CEAL

Le CEAL (Collectif Enseignant pour l’Abrogation de la loi de 2004 ) demande l’abrogation des lois et textes discriminant les musulman-es à l’école.

  • Protéger les enseignant-es en stigmatisant des étudiantes ?
    http://contre-attaques.org/magazine/article/proteger-les

    Un universitaire propose d’interdire le voile à l’université pour éviter les triches aux examens et protéger les professeur-es de fac d’agressions. Des enseignant-es du CEAL lui répondent.

    Cher Christophe Leroy,

    Nous sommes enseignant-es en collèges et lycée en Seine-Saint-Denis, certain-es d’entre nous enseignons aussi à l’université. C’est à ce titre que nous avons lu votre tribune parue dans le Monde du 19 avril. Votre priorité y était de vous positionner contre le voile à l’université, et nous entendons ici vous répondre. Il n’est pas évident de saisir la logique de vos arguments tant ils sont obscurs et confus. Ils semblent cependant renvoyer à quatre problèmes que poserait le port du voile à l’université.

    Le premier cas qui semble justifier une interdiction est celui de la triche aux examens. C’est sous prétexte de ce genre d’arguments « pratiques » que vous prétendez nécessaire de légiférer sur le port du voile à l’université. Peut-être faudrait-il aussi prévoir une législation pour interdire les dreadlocks, les cheveux longs, les caches-cous, les écharpes ?

    Vous évoquez cet « épineux problème » en levant un lièvre qu’il ne vous intéresse pourtant pas de suivre : que tous les enseignants d’une discipline soient des hommes. Le seul problème que poserait cette absence de femmes serait d’entraver la fouille des étudiantes voilées, que vous jugez nécessaire.

    Comment est-il possible de n’y voir qu’un problème de surveillance des examens ? La possibilité qu’une étudiant.e refuse de vous adresser la parole parce que vous êtes un homme et qu’elle serait musulmane vous horripile, mais l’absence de mixité parmi les enseignants semble vous laisser de marbre. Allez, M. Leroy, un peu de courage, confrontez-vous à cet « épineux problème » ! Pourquoi ne pas écrire au Monde sur la sous-représentation des femmes parmi les enseignants de certaines disciplines universitaires ? Parce que cela désignerait le sexisme comme structurant notre société, alors que votre objectif est de réduire le sexisme à l’islam ? Vous qui vous donnez comme objectif de mettre vos étudiantes face à leur contradiction, n’arrivez pas à étudier celles de vos propres positions ?

    Votre second argument est que les enseignant.es doivent s’interroger sur le « degré d’implication d’une jeune femme voilée dans le strict respect des lois coraniques ». Cela semble vous tenir particulièrement à cœur puisque vous répétez cette même phrase, au mot près, à deux reprises. Vous réclamez même des formations à l’islam. C’est bien pourtant de formations à la laïcité dont vous avez besoin. Vous prenez d’ailleurs bien soin de ne jamais vous y référer pour justifier l’interdiction du voile à l’université. Cette interdiction répondrait à des exigences seulement pragmatiques.

    La laïcité vise à permettre l’expression libre des convictions, « mêmes religieuses » (comme disait la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) et l’égalité des citoyen.nes. Elle suppose la neutralité des agents du service public, c’est-à-dire l’absence de jugement sur les convictions des usager.es et la non-expression de ses propres convictions. En d’autres termes, elle suppose précisément que les personnels ne jugent pas « le degré d’implication d’une jeune femme voilée dans le strict respect des lois coraniques ». Le faire, comme vous le faites, lorsque vous écrivez qu’ « une application stricte de ces lois fait qu’une femme voilée ne peut adresser la parole à un homme », c’est enfreindre le principe laïque.

    D’autre part, où avez-vous trouvé les règles intangibles et immuables qui régissent la pratique religieuse de 1,6 milliard de personnes ? Nous vous proposons de fréquenter plus assidûment les amphithéâtres de sociologie, ou les cours de nos collègues de sciences économiques et sociales en lycée : depuis Durkheim, on sait que les pratiques religieuses ne découlent pas mécaniquement de la théologie. S’ériger en interprète des textes sacrés, comme vous le faites, c’est faire profession de théologien.

    Venons-en à votre troisième argument. Vous prétendez que le port du voile aboutirait, en matière de surveillance des examens, à une inégalité de traitement des étudiant.es : les étudiantes voilées obtiendraient – grâce au laxisme de vos collègues – un traitement de faveur par rapport aux étudiant.es « ne portant pas de couvre-chefs ». Ou plutôt, vous vous cachez, avec un courage hors du commun, derrière les dires d’étudiant.es qui considéreraient qu’il y a là une enfreinte au principe d’égalité.

    L’argument fait ainsi porter aux seules étudiantes que vous stigmatisez la responsabilité de tensions dont vous seul, par votre refus d’appliquer les principes de la laïcité, êtes à l’origine. Cette stratégie n’a rien de nouveau : c’est la même qu’utilisèrent à partir de 1989, dans le secondaire, les défenseurs d’une loi interdisant le voile pour les collégiennes et les lycéennes. Alors même que le Conseil d’Etat, par une jurisprudence très claire, leur donnaient tort, ils promurent pourtant les exclusions d’élèves, et accusèrent celles-ci de semer le chaos quand elles demandaient à la justice de les soutenir. Ainsi, ils et elles ont pu faire passer la loi d’exclusion de 2004 comme une loi d’apaisement ! Ne soyez pas lâche : vous seul créez les tensions par vos propos.

    Vous décrivez « des étudiants venant sans voile ni couvre-chef quelconques (casquette, cagoule, capuche de survêtement) ». Cette énumération n’est pas sans nous surprendre.

    On voit bien à qui renvoie l’imaginaire de la casquette et de la capuche. Ajouter à cette liste la cagoule, c’est faire référence à un autre imaginaire : celui de la violence masquée du braqueur ou du terroriste. Cette assimilation du style vestimentaire de jeunes de quartiers populaires aux habits du crime organisé éclaire les présupposés de votre discours. Vous vous sentez victime d’une violence organisée, vous, chantre du « modèle occidental » pour reprendre vos propres mots.

    Finalement, votre texte a un intérêt. Un seul. Celui de témoigner de la terreur qui vous habite lorsque vous fréquentez certain.es de vos concitoyen.nes. Terreur dont le seul fondement est un racisme à peine masqué et un mépris de classe qui laisse peu d’espoir quand à vos capacités à jamais pouvoir enseigner, c’est-à-dire former des individus dont, par définition, les origines ethniques et sociales sont différentes des vôtres. Votre texte exprime une peur qui doit rendre votre enseignement difficile, voire insupportable. Remettez-vous en cause plutôt que d’accuser vos étudiantes.

    Venons-en enfin à votre quatrième « argument » – si l’on peut parler d’argument en cette matière. Il s’agit de la menace que feraient peser les étudiantes voilées sur les enseignant.e.s. par exemple par l’intermédiaire de leurs « tuteurs » . L’argument implicite est que les étudiantes voilées sont entourées de hordes d’hommes sauvages prêt à tout pour faire respecter la loi coranique (sans doute porte-t-il des casquettes, des capuches et plus sûrement des cagoules). M. Leroy, vos fantasmes paranoïaques ne prêteraient qu’à sourire s’ils ne devenaient pas une doxa qu’un ci-devant grand journal est désormais prêt à relayer. Cette menace suinte de votre texte. C’est la peur qui guide votre raisonnement.

    Votre colère et votre mépris pour vos étudiantes sont intolérables. Mais ce qui l’est autant, c’est la description que vous donnez de l’enseignement à l’université et votre indifférence à ce constat. Et cela nous affecte d’autant plus, nous professeurs de l’enseignement secondaire, que l’université est l’institution qui accueille le plus des élèves des quartiers populaires qui réussissent à intégrer l’enseignement supérieur.

    Quant à la relation pédagogique que vous décrivez, elle est réduite à un contrôle d’identité et une fouille au corps au moment de l’examen. Dans les classes préparatoires, où sont surreprésenté-es les enfants des catégories socio-professionnelles les plus favorisées, le taux d’encadrement est comparable à celui de l’enseignement secondaire. Les élèves y sont a minima connu-es, reconnu-es et accompagné-es dans leur projet d’études.

    Tandis que dans les premiers cycles d’université, étudiant-es et enseignant-es sont bien souvent condamné-es à un face-à-face anonyme dans des amphithéâtres surpeuplés, peu propice aux apprentissages. Votre témoignage en est le cruel reflet. Le taux d’échec des élèves issu-es des baccalauréats professionnels et technologiques y atteint des sommets. N’est-ce pas, comme le font, dans d’autres lieux, beaucoup de vos collègues, contre les conditions d’enseignement qui vous sont faites à vous et vos étudiant.es que vous auriez pu utiliser votre possibilité d’être publié dans Le Monde plutôt que de gloser contre des étudiant.e.s que manifestement vous ne connaissez pas ?

    Anaïs Flores, Paul Guillibert, Caroline Izambert, Florine Lepâtre et Jérôme Martin sont membres du CEAL.

  • « Quand nous disons "je", c’est à nous tou-te-s que nous pensons » - Contre-attaque(s)
    http://contre-attaques.org/magazine/article/tribune

    Laurence Rossignol, Manuel Valls, Gilles Clavreul, Laurent Joffrin...ces dernières semaines ont été marquées par les déclarations outrancières de plusieurs responsables politiques et éditorialistes. Qu’elles insultent la mémoire des déportés de l’esclavage, le libre-arbitre des femmes voilées ou les pratiques militantes des antiracistes politiques, ces déclarations n’ont qu’un seul effet : renforcer les stigmates visant une partie de la population. Plusieurs acteurs associatifs ont ouhaité réagir à cette sombre actualité ; nous publions ici leur tribune.

    Nous assistons avec un triste amusement à la déchéance de rationalité d’un État en roue libre. Et avec lui, les hérauts d’une élite désuète qui, face à la remise en cause de ses privilèges, est prête à faire brûler la maison France qu’elle dit tant aimer.
    Comme chaque jour apporte son lot de nouvelles polémiques autour de l’islam et des musulmans, des Noirs et des Arabes, des migrants et des Roms, hier pas plus que demain ne déroge à la règle.

    Douce France, cher pays en pleine souffrance, que nous réserves-tu aujourd’hui ? Quel foulard, quelle barbe, quelle couleur, quelle culture te posera problème ? Quel sujet naitra, sinon de ton ennui, du moins de tes errances ou stratégies racialistes ?

    Sur nos écrans s’affichent les tensions du jour qui, dans nos rues comme dans nos institutions, dans nos écoles comme dans nos entreprises, portent leurs fruits amers, construisant et légitimant le rejet de l’autre, son exclusion. La violence des mots, souvent. La violence des gestes, aussi.

    Et face à cela, un État coupable de lui-même, non plus uniquement de ses renoncements face aux racismes, mais également de ses discours et de ses actions ; une puissance publique qui, plutôt que d’apporter la rationalité de l’analyse, l’humanisme de l’écoute et la fraternité dans l’action, est incapable d’offrir un autre visage que celui du mépris.

    L’antiracisme d’État n’est et ne sera pas la grande force issue de tous les secteurs et de tous les paysages de la société française, permettant à chacun-e de ne plus faire face à l’exclusion de part sa couleur de peau, son origine ou sa religion supposée. Au contraire, il aura été l’obstruction des institutions, empêchant les premiers intéressés d’accéder aux moyens politiques et institutionnels de changer positivement leur condition. Il aura été la domination d’une élite, produisant un discours vertical descendant, à l’attention des populations cibles du racisme que l’on aura voulu « civiliser » et « pacifier », sans jamais dépasser ses réflexes post-coloniaux. Il aura été 30 ans de retard, en donnant à voir l’illusion d’une France fraternelle, signalant sur le plan du marketing ce que nous avons été incapables de faire vivre dans le réel de l’action institutionnelle. Une France pourtant rescapée, sauvée au quotidien par l’expérience humaine de gens qui veulent tout simplement vivre ensemble, bien loin des outrances politiques de ceux qui nous gouvernent. 

Au Président de la République comme au Premier Ministre, au Délégué interministériel prétendument contre le racisme et l’antisémitisme comme aux polémistes qui les soutiennent, aux videurs de l’antiracisme patenté comme aux racistes de tout poil qui se sentent soudainement pousser les ailes d’un républicanisme jacobin, à cette infime minorité qui truste l’espace médiatique névrosé tout en poussant des cris d’orfraie à chaque fois qu’on contredit leurs certitudes, nous disons simplement : 



    Votre antiracisme est un racisme, puisqu’il revient à nous imposer la manière dont nous devrions vivre et les mots que nous devrions choisir pour nous exprimer, juste par notre différence.
    Votre féminisme est un sexisme, puisqu’il aboutit à dicter aux femmes ce qu’elles devraient ou non porter, tout en confisquant la parole des premières intéressées.
    Votre progressisme est une régression, puisqu’il valide le passage de nouvelles lois qui, en son nom, viennent restreindre toujours plus les droits et les libertés de chacun-e.
    Votre liberté d’expression est une censure, puisque asymétrique, elle vous permet d’insulter les autres tout en leur interdisant de vous répondre.

    Fuyez donc les miroirs, vous risqueriez de vous y voir.

    Quand des ministres s’érigent en défenseur des droits tout en convoquant, comme l’a fait Mme Rosignol, la mémoire de l’esclavage pour mieux ostraciser les Noir-e-s et les femmes musulmanes, sans qu’aucun responsable politique de premier plan ne la condamne mais plutôt la défende, on prend la mesure de l’ancrage raciste dans notre société. 

Quand un premier ministre en exercice se sert, une fois de plus, des femmes musulmanes comme bouc émissaire de ses échecs, couvrant le trou béant du chômage et les échecs de l’anti-terrorisme par des déclarations toujours plus abjectes, on a envie de lui rappeler que le premier « asservissement » que les premières intéressées dénoncent est celui de leur exclusion de l’éducation et du travail, auquel Manuel Valls a si ardemment participé.

    Et lorsque le directeur d’un journal dit de Gauche, comme Laurent Joffrin, prend la plume pour donner des leçons sur la manière de bien lutter contre un racisme qu’il n’a lui-même jamais vécu, en s’arrogeant le droit de dicter qui sont les bons et les mauvais, on serait presque tentés de rire si la situation n’était pas si grave, pour finalement lui dire :
    Promis, à la minute où on aura besoin de la permission de qui que ce soit pour savoir comment lutter contre les problèmes qui NOUS affectent, on vous fera signe. D’ici là, vous pouvez prendre un ticket et rejoindre la chorale de ceux qui, dans leur long sanglot, pleurent un antiracisme jusque là garant de leurs privilèges.

    De la même manière, si on a besoin de conseils sémantiques pour savoir comment qualifier la négrophobie, l’islamophobie ou le racisme dont NOUS sommes la cible, nous saurons que nous pouvons compter sur des experts en linguistique sélective qui ont a cœur de préserver la pureté et la conformité d’une langue qui, républicaine ironie, est la notre tout autant que la leur.

    D’ici là, nous continuerons notre travail.

    Nous continuerons à dénoncer le racisme là où il se trouve, comme un système et non un accident, sans hésiter à parler de la responsabilité de l’État dans son institutionnalisation, au travers des discriminations, des pratiques policières abusives ou encore de l’accès aux services publics.

    Nous continuerons à nous organiser en toute indépendance et à choisir nos mots, nos moyens, nos causes, nos stratégies autonomes pour préserver nos droits à tou-te-s.
    Et si votre dernière défense est de nous accuser de communautarisme, quand vous avez été le groupe de reproduction sociologique des élites le plus stable de notre histoire, c’est que vous ne concevez d’égalité que soumise à vous :

    Quand vous dites « nous », c’est à vous seuls que vous songez. 
Quand nous disons « je », c’est à nous tou-te-s que nous pensons. Comme vos discours, votre universalisme est en perpétuelle rotation, autour de votre nombril.

    Nous sommes libres, comme des êtres humains dans toute leur dignité.

    Et si cela vous pose problème, c’est qu’il vous faudra apprendre à vivre avec vous-mêmes, de vos indignations sélectives à votre égalité incantatoire, de votre vision civilisatrice et raciste à votre cécité lorsqu’il s’agit de faire face à vos propres biais et mécanismes d’exclusion. Atteints d’une fracture de l’œil à la vue d’un foulard ou d’une femme noire s’exprimant librement, menacés par une barbe ou un turban troublant votre aseptisé paysage, traumatisés par la mémoire d’un pain au chocolat arraché à votre enfance, vous pourrez trouver une oreille attentive et réconfortante auprès de ceux qui pensent comme vous. Si seuls, vous pourrez vous tenir chaud et évoquer les souvenirs d’antan... vestiges révolus d’un temps où vous pouviez encore nous dominer.

    Mais comme nous ne vous ressemblons pas, nous n’avons pas de revanche à prendre ni de souffrance à projeter sur les autres. C’est pourquoi notre lutte sera toujours et uniquement celle de la justice et de la dignité, pour tou-te-s. Accrochez-vous bien.

    Sihame Assbague, activiste et journaliste par obligation
    Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République
    Ismahane Chouder, membre du Collectif des Féministes Pour l’Égalité
    Nabil Ennasri, essayiste et président du Collectif des Musulmans de France
    Amadou Ka, président des Indivisibles
    Leyla Larbi, membre du Labo Décolonial
    Marwan Muhammad, directeur exécutif du Collectif Contre l’Islamophobie en France
    Fania Noël, militante afroféministe

  • Islam, voile : Elisabeth Badinter sème la division. Elle complique notre rôle d’enseignant - le Plus

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1503068-islam-voile-elisabeth-badinter-seme-la-division-elle-compl

    Élisabeth Badinter a la comparaison historique facile. Le mot « nègre » mis de côté, elle valide aujourd’hui le rapprochement fait par la ministre Laurence Rossignol entre les femmes qui choisissent de porter le voile et des esclaves prétendument consentant-es.

    Déjà en 1989, lors de la première « affaire du foulard islamique » à Creil, quand le ministre de l’Éducation Lionel Jospin demandait au Conseil d’État un avis juridique sur l’exclusion de collégiennes voilées, Élisabeth Badinter hurlait avec d’autres à la lâcheté politique en parlant de « Munich de la République » [1].

    L’allusion aux Accords de Munich revenait à comparer ces adolescentes et leur famille à des nazis prêts à envahir l’Europe.

    Nazies ou complices consentantes d’un crime de masse raciste : voici la représentation que depuis 30 ans, des « philosophes » et des responsables politiques donnent des femmes voilées qui refusent l’invisibilité publique.

    Ces personnalités insultent au passage la mémoire des victimes de deux crimes contre l’humanité et en relativisent la gravité. Par de telles outrances, prononcées publiquement, elles compliquent notre rôle quand nous abordons l’esclavage et le nazisme avec nos élèves, dans les cours d’histoire, de littérature, de philosophie, d’éducation civique, de langues, d’histoire des arts.

    Nous abordons ces questions dans leur complexité : la recherche des causes et le respect des victimes, la singularité de chaque événement et leur inscription dans une histoire longue, le regard souvent distancié qu’impose la recherche historique et le jugement moral, politique, que les témoins, ou la postérité, ont imposé.

    Elle fait preuve d’une étonnante légèreté

    Parmi les questions les plus délicates, la question du sens à donner aujourd’hui à de tels crimes et des interprétations différentes est sans doute la plus complexe.

    Cette complexité vole en éclats sous le coup des outrances d’Élisabeth Badinter et de ses paires : le nazisme et l’esclavage ne sont plus que des prétextes à disqualifier la parole de personnes avec qui on est en désaccord.

    Doit-on indiquer ici que nous prévenons nos élèves contre la violence de tels procédés quand ils et elles en abusent en classe ? Doit-on signaler que la légèreté avec laquelle la polémiste ou la ministre recourent à ces crimes pour disqualifier la parole de personnes déjà minorées socialement nous met en colère ?

    Élisabeth Badinter n’est pas une enseignante de Seine-Saint-Denis. De nous, de l’Éducation nationale, elle dit qu’elle s’est « affaissée ». Elle fait partie d’une « élite républicaine » qui elle n’est pas affaissée. Voyons donc la différence entre l’élite et l’affaissement que nous sommes à ses yeux.

    Une actionnaire de l’agence Publicis

    Là où nous apprenons à nos élèves l’exigence légitime à apporter une justification à des assertions, elle assène, sans preuve aucune, que le port du voile, de plus en plus visible en France, serait le signe exclusif d’une empreinte croissante des islamistes / intégristes / djihadistes / salafistes.

    Pourtant : entretiens avec des femmes voilées, études sociologiques, témoignages, tout montre la diversité des raisons qui amènent des femmes à porter le voile. Que la contrainte en fasse partie est indéniable, qu’elle ne soit pas la seule aussi. Contrairement à des élèves, une élite républicaine n’a pas à se justifier de propos qui versent dans la généralisation abusive, même les plus incongrus. Ce serait s’affaisser.

    Là où nous apprenons à nos élèves que les actes doivent suivre les paroles, nous constatons qu’Élisabeth Badinter, toute à ses leçons de féminisme, continue d’être l’actionnaire principale de Publicis. Or, comme l’avait déjà signalé une journaliste de Rue89 le 11 février 2010, ou comme le montrait « Arrêt sur images » le 13 février 2010, cette agence publicitaire relaie parfois des messages sexistes.

    Comble de l’ironie, « Challenge » informe que l’agence vient de signer un contrat avec l’Arabie Saoudite pour redorer l’image du régime auprès de la France. Nous avons hâte de voir ce que Publicis proposera sur les droit des femmes, et la part de bénéfices que Badinter touchera sur ce contrat. L’élite républicaine ne saurait être hypocrite, ce serait s’affaisser.

    Une application des lois à géométrie variable

    Là où nous apprenons à nos élèves à analyser rigoureusement des propos avec lesquels ils et elles sont en désaccord, Élisabeth Badinter oppose le mensonge à celles et ceux qui font valoir son islamophobie.

    Selon elle en effet, seraient injustement accusées d’islamophobie les personnes qui auraient le courage, comme elle, de dire : « Nous voulons que les lois de la République s’appliquent à tous et d’abord à toutes »â��.

    Mais si Élisabeth Badinter est accusée d’islamophobie, ce n’est pas parce qu’elle voudrait faire appliquer les lois à tout le monde ; c’est précisément parce qu’elle refuse le bénéfice de certaines lois, et de certains principes constitutionnels, à toute une partie de la population, en raison de leur religion réelle ou supposée.

    Car qui refuse aux femmes voilées l’application de l’article 1 de la loi de 1905 ("La République assure la liberté de conscience") ? Qui ne cesse de stigmatiser et réduire au silence les musulman-es au mépris de la Constitution ("Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion") et du principe de liberté d’expression ?

    Mais une élite républicaine n’a pas à se justifier sur son rapport, disons, saugrenu, à la réalité historique et juridique. Ce serait s’affaisser.

    La recherche d’un bouc émissaire

    S’affaisser ? Selon Elisabeth Badinter, « l’Éducation nationale s’est affaissée, sous le coup des idéologues qui, là encore et toujours au nom de la différence culturelle et de la tolérance, ont enfermé ces jeunes dans leur ghetto ». Ce serait donc au nom de la « tolérance » que les inégalités de territoires, notamment en matière scolaire, existeraient.

    Les inégalités entretenues par l’État, notamment en matière d’investissement, de subventions, de moyens humains, pourtant largement décrites par les syndicats enseignants, la Cour des comptes ou le Défenseur des droits ne compteraient pour rien.

    Et le racisme, comme le sexisme, qui structurent l’institution en matière de d’orientation ne compteraient pour rien. Seul-es les antiracistes sont responsables.

    Manuel Valls a apporté son soutien à Élisabeth Badinter (U. AMEZ/SIPA).

    On comprend pourquoi Manuel Valls a soutenu cette interview d’Élisabeth Badinter. Là où toutes les preuves condamnent les politiques économiques et sociales des quinze dernières années, qui ont considérablement augmenté les inégalités de territoire au sein de l’Éducation nationale, la polémiste, elle, tient des « idéologues » antiracistes pour seul-es responsables de cette situation.

    C’est bien là le rôle de « l’élite républicaine » : servir de caution à l’État, semer la division au sein des citoyen-nes, trouver un bouc émissaire aux catastrophes sociales provoquées par des décennies de politiques inégalitaires, perpétuer une politique raciste et sexiste au sein de l’Éducation nationale en pervertissant les luttes féministes et antiracistes.

    >> Anaïs Flores, Paul Guillibert, Caroline Izambert, Florine Leplâtre et Jérôme Martin sont enseignantEs, membres du CEAL (Collectif enseignant pour l’abrogation de la loi de 2004)

  • Pétition · #TousUnisContreLaHaine du gouvernement : Que Laurence Rossignol soit sanctionnée pour ses propos racistes !

    https://www.change.org/p/tousuniscontrelahaine-du-gouvernement-que-laurence-rossignol-soit-sanctionn%

    C’est avec colère et exaspération que nous avons, une fois encore ce matin, été confrontées à la violence verbale d’un responsable politique. Invitée sur la plateau de Jean-Jacques Bourdin, le coup est cette fois venu de Laurence Rossignol, ministre de la Famille, des Enfants et des Droits des femmes. Interpellée sur le faux débat de la "mode islamique", elle a tenu des propos scandaleux alimentant les amalgames et les stigmatisations visant les femmes musulmanes et les millions de déporté-e-s de l’esclavage. Quelle ironie pour un membre de ce même gouvernement qui a lancé la campagne #TousUnisContreLaHaine ! Y incluait-il le racisme de ses propres ministres ?
    Ôtant aux concernées leur subjectivité, leur pouvoir d’agir et de raisonner par elles-mêmes, elle les a réduites à des poupées de porcelaine nécessitant une aide extérieure pour savoir ce qui est bon et moins bon. Que les goûts vestimentaires de Laurence Rossignol et consorts les amènent loin de la mode islamique est une chose, qu’ils érigent leurs préférences en norme absolu et indépassable en est une autre. Qui sont-ils pour dicter aux femmes leurs codes textiles ?
    Alors que Bourdin lui opposait que certaines femmes se voilent par choix, Laurence Rossignol a répondu « mais bien sûr il y a des femmes qui choisissent, il y a des nègres américains qui étaient pour l’esclavage. » Cette comparaison anachronique et dénuée de tout sens historique et politique est une insulte à la mémoire des millions d’individus, de familles et de pays détruits par l’esclavage et ses conséquences, et ce venant d’une ministre d’un pays qui refuse d’ouvrir le dossier des réparations.
    Il est terrible de voir que cette France qui se revendique partout dans le monde comme le pays des droits humains débatte, en 2016, des choix vestimentaires de certaines de ses citoyennes. Il est terrible de voir que la négrophobie persistante est ici utilisée pour justifier et légitimer une islamophobie genrée. Nous ne sommes pas dupes, nous savons que ce n’est pas la première fois et que le racisme d’État s’exprime sous différentes formes - mais toujours - librement depuis des décennies. Seulement quand c’est aussi limpide que cela, il appartient aux responsables politiques et médiatiques de sanctionner. Nous appelons donc :

    le Président de la République à prendre les mesures nécessaires contre cette ministre dont les propos font honte à la fonction ministérielle

    le CSA à prendre des résolutions fermes contre la libération médiatique des paroles racistes en sanctionnant les chaînes concernées

    Hawa N’Dongo - Sihame Assbague - Ismahane Chouder - Eva Doumbia - Hanane Karimi - Fethia Kerkar - Widad Ketfi - Kiyémis - Mrs Roots - Fania Noël - Ndella Paye - Elsa Ray - Françoise Vergès

  • Je contre-attaque(s) ! | Contre-attaque(s)
    https://www.helloasso.com/associations/contre-attaque-s/collectes/je-contre-attaque-s-2

    Soutenez le premier média d’information et de mobilisation citoyenne contre l’islamophobie !

    Pourquoi ce site ?

    Le site « Contre-attaque(s) » est un site d’information et de mobilisation citoyenne pour en finir avec l’islamophobie, lancé depuis le 1er septembre 2015. Il entend donc favoriser les mobilisations en publiant des textes d’analyse et de discussion, en dressant une revue de presse de ce que les médias et les politiques disent de l’islam et des musulmans, en relayant toutes les initiatives locales, nationales et internationales contre l’islamophobie. Il vise aussi à offrir à tous des documents et des kits d’information pour aider à ces mobilisations. Il se veut un lieu de large convergence dans un combat qui engage l’avenir de notre pays.

    A quoi servira l’argent collecté ?

    L’argent collecté servira à financer les frais de fonctionnement du site internet :

    1. Deux animateurs du site internet

    ü Contenus en ligne – editing web

    ü Correction/relecture

    ü Mobilisation sur les réseaux

    2. Rémunération de pigistes

    3. Un développeur

    4. Un graphiste

  • « Islamophobie », un mot, un mal plus que centenaires
    Une ressource indispensable pour comprendre les polémiques que ce mot engendre,

    http://orientxxi.info/magazine/islamophobie-un-mot-un-mal-plus-que-centenaires,1155

    Historiquement, l’affrontement armé a encadré la totalité de l’histoire des rapports entre l’Occident et le monde musulman. Il fut le premier mode de contact, lors de la conquête arabe du sud de l’Europe, puis lors des Croisades, en Orient. Et si l’on s’en tient à la colonisation française à l’ère moderne, toutes les générations de Français depuis 1830 ont perçu des échos d’affrontements avec le monde arabo-musulman au sein de l’empire : prise d’Alger (1830), guerre menée par Abd el-Kader (1832-1847), révolte de Kabylie (1871), lutte contre les Kroumirs et établissement du protectorat sur la Tunisie (1880-1881), conquête du Maroc et établissement du protectorat sur ce pays (1907-1912), révolte en Algérie (1916-1917), guerre du Rif (1924-1926), révolte et répression en Algérie (mai 1945), affrontements avec l’Istiqlal et le sultan au Maroc (1952-1956), avec le Néo-Destour en Tunisie (1952-1954), cycle clos par la guerre d’Algérie (1954-1962). La parenthèse fut ensuite refermée...provisoirement, puisque le concept de « choc des civilisations » est revenu en force depuis le début du XXIe siècle.

    L’islamophobie, historiquement inséparable du racisme anti-arabe, a plusieurs siècles d’existence. N’est-il pas remarquable, par exemple, que certains éléments constitutifs de la culture historique des Français soient intimement liés à des affrontements avec le monde arabo-musulman ? Pourquoi Poitiers, bataille mineure, a-t-elle pris la dimension de prélude — victorieux — au « choc des civilisations » ? Pourquoi Charles Martel, un peu barbare sur les bords, est-il l’un des premiers héros de l’histoire de France, comme « rempart » de la civilisation ? Interrogez les « Français moyens », ceux en tout cas qui ont encore la mémoire des dates : Poitiers (732) arrive encore dans le peloton de tête, avec le couronnement de Charlemagne en 800, la bataille de Marignan en 1515 ou la prise de la Bastille en 1789.

    Pourquoi la bataille de Roncevaux en 778, où pas un seul musulman n’a combattu (les ennemis du preux Roland étaient des guerriers basques) est-elle devenue le symbole de la fourberie des Sarrazins, attaquant en traîtres à dix contre un ? Nul ancien collégien n’a oublié qu’il a fait connaissance avec la littérature française, naguère, par la Chanson de Roland. Et nul ne peut avoir chassé de sa mémoire la personnification du Bien par les chevaliers de lumière venant d’Occident et celle du Mal par les sombres guerriers de la « nation maudite / Qui est plus noire que n’est l’encre ». C’est plusieurs siècles avant les théoriciens et illustrateurs de la pensée coloniale que l’auteur écrit : « Les païens ont tort, les chrétiens ont le droit. » La guerre entre « eux » et « nous » commençait sous les auspices du manichéisme le plus candide. Oui, le racisme anti-arabe, longtemps (toujours ?) inséparable de l’islamophobie, a plusieurs siècles d’existence, remonte au Moyen-âge (croisades), puis à la Renaissance avec, notamment, les matamores, littéralement les tueurs de maures, de la Reconquista espagnole.

    Plus tard, à l’ère coloniale, l’hostilité fut énoncée avec la plus parfaite bonne conscience, sur le ton de l’évidence : « C’est évident : l’islam est une force de mort, non une force de vie »1. Persuadés d’être porteurs des vraies — des seules — valeurs civilisationnelles, les contemporains de la conquête, puis de la colonisation, allèrent de déboires en désillusions : les catholiques et les missionnaires constataient, navrés, que la religion musulmane était un bloc infissurable ; les laïques intransigeants se désolaient, rageurs, de voir que leur conception de la Raison ne pénétrait pas dans ces cerveaux obscurcis par le fanatisme… Dès lors, les notions d’« Arabes » — la majorité des Français appelaient Arabes tous les colonisés du Maghreb — et de musulmans se fondirent en une sorte de magma incompréhensible, impénétrable. Hostilité de race et hostilité de religion se mêlèrent en une seule « phobie ».

    Il revenait à Ernest Renan de synthétiser tout l’esprit d’une époque :

    L’islam est la plus complète négation de l’Europe. L’islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile, c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d’une éternelle tautologie : “Dieu est Dieu“.

    La réforme intellectuelle et morale, Paris, Michel Lévy Frères, 1871.

    Un mot qui remonte à 1910

    Il faut nommer cet état d’esprit ; le mot « islamophobie » paraît le mieux adapté. Et contrairement à une vulgate répandue, il est plus que centenaire. La première utilisation du mot retrouvée date de 1910. Elle figure sous la plume d’un certain Alain Quellien, aujourd’hui oublié. Il proposait une définition d’une surprenante modernité :

    L’islamophobie : il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme2 est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mahométans.

    La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française, Paris, Émile Larose.

    Ainsi, dès sa première apparition écrite, le mot « islamophobie » était accompagné de celui de « préjugé » et du concept de « choc des civilisations ». Suivait une liste impressionnante de citations venant de tous les horizons, multipliant les reproches hostiles : l’islam était assimilé à la guerre sainte, à la polygamie, au fatalisme, enfin à l’inévitable fanatisme.

    La même année, Maurice Delafosse, étudiant lui aussi l’islam, cette fois en Afrique subsaharienne, l’emploie à son tour :

    Pris en bloc, et à l’exception de quelques groupements de Mauritanie encore hostiles à la domination européenne, l’état d’esprit des musulmans de l’Afrique occidentale n’est certainement pas opposé à notre civilisation (…). Quoi qu’en disent ceux pour qui l’islamophobie est un principe d’administration indigène, la France n’a rien de plus à craindre des musulmans en Afrique occidentale que des non musulmans (…). L’islamophobie n’a donc pas de raison d’être dans l’Afrique occidentale.

    Revue du Monde musulman, vol. XI, 1910.

    Deux ans plus tard, Delafosse publie son maître ouvrage, dans lequel il reprend mot à mot son article de 1910, en remplaçant seulement les mots « Afrique occidentale » par « Haut-Sénégal-Niger ».

    En 1912, le grand savant Louis Massignon rapporte les propos de Rachid Ridha, un intellectuel égyptien, lors du congrès international des oulémas. Évoquant les attitudes des différentes puissances à l’égard de l’islam, Massignon reprend le mot à son compte : « La politique française pourra devenir moins islamophobe » (sous-entendu : que les autres puissances coloniales). De façon significative, il titre son article « La défensive musulmane »3. On a bien lu : « défensive » et non « offensive ».

    Après guerre, Étienne Dinet, grand peintre orientaliste converti à l’islam et son ami Slimane ben Ibrahim réemploient le mot dans deux ouvrages, en 1918 puis en 19214. Dans le second, ils exécutent avec un certain plaisir un jésuite, le père Henri Lammens, qui avait publié des écrits à prétention scientifique, en fait des attaques en règle contre le Coran et Mohammed. Dinet conclut : « Il nous a semblé nécessaire de dévoiler, non seulement aux musulmans, mais aussi aux chrétiens impartiaux, à quel degré d’aberration l’islamophobie pouvait conduire un savant. »

    Le mot apparaît également dans la presse, justement dans une critique fort louangeuse du premier de ces ouvrages : « Le fanatisme de Mohammed n’est ni dans sa vie ni dans le Coran ; c’est une légende inventée par les islamophobes du Moyen Âge »5.
    Un mensonge historique qui dure

    Le mot (non la chose) va ensuite disparaître du vocabulaire jusqu’aux années 1970-1980. En 2003, deux écrivaines, Caroline Fourest et Fiametta Venner, publient dans leur revue un dossier au titre évocateur, « Islamophobes… ou simplement laïques ? »6. Le titre de l’article introductif utilise le mot « islamophobie » assorti d’un prudent — et significatif — point d’interrogation. Il commence par cette formule : « Le mot “islamophobie“ a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère ». Certes. Mais elles se fourvoient et, exposition médiatique aidant, elles ont fourvoyé depuis des dizaines d’essayistes, probablement des milliers de lecteurs. Car elles affirment que les mots « islamophobie » et « islamophobe » ont été en quelque sorte des bombes à retardement déposées par la révolution iranienne, puis repris par des obscurantistes musulmans un peu partout en Occident. Les deux essayistes affirment en effet :

    Il [le mot « islamophobie »] a été utilisé en 1979 par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes“ en les accusant d’être “islamophobes“. Il a été réactivité au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission dont les statuts prévoient de “recueillir les informations sur les abus des droits de Dieu“. De fait, la lutte contre l’islamophobie rentre bien dans cette catégorie puisqu’elle englobe toutes les atteintes à la morale intégriste (homosexualité, adultère, blasphème, etc.). Les premières victimes de l’islamophobie sont à leurs yeux les Talibans, tandis que les “islamophobes“ les plus souvent cités par ces groupes s’appellent Salman Rushdie ou Taslima Nasreen !

    Cette version, qui ignore totalement l’antériorité coloniale du mot, sera reprise sans distance critique en 2010 par l’équipe du Dictionnaire historique de la langue française : « Islamophobie et islamophobe, apparus dans les années 1980… », donnant ainsi à cette datation – une « simple erreur » d’un siècle — un couronnement scientifique.

    Cette « erreur » reste très largement majoritaire, malgré les mille et un démentis. Caroline Fourest a ensuite proposé en 2004 dans son essai Frère Tariq, une filiation directe entre le khomeinisme et le penseur musulman Tariq Ramadan, qui le premier aurait tenté selon elle d’importer ce concept en Europe dans un article du Monde Diplomatique de 1998. En fait, si le mot y figure effectivement, entre guillemets, ce n’est que sous forme de reprise : « On peut parler d’une sorte d’ “islamophobie“, selon le titre de la précieuse étude commandée en Grande-Bretagne par le Runnymede Trust en 1997 »7. Il paraît difficile de faire de ce membre de phrase une tentative subreptice d’introduire un concept dans le débat français. D’autant… qu’il y figurait déjà. Un an plus tôt, dans le même mensuel, le mot était déjà prononcé par Soheib Ben Cheikh, mufti de la mosquée de Marseille : « La trentaine ardente et cultivée, il entend “adapter un islam authentique au monde moderne“, combattre l’ “islamophobie“ et, simultanément, le sentiment de rejet, de frustration et d’“enfermement“ dont souffrent les musulmans de Marseille »8.
    Le « sanglot » de l’homme blanc

    Pour les deux écrivaines déjà citées, c’est le mot même qui est pourtant à proscrire, car il est porteur de « terrorisme intellectuel », il serait une arme des intégristes dans leur lutte contre la laïcité, interdisant de fait toute critique de l’islam.

    L’essayiste Pascal Bruckner, naguère auteur du Sanglot de l’homme blanc, sous-titré Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi (1983), pourfendeur plus récemment de la Tyrannie de la pénitence (2006), ne pouvait que partager les convictions de ses jeunes collègues :

    Forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme d’“islamophobie“, calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme (…). Nous assistons à la fabrication d’un nouveau délit d’opinion, analogue à ce qui se faisait jadis dans l’Union soviétique contre les ennemis du peuple. Il est des mots qui contribuent à infecter la langue, à obscurcir le sens. “Islamophobie“ fait partie de ces termes à bannir d’urgence du vocabulaire ».

    Libération, 23 novembre 2010.

    Pour sa part, Claude Imbert, le fondateur et éditorialiste historique du Point, un hebdomadaire en pointe en ce domaine, utilisa — et même revendiqua — le mot dans une déclaration sur la chaîne de télévision LCI le 24 octobre 2003 :

    Il faut être honnête. Moi, je suis un peu islamophobe. Cela ne me gêne pas de le dire (…). J’ai le droit, je ne suis pas le seul dans ce pays à penser que l’islam — je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes — en tant que religion apporte une débilité d’archaïsmes divers, apporte une manière de considérer la femme, de déclasser régulièrement la femme et en plus un souci de supplanter la loi des États par la loi du Coran, qui en effet me rend islamophobe.

    Cette déclaration suscita diverses critiques, qui amenèrent le journaliste à répliquer, la semaine suivante, lors de la même émission : « L’islam, depuis le XIIIe siècle, s’est calcifié et a jeté sur l’ensemble des peuples une sorte de camisole, une sorte de carcan ». Il se disait « agacé » par l’accusation de racisme dont il était l’objet : « L’islamophobie (…) s’adresse à une religion, l’islam, non pas à une ethnie, une nation, un peuple, pas non plus à des individus constituant le peuple des musulmans… ».

    Est-il bien utile de poursuivre la liste de ces nouveaux combattants, de ces modernes « écraseurs de l’infâme »9 ? Chaque jour, parfois chaque heure, ils ont l’occasion de répéter leurs vérités, dans des hebdomadaires à couvertures en papier glacé, à la télévision, dans des cénacles, sans craindre des contradicteurs ultra-minoritaires… ou absents.

    Si l’utilisation du concept par certains musulmans fondamentalistes, à la moindre occasion, peut et doit irriter, il paraît cependant difficile de contester que des islamophobes existent et qu’ils agissent. Tout acte hostile, tout geste brutal, toute parole insultante contre un(e) musulman(e) parce qu’il (elle) est musulman(e), contre une mosquée ou une salle de prière, ne peut être qualifié que d’acte islamophobe. Et, puisqu’il y a des islamophobes, qu’ils constituent désormais un courant qui s’exprime au sein de la société française, comment qualifier celui-ci autrement que d’islamophobe ?

    Les musulmans de France n’ont nullement besoin d’avocats. Dans leur grande majorité hostiles à la montée — réelle — de l’intégrisme, ils placent leur combat sur le terrain de la défense d’un islam vrai, moderne, tolérant, tout en restant fidèle à la source.
    Réfuter la logique d’affrontement

    Parallèlement, une forte réaction s’est dessinée, par des auteurs ne se situant pas du tout dans une vision religieuse, pour réfuter et dénoncer la logique d’affrontement. Alors que l’usage même du mot apparaissait à beaucoup comme une concession aux terroristes (au moins de la pensée), Alain Gresh titra justement : « Islamophobie » un article novateur du Monde Diplomatique (novembre 2001). En 2004, le sociologue Vincent Geisser publiait aux éditions La Découverte la première étude synthétique sur la question, La nouvelle islamophobie. L’année suivante, un autre chercheur, Thomas Deltombe, décortiquait chez le même éditeur L’islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005.

    Les essais plus récents d’Edwy Plenel, Pour les musulmans (La Découverte, 2013) et de Claude Askolovitch, Nos mal-aimés, ces musulmans dont la France ne veut pas( Grasset, 2013) ont entamé une contre-offensive. Ce dernier affirme, dans son chapitre de conclusion :

    Ce que la France a construit depuis vingt-cinq ans à gauche comme à droite, à force de scandales, de lois et de dénis, de mensonges nostalgiques, c’est l’idée de l’altérité musulmane, irréductible à la raison et irréductible à la République ; la proclamation d’une identité en danger, nationale ou républicaine, et tout sera licite — légalement — pour la préserver...

    Chez les catholiques progressistes, même réponse :

    Schizophrénie. Tandis que les révolutions arabes témoignent d’une soif de démocratie de la part des musulmans, la peur de l’islam empoisonne l’atmosphère en France et, à l’approche des élections, l’épouvantail est agité plus que jamais. Sarkozy n’a-t-il pas voulu un débat sur la place de l’islam dans la République ? Il reprend ainsi un des thèmes favoris du Front national.

    Revue Golias, n° 137, mars 2011.

    Autre écho contemporain, sous la plume de Jean Baubérot, spécialiste de la sociologie des religions et de la laïcité :

    De divers côtés, on assiste à la multiplication d’indignations primaires, de propos stéréotypés qui veulent prendre valeur d’évidence en étant mille fois répétés par le moyen de la communication de masse. L’évolution globale est inquiétante, et cela est dû à la fois à la montée d’extrémismes se réclamant de traditions religieuses (au pluriel) et d’un extrême centre qui veut s’imposer socialement comme la (non) pensée unique et rejette tout ce qui ne lui ressemble pas (…). L’Occident est le “monde libre“ paré de toutes les vertus face à un islam monolithique et diabolisé.

    Le Monde, 6 octobre 2006.

    Suit dans le même article un parallèle entre l’antisémitisme du temps de l’affaire Dreyfus et la montée de l’islamophobie au début du XXIe siècle : « De tels stéréotypes sont permanents : seuls changent les minorités qu’ils transforment en boucs émissaires. La lutte contre l’intolérance ne dispense pas de la lutte contre la bêtise haineuse ». En ces temps où les grands qui nous dirigent n’ont que le mot « guerre » à la bouche ou sous la plume, il est des phrases réconfortantes10.
    Alain Ruscio

    1Arnold Van Gennep, La mentalité indigène en Algérie, Mercure de France, septembre-décembre 1913.

    2À l’époque synonyme d’islam.

    3Revue du Monde musulman, vol. XIX, juin 1912.

    4La vie de Mohammed, Prophète d’Allah, H. Piazza & Cie ; L’Orient vu de l’Occident, Piazza & Geuthner.

    5Édouard Sarrazin, Journal des Débats, 6 août 1919.

    6Revue ProChoix, n° 26-27, automne-hiver 2003.

    7Commission présidée par le professeur Gordon Conway, Islamophobia : Fact Not Fiction, Runnymede Trust, octobre 1997.

    8Cité par Philippe Pons, juillet 1997.

    9NDLR. Surnom de Voltaire, pour qui l’« infâme » était le fanatisme religieux.

    10On notera la prise de position de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui a entériné le terme d’islamophobie dans son rapport de 201

  • Valls et la laïcité : assez d’hypocrisie

    https://blogs.mediapart.fr/edition/ecole-et-laicite/article/250116/valls-et-la-laicite-assez-dhypocrisie

    Les pires atteintes à la laïcité de ces dernières années ont été le fait de Manuel Valls et de son gouvernement.

    Le dimanche 27 avril 2014, par exemple, alors qu’il venait juste d’être nommé premier ministre, il annonçait, depuis le Vatican, qu’il n’honorerait pas la promesse de François Hollande d’ouvrir la PMA aux couples de femmes, honorant ainsi une demande du pape et des manifestants catholiques intégristes. Quelques mois plus tard, son gouvernement cédait une fois de plus au lobby religieux en retirant le projet des ABCD de l’égalité, outil de lutte contre les inégalités fondé sur la notion scientifique de genre.

    Manuel Valls n’a donc aucune légitimité à distribuer des bons ou des mauvais points en laïcité.

    Nous rappelons que le débat pluraliste est un droit fondamental de la démocratie, que la laïcité fait l’objet de discussions et que les représentant-es de l’observatoire de la laïcité se sont contenté-es d’un recadrage juridique et historique des propos d’ Elisabeth Badinter.

    Les propos de Manuel Valls lors du dîner du CRIF, le lundi 28 janvier, sont anti-démocratiques et anti-laïques.

    Grégory Bekhtari, Anaïs Flores, Paul Guillibert, Caroline Izambert, Florine Leplâtre, Jérôme Martin, membres du CEAL

  • Pétition · Au Président de la République et au Premier ministre : SOUTENONS JEAN-LOUIS BIANCO ET NICOLAS CADENE

    https://www.change.org/p/au-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-et-au-premier-ministre-soutenons-jea

    L’Observatoire de la laïcité, son président et son rapporteur, sont la cible d’attaques aussi injustifiées que dénuées de fondement. Les associations signataires du présent appel sont investies de façon historique sur la laïcité. Elles sont présentes chaque jour sur le terrain pour la faire vivre dans la vie quotidienne, aussi bien par leurs actions que par leurs publications. Elles ont ainsi pu mesurer l’apport de l’Observatoire de la Laïcité dès sa création. Ses avis, ses rapports annuels, ses communiqués, ses guides pratiques, les multiples interventions de son président et de son rapporteur dans les débats avec les acteurs de terrain… sont pour elles un apport précieux qui nourrit à la fois le fond théorique et la mise en œuvre concrète du principe de laïcité de la République. L’Observatoire n’est ni une autorité qui impose, ni un pouvoir judiciaire qui tranche. Il éclaire le débat et la recherche laïque. Il a un rôle de conseil et non de décision. Son apport juridique est incontestable. Ses avis et ses recommandations, donnant la loi et rien que la loi, sont nécessaires. Leur mise en œuvre peut légitimement être discutée à condition que ce soit de façon rationnelle et dans le respect mutuel.

    Les associations signataires appellent les organisations et les personnes qui se reconnaissent, au-delà de la diversité d’opinions, d’objectifs, de pratique, dans ces simples principes profondément laïques à signer la pétition soutenant Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène pour qu’ils poursuivent leur action au sein de l’Observatoire de la laïcité dans la fidélité aux principes de la loi du 9 décembre 1905.

    Fédération Nationale de la Libre Pensée

    Ligue des Droits de l’Homme

    Ligue de l’enseignement

  • Nahil, 11 ans, traité d’apprenti terroriste par sa professeure

    #islamophobie #école
    CCIF - Collectif contre l’Islamophobie en France
    http://www.islamophobie.net/articles/2016/01/14/nahil-11-ans-traite-dapprenti-terroriste-professeure

    Le 25 novembre dans un collège d’Ile de France, alors que Nahil s’emparait d’un papier qu’il enroule en cigare pour le montrer en pistolet à ses camarades, ce ne seront pas les sourires de ses camarades qui accompagneront ce geste banal, propre d’un enfant de son âge. Loin de là.

    Avisé par un élève, son enseignante a voulu saisir l’opportunité de son geste pour déverser sur lui ses préjugés et amalgames.

    Au lieu de se saisir de sa mission au sein de l’Education Nationale pour déconstruire les idées fausses suite aux attentats du 13 novembre, elle choisira de poser ses mains sur les épaules de Nahil, sans doute pour mieux l’écraser sous le poids des mots qu’elle s’apprête à prononcer : « Ce sont les oeuvres d’un apprenti terroriste ». Rien de moins. Le couperet restera gravé dans l’esprit de Nahil.

    Immédiatement après, l’enseignante n’aura eu de cesse d’essayer de joindre la mère de Nahil au téléphone, qui ne répond pas au numéro privé dont fait usage la professeure. Celle-ci accable Nahil en lui disant « c’est inssuportable, ta mère ne veut pas me répondre ».

    Au final, le Principal a apposé un mot sur le carnet informant les parents qu’ils étaient convoqués le 3 décembre à 16h.

    En rentrant chez lui, c’est à sa mère que Nahil demandera ce que « apprenti » signifie.

    Aussi impensable que cela puisse être, ce simple geste aura donc valu à Nahil d’être tenu coupable d’intentions criminelles, en plus d’une convocation, manu militari de ses parents.

    Si la psychose frise le ridicule, à l’image de ce collégien américain prénommé Ahmed, emmené au poste de police pour une horloge qu’il avait lui même fabriqué, le traumatisme subit par l’enfant n’en est pas moins proprement scandaleux.

    A 11 ans, Nahil, à travers son monde, ne projetait que les perceptions d’un enfant dans son geste.

    Adulte, la professeure, par ses mots, a quant à elle usé d’une violence symbolique dont la marque n’est nullement anodine pour un enfant de cet âge.

    Madame H. contacte le service juridique du CCIF

    Madame H. connait ses droits et contacte le service juridique du CCIF. Une de nos juristes l’accompagne lors du Rendez-Vous en présence du Principal et de l’enseignante. Madame H appréhendait l’entrevue, connaissant les frasques auxquelles était accoutumée l’enseignante. En présence de notre juriste, le Principal et l’enseignante ne se sont pas adonnés à un langage déplacé, qu’ils réservaient à Madame H. quand celle-ci était seule. L’enseignante a présenté ses excuses.

    Nous tenons également à saluer le soutien de la psychologue du collège et de l’académie qui a affirmé que le collège doit « arrêter l’amalgame » et qu’ « il ne faut pas laisser passer cela ».

    Pour Nahil, le dénouement est favorable. Début janvier, le Principal a changé de classe Nahil qui s’est retrouvé en classe européenne. Il se sent très bien et a prouvé qu’il est très bon en anglais. Sa nouvelle enseignante est ravie de l’avoir dans sa classe.

    Des dérapages qui sont intolérables

    Nous avons en mémoire les nombreux signalements de dérapages scolaires de certains professeurs envers des enfants, parfois âgés de 6 ou 8 ans, survenus suite aux attentats de janvier. Ahmed, âgé de 8 ans, n’avait même pas pu bénéficier du soutien de la Ministre de l’Education Nationale quand bien même il avait signé de sa propre main un procès-verbal pour « apologie au terrorisme ».

    Le soutien des académies aux enfants lors ces dérapages sont indispensables. Il est arrivé que les responsables académiques minimisaient ces dérives au prétexte que les professeurs étaient « sous le choc » des attentats.

    Sauf qu’Ahmed âgé de 8 ans, Nahil et les autres ont été tous autant exposés que leurs professeurs aux chocs des attentats. Les professeurs, en tant qu’adultes devraient en contraire faire preuve de pédagogie et de recul dans ces moments de crise qui peuvent s’avérer particulièrement destabilisant pour des enfants.

  • "Fatima moins bien notée que Marianne", un livre choc sur les rapports islam/école | Raphaël Liogier

    http://www.huffingtonpost.fr/raphael-liogier/fatima-moins-bien-notee-que-marianne-un-livre-choc-sur-les-rapports-d

    ISLAM - Un an après Charlie Hebdo et après que l’école de la république a été mise en question dans sa fonction politique de construction du vivre-ensemble, deux mois après les attentats de novembre, l’ouvrage Fatima moins bien notée que Marianne, écrit par François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils, tous deux chercheurs au laboratoire EMA de l’université de Cergy-Pontoise, arrive à point nommé pour comprendre les relations école/islam en France.

    Les deux auteurs en appelaient déjà à la fin de l’école traditionnelle un an avant. Ils se demandent aujourd’hui si l’école française ne fait pas preuve de racisme envers les musulmans, manifestant un racisme institutionnel, qui n’est pas à repérer dans l’attitude d’individus singuliers mais dans la logique qui conduit à désavantager systématiquement certaines catégories socio-culturelles, ici les musulmans. Non, le racisme anti-musulman n’est pas une invention de sociologue mais bien une réalité empiriquement repérable.

    Une école islamophobe ?

    Les événements dramatiques de janvier 2015 ont mis en agenda l’Ecole dans sa capacité à créer du lien social. Les réactions de certains élèves lors de la minute de silence en hommage aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo ont questionné sur le degré d’adhésion à notre République. Les attaques du 13 novembre 2015 aussi interrogent sur le ressentiment de jeunes jihadistes qui ont fait leur scolarité au sein du système éducatif français. Depuis janvier, les discours proposant des solutions à l’emporte-pièce monopolisent les médias : blouses, uniformes, drapeau, « Marseillaise », sanctions et « cours » de morale laïque.

    Cette nostalgie collective d’une société de l’Ordre moral autour d’une école qui n’a jamais existé en dit long sur le processus d’amnésie, d’oublis sélectifs et de fantasmes. Il est donc plus que temps que les débats soient nourris par les sciences sociales. L’ouvrage propose une lecture atypique. Derrière le rejet et la peur de l’islam, se cache la peur de l’autre, de l’autre qui nous ressemble, de l’autre proche mais pensé comme différent. Il y a une certaine manière de penser la République qui en fait un monolithe, où l’indivisibilité du collectif doit nécessairement passer par l’invisibilité des individus. Cette conception a été largement portée par l’Ecole de la IIIe République. Sous couvert d’universalisme et de laïcité, une logique d’assimilation met au pas les différences portées par les jeunes issus de l’immigration. C’est toujours sous l’angle d’un problème posé par l’islam en France que l’on s’interroge, et non sous l’angle d’une incapacité de la république française à penser les mutations du vivre ensemble.

    Inverser les termes de la réflexion introduirait pourtant de nouvelles solutions car « L’école française n’est pas à la hauteur » quand il s’agit de transmettre les valeurs républicaines à l’école. Ainsi s’exprimait à l’Assemblée nationale la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Vallaud-Belkacem elle-même le mercredi 14 janvier 2015 après les quelques 200 incidents dans les établissements scolaires faisant suite aux attentats contre « Charlie Hebdo ». Les auteurs la prennent aux mots.

    Fatima moins bien notée que Marianne pour un devoir équivalent, Issam et Kader plus punis que Mathieu pour un même comportement, des écoles publiques qui concentrent 90 % d’enfants musulmans quand d’autres n’en comptent aucun, des manuels scolaires qui réduisent l’islam à l’islamisme, une véritable éducation séparée qui s’organise malgré tous les appels à la mixité sociale et ethnique. Il ne s’agit pas là d’impressions jetées en pâture au débat polémique, mais du résultat d’enquêtes et de recherches scientifiques qu’aucun ouvrage jusque-là n’avait synthétisées. A la crise économique dans laquelle nous sommes plongés depuis le début des années 1980, s’est ajoutée au milieu des années 2000 une crise plus profonde des identités collectives. L’école en tant que système y participe plutôt que d’en déjouer les embûches.

    S’en sortir par une laïcité d’inclusion

    Quand discours et pratiques sont dissonants, comment ces jeunes, qui sont les enfants de notre république peuvent-ils s’y retrouver ? L’école créée pour fabriquer du Commun discrimine aujourd’hui par toute une série de mécanismes que décryptent les auteurs, en particulier en nourrissant l’imaginaire de la menace identitaire. La crise de Suez marque la fin, en 1956, de la toute puissance européenne qui a abouti à ce que je nomme le « complexe de Suez » : sentiment de déclin, délire de l’encerclement qui découle de cette perte de puissance. Au cœur de ce sentiment de déclin, l’islam est devenu la menace identitaire par excellence, la preuve qu’il y aurait une « guerre des civilisations » en cours. Sentiment de guerre alimenté par des discours politiques qui présentent cette religion comme une force antisociale. Alors que l’on s’attendrait à ce qu’ils soient déconstruits, François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils montrent que de tels discours de « guerres de civilisations » sont au contraire reproduits par notre école.

    Mais les deux auteurs n’en sont pas restés au simple constat. Ils proposent une « laïcité d’inclusion » capable de faire de l’école une arme puissante d’intégration, meilleur rempart contre les haines. Les appels à la morale laïque ne peuvent pas être de simples incantations ou le support d’une politique répressive qui scellerait l’échec de notre vocation à éduquer. Se dirige-t-on vers une laïcité policière, avec la possibilité d’inscrire sur un fichier les adolescents à surveiller ? Les auteurs en appellent à des solutions autres pour bâtir une laïcité bienveillante qui exigera de l’école de faire progresser tous les élèves, de n’en laisser aucun sur le bord du chemin ! Car, disent-ils, ce qu’il faut penser, ce n’est pas une école « avec » des cours de laïcité, mais bien une école « de » la laïcité.

  • L’école de la République est-elle islamophobe ?

    https://theconversation.com/lecole-de-la-republique-est-elle-islamophobe-52729

    Un an après les attentats contre Charlie Hebdo, on se doit de poser la question sans détour : l’école de la République est-elle islamophobe ?

    Bien sûr, les mots sont plombés et la terminologie contestée, mais il nous faut penser la fonction sociale et politique de l’école de la République. Les événements dramatiques de janvier 2015 ont mis en agenda l’école dans sa capacité à créer du lien social. Les réactions de certains élèves lors de la minute de silence en hommage aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo ont questionné sur le degré d’adhésion à notre République. Les attaques du 13 novembre 2015 nous interrogent aussi sur le ressentiment de jeunes radicalisés qui ont fait leur scolarité au sein du système éducatif français.

    Depuis janvier 2015, les discours proposant des solutions à l’emporte-pièce monopolisent les médias : blouses, uniformes, drapeau, « Marseillaise », sanctions et « cours » de morale laïque.

    Cette nostalgie collective d’une société proprement réactionnaire autour d’une école qui n’a jamais existé en dit long sur le processus d’amnésie, d’oublis sélectifs et de fantasmes qui produit les sociétés et le lien social. Il est donc plus que temps que les débats soient nourris par les sciences sociales.
    Une terminologie constatée et pourtant ….

    Charb écrit dans sa « Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes » :

    Si on l’aborde d’un point de vue purement étymologique, l’islamophobie devrait désigner “la peur de l’islam”. Or les inventeurs, promoteurs et utilisateurs de ce terme l’emploient pour dénoncer la haine à l’égard des musulmans. Il est curieux que ce ne soit pas “musulmanophobie” et, plus largement, “racisme” qui l’aient emporté sur “islamophobie”, non ? (…) Alors, pour quelles raisons le terme “islamophobie” s’est-il imposé ? Par ignorance, par fainéantise, par erreur, pour certains, mais aussi parce que beaucoup de ceux qui militent contre l’islamophobie ne le font pas en réalité pour défendre les musulmans en tant qu’individus, mais pour défendre la religion du prophète Muhammad.

    Cette grille de lecture, très largement répandue, met de côté les travaux scientifiques contemporains qui montrent précisément que l’hostilité à l’encontre de l’islam et le rejet des musulmans sont intrinsèquement corrélés.

    Les discours négatifs visent à la fois l’islam et les musulmans réels ou supposés, qui sont souvent liés de manière indissociable dans les perceptions générales. Même si les mots peuvent être instrumentalisés, essentialisés, détournés : sous couvert de la question musulmane se cache la question ethnique autant que la question sociale.

    Comme l’écrivait Charb avec justesse, si les musulmans de France se convertissaient tous au catholicisme ou bien renonçaient à toute religion, cela n’en serait pas fini du racisme ou de la recherche de boucs émissaires. Des Français arabes, non musulmans, en font déjà l’expérience, lorsqu’ils sont à la recherche d’un logement ou d’un emploi….
    Rapports conflictuels à l’Islam

    Derrière le rejet et la peur de l’islam, se cache la peur de l’autre, de l’autre qui nous ressemble, de l’autre proche, mais pensé comme différent. Il y a une certaine manière de penser la République qui en fait un monolithe, où l’indivisibilité du collectif doit nécessairement passer par l’invisibilité des individus. Cette conception a été largement portée par l’école de la IIIe République.

    La loi de 2004, acceptée par une grande partie des musulmans de France, aurait pu clore la question, mais l’actualité continue à mettre en agenda la laïcité dans ses rapports conflictuels à l’islam : faut-il supprimer les menus de substitution dans les cantines ? Faut-il autoriser l’accompagnement des élèves dans les sorties scolaires par les mamans voilées ? Faut-il interdire le port du voile à l’université ? Les parents d’élèves signeront-ils la charte de laïcité ?

    Une laïcité conquérante, se cherche et se trouve de nouvelles frontières, à moins que l’enjeu ne soit, derrière les objectifs affichés (émancipation de la femme, avancée de la rationalité, lutte contre ledit « communautarisme »…) de réduire le plus possible la visibilité des minorités au sein de l’espace public, tout en donnant des gages aux mouvements d’extrême droite en progression électorale.

    Ces questions émergent dans une société multiconfessionnelle dans laquelle la présence des minorités ne peut plus être pensée comme conjoncturelle. Elles imposent une interrogation sur l’école, qui est l’institution privilégiée pour construire du commun au sein de la République, via précisément cette notion de « laïcité » ?

    Sous couvert d’universalisme et de laïcité, une logique d’assimilation met au pas les différences culturelles, sociales et politiques portées par les jeunes issus de l’immigration et c’est sous l’angle d’un problème posé par l’islam en France que l’on s’interroge, et non sous l’angle d’une incapacité de la République française à penser les mutations du vivre ensemble. Et l’école participe de cette construction collective

    Inverser les termes de la réflexion introduirait pourtant de nouvelles solutions. L’école est au cœur de la fabrique du Commun en ce qu’elle produit les valeurs centrales de cohésion sociétale, mais il nous faut penser ce Commun grâce à une « laïcité d’inclusion ».
    Quand l’école véhicule des stéréotypes

    Chez Jules Ferry, qui fut l’un des pères fondateurs à la fois de l’école publique et de l’empire colonial, tous les peuples allaient petit à petit, grâce à la raison universelle transmise par l’école, accéder à la civilisation universelle incarnée par la patrie des droits de l’homme… Il en était des enfants comme des colonisés…

    Notre passé a beau être partiellement amnésique, il n’en laisse pas moins de traces. Notre idéal républicain est aujourd’hui écorné. Il n’a pas rempli ses promesses et montre ses limites à la lumière des mutations sociales, économiques et culturelles du pays, et ce notamment dans l’école, lieu de ségrégation sociale et ethnique.

    Dans cette tradition politique, la pluralité culturelle est suspecte, en ce qu’elle introduit de la résistance à cette civilisation rationnelle pensée comme uniforme.

    Fatima moins bien notée que Marianne pour un devoir équivalent, Issam et Kader plus punis que Mathieu pour un même comportement, des écoles publiques qui concentrent 90 % d’enfants musulmans quand d’autres n’en comptent aucun, des manuels scolaires qui réduisent l’islam à l’islamisme : une véritable éducation séparée se met en place.

    Il s’agit là, de ce que l’on peut nommer un racisme institutionnel, qui n’est pas à repérer dans l’attitude ou les pensées de quelques individus, mais dans la logique même d’un système qui conduit à désavantager systématiquement certaines catégories socioculturelles et se définit comme l’échec collectif d’une organisation à fournir un service approprié et professionnel à des personnes à cause de leur couleur, culture ou origine ethnique.

    « Quand un maire refuse de servir des repas sans porc, quand on ferme les sorties scolaires aux mamans voilées, quand on ne veut pas de voiles à l’université, la laïcité à la française n’est qu’une manière de dire : les Arabes dehors ! »

    Ainsi s’exprime en 2016 le sociologue François Dubet dans un entretien relayant plus d’une décennie après les propos de Pierre Bourdieu en 2002 : « La question patente- faut-il ou non accepter le port du voile dit islamique – occulte la question latente – faut-il ou non accepter en France les immigrés nord-africains ? ».

    Il nous faut donc penser une « laïcité d’inclusion ».

    Béatrice Mabilon-Bonfils est auteure avec François Durpaire de « Fatima moins bien notée que Marianne ».

  • "La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions." CCIF

    http://www.islamophobie.net/articles/2016/01/06/nicolas-cadene-observatoire-laicite-interview

    Face à certains polémistes qui voudraient dévoyer le sens premier de la laïcité tel qu’établie dans la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, nous avons contacté ce matin M. Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la Laïcité afin de clarifier l’acceptation juridique de ce principe :

    La vision de la laïcité consistant à croire que l’opinion religieuse individuelle de chacun doit disparaître du champ de l’expression publique ne menace t-elle pas le vivre ensemble ?

    Il est clair que, juridiquement, cette définition de la laïcité n’est pas exacte. La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. C’est en posant ce cadre qui permet à chacun de s’exprimer, dans le respect mutuel et dans le cadre de la loi, que l’on assure le vivre ensemble. Seuls ceux qui exercent une mission de service publique doivent être neutres, parce qu’ils doivent ainsi assurer l’égalité des citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. Concernant les élèves des écoles, collèges et lycées publics, il leur est demandé depuis 2004 de ne pas porter de signes ou de tenues « manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Cette loi a été justifiée par la nécessité de préserver les enfants de pressions qu’ils subiraient dans l’acquisition des bases du savoir afin qu’ils puissent ensuite faire librement leurs choix. C’est d’ailleurs pourquoi la Commission Stasi avait rappelé que cette loi n’a pas vocation à s’appliquer à l’université.

    Quel serait le lien entre la défense de la laïcité et la revendication du droit à être islamophobe, selon la définition de la laïcité défendue par l’Observatoire de la Laïcité ?

    Si on entend par « islamophobie » les actes antimusulmans, il n’y a évidemment aucun lien. Si on entend par « islamophobie », le droit de critiquer la religion, cela est bien sûr possible (comme l’on peut critiquer toute idée ou conviction) mais dans le cadre de la loi. La liberté d’expression est garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et est à préserver. Mais elle comporte des limites : l’injure, la diffamation et la provocation à la haine raciale, à la discrimination ou à la violence envers des personnes ou des groupes de personnes.

    Est-ce être contre la laïcité que d’exercer son droit individuel de ne pas aimer telle ou telle production journalistique ou artistique ?

    Non bien sûr. Là encore, dans le cadre de la liberté d’expression, chacun a parfaitement le droit de faire part de son désaccord sur telle ou telle ligne éditoriale ou œuvre artistique. Mais avec les mêmes limites que celles rappelées préalablement.

    Quelles seraient les recommandations de l’Observatoire de la laïcité pour que ce principe recouvre son sens premier et redevienne une valeur inclusive respectueuse du vivre-ensemble ?

    Nous avons besoin d’un gigantesque plan de formation à la laïcité, pour les acteurs de terrain, les associations, les fonctionnaires, mais aussi pour les élus et les journalistes. L’Observatoire de la laïcité se veut pédagogue, en apportant des réponses concrètes aux problèmes qui peuvent se poser et en éliminant certaines confusions. Une de nos premières tâches a donc été d’éditer des guides pratiques qui expliquent comment répondre à des problématiques de terrain en lien avec le fait religieux et la laïcité (consultables sur www.laicite.gouv.fr). Par ailleurs, il faut que les médias parlent davantage de ce qui marche, et prennent du recul dans le traitement de ces questions.

    N’y a t-il pas nécessité d’un débat clair sur cette question sujet à clivage actuellement dans notre société ? Si oui, avec quels acteurs ?

    Oui, bien sûr. On constate d’ailleurs, et c’est une bonne chose, le besoin pour beaucoup de se réapproprier ce principe de laïcité. Il faut donc multiplier les débats partout dans la société et bien sûr dans les médias de masse. En y associant les acteurs de terrains, les associations, les mouvements d’éducation populaires, les élus, les cultes, les obédiences maçonniques, bref tous ceux qui ont des choses à dire à ce sujet. Mais, ce qui est important, c’est de garder la « tête froide » sur ces sujets et de dépassionner le débat.

  • "La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions." | CCIF - Collectif contre l’Islamophobie en France
    http://www.islamophobie.net/articles/2016/01/06/nicolas-cadene-observatoire-laicite-interview

    Face à certains polémistes qui voudraient dévoyer le sens premier de la laïcité tel qu’établie dans la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, nous avons contacté ce matin M. Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la Laïcité afin de clarifier l’acceptation juridique de ce principe :

    La vision de la laïcité consistant à croire que l’opinion religieuse individuelle de chacun doit disparaître du champ de l’expression publique ne menace t-elle pas le vivre ensemble ?

    Il est clair que, juridiquement, cette définition de la laïcité n’est pas exacte. La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. C’est en posant ce cadre qui permet à chacun de s’exprimer, dans le respect mutuel et dans le cadre de la loi, que l’on assure le vivre ensemble. Seuls ceux qui exercent une mission de service publique doivent être neutres, parce qu’ils doivent ainsi assurer l’égalité des citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. Concernant les élèves des écoles, collèges et lycées publics, il leur est demandé depuis 2004 de ne pas porter de signes ou de tenues « manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Cette loi a été justifiée par la nécessité de préserver les enfants de pressions qu’ils subiraient dans l’acquisition des bases du savoir afin qu’ils puissent ensuite faire librement leurs choix. C’est d’ailleurs pourquoi la Commission Stasi avait rappelé que cette loi n’a pas vocation à s’appliquer à l’université.

    Quel serait le lien entre la défense de la laïcité et la revendication du droit à être islamophobe, selon la définition de la laïcité défendue par l’Observatoire de la Laïcité ?

    Si on entend par « islamophobie » les actes antimusulmans, il n’y a évidemment aucun lien. Si on entend par « islamophobie », le droit de critiquer la religion, cela est bien sûr possible (comme l’on peut critiquer toute idée ou conviction) mais dans le cadre de la loi. La liberté d’expression est garantie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et est à préserver. Mais elle comporte des limites : l’injure, la diffamation et la provocation à la haine raciale, à la discrimination ou à la violence envers des personnes ou des groupes de personnes.

    Est-ce être contre la laïcité que d’exercer son droit individuel de ne pas aimer telle ou telle production journalistique ou artistique ?

    Non bien sûr. Là encore, dans le cadre de la liberté d’expression, chacun a parfaitement le droit de faire part de son désaccord sur telle ou telle ligne éditoriale ou œuvre artistique. Mais avec les mêmes limites que celles rappelées préalablement.

    Quelles seraient les recommandations de l’Observatoire de la laïcité pour que ce principe recouvre son sens premier et redevienne une valeur inclusive respectueuse du vivre-ensemble ?

    Nous avons besoin d’un gigantesque plan de formation à la laïcité, pour les acteurs de terrain, les associations, les fonctionnaires, mais aussi pour les élus et les journalistes. L’Observatoire de la laïcité se veut pédagogue, en apportant des réponses concrètes aux problèmes qui peuvent se poser et en éliminant certaines confusions. Une de nos premières tâches a donc été d’éditer des guides pratiques qui expliquent comment répondre à des problématiques de terrain en lien avec le fait religieux et la laïcité (consultables sur www.laicite.gouv.fr). Par ailleurs, il faut que les médias parlent davantage de ce qui marche, et prennent du recul dans le traitement de ces questions.

    N’y a t-il pas nécessité d’un débat clair sur cette question sujet à clivage actuellement dans notre société ? Si oui, avec quels acteurs ?

    Oui, bien sûr. On constate d’ailleurs, et c’est une bonne chose, le besoin pour beaucoup de se réapproprier ce principe de laïcité. Il faut donc multiplier les débats partout dans la société et bien sûr dans les médias de masse. En y associant les acteurs de terrains, les associations, les mouvements d’éducation populaires, les élus, les cultes, les obédiences maçonniques, bref tous ceux qui ont des choses à dire à ce sujet. Mais, ce qui est important, c’est de garder la « tête froide » sur ces sujets et de dépassionner le débat.

  • Humiliation ordinaire à l’école après les attentats du 13 novembre. - Contre-attaque(s)
    http://contre-attaques.org/magazine/article/humiliation

    Lundi 4 janvier 2015, rentrée des classes après deux semaines de vacances pour les élèves. Pour certain(e)s, elle est aussi synonyme de peur, de rejet. Ainsi, depuis les attentats du 13 novembre 2015, de nombreux témoignages alertent sur la recrudescence des actes islamophobes à l’école. Le collectif des enseignants pour l’abrogation de la loi de 2004 nous livre l’un de ces témoignages de harcèlement scolaire par le personnel de l’éducation nationale.

    Le vendredi 20 novembre à 8 heures du matin, deux élèves arrivent dans leur lycée de la région lyonnaise. Comme tous les jours, les deux jeunes filles enlèvent leur voile avant de rentrer dans l’établissement. La conseillère d’orientation les prend alors à partie en leur reprochant que leurs tenues ne seraient pas réglementaires mais ostentatoires. Leurs tenues seraient « trop longues et trop noires » (répété à plusieurs reprises). Les remarques des deux élèves, insistant sur le fait que robe et jupe ne sont pas des signes ostentatoires et que « tout le monde en porte », ne change rien. La conseillère d’orientation fait enlever à l’une des deux jeunes filles, Samira 16 ans en classe de première, sa robe et celle-ci se retrouve en legging et débardeur dans la cour de récréation. La CPE reproche alors la jeune fille d’être trop dévêtue ! « Avec toi c’est tout ou rien ! » La jeune fille est restée une demi heure dans cette tenue avant de remettre discrètement sa robe et de retourner en cours.

    Ce genre d’humiliation n’est pas nouveau mais tout laisse à penser qu’après les attentats du 13 novembre, leur fréquence risque d’augmenter . L’institution s’érige en juge de la religiosité et de la signification des tenues des élèves, outrepassant son devoir de neutralité. Seul.e.s les élèves qui sont considérés uniquement d’après leur origine ethnique et raciale présumée font l’objet de telles humiliations. Qu’est-ce qui permet en effet aux personnels éducatifs de considérer que la jupe longue de telle élève est plus religieuse que celle de telle autre élève sinon le fait d’identifier des élèves comme étant possiblement musulman ?
    Retour de la délation à l’école

    Une proposition pour le moins inquiétante est celle de la Direction des Services Départementaux de l’Éducation nationale du Loiret d’établir un signalement concernant les « atteintes au principe de laïcité ». Les fiches établies par les personnels pourraient viser indistinctement les parents ou les élèves qui tiendraient des propos ou porteraient des « tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Cette mesure témoigne du contexte de radicalisation islamophobe de l’après 13 novembre. Les discours sécuritaires qui invitent à renforcer le rôle disciplinaire et répressif de l’école d’une part et la radicalisation islamophobe de l’institution d’autre part se nourrissent mutuellement. Comment peut-on envisager – au nom de la laïcité – que les parents puissent être soumis à la neutralité des personnels de l’éducation nationale ? Comment peut-on envisager que le contrôle permanent des pratiques et des comportements, incompatible avec les principes démocratiques, puisse ramener un tant soit peu de sérénité dans le fonctionnement de l’école ?

    Alors que les attentats du 13 novembre ont suscité de nombreuses réactions et attaques islamophobes, il est plus important que jamais que l’école ne s’abîme pas davantage dans les mêmes dérives. La laïcité ne peut servir une fois de plus de prétexte pour stigmatiser les élèves musulman.e.s. Ce principe vise à assurer la liberté de conscience, à l’école comme ailleurs. Que l’on soit ou non partisan de la loi de 2004 qui interdit les signes religieux ostentatoires, essayer de l’appliquer ne doit pas conduire à discriminer et humilier les élèves musulman.e.s en essayant de déceler les contournements possibles de la loi. Une jupe n’est pas un signe religieux ostentatoire, une djellaba n’est pas un signe religieux ostentatoire, un boubou non plus. Une telle conduite de la part de l’institution ne peut conduire qu’à humilier les élèves, accroitre les rancoeurs et contrevenir à la sérennité nécessaire à l’enseignement dont nous avons plus que jamais besoin.
    Réouvrir le débat sur la loi de 2004

    Nous appelons les personnels de l’Éducation nationale à la mesure dans l’application de la loi. Mais, ces dérives témoignent surtout de l’absurdité d’un appareil législatif qui condamne les personnels et les usagers de l’éducation nationale à s’ériger en interprètes de ce qu’est un signe religieux ostentatoire, laissant libre cours aux interprétations les plus dangereuses. Nous affirmons en conséquence qu’il est plus que jamais nécessaire de revenir sur les lois et règlements islamophobes qui provoquent les dérives dont les témoignages que nous venons d’évoquer sont les signes. Il est grand temps que l’école soit rendue à sa véritable mission. Il est grand temps d’abroger la circulaire Châtel et de réouvrir le débat sur loi de 2004.

  • Sorties scolaires : Le Tribunal Administratif donne raison aux mamans voilées de Méru.
    http://www.islamophobie.net/articles/2015/12/23/sorties-scolaires-le-tribunal-administratif-donne-raison-aux-mamans-vo

    Le 22 décembre 2015, le Tribunal a rendu son jugement et a donné raison aux mamans !

    Il a considéré que les mamans ne sont pas tenues, du simple fait de leur participation à une sortie scolaire, à l’obligation de stricte neutralité qui incombe aux agents publics, qui sont interdits du port de tout signe religieux même discret.

    Dans ces affaires, le Tribunal a considéré que les interdictions de sorties scolaires n’étaient motivées que par la manifestation ostentatoire des croyances religieuses des mères, qu’elles étaient donc entachées d’une « erreur de droit », et donc illégales.

  • Les attentats expliqués par la presse jeunesse : des choix éditoriaux au garde-à-vous | Blog | Le Club de Mediapart

    https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-anselme/blog/141215/les-attentats-expliques-par-la-presse-jeunesse-des-choix-editoriaux-

    « Habituer les enfants à l’idée d’une guerre qui dure, à distinguer les « bons » et les « mauvais » musulmans, accréditer l’idée d’un « choc de civilisation », les accoutumer à ne se sentir en sécurité qu’entouré-e-s de policiers et de militaires… Voilà quasiment la seule perspective offerte par la presse jeunesse au lendemain des attentats. » L’analyse édifiante d’Action-Critique-Médias.

    Comment parler des attentats avec les enfants ? Une question difficile à laquelle ont dû se confronter parents, proches et personnels éducatifs dans les jours qui ont suivi. Les professionnels de la presse jeunesse ont alors proposé des supports au contenu parfois…. très discutable.

    Une du Petit Quotidien, au lendemain des attentats de janvier 2015. Déjà, une propagande destinée aux 6-10 ans à flux continu. (DR)
    Nous avons étudié la première édition post-attentats de six médias s’adressant aux enfants, sur une tranche d’âge de 6 à 14 ans :

    Le Journal des Enfants (pour les 9-14 ans) : « Plusieurs attentats frappent Paris », mis en ligne le 15 novembre ;

    Astrapi (pour les 7-11 ans) : édition spéciale mise en ligne le 15 novembre ;

    Le Petit Quotidien (pour les 6-9 ans) : édition du 17 novembre, mise en ligne le 15 novembre ;

    Mon Quotidien (pour les 10-14 ans) : édition du 17 novembre, mise en ligne le 15 novembre ;

    Le P’tit Libé (pureplayer pour les 7-12 ans) : n°3 « Les attentats de Paris », mis en ligne le 16 novembre ;

    1 jour 1 actu (dès 8 ans) : n° 92, édition du 20 au 26 novembre 2015, mise en ligne le 18 novembre.

    Ces médias ont donc publié assez rapidement des éditions spéciales, articles en ligne ou brochures téléchargeables, sur les attentats, les parents et les personnels éducatifs étant invités à s’appuyer sur ces ressources.

    À l’exception du P’tit Libé, tous ces titres (presse papier) sont présents dans de nombreux établissements scolaires (Bibliothèque Centre Documentaire, et Centre de Documentation et d’Information) validés par les prescripteurs que sont les enseignant-e-s. Ils touchent une large audience : à titre d’exemple le JDE est tiré à 45 000 exemplaires, Astrapi à environ 60 000, Le Petit Quotidien et Mon Quotidien à environ 50 000 chacun. Il faut aussi tenir compte du fait que leur présence dans les établissements scolaires démultiplie le nombre de lecteurs et lectrices par exemplaire (l’audience étant donc très largement supérieure à la diffusion). Ces productions sont donc loin d’être anecdotiques.

  • Le CCIF - Collectif Contre l’Islamophobie en France - lance une campagne
    d’adhésion qui répond à des besoins urgents. Les actes islamophobes se
    multiplient, l’association a dû ouvrir une permanence le week-end et
    embaucher de nouvaux-elles avocat-es pour faire face à l’explosion des
    sollicitations. La campagne, lancée vendredi soir au meeting, consiste à
    recruter 200 adhérents d’ici ce soir, donc en 48 heures. Nous avons donc
    quelques heures pour atteindre l’objectif.
    #islamophobie

    http://www.islamophobie.net/adherez

  • Le CCIF - Collectif Contre l’Islamophobie en France - lance une campagne
    d’adhésion qui répond à des besoins urgents. Les actes islamophobes se
    multiplient, l’association a dû ouvrir une permanence le week-end et
    embaucher de nouvaux-elles avocat-es pour faire face à l’explosion des
    sollicitations. La campagne, lancée vendredi soir au meeting, consiste à
    recruter 200 adhérents d’ici ce soir, donc en 48 heures. Nous avons donc
    quelques heures pour atteindre l’objectif.
    #islamophobie

    http://www.islamophobie.net/adherez

  • Nous demandons l’abrogation de la loi dite « sur le voile à l’école » | Édition | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/120314/nous-demandons-l-abrogation-de-la-loi-dite-sur-le-voile-l-ecole

    Enseignants, enseignantes, il y a bientôt dix ans qu’une loi injuste et contre-productive a été votée en notre nom. Le 15 mars 2004, en effet, un grand consensus s’est noué pour interdire les « signes » ou « tenues » qui « manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » des élèves au sein de l’école publique.

    Cette loi est venue conclure un débat médiatique où nous avons été, enseignants et enseignantes, désigné•e•s comme une composante significative (voire experte) de l’opinion désirant voir disparaître le « foulard islamique » des salles de classes. Cette loi a été présentée comme une nécessité pour imposer aux élèves récalcitrantes de retirer leur voile, sous la menace de conseils de discipline et d’exclusions.

    #anniversaire #2004 #CEAL #fondation