Notes sur Hâte-toi lentement de Lamberto Maffei, [2014, Elogio della lentezza] [2016 fr]
La biologie du développement cérébral, notamment, semble la plus adapté à aider à participer à la recherche du sens de la vie.
L’auteur se questionne sur les effets de la vitesse sur l’outil de perception, conséquences pratiques sur la production d’actions favorisées par le cerveau.
Des informations trop rapides pour être géré . Le support imagé d’information arrive plus vite dans le cerveau que d’autres types de support. Cette rapidité rend la distance prise avec ces informations plus difficiles. Par ailleurs d’une manière générale la quantité d’informations que l’on perçoit est aujourd’hui bien plus grande, rapide et manipulable. Tout ceci ne va pas dans le sens d’une émancipation ne serait ce que par la possibilité d’avoir le temps de la vérification.
Contrairement a une société qui grandit avec l’idée qu’il suffit de « presser une touche pour » [l’idéologie des ingénieurs, banalisé à travers leurs productions], le cerveau ne fonctionne pas ainsi.
D’une manière générale
la prédominance excessive des mécanismes rapides de la pensée […] pourrait entraîner des solutions ou des comportements inadaptés, des dommages à l’éducation et à la vie civique
(Ch. 1) [1].
Le problème n’est pas la vitesse elle-même, mais sa tendance à être dominante . Pourquoi une prédominance, et pas la pensée rapide comme un problème en général ? Comme l’avait dénoncé rapidement Bourdieu, disant « penser vite-penser faux » ? Parce que le cerveau contiendrait grosso-modo deux régimes d’exécutions, l’un rapide, l’autre lent [2]. Le système rapide de réponse cérébrale est une nécessité adapté a certaines situations. Des situations d’urgences notamment (mais pas seulement, des réflexes innés ou conditionnés, ou encore des activités non conscientes, voire la naissance de l’intuition).
Le système lent permet l’analyse et le recul, le problème étant que ce dernier a de moins en moins le temps d’être mobilisé. Il est même démobilisé par une saturation d’information d’une part, mais qui en plus arrive sur des supports qui rendent ces informations encore plus rapides (comme la vidéo, ou les images).
Déployer au mieux son cerveau . L’auteur montre que le cerveau à un développement inégal : il se développe très vite durant la jeunesse [3], stagne un peu, puis décroît en capacité plastique lentement (et devient plus ordonné et stable).
Le déclin est assez lent et peut-être imperceptible si l’on ne fait pas attention a ses capacités musculaires. Mais il devient clair autour de 45 ans, avec la baisse de la vision et les premiers trous de mémoire soudains.
L’auteur reste assez creux sur les aspects pratiques si ce n’est encouragé à accueillir et accepter la lenteur (en rappelant que ce dernier n’est pas fait pour gérer la vitesse a laquelle les informations nous sont jetés aujourd’hui :
La technologie a rendu les communications entre les hommes plus rapides, mais celles entre les neurones sont restées les mêmes.
Ch. 2).
Il faudrait donc bien profiter bien profiter de la jeunesse pour ouvrir ses capacités… sans pour autant croire qu’il ne sera plus plastique tardivement (c’est juste plus difficile. L’auteur a participé a des expériences scientifiques sur lesquelles il s’appuie). Rien malheureusement ne permet à l’heure actuelle d’échapper à Alzheimer.
Dans une vision minimaliste et probablement incorrecte, on pourrait dire qu’il serait avant tout utile et important de tenter de rendre aux personnes âgées une vie normale faite de relations, de mouvement, de paroles.
Il a cependant quelques paroles heureuses sur la mort : notamment en indiquant que cette baisse capacitaire du cerveau, évite parfois de voir que nous dégénérons et pour ainsi dire facilite l’acceptation de la mort [4]. Cependant il reconnaît que celle-ci reste parfois difficile, et parle de l’euthanasie comme d’un « homicide thérapeutique » (Ch. 2).
Et la naissance du langage dans l’anthropogenèse :
Chez l’enfant, le langage corporel précède celui de la parole et il est quasi certain que cela a été le cas dans l’histoire de l’homme, dont le premier moyen de communication a été probablement le geste.
(Ch. 3).
Une définition intéressante de la pensée :
La pensée finalement devrait être un échange entre les différentes aires corticales – les aires sensorielles, associatives et frontales – et ensuite un échange avec les aires émotives et motrices et avec la mémoire. La pensée est une discussion, une conversation entre les aires cérébrales ; cette conversation a besoin du temps et de cette lenteur nécessaire à la dialectique de l’échange qui est à la base de la rationalité.
(Ch. 4).
Politiquement encourage a une décroissance , mais rien de bien neuf d’un point de vue français [5], si ce n’est apporté de la compassion pour les consommateurs compris comme tirant du plaisir de leur acte d’achat (un plaisir qui visiblement n’a pas été suffisamment éduqué et s’étale là au lieu de se concrétiser ailleurs).
L’auteur critique pèle mêle, le PIB, sa soumission du système éducatif en particulier (rappelant que les enfants au potentiel plastique cérébral important, sont les premières cibles et les plus grands perdant), l’encouragement a une société du réflexion plutôt que la réflexion du a la rapidité de l’information. De même qu’elle a produit le fast food, le fast thinking semble en être l’autre pendant. La pensée et l’élaboration de valeur morale serai alors détruite par le réflexe et l’achat. [D’une manière générale, il est plus difficile de réussir à réfléchir et vivre dans le temps présent quand celui-ci donne l’impression de fuir sous nos doigts par la vitesse acquisse par le système de production. Celles et ceux qui sont intéressé-e-s par les conséquences politiques de l’accélération généralisée peuvent porter leur lecture vers Hartmut Rosa].
Une biologie développementale de la créativité . Un dernier chapitre sur la créativité surnage. Il apparaît un peu comme un cheveux sur la soupe à la fin du livre. Il offre cependant l’occasion de répondre a celles et ceux qui aurait tendance a définir la créativité comme un don, ou un lien avec le divin, en esquissant une vision biologique de cette dernière. D’abord il la déconnecte de l’intelligence (il n’y a pas de lien direct), ensuite il en propose des étapes : préparation, incubation, prise de conscience lucide de la compréhension, vérification. Indique qu’elle peu avoir lien avec la pensée divergente [6] et est loin d’exclure, voir au contraire, des artistes atteint par ailleurs de pathologies mentales. Mais plus précisément d’un point de vue strictement biologique la créativité à avoir avec
1) un événement sensoriel, souvent par images ; 2) l’attitude juvénile, voire enfantine ; 3) l’imprévisibilité ; 4) la composante inconsciente.
(Ch. 5). Une partie de la créativité enfantine est perdu car elle est jugée socialement comme de peu d’intérêt. Enfin, l’imprévisibilité est du en partie au « bruit » qui peut être cérébral, avec des interactions spontanées entre les différentes aires du cerveau.
Notes :
1. Je n’exclus pas que ce rythme et type de traitement d’information soit en faveur du conspirationnisme (qui je le rappelle n’est pas la connaissance de complot dans l’histoire, ni même la croyance en une théorie du complot, mais la tendance a dire que tous les pouvoirs/gouvernement sont le fruit de conspiration).
2. Tout ceci est développé dans le Ch. III.
3. Cette grande vitesse durant la jeunesse est toute suggestive, puisque par rapport a d’autres animaux notre déploiement peu paraître très lent. Il y a chez nous un pic de plasticité autour de 3-4 ans.
4. « Nous devons savoir gré à la lenteur des processus de vieillissement, grâce à laquelle nous pouvons oublier que nous sommes en train de terminer notre promenade dans ce monde » Ch.2 .
5. Je ne développe pas plus, je pense que l’on trouve suffisamment d’information sur le sujet. Par ailleurs, j’ai moi-même participé a des groupes décroissances locaux informels (non-électoralistes), je me permets donc de ne pas représenter ici ces idées.
6. Mais oubli de poser les garde-fou, rapellant que trop de pensée divergente, c’est la schizophrénie, en fait c’est une question de degré.