons Socrate a jeun :

    emission-fictions-theatre-et-cie-le-second-proces-de-socrate-piece-inedite-2015-05-10

    Le second procès de Socrate, une pièce de théâtre de Badiou, jouée à France Culture avec son auteur dans le rôle titre -et dans celui du vendeur de reblochon (ou était-ce du cantal ?).
    Une vraie chouette pièce comme on n’en entend pas si souvent, intelligente on s’en doutait, mais surtout pas formolée pour deux sous et même franchement drôle et foutraque par moment. Un beau dépoussiérage de notre plus vieux barbu.

    #Socrate #Badiou #théâtre #Platon

  • Le Turkey Magazine de Mars 2015, en ligne sur le blog de chez Hoochie Coochie après un petite rétention-suspense :

    http://www.thehoochiecoochie.com/blog/2015/05/turkey-magazine-mars-2015

    Le pdf de lecture est ici :
    http://www.thehoochiecoochie.com/blog/wp-content/uploads/2015/05/TMAGMARS2015_lecture.pdf

    Et le pdf imprimable là :
    http://www.thehoochiecoochie.com/blog/wp-content/uploads/2015/05/TMAGMARS2015_impression.pdf

    Au sommaire, Janis, L.L. de Mars, Loïc Largier, Olivier Philipponneau, Yoann Legrand, Aurélien Leif, Noémie Lothe

    #BD #fanzine #the_hoochie_coochie

  • Lettre ouverte pour protester contre la conférence de Monique Canto-Sperber lors de la « Nuit de la philosophie » - AURDIP
    http://www.aurdip.fr/lettre-ouverte-pour-protester-1280.html
    19 avril

    Communiqué de presse (19 avril 2015)—En réponse à l’annonce que Monique Canto-Sperber, célèbre intellectuelle française et administratrice d’instances universitaires, donnera une conférence sur la liberté de parole à la prestigieuse "Nuit de la philosophie", le 24 avril à New York, un groupe de plus de cent universitaires de plusieurs pays, dont quelques-uns des intellectuels les plus connus mondialement aujourd’hui, ont signé une lettre ouverte de protestation.

    Il est notoire qu’alors qu’elle dirigeait l’Ecole Normale supérieure de Paris, Canto-Sperber a empêché la tenue de deux événements importants organisés par le Collectif Palestine. De plus la rhétorique et la tactique qu’elle a utilisées à ces occasions sont devenues un modèle virtuel pour des actes répétés de censure non seulement en France, mais aussi au Royaume-Uni et ailleurs.

    De grandes figures de la philosophie, de l’éthique, de la politique et de la culture des deux côtés de l’Atlantique, comme Alain Badiou, Etienne Balibar, Catherine Malabou, Jacques Rancière, Angela Davis, Judith Butler, Richard Falk, Joan W. Scott, Gayatri Chakravorty Spivak, Bruce Robbins et de nombreux autres ont signé la lettre écrite par Ahmed Abbes (CNRS), Michael Harris (Columbia), et David Palumbo-Liu (Stanford), qui déclare en particulier :

    « Loin d’être une championne de la liberté académique pour tous, Monique Canto-Sperber a agressivement et sélectivement refusé la liberté académique à un groupe spécifique tout en l’accordant à tous les autres. C’est notre conviction que la liberté académique ne doit pas être appliquée de manière sélective : c’est un droit universel.

    Nous trouvons remarquable que non seulement votre comité d’organisation ne pouvait ignorer ce passé de censure, mais qu’il accorde même maintenant à cette personne une plateforme pour exprimer son "soutien" à la libre parole. C’est plus que scandaleux—cela dépasse l’imagination et apparaît comme un blanchiment des données historiques.

    Si nous reconnaissons et respectons le droit de Canto-Sperber de parler à votre colloque, nous pensons qu’il est de notre devoir de manifester notre profond désappointement et de protester dans les termes les plus forts contre le fait qu’une des personnes principales sélectionnées pour promouvoir la liberté de parole à votre "Nuit de la philosophie" l’ait ouvertement refusée aux Palestiniens et à leurs défenseurs. En agissant ainsi, vous faites de cet événement une farce et montrez la minceur de votre engagement envers la liberté académique et la liberté de parole. »

    http://seenthis.net/messages/361306

    • La Nuit de la philosophie à New York
      26 avril |Michael Harris, Traduction JPP pour l’AURDIP |
      http://www.aurdip.fr/la-nuit-de-la-philosophie-a-new.html

      (...) L’un des conférenciers invités a annoncé son intention de se retirer de l’évènement, mais elle a été convaincue du contraire quand les organisateurs expliquèrent que Canto-Sperber avait choisi son propre thème. Une vidéo du discours de Stéphane Hessel, en 2011 devant le Panthéon, a été postée sur la page Facebook de l’évènement [2]. (L’annulation du discours prévu de Hessel à l’ENS a été l’un des premiers actes de censure de Canto-Sperber)

      Un autre conférencier invité, Omri Boehm, de la New School, a annoncé sur la page Facebook de l’évènement :

      « Changement de thème : au lieu d’intervenir sur "Pensée et obéissance", j’aborderai "BDS, liberté d’expression, violence" », Omri Boehm (23 h, Salle de danse de l’ambassade française).

      Avant le début de l’intervention, le militant new-yorkais Peter Hogness avait distribué des tracts dans la salle de danse contenant le texte de la Lettre ouverte de protestation, avec la liste de ses signataires. Il lui a été ordonné par des agents du consulat français de cesser et, à un moment, ils ont tenté de lui prendre les tracts des mains, lui disant que s’il continuait, il serait expulsé par la force. Après avoir informé la foule de cela, il s’est trouvé autorisé à poursuivre la distribution des tracts à la porte de la salle.(...)