• Dès le printemps, la guerre sur un paddle : Crise sanitaire : un rapport pointe de sévères dysfonctionnements au sommet de l’Etat | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/281020/crise-sanitaire-un-rapport-pointe-de-severes-dysfonctionnements-au-sommet-

    Commandé par le gouvernement, un rapport confidentiel pointe les dysfonctionnements au plus haut sommet de l’État dans la gestion de la crise sanitaire. Mediapart en publie de larges extraits, alors que les leçons ne semblent pas avoir été tirées de ce bilan.

    Fruit de dizaines d’entretiens avec les ministres et hauts fonctionnaires impliqués dans la gestion de la crise, ce document de 67 pages, « confidentiel » à « diffusion restreinte », souligne les dysfonctionnements institutionnels dans la gestion de la première vague de l’épidémie du Covid-19, au printemps dernier.

    La mission – conduite à la demande de l’ex-premier ministre Édouard Philippe par le général Lizurey, ancien directeur général de la Gendarmerie nationale, avec l’appui d’Amélie Puccinelli, inspectrice de l’administration – a relevé que l’action de l’État ne reposait que sur quelques personnes, bien en peine pour animer une vraie stratégie interministérielle, ainsi que pour répercuter leurs décisions sur le terrain et faire appel à des compétences précises (comme pour l’achat de masques, par exemple).

    Autant de problèmes qui ne semblent pas résolus à l’heure d’affronter la seconde vague : le rapport estime en effet qu’un autre « aspect crucial pour permettre une organisation efficace de la gestion de crise en cas de rebond réside dans la conservation de l’expertise acquise lors de la première vague épidémique » . Or, en juin 2020, le général Lizurey écrit : « Des renforts ont d’ores et déjà été démobilisés sans que ne soit prévue ni organisée la possibilité d’un retour en cas de deuxième vague. »

    Les conclusions du rapport ont été révélées par Le Canard enchaîné ce mercredi 28 octobre. Mediapart en publie ici de larges extraits. Invité à réagir sur son contenu, et au fait que les recommandations n’ont visiblement pas été suivies d’effet, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a déclaré, ce mercredi, qu’il n’avait « pas vu » l’article du Canard enchaîné et s’est engagé à « apporter une réponse dans les plus brefs délais ».

    Sollicité par Mediapart, Matignon n’avait pas encore répondu à nos questions au moment de la publication de cet article. Au sein du gouvernement, le document semble n’avoir guère circulé, puisqu’un conseiller qui aurait dû en être destinataire a été informé de son contenu par voie de presse. Ce qui ne rassure pas quant au manque d’information au sein des ministères – un des griefs justement formulés par la mission d’enquête.

    Dans son rapport, le général Lizurey rappelle que « la gestion de la crise a reposé sur un nombre réduit de responsables nationaux » dont « l’engagement a été marqué par une exceptionnelle intensité » pendant plusieurs mois.

    Ce mode d’organisation a posé plusieurs problèmes. À commencer par la capacité de ces hauts fonctionnaires et membres de cabinets à tenir dans le temps et « à garder du recul sur une gestion dans laquelle ils ont été totalement engagés dans la durée ».

    Ce mode d’organisation, reposant sur peu de personnes, a aussi contribué à installer un véritable bazar institutionnel à la tête du pays. « Certains acteurs ont pu exercer indistinctement plusieurs niveaux de responsabilité, mélangeant notamment rôle stratégique et conduite opérationnelle » , note ainsi le rapport, en estimant que cette situation « soulève le risque que la conduite ait parfois pris le pas sur la stratégie pour les acteurs en charge de cette dernière, et que le niveau responsable de la conduite se soit trouvé en partie déresponsabilisé ».

    Dans les faits, la gestion de crise a donné lieu à de « très nombreuses réunions, souvent longues et ne traitant pas toujours des sujets du bon niveau » , relève le général Lizurey. Ce dernier souligne à titre d’exemple la « mobilisation permanente du directeur de cabinet du premier ministre » , qui a lui seul « a présidé 34 réunions de synthèse de la cellule interministérielle de crise (CIC) en deux mois et demi, entre mi-mars et mi-juin, certaines ayant duré jusqu’à 3 heures » .

    La confusion des rôles a aussi imprégné certaines instances stratégiques, comme le conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN) que réunit Emmanuel Macron toutes les semaines et qui occupe une place déterminante dans le dispositif actuel (lire ici). Le conseil a parfois « privilégié l’information au détriment de son rôle de décision stratégique ».

    La forte centralisation des décisions a aussi « laissé une plus faible place aux initiatives locales, dans un contexte où l’épidémie connaissait pourtant une forte hétérogénéité territoriale » et a « pu également allonger les circuits de circulation de l’information » , déplore aussi le général Lizurey.
    En théorie, la stratégie gouvernementale face au Covid-19 aurait dû prendre racine dans la cellule interministérielle de crise (CIC). Mais la cellule n’a en réalité jamais endossé la responsabilité de coordonner l’action de tous les ministères.

    Plusieurs éléments expliquent ce dysfonctionnement. « Du fait de sa localisation à Beauvau et de son armature principalement par des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur », la CIC a dans un premier temps été perçue « par beaucoup d’agents d’autres ministères comme une cellule majoritairement intérieure » , indique le général Lizurey. Ce dernier est bien placé pour identifier le problème, puisqu’il était à Beauvau jusqu’en 2019.

    Ce sentiment d’une cellule rattachée à un seul ministère a été, selon le général, « amplifié par l’existence » d’autres cellules qui ont continué à fonctionner « dans leurs domaines de compétences » en parallèle de la CIC. C’est notamment le cas du centre de crise santé (CSS) au ministère des solidarités et de la santé, ou celui du ministère de l’économie et des finances. Conséquence : les autres ministères n’ont pas participé à la CIC ou n’ont envoyé en réunion que des profils « junior » sans réel pouvoir décisionnel. À titre d’exemple : le ministère de la santé, pourtant au cœur de la crise, était en dehors de la cellule interministérielle jusqu’au 20 mai 2020, indique le rapport.

    À ce moment-là, la coordination entre les deux ministères (intérieur et santé), pas optimale, a souffert de plusieurs insuffisances au sein des deux cellules : des organigrammes globaux trop complexes, un circuit de validation interne des documents pas toujours formalisés, une absence de fiches de poste, etc. 


    Des risques de contamination au sein de la cellule de crise

    Cette situation a inévitablement « créé des doublons, des incompréhensions et des conflits de compétence » entre les ministères. Un problème accru par « la faiblesse des moyens techniques de visioconférence du ministère de l’intérieur », selon le rapport. « Faute de bande passante ou de ponts suffisants, plusieurs préfets ont vu leur visioconférence annulée et ont dû se reporter vers des outils de visioconférence civils ou d’audioconférence », y append-on par exemple.


    Extrait du rapport confidentiel. © Document Mediapart

    En raison de « circuits de partage de l’information et de décision flous », « plusieurs membres » du cabinet du premier ministre, la CIC, le CCS puis la mission de déconfinement menée par Jean Castex (avant qu’il devienne premier ministre en juillet), ont « parfois déploré une information insuffisante » , relève le rapport. Des membres de ces structures ont par exemple « découvert des textes législatifs ou réglementaires trop tardivement pour pouvoir y intégrer leur expertise et le résultat des travaux produits ».

    Extrait du rapport confidentiel. © Document Mediapart

    L’incapacité du ministère de l’intérieur à adapter son fonctionnement à la crise a aussi accru les risques de contamination au sein même de la cellule interministérielle de crise. Ainsi que l’avait révélé Mediapart (lire ici), « plusieurs personnes travaillant au sein de la CIC ou de cabinets ministériels ont été arrêtées car elles avaient développé des symptômes d’une infection au coronavirus entre mars et mai 2020 » , rappelle le rapport Lizurey, en pointant clairement des risques de contamination au sein même du ministère.

    « Les salles de gestion de crise utilisées à Beauvau se sont révélées peu adaptées : situées en majorité en sous-sol, elles ne peuvent être aérées avec de l’air extérieur et leur exiguïté rend difficile le maintien d’une distance d’un mètre entre les agents. Le transfert des cellules situation et anticipation de la CIC à la salle des fêtes de Beauvau (située au rez-de-chaussée et dotée de fenêtres) a amélioré la situation, sans la rendre optimale compte-tenu des dimensions de la salle, petite au regard des effectifs engagés. »

    Le ministère de l’intérieur ne disposait pas non plus, dans un premier temps, d’équipements en Plexiglas pour isoler les postes de travail les uns des autres : ils ont « finalement pu être installés le 27 mars » , soit deux semaines après l’annonce du confinement, note le rapport. De plus, « si du gel hydroalcoolique et des masques étaient à la disposition des équipes, le respect des gestes barrières n’a été qu’imparfait et s’est révélé difficile à maintenir dans la durée – par manque d’habitude et pour des questions pratiques et de confort » , écrit le général Lizurey.

    Au-delà de la coordination interministérielle défaillante, la mission de contrôle établit que « nombre d’acteurs publics et privés n’ont pas été associés à la définition de la stratégie globale de gestion de crise », quand bien même ils auraient joué un rôle déterminant sur le terrain. Ainsi, « les grands groupes gérant des Ehpad ont par exemple reçu des informations tardives et ont été peu associés aux décisions prises, alors que leurs fédérations et syndicats auraient pu constituer un relais », explique le rapport.

    D’autres acteurs privés ont souligné la difficulté à identifier les décisionnaires et les voies d’accès et d’échange avec ces responsables, rendant difficile la remontée de problèmes en dehors de contacts personnels informels. Ce fut notamment le cas sur les importations de masques. Dans ce cas précis, le cloisonnement est d’autant plus préjudiciable que « la manœuvre logistique a été complexifiée par la difficulté à mobiliser des ressources humaines qualifiées », relève le rapport. Tandis que le CCS, au ministère de la santé, a « éprouvé des difficultés à faire appel à des acheteurs qualifiés sur le champ de la santé » , Santé publique France, chargée de la gestion de la réserve sanitaire et des stocks stratégiques nécessaires à la protection des populations, a rencontré des difficultés « faute notamment de compétences et de moyens suffisants (seules 7 personnes étaient avant la crise dédiées à la manutention logistique) » , note le général Lizurey. Au même moment, de nombreux importateurs qualifiés qui proposaient leur aide à l’État pour éviter une pénurie n’ont jamais reçu de réponse (lire ici).

    En ce qui concerne les collectivités territoriales, leur information et association à la gestion de la crise « semblent avoir été inégales selon les régions et départements » , estime la mission. Ce « manque de fluidité dans les relations entre acteurs locaux a pu être source d’inefficience, en ne mobilisant pas tous les moyens disponibles », estime le général Lizurey. Certaines préfectures ont aussi fait part de leur frustration par un processus de « décision des ARS perçu comme trop bureaucratique et lent et trop centralisé » , selon le rapport. Pour essayer de corriger le tir, le rapport sollicite la constitution d’une réserve de hauts fonctionnaires mobilisables pour des missions d’appui territorial.


    Extrait du rapport confidentiel. © Document Mediapart

    Cette proposition fait partie des 21 préconisations formulées par le général Lizurey. Les autres propositions sont principalement axées sur la nécessité d’une meilleure coordination entre les ministères. « Il apparaît d’emblée indispensable de conduire un retour d’expérience (RETEX) interministériel objectivé et partagé, accompagné le cas échéant d’un ou plusieurs RETEX spécifiques, afin de préparer dans les meilleures conditions possibles une nouvelle crise de nature similaire », écrit le général. Cela lui semble, à l’époque, d’autant plus urgent que, relève-t-il alors, « certains experts, dont le président du conseil scientifique, prévoyant une possible reprise de l’épidémie à l’automne, il est indispensable de se préparer au plus tôt » .

    Interrogé par Mediapart, Matignon ne nous a pas indiqué si le premier ministre Jean Castex avait suivi la recommandation du général Lizurey et lancé un Retex pendant l’été.

  • Denis Colombi : en finir avec l’idée que les pauvres gèrent mal leur argent
    https://www.franceculture.fr/economie/denis-colombi-en-finir-avec-lidee-que-les-pauvres-gerent-mal-leur-arge

    (…) [Il y a] d’abord une relative méconnaissance de ce qu’est la pauvreté. Les pauvres, et les classes populaires en général, ont peu accès à la parole publique et donc peu l’occasion de défendre leur façon de consommer, leur utilisation de l’argent etc.
    Les travaux des sciences sociales là-dessus sont aussi mal connus et peu diffusés.
    Enfin si chacun imagine facilement ce qu’il ferait s’il était riche, il est très rare qu’on se demande comment on vivrait ou consommerait si on était pauvre. Et si jamais on se pose la question, on le fait avec une forme d’ethnocentrisme de classe.

    C’est-à-dire qu’on plaque nos points de vue et représentations ?

    Par exemple, on se dit “moi si j’étais pauvre, j’épargnerais”. On ne se rend pas compte qu’il existe déjà certaines formes d’épargne dans les classes populaires, même si elles ne prennent pas une forme monétaire. Par exemple, le stockage de nourriture. Les biens sont moins volatiles que l’argent sur un compte en banque car il suffit d’une facture imprévue, des agios ou autre, pour que l’argent fonde comme neige au soleil. Quand on est pauvre, laisser de l’argent sur son compte est plus dangereux que de le stocker, sous forme de nourriture par exemple. Or ce comportement, nécessaire dans cette situation, n’est pas valorisé, parce qu’il n’est pas considéré comme de l’épargne et est moins efficace puisqu’il ne produit pas d’intérêts.

    Ce sont ces stratégies qu’il faudrait davantage reconnaître ?

    Souvent, quand on aborde la question de la pauvreté, on donne l’impression qu’il faudrait que les pauvres adoptent le comportement qui leur permet de devenir vraiment riches. Par exemple, s’ils mettaient de de l’argent de côté, ils pourraient lancer une entreprise. Alors que le plus souvent, le premier problème des pauvres, c’est simplement de survivre. Car pour devenir riches ils devraient faire des efforts démesurés par rapport à ce qui est vraiment possible.

    Les travaux sociologiques montrent que ce qui explique la pauvreté, c’est d’abord la pauvreté. Cela peut sembler être une tautologie, mais en fait c’est la condition dans laquelle on est, en tant que pauvres, qui fait que l’on adopte certains comportements, lesquels s’imposent à nous, comme les solutions pour gérer cette situation.
    Pour mettre fin à cette situation il faut disposer d’assez de ressources pour ne plus être pauvres. Ce que disent de nombreux travaux, c’est que pour ne plus être pauvres, il faut donner de l’argent aux pauvres.

    Est-ce que la crise peut changer ce regard sur les pauvres ?

    Il est possible que l’augmentation du chômage et des difficultés économiques produisent une plus grande tolérance vis-à-vis des plus pauvres. On se sentirait plus proche d’eux. Mais ce n’est pas mécanique, et cela pourrait tout aussi bien s’accompagner d’une plus forte condamnation des pauvres et de la pauvreté. Ceux qui s’en sortiraient le mieux, pourraient avoir le sentiment d’être plus méritants que les autres, voire faire peser sur certains la responsabilité de la crise.
    En 2008, une façon de raconter la crise a été de dire que c’était la faute des “ménages subprime”, autrement dit des plus pauvres qui voulaient acheter des maisons sans en avoir les moyens. Et que c’est l’avidité des pauvres qui avait provoqué la crise !
    Notre regard dépendra en fait de la mobilisation des associations, et de la manière dont nos dirigeants poseront le problème comme étant, soit une question de responsabilité des pauvres, soit une question de responsabilité politique.

  • Il était une soif !
    On a repris un verre avec Miossec pour les 25 ans de “Boire” – Gonzaï
    http://gonzai.com/on-a-repris-un-verre-avec-miossec-pour-les-25-ans-de-boire

    Il ne faut pas se leurrer. Le monde des maisons de disques était encore plus minable en 1995 qu’aujourd’hui. Parce qu’à l’époque, il y avait encore de l’argent. C’est plus le cas aujourd’hui, et on peut finalement se dire que seuls les plus passionnés restent. Quand tu sors de la chaussée aujourd’hui, c’est peut-être pas le chemin de la musique que tu vas prendre. C’est pas forcément le secteur d’avenir le plus porteur. Ce que j’aime aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas de recettes pour réussir. En 1995 et avant, le top 50 était quasiment le seul et unique baromètre. Aujourd’hui, il y a des baromètres partout. Le milieu de la musique est devenu complètement dingue.

    #à_boire #j'ai_soif

  • Amnesty International : la répression en France menace sérieusement le droit de manifestation et d’expression
    https://ricochets.cc/Amnesty-International-la-repression-en-France-menace-serieusement-le-droit

    Voici le rapport accablant d’Amnesty contre la France, le gouvernement, les systèmes policiers et judiciaires : France : Comment des milliers de manifestants pacifiques ont été arbitrairement arrêtés et poursuivis - Depuis fin 2018, en France, la répression des manifestations a été d’une ampleur inédite. Manifester pacifiquement expose au risque de violences policières, mais aussi à celui de finir en garde-à-vue. En effet, les autorités ont instrumentalisé des lois contraires au droit international pour (...) #Les_Articles

    / #Procès,_justice,_répression_policière_ou_judiciaire

    https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/france-milliers-de-manifestants-pacifiques-arbitrairement-arretes-et-poursui
    https://www.letemps.ch/monde/amnesty-international-accable-france-acharnement-contre-manifestants
    https://twitter.com/brutofficiel/status/1310835865233633280
    https://www.frustrationmagazine.fr/frederic-lordon-cette-police-est-foutue-raciste-a-coeur-hors-de-
    https://lepoing.net/agora/incroyable-mais-vrai-un-militant-poursuivi-a-montpellier-pour-jet-de-feuill

  • BALLAST | David Dufresne : « En critiquant la police, on s’en prend plein la gueule »
    18 septembre 2020

    https://www.revue-ballast.fr/david-dufresne-en-critiquant-la-police-on-sen-prend-plein-la-gueule

    Passé de la presse rock au repor­tage pour la grande presse, dans les années 1990, David Dufresne s’est peu à peu éloi­gné du jour­na­lisme — un « jour­na­lisme de pes­ti­cides », dit-il, obnu­bi­lé par la nou­veau­té et la sur­face de l’in­for­ma­tion — pour tra­vailler sur le long cours : une enquête consa­crée au main­tien de l’ordre, sui­vie d’une autre sur l’af­faire Tarnac. Si la musique n’est jamais bien loin (un livre sur un club de rock, un autre sur Brel), c’est par son compte Twitter et son inter­pel­la­tion « Allô Place Beauveau », lan­cée en plein sou­lè­ve­ment des gilets jaunes, que Dufresne s’est impo­sé comme l’une des voix média­tiques cri­tiques de la vio­lence poli­cière et éta­tique. En 2019, il racon­tait, sous les traits de son alter ego Étienne Dardel, cette mobi­li­sa­tion écra­sée dans les pages du roman Dernière som­ma­tion ; il revient des­sus, au ciné­ma cette fois, avec Un pays qui se tient sage. L’occasion de le retrou­ver, convi­vial, autour d’un café sous le soleil de plomb de la capi­tale. (...)

  • Le préfet de Paris a bien ordonné l’arrestation préventive de Gilets jaunes | Mathieu Molard, Christophe-Cécil Garnier et Yann Castanier
    https://www.streetpress.com/sujet/1600096817-prefet-paris-bien-ordonne-arrestation-preventive-gilets-jaun

    En amont des manifestations de Gilets jaunes, les forces de l’ordre ont pratiqué de nombreuses arrestations préventives. Le gouvernement l’a toujours nié mais StreetPress s’est procuré les documents qui détaillent ces consignes (illégales). Les deux premiers ont été paraphés de la main du préfet Michel Delpuech, le 1er puis le 7 février 2019. Le troisième, signé Didier Lallement, le 22 mars 2019, promet « une stratégie offensive ». Source : StreetPress

    • Thread by Marie_Peltier on Thread Reader App – Thread Reader App
      https://threadreaderapp.com/thread/1304745937298952192.html

      Un peu de philo des réseaux sociaux après 10 ans de Facebook et 7 ans de Twitter. Sauvegardez le thread quelque part si il vous intéresse car je désactive ce compte tout à l’heure :) 1) N’écrivez jamais rien que vous ne pourriez assumer en live et devant les personnes concernées.
      2) Évitez les « transactions cachées ». C’est la toxicité de ces lieux : sous-entendre des choses plutôt que dire en face, faire mine de dire quelque chose à qqn pour en fait atteindre une autre personne, glisser des petits likes par ci par là pour affaiblir un tel ou une telle.
      3) Veiller tjs à checker vos propres intentions pour remettre continuellement du politique dans vos positionnements. Qu’est-ce qui me motive à écrire cela ? Une compétence que j’ai ? Le désir de nuire ? La comparaison avec un tel ou une telle ? Le désir de relayer ? D’invisibiliser ?
      4) A l’inverse, évitez toujours de prêter aux autres des intentions que vous ne connaissez pas. Jugez sur des actes, pas sur des suppositions. Remettez les faits au cœur et positionnez-vous par rapport à ceux-ci. Pas par rapport à ce que vous imaginez d’un tel ou d’une telle.
      5) Dépersonnalisez les débats. La confusion actuelle se nourrit du narcissisme ambiant. C’est un mix entre les élans réactionnaires et le tout à l’ego. Le problème n’est jamais un tel ou telle, le problème est toujours politique et/ou philosophique. Y revenir constamment.
      6) Fuyez les logiques d’intérêt et de copinage. Sachez d’avance qu’elles se retourneront contre vous. Ne pas oser dire tel truc pour ne pas heurter machin que je pourrais croiser ou que je connais : barrez-vous de ces petites lâchetés-là. On paye tjs ses compromissions.
      7) Taffez avant de donner un avis. Fuyez la posture, fuyez le naturel humain qui ns pousse à « faire partie » des gens qui « comptent » ou je ne sais quel bullshit social. Soyez honnêtes sur vos compétences. Dites qd vous ne savez pas. Assumez vos opinions. Dites d’où vs parlez.
      8) Débattez. Argumentez. Nommez. Ne discréditez pas. Faites toujours le crédit à l’autre de sa conviction. Non un facho n’est pas un imbécile, c’est quelqu’un qui a fait un choix politique. Ne combattez pas les personnes mais leurs choix politiques. Combattez-les frontalement.
      9) Soyez loyal. Souvenez-vous de ce que vous devez et à qui vous le devez. Ne vous croyez jamais assez important pour pouvoir faire fi de ces dettes et de cette loyauté. Les réseaux sociaux prospèrent sur la trahison. Honorez les soutiens que vous avez eus ou avez encore.
      10) Souvenez-vs que rien n’a de sens ni d’importance si cela n’impacte pas le réel. Le débat public et le politique, cela n’a d’intérêt que si cela change la vie et si cela rend heureux. Sans cela, c’est comme le porno : un prétexte à la branlette. Et nous valons ts mieux que ça.

    • Thread by Marie_Peltier : Donc dimanche alors que je voulais commencer 1 trêve Twitter, je tombe sur une manif anti-masques et je décide d’interpeller la police (avec…
      https://threadreaderapp.com/thread/1303372612190511104.html

      Donc dimanche alors que je voulais commencer 1 trêve Twitter, je tombe sur une manif anti-masques et je décide d’interpeller la police (avec qui j’ai parlé en live) sur cette question de non respect du port du masque. Parce que ça verbalise partout dans Bruxelles et là que dalle.
      Petite veille antifasciste habituelle. Cette manif est publique, les flics sont de très façons partout et ne comptent rien faire puisqu’ils observent sans broncher. Je relève leur manque de cohérence habituel : beaucoup plus prompts à réagir face à nos manifs que face aux conspi.
      Que se passe-t-il ? 1) Des groupes conspirationnistes partagent mes tweets sur Facebook en mode « regardez la collabo » 2) Des harceleurs compulsifs de la twittosphère belge en rajoutent une couche vu que je suis feministo-ecolo-islamo-gaucho (je rappelle).
      J’avais vu que cette manif était très puante politiquement (bah oui sorry de travailler sur ces questions depuis longtemps) : sémantique d’extrême droite partout, drapeaux Qanon, confusion au paroxysme entre références à « Gandhi » et le sempiternel « ON EST PAS DES MOUTONS ».
      Donc je savais que c’était une manif de fafs, même drapés de poncho péruviens et de tatouages peace and love. Je le savais mais ce que je ne réalisais pas, c’est à quel point ces gens ont réellement basculé dans leurs méthodes.
      Donc depuis 48h ces gens m’insultent, me menacent, contactent l’endroit où je travaille, m’envoie des mails tantôt psychologisants tantôt spiritualisants (Oui parce que c’est mystique aussi tout ça) pour dire à quel point le nazisme n’est rien par rapport à ce que je représente.
      Je n’ai franchement même pas envie de me justifier tant c’est absurde. Ce que je veux dire c’est : allô, y’a-t-il des gens pour réaliser que pour certaines d’entre nous, ns exprimer publiquement sur les questions sur lesquelles on travaille nous expose à ce harcèlement permanent ?
      Je le dis clairement : je suis à un point de rupture, comme d’autres. Parce que c’est intenable. Ce qui rend cela intenable c’est aussi la lâcheté face à ces comportements. Le nombre de personnes qui disent « vous avez raison mais ». En fait je commence à avoir peur.
      Je pense aux USA et à l’élection de Trump, je pense au Brexit, je pense à Jo Cox. Je pense très sincèrement que nous en sommes politiquement à ce point de rupture et de basculement. Et je comprends aussi beaucoup mieux ce qui a pu se passer là-bas et comment cela a pu se passer.
      Et clairement ce qui a pu permettre à un tel climat politique de triompher, c’est le manque de soutien, le manque de courage, le déni face à celles et ceux qui sont en première ligne et qui tirent la sonnette d’alarme. Perso je suis pas Jeanne D’Arc. Déso, pas déso.
      Je suis pas Jeanne D’Arc, j’ai une vie, mon bonheur passe avant la cause. Donc clairement là je suis en réflexion pour arrêter de travailler et de m’exprimer sur tout cela. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas assez de soutien. Qu’on hurle dans le désert alors que la menace est là.
      Ce sera pas faute de l’avoir dit clairement. Continuez à nous tirer dans les pattes ou à questionner nos « méthodes » si ça vous chante. Sachez juste qu’au bout du compte, on risque surtout d’arrêter tout court. Et donc de vous laisser gérer. En vous souhaitant bcp de courage.
      Ça par ex, ce déni, c’est vraiment ce qui va nous faire déserter. Je rappelle donc que je suis sous ma véritable identité, que ces gens contactent mon lieu de travail, que j’ai déjà dû être sous protection policière à cause de faits similaires. Mais un Twitto m’explique la vie.
      Ah et je vous ai partagé une super comptine. Ce qui me fait bien rigoler, c’est que 90% des mecs qui nous « raisonnent » feraient leur grande diva si ils recevaient 2% des menaces qu’on reçoit. Et ils auraient en sus le soutien de ts leurs potes mecs. Nous on fait des comptines.

      https://twitter.com/marie_peltier/status/1303348098404700161

      Dernier truc : le machisme mainstream c’est aussi soutenir les femmes « victimes » d’un rôle d’homme protecteur face aux petits êtres fragiles que nous sommes censées être. Perso, comme d’autres, je refuse cette identité de victime. Et je pense que c’est ça que bcp ns font payer.
      Update : j’évoque vraiment pas la question du « burn -out militant » ici (parce que je vois plusieurs ramener le truc à ça). Je suis en super forme physique et morale. Le problème est vraiment un problème global. Le harcèlement est devenu une arme politique. J’en reparle bientôt.
      Quand on dit « besoin de soutien », c’est pas un truc affectif en mode « j’ai besoin de petits cœurs et de reconnaissance ». On parle de soutien politique, de solidarité dans la lutte, de conséquence. On parle aussi d’arrêter les mesquineries qui plombent complètement nos luttes.
      Mes expériences dans le milieu militant et plus largement dans les milieux politisés m’ont appris une chose : fuir les jeux psychologiques et le triangle infernal « victime-persécuteur-sauveur ». Ce sont des dynamiques mortifères et profondément dépolitisantes.
      Pour moi tout ceci indique quelque chose dont je vais reparler : la fin des réseaux sociaux, en ce sens que nous avons touché aux limites du format. Aujourd’hui ce format ne sert plus que les forces hostiles à l’émancipation. Je pense vraiment qu’il est temps de déposer le bilan.
      Et je le vois notamment par la mise en abîme de ce thread : j’essaye de décrire une crise politique profonde et je perçois que ce n’est pas vraiment audible. En fait je suis pas une influenceuse, je parle politique. Mais ce malentendu est normal, ce n’est plus ici que ça se passe

    • Thread by Marie_Peltier : Plutôt que de parler de la « taddeisation des esprits », il serait sans doute plus juste de rendre à César ce qui est à César et de parler d…
      https://threadreaderapp.com/thread/1301217129669292032.html

      Plutôt que de parler de la « taddeisation des esprits », il serait sans doute plus juste de rendre à César ce qui est à César et de parler de « Ardissonisation des esprits ». Le vrai vulgarisateur du complotisme et de l’extrême droite à la TV, c’est Ardisson.
      Faites le test, prenez n’importe quelle personnalité douteuse en vogue actuellement, n’importe quelle idée nauséabonde encore inconnue il y a 25 ans et aujourd’hui sur toutes les lèvres : vous pouvez vérifier que la majorité du temps, c’est chez Ardisson que ça a commencé.
      En fait Ardisson a inventé le modèle (au niveau francophone) qui s’est imposé à la TV aujourd’hui et plus largement d’ailleurs : le fait qu’il fallait parler à tout le monde comme si on était au café (strass mondain en sus). Pourquoi ? Parce que ça fait le buzz.
      La 1ère raison est donc le buzz, le fric, le strass aussi, faut pas se mentir. Mais derrière cela, il y a évidemment un fond politique. Faut pas être grand clerc pour savoir que Ardisson a lui-même pas mal d’affinités avec les personnalités « controversées » qu’il aime inviter.
      C’est d’ailleurs la grande imposture de la posture anti-media car ce qui a porté l’imaginaire conspirationniste aux nues, banalisé la parole xénophobe, rendu fréquentable les « intellos fachos », c’est bien les médias dits « traditionnels », TV en tête, dès la fin des années 80.
      L’élève « modèle » de Ardisson, c’est Ruquier, le soi-disant « gauchiste » qui « aime le débat ». Ruquier qui a une responsabilité énorme non seulement dans l’ascension de Zemmour par exemple, mais de manière + grave encore dans la banalisation complète de sa pensée.
      Pas une semaine depuis 30 ans sans que ces présentateurs TV nous serve que le « débat avec l’extrême droite » est nécessaire, souhaitable, courageux. La réalité c’est quoi ? C’est que la TV est l’instrument par excellence de la popularisation des thèses de l’extrême droite.
      Le cas Zemmour est d’ailleurs très intéressant. Il y a 20 ans Zemmour savait que le rapport de force n’était pas en sa faveur : ré-écoutez ses interventions de l’époque et mesurez combien il était alors « nuancé ». Au fur et à mesure il a compris que les digues avaient sauté.
      Il y a derrière cela pas mal d’éléments qui peuvent être mis en perspective. On peut notamment évoquer une conception très machiste du débat (qui est aussi le fait de femmes, ce n’est pas la question) : l’imaginaire du combat de boxe. De la « figure héroïque » aussi.
      « On va régler cela entre mecs ». Il y a vraiment de cela. L’idée que le débat politique, c’est une joute. Que le spectateur est là pour bouffer des pop-corns et compter les points. Un gentil et un méchant qui s’écharpent. Chacun choisit son camp et mise son poulain.
      Pas mal de choses à dire aussi sur la configuration des débats, sur le choix des intervenants qu’ils soient d’extrême-droite censés incarner leurs opposants. Ce qui est frappant, c’est qu’au fur et à mesure du « débat télévisuel », c’est bien l’ED qui s’est imposée.
      Prenons Naulleau par exemple. Dans la configuration de ONPC, il était censé être le « pendant » de Zemmour, l’homme de gauche du plateau. Écoutez Naulleau aujourd’hui et demandez-vous lequel de ce duo a influencé la pensée de l’autre. A qui cela a profité.
      Nous sommes en 2020. Ardisson. A commencé à proposer ce modèle dans les années 80. Ensuite il y a eu Ruquier, Taddei, Hanouna, CNews et compagnie. Nous avons le recul, nous observons le fiasco. Et pourtant on a pas encore réussi à dézinguer l’imposture complète de ce modèle.
      On a pas encore réussi à dezinguer l’idée qu’un plateau TV est une arène politique où l’on combat la xénophobie et les élans réactionnaires. On a pas encore compris qu’un plateau TV c’est avant tout une vitrine, un porte-voix. Et que l’ED comme d’hab l’a compris bien avant nous.
      Alors rendons hommage à Ardisson et à son caractère visionnaire ; le garant de notre « courage » télévisuel, c’est lui. Il était pas con le gars : gagner du fric et faire avancer se idées pourraves sur le dos de notre posture. Faut avouer que ça pas trop mal marché.

  • Pulpe fiction dans les quartiers nord de Marseille - regards.fr
    http://www.regards.fr/politique/societe/article/pulpe-fiction-dans-les-quartiers-nord-de-marseille

    À la tête de son propre centre d’#esthétique, Monia Institut, dans le quartier de Saint-Louis depuis douze ans, Monia Dominique confirme l’emballement. « Je dirais que 50% de ma clientèle a déjà fait soit de la médecine esthétique, soit de la #chirurgie », estime la trentenaire. Native de la Savine, une cité du 15e, sa belle-sœur Alexia abonde. « Aujourd’hui, tout le monde veut la bouche de Kylie et les seins de Kim Kardashian ! », sourit l’esthéticienne. À vingt-cinq ans, elle a subi une rhinoplastie, pour affiner un nez qu’elle n’aimait pas. Fluette, elle montre avec dépit sa poitrine menue sous son soutien-gorge push-up rose pastel. Refaire ses seins ? Elle l’envisage : « Après mon premier enfant ».

    Aujourd’hui, la clinique Phénicia revendique près de 40% de clientes issues des quartiers populaires du Nord de la ville. « C’est une clientèle à la recherche de considération. Mais qui, parfois, ne maîtrise pas tous les codes et a, avec la chirurgie, un rapport de consommation immédiate », analyse Isabelle Delaye, directrice de la communication dans l’établissement. Une mode dont les icônes incontestables du moment sont les sœurs Kardashian, brunes incendiaires aux courbes très avantageuses. « Il faut parfois calmer les ardeurs, prolonge le Dr Marinetti. On nous demande beaucoup de bouches agressives à la Nabilla. Ou des seins décrits comme "naturels" mais qui, en fait, ne le sont pas. Les seins bombés vers le haut, comme Kim Kardashian, ça n’existe pas dans la nature ! C’est importé des États-Unis, c’est le surgical look à l’Américaine. »

    À l’influence des séries et de la téléréalité s’ajoute le poids, tout aussi écrasant, de la publicité, des clips, voire de la pornographie. « La téléréalité est, souvent, une mise en compétition des corps, sur un modèle réactionnaire, néolibéral. Une hiérarchie entre ceux censés être beaux et ceux censés être laids… », note Sophie Jéhel, maîtresse de conférence à l’université Paris 8. Basées sur des caricatures de féminité et de masculinité, ces représentations ont un impact énorme. Dans son cabinet du 5e arrondissement, dans le centre-ville marseillais, ce médecin en convient : « Les jeunes femmes arrivent avec sur leurs portables des photos des actrices de la téléréalité à qui elles s’identifient et donc veulent ressembler ». Sonia, vingt-six ans, qui confesse sans mal avoir subi une double mammoplastie, en témoigne. « Nabilla, ça a été un truc énorme, ici. D’un coup, tout le monde a voulu des gros seins et des Louboutin ! », lâche-t-elle en riant.

    @beautefatale

  • Femmes seins nus sur la plage : quel est le problème ?
    https://www.lesinrocks.com/2020/08/25/actualite/societe/femmes-seins-nus-sur-la-plage-quel-est-le-probleme

    Ce que cela montre avec force, c’est que le #corps des #femmes ne leur appartient décidément pas, et moins encore leurs seins. Si on exige des femmes qu’elles ne les montrent pas, c’est parce qu’ils figurent les deux fonctions maternelle et sexuelle, l’une et l’autre relevant d’une vie intime dont on a décrété qu’elle devait rester cachée. Or, comme les féministes des années 1970 l’ont montré, les dimensions intimes de la vie des femmes sont éminemment politiques, le corps étant le lieu privilégié de la #domination masculine. Demander à une femme de recouvrir sa poitrine, c’est lui adresser un rappel à l’ordre patriarcal des choses.

  • En Côte d’Ivoire, des marins pêcheurs dénoncent un « esclavagisme moderne » à bord de bateaux français et espagnols - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/190820/en-cote-d-ivoire-des-marins-pecheurs-denoncent-un-esclavagisme-moderne-bor

    Le #thon_en_boîte des marques #Saupiquet ou #Albacora a comme un arrière-goût de #racisme. Malgré la peur des représailles, des marins pêcheurs ivoiriens ont accepté de se livrer sur leur quotidien à bord de thoniers français et espagnols. Des injures racistes aux grossièretés – « Regarde-moi ce singe ! », « Sale nègre », « Hijo de puta », « Va chier ! » –, la vie en mer est devenue un cauchemar auquel ces travailleurs sans autre qualification ne peuvent échapper.

    Sans parler de la discrimination et des #inégalités. « À bord du bateau, les Blancs sont aux postes de commandement tandis que nous, les Noirs, sommes assignés aux tâches manuelles et physiques », déplore Constant*, qui travaille pour une compagnie du groupe Albacora (Espagne).

    « On fait tous les travaux difficiles, enchaîne un autre. Même ceux que le mécanicien devrait faire. Pendant ce temps, l’équipage blanc se repose et nous crie dessus. » Depuis sept ans, Alain* travaille sur des bateaux espagnols d’Albacora, pour des journées de travail allant de cinq à dix-neuf heures, sans pause.

    #pêche #agroalimentaire #esclavage

  • #Risque zéro ou réduction des risques ? - Mon blog sur l’écologie politique
    http://blog.ecologie-politique.eu/post/Risque-zero-ou-reduction-des-risques

    D’autres encore sont plus désinvoltes que la population générale, ce sont les dirigeant·es politiques et dirigeant·es d’entreprises. Est-ce que cette riscophilie les a justement mené·es aux postes de pouvoir où elles et ils sont ? Ou est-ce que le pouvoir donne des ailes et fait envisager le risque avec plus de désinvolture ? Après tout, quand on fait partie des classes dominantes, on s’en sortira toujours, individuellement, même si on engage d’autres que soi dans des comportements risqués. (Je vous laisse en apprendre plus là sur les dommages psychologiques causés par le pouvoir.) Voilà qui aide à comprendre pourquoi Emmanuel Macron nous a encouragé·es à aller au théâtre avec des dizaines d’inconnu·es à peine cinq jours avant de nous interdire de voir nos ami·es. Ou l’histoire de ce directeur de centrale nucléaire retraité qui a emmené un groupe de randonneurs plus loin qu’elles et ils ne s’en sentaient capables, causant une mort et plusieurs amputations des doigts et des mains à cause du froid (c’est une anecdote qu’on m’a racontée). Le résultat, c’est un biais de plus de la représentation : les sociétés s’engagent dans des politiques plus risquées que ses membres ne le souhaiteraient, car les personnes en haut de la hiérarchie, celles qui prennent les décisions, sont plus riscophiles. Le résultat, en matière d’écologie notamment, est accablant : les écologistes sonnent depuis plus de cinquante ans des alertes à des dangers bien réels qui sont ignorés par les classes dominantes jusqu’à ce qu’ils surviennent. Malgré les « on vous l’avait bien dit » que les écolos ont le bon goût de penser sans le dire, les politiques restent dans leur grande part allergiques au principe de précaution.

    #prévention

  • Loue ou cède Ado dans son jus pour travaux de manutention (et plus si affinités) - Prestations de services
    https://www.leboncoin.fr/vi/1830043504.htm

    Dans un espoir quasi désespéré de faire comprendre à mon ado - 13 ans, 1m75 et 75 kilos - que non, Youtubeur n’est pas un métier, j’ai décidé de mettre Quentin (c’est le nom de l’individu) en location le temps de quelques heures, voire d’une journée.

    Comme je l’aime de tout mon cœur, et plus encore, j’ai pensé que mon ado gagnerait à faire l’expérience temporaire de l’ubérisation de notre société, à laquelle - vous en conviendrez, amis et collègues parents au bord de la crise de nerfs - ni Snapshat ni Insta ne préparent réellement.

    Les autres annonces signées Nicolas CEDRAS sont également savoureuses !

  • #IMMIGRATION ENQUÊTE
    Dans l’enfer des grands bourgeois du Nord : des femmes de ménage portugaises témoignent
    15 AOÛT 2020 PAR MICKAËL CORREIA

    Pour la haute bourgeoisie française, les #femmes_de_ménage portugaises sont les plus intégrées, des « perles qu’il faut à tout prix conserver ». Derrière les murs de leur propriété se livre pourtant une lutte des classes au quotidien.

    Les mains crevassées de Rosa* tournent minutieusement les pages d’un cahier spiralé. Sur petits carreaux et avec une écriture scolaire, elle y a consigné toute une vie de #travail_domestique. « Voilà, je l’ai noté ici : 7,15 euros net de l’heure. C’était mon salaire de femme de ménage fin 2017, après trente ans d’ancienneté. Ils me déclaraient mais ils me payaient aussi pas mal d’heures au noir », soupire la petite femme de 63 ans.

    « Ils » désignent une richissime famille installée dans le #Nord depuis la fin du XIXe siècle. Elle y a investi dans les filatures avant d’être un des piliers de l’industrie textile de la région. Son digne représentant, Édouard M., a incarné une figure du patronat paternaliste local (voir Boîte noire). Dans les années 1970, il régnait sur des usines lainières à Tourcoing, au nord de #Lille, ainsi qu’en Afrique du Sud ou aux États-Unis. Depuis, le groupe s’est diversifié, mais les fils et petits-fils M. dirigent encore des entreprises textiles de pointe dans le département.

    Rosa habite une de ses maisons étroites en brique typiques des quartiers populaires de #Roubaix et de #Tourcoing. Assise dans son salon tout en similicuir, elle revient sur son parcours jusqu’à son embauche comme femme de ménage chez les M. : « Je viens de Covilhã, une ville industrielle textile du #Portugal. Je suis arrivée en France en avril 1968, à l’âge de 11 ans. Mon père avait passé clandestinement et à pied la frontière un an plus tôt. Il a travaillé comme ouvrier chez Tiberghien, une énorme filature de Tourcoing. » À 18 ans, la jeune immigrée portugaise devient ouvrière à la Lainière de Roubaix puis à l’usine textile Desurmont.

    Dès le début du XXe siècle, l’agglomération de Roubaix-Tourcoing, qualifiée de « Manchester française », est une capitale mondiale du textile, avec plus de 110 000 salariés employés dans le secteur. Le patronat du Nord esquive les crises successives de la filière en misant sur la vente par correspondance – en créant des groupes comme La Redoute et Les 3 Suisses – et en faisant appel à une main-d’œuvre immigrée portugaise ou maghrébine. Mais dès le début des années 1980, la désindustrialisation lamine la région. Roubaix sombre dans le chômage de masse.

    « L’usine Desurmont a mis la clé sous la porte. Ma mère était déjà servante pour une famille de la grande bourgeoisie du Nord. J’avais une tante qui était la domestique de Édouard M. Un de ses enfants avait besoin d’une femme de ménage. Ils m’ont prise en 1986 et j’ai bossé deux ans au noir avant qu’ils me contractualisent pour venir habiter sur leur propriété », enchaîne Rosa.

    Du jour au lendemain, l’ouvrière au chômage quitte Roubaix pour Marcq-en-Barœul, la banlieue huppée de Lille.

    « Le contrat était abusif, mais j’avais vraiment besoin d’argent. Il y était par exemple stipulé qu’un an sur deux, je n’avais pas le droit de partir en vacances : j’étais obligée de rester mes quatre semaines de congé dans la propriété », indique l’ex-employée de maison.

    Manoir et maisons de maître, piscine, écuries, fermette et prairies : le domaine des M. est immense, à l’image du patrimoine des habitants de Marcq-en-Barœul. La commune fait partie des municipalités françaises qui possèdent le plus d’habitants redevables de l’impôt sur la fortune immobilière.

    À moins de six kilomètres de là, Roubaix est considérée comme la ville la plus pauvre de l’Hexagone – 45 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté.

    Marcq-en-Barœul et les bourgades voisines de Bondues, Mouvaux et Wasquehal – un triangle que d’aucuns surnomment « BMW » – regorgent de demeures cossues aux noms bucoliques comme La Cerisaie, La Prairie ou La Hêtraie. Les grandes familles bourgeoises du Nord y vivent en toute discrétion. Mais derrière les haies de cyprès impeccablement taillées qui ceignent ces propriétés se cache un violent enfer domestique.

    « Je faisais tout : le ménage, la lessive, le repassage, les repas, détaille Rosa. Sans compter que j’ai élevé leurs quatre enfants payée au black : le soir, je devais parfois revenir à 19 heures rien que pour donner le bain à un de leurs petits… »

    Durant les trois décennies où elle a travaillé au cœur de l’intimité des M., la distanciation de classe était de rigueur. Au quotidien, la femme de ménage portugaise n’était pas autorisée à utiliser les mêmes toilettes qu’eux, à boire leur eau minérale ou à s’asseoir sur une de leurs chaises pour se reposer.

    « Un jour, leur fille âgée d’à peine 7 ans était agitée alors que je m’occupais d’elle. Je lui ai demandé d’être plus calme et elle m’a lancé : “Tu es la bonne, tu dois m’obéir” », rapporte avec tristesse Rosa. Dans la propriété, les enfants de la domestique n’ont pas à fréquenter ceux de l’employeur. « Ces derniers m’affirmaient que je n’avais pas à jouer avec eux, car leurs parents leur avaient dit que j’étais un pauvre », témoigne un des deux fils de Rosa.

    « Un samedi soir sur deux, à chaque Noël et à quasi chaque jour férié, j’étais obligée de faire le service pour leurs réceptions familiales, relate l’ancienne employée. Ils m’obligeaient à porter une jupe noire avec un petit tablier blanc. J’avais horreur de ça, je me sentais ridicule. »

    Ces dîners s’organisent dans des conditions de travail déplorables. Rosa n’a ni le temps de manger, ni l’autorisation de se garder une part de ce qu’elle avait passé toute la journée à cuisiner. « C’était exténuant physiquement et moralement. Mon dos était en miettes à force de servir individuellement chaque convive dans des plats très lourds, et ce durant des heures. J’étais en même temps stressée car les repas s’éternisaient : comme j’avais obtenu qu’ils me paient plus après minuit, ils m’imposaient de tout nettoyer avant cette heure fatidique », précise-t-elle.

    Les congés légaux dont bénéficient la femme de ménage et les absences pour cause familiale ou médicale sont quant à eux une source permanente de tensions avec l’employeur.

    Face à leurs discours culpabilisants, Rosa doit sans cesse faire valoir ses droits les plus élémentaires. « Ma patronne ne supportait pas que je prenne mes quatre semaines de vacances, assure-t-elle. À chaque retour au travail, elle martelait avec ironie : “Alors on s’est bien amusée ? Une semaine ne vous suffit pas pour vous reposer ?”. Après un de mes rares arrêts maladie, j’ai eu l’indécence de parler de dates de congés. Elle m’a répliqué : “Mais n’y pensez même pas, vous rentrez à peine de vacances là !” »

    Quand, en 2005, son plus jeune fils est emmené d’urgence à l’hôpital à la suite d’une agression, Rosa se voit rétorquer, après avoir osé demander l’autorisation de quitter la maison : « Vous ne pouvez pas partir comme ça, il faut d’abord que vous finissiez la salle de bains. »

    Exploitation domestique
    À la fin des années 1960, l’#immigration_portugaise s’intensifie en France. Rien qu’entre 1969 et 1971, 350 000 Portugais s’installent dans l’Hexagone.

    « La stratégie des immigrés portugais est alors de faire rapidement un maximum d’argent : on se prolétarise en France pour pouvoir sortir du prolétariat de retour au pays, rappelle Victor Pereira, historien spécialiste de l’émigration portugaise et maître de conférences à l’université de Pau. Mais le projet évolue au fil du temps : les enfants naissent, on les scolarise ici et le retour au Portugal s’avère plus compliqué car après la chute de la dictature en 1974, les autorités portugaises se concentrent sur le rapatriement des retornados, les Portugais installés dans les anciennes colonies africaines. »

    Et l’historien d’ajouter : « Pour les #Portugais de Roubaix-Tourcoing, il est difficile de distinguer immigration économique et politique. Nombre d’entre eux viennent de la région de Covilhã, au centre du pays, qui a été un foyer industriel textile agité par des grèves ouvrières et réprimé par la dictature fasciste de Salazar. À cela s’ajoute la guerre coloniale portugaise : beaucoup de jeunes hommes immigraient en France pour fuir le service militaire qui les obligeait à combattre durant quatre ans en Angola, au Mozambique ou en Guinée-Bissau. »

    Comme Rosa, Sandra, 75 ans, est issue du centre du Portugal et a immigré dans le Nord en 1968. Ouvrière piqûrière dans une usine textile, elle est licenciée en 1985 à la suite de la fermeture de l’établissement industriel. Elle devient alors femme de ménage à Mouvaux pour deux grandes familles : les V. et les T.

    Nom incontournable de l’#industrie_textile locale, le groupe V. possédait dans les années 1960 pas moins d’une trentaine de manufactures entre Roubaix et Tourcoing. La puissante famille compte de tentaculaires ramifications économiques et politiques. Les T. sont quant à eux intimement associés au développement de l’industrie textile du Nord. Ils ont fondé au XIXe siècle une prestigieuse banque, qui a appuyé les riches entrepreneurs du territoire.

    Tout en bêchant les salades de son petit potager, Sandra glisse : « Honnêtement, je n’ai jamais vu des gens comme ça. » Pendant plus de trente ans, elle a nettoyé, récuré, aspiré, repassé et cuisiné pour ces deux grands noms du capitalisme familial nordiste. Mais son emploi en tant que femme de ménage n’a été qu’une longue traversée du désert en termes du droit du travail. « J’ai beaucoup bossé pour eux au noir et je n’ai jamais eu de contrat de travail », souligne Sandra.

    À l’instar de Rosa, elle doit être à leur entière disponibilité, notamment pour les agapes familiales. « Chaque dimanche soir, j’étais épuisée et morte de faim : il m’était interdit de me servir dans les plats. Je devais manger en cachette », confie-t-elle.

    L’employée de maison est par ailleurs étroitement contrôlée. Au début des années 2000, alors que les V. étaient partis en voyage un mois, elle est accusée à leur retour d’avoir débuté tard une journée de travail. « J’étais terrifiée car effectivement j’avais commencé ma matinée avec une demi-heure de retard. J’étais chez le médecin, il y avait une longue file d’attente… J’ai appris plus tard qu’ils avaient demandé au voisin de me surveiller. Après vingt ans de service, me faire ce coup-là ! », s’indigne-t-elle.

    Lors du décès de son mari en 2013, Sandra, alors âgée de 68 ans, officie toujours chez les V. et les T. Absente une semaine pour cause d’enterrement, ces derniers ne feront preuve d’aucune clémence malgré ses 28 ans à leur service : ces sept jours seront froidement décomptés de sa fiche de paie.

    Après deux décennies de dévouement domestique et d’épargne consciencieuse, Sandra parvient à s’acheter enfin sa propre maison, un modeste pavillon. Dès lors, les remontrances patronales sont fréquentes et son salaire horaire ne sera plus jamais augmenté en dépit de son ancienneté. « Ils me répétaient en boucle : “Vous achetez une sacrée propriété grâce à l’argent de la France !” Ce qui me tue, c’est qu’ils n’arrêtent pas de dire que nous les Portugaises, nous sommes de bonnes travailleuses, bien intégrées, propres et sérieuses mais ils n’acceptent pas que nous ayons les mêmes droits qu’eux », dénonce-t-elle.

    Sandra s’effondre alors en larmes : « Il y a 20 ans, j’ai dû ramener ma petite-fille chez les V. car sa mère était absente. C’était juste l’affaire de quelques heures. Je l’ai mise dans la salle de jeux, elle s’est assise sagement sur une petite chaise et la mère de ma patronne lui a hurlé dessus, comme à un chien : “Assieds-toi par terre tout de suite !” » Et de conclure : « J’étais fière de lui présenter ma petite-fille de 7 ans, mais ça a été une humiliation terrible. »

    Chez les M., Rosa est pour sa part sans cesse comparée aux Maghrébins, appréhendés comme moins serviles et moins intégrés que les Portugais. « Ils me ressassaient que nous étions catholiques comme les Français, que nous avions la même culture et que nous étions un peuple courageux », se souvient Rosa. Lors des gros travaux annuels d’entretiens de la propriété, elle est tenue de faire entrer les ouvriers noirs ou maghrébins par une porte de service. « Ma nièce, qui me remplaçait habituellement lors de mes congés, ne s’est plus fait appeler à partir de 2018 par les M. le jour où ils ont appris que sa fille fréquentait un Arabe », déplore-t-elle.

    Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, la France craint d’être submergée par une vague d’immigration nord-africaine. En avril 1964, sous pression du patronat déjà friand de la main-d’œuvre portugaise bon marché, le premier ministre Georges Pompidou autorise la libre entrée en France de tout Portugais démuni de papiers. « Pour légitimer le racisme envers les Algériens, les autorités françaises ont à l’époque produit tout un discours sur le Portugais qui est bon travailleur, peu revendicatif, mais aussi représentant de la dernière immigration européenne (après les Italiens et les Espagnols) et par là même, assimilable, avance Victor Pereira. C’est absurde, car personne ne connaissait les Portugais – et on ne les connaît toujours pas aujourd’hui : ce sont de célèbres inconnus. »

    Pour l’universitaire, les stéréotypes assignés aux femmes de ménages portugaises, tels que leur servilité innée ou le fait d’être des travailleuses de confiance, sont des constructions sociales, fruits de mises à l’épreuve et d’humiliations. « Beaucoup tentaient par exemple de piéger leurs employées de maison en cachant des billets sous le canapé, appuie Victor Pereira. Il y avait tout un capital réputationnel à gagner auprès de leur employeur pour pouvoir ensuite bénéficier d’autres ménages – “Ma Maria, vous pouvez lui faire confiance.” » Des stratagèmes sournois que confirment Rosa et Sandra, qui trouvaient au début de leur carrière de l’argent posé négligemment sous les lits ou dans les chemises à repasser.
     « Les Portugais ont été l’objet d’un processus de racialisation en France, en contrepoint à l’immigration algérienne. Des stigmates essentialisants leur ont été accolés, comme le fait qu’ils soient naturellement “dociles”, “durs à la tâche”, représentant de “braves gens” aux ambitions limitées et qui “s’intègrent très bien”, commente Margot Delon, chargée de recherche CNRS au Centre nantais de sociologie. Ils ont un statut supérieur à celui des minorités coloniales et post-coloniales plus dominées mais inférieur à celui des “Blancs”. Les Portugais représentent ainsi une catégorie intermédiaire, qu’on qualifie dans les sciences sociales de “Blancs honoraires”. »

    Selon la sociologue, cette « blanchité vide » se traduit notamment par le fait qu’une forte proportion de femmes portugaises occupent des positions dominées et ségrégées sur le marché de l’emploi, comme employée de maison ou concierge. « Leurs employeurs recréent des frontières physiques et sociales à l’intérieur des foyers, réagit Margot Delon au parcours de Rosa et Sandra. Une fois qu’on n’a plus besoin d’elles, elles perdent rapidement leur utilité et on les jette. »

    Démission forcée
    Depuis le salon, la télévision publique portugaise balance le nouveau tube de l’été. Impassible, Ana, 65 ans, demeure les bras croisés sous la verrière du toit de sa cuisine. « Mon père, mon frère et moi avons tous été embauchés dans les usines tourquennoises des Tiberghien. Le paysage était triste, rempli de cheminées, quel choc par rapport à Covilhã !, se remémore-t-elle. Puis, toutes les filatures ont fait faillite. J’étais enceinte de mon premier garçon et j’ai trouvé facilement quelques petits ménages. Les Portugaises avaient déjà bonne réputation. »

    Après avoir travaillé au noir pour un couple de grands industriels de renom, Ana rentre chez les D. en 1991. La famille est à l’origine d’une entreprise florissante qui compte aujourd’hui parmi ses clients Louis Vuitton, Areva ou Total.
    Dans leur manoir du nord de Lille avec piscine, sauna et terrain de tennis, Ana a sué sang et eau, rémunérée en chèques emploi-service et sans contrat de travail. « Je n’arrivais jamais à faire tout le ménage, car leur propriété était gigantesque, un vrai labyrinthe d’escaliers, explique-t-elle. Il y régnait un désordre monstrueux, ils jetaient toujours leurs vêtements à terre, et puis je devais m’occuper de leurs trois enfants, auxquels je m’étais très attachée. »

    Les D. cultivent une lubie : celle des gros chiens de race, de type saint-bernard ou bergers allemands. « Ils en possédaient cinq. C’était horrible, car je passais des matinées entières à nettoyer leurs excréments, l’urine, leurs traces de terre dans toute la maison, se rappelle Ana. Ils se battaient souvent entre eux. Et puis un jour, l’accident. »

    Un matin de mars 2015, la femme de ménage, en arrivant à la propriété, se fait attaquer par l’un des molosses : « Il voulait mordre un chien avec qui il ne s’entendait pas. Toute ma main a été déchiquetée dans sa gueule. Il y avait du sang partout, on voyait mes os. » Elle est recousue en urgence à l’hôpital de Tourcoing avec une vingtaine de points de suture mais la blessure, très grave, s’infecte. Ana bénéficie alors d’un arrêt pour accident du travail que le médecin lui renouvelle chaque mois, le temps de son rétablissement et de sa rééducation par des spécialistes.

    « Ma patronne m’a pendant tout ce temps harcelée pour savoir quand je reprenais le boulot. Mon médecin m’a affirmé que vu mon état de santé, c’était tout bonnement impossible, révèle Ana. Elle m’a tellement mis sous pression que dès que la sonnerie du téléphone retentissait, tout mon corps tremblait. En novembre, j’ai craqué. J’avais peur de perdre mon boulot, j’y suis retournée. »

    La reprise du travail se mue en cauchemar. Alors que les D. font habituellement appel à une entreprise spécialisée pour nettoyer une fois par an les vitres du manoir, son employeuse exige qu’Ana, alors âgée de 60 ans, exécute ces travaux périlleux malgré sa main blessée.

    « Je n’ai pas retrouvé la même personne. Elle voulait me pousser à bout pour que je démissionne de mon poste : comme j’étais à cinq ans de ma retraite et victime d’un accident du travail, elle devait me verser des indemnités plus importantes. Mais pour eux ça ne représente rien, tellement ils sont fortunés… », signale la sexagénaire.

    Après trois jours de ménage, son médecin tape du poing sur la table pour qu’Ana ne se rende plus au travail. Terrifiée par les D., elle est accompagnée par un médiateur afin que ses employeurs signent les documents qui stipulent l’inaptitude médicale de la salariée à la suite d’un accident du travail. Lui remettant son chèque pour solde de tout compte, la patronne d’Ana objecte alors : « Je ne m’attendais pas à ça de vous. » Cette même année, l’entreprise familiale D. engrangeait un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros.

    « Nous sommes de plus en plus sollicités par des Portugaises qui ont travaillé comme femmes de ménage, concierges ou gardiennes d’immeuble. Elles ont des anciennetés assez conséquentes et les employeurs se rendent compte qu’ils vont devoir payer des indemnités de départ à la retraite importantes à leurs yeux, assure Eloy Fernandez, militant CGT à la section Salariés des services à la personne (SAP). Ils font tout alors pour les évincer. Cela se traduit par du harcèlement moral à travers des remarques désobligeantes, de la surcharge de travail ou des tâches dégradantes à effectuer. »

    À partir de 2015, Rosa souffre d’une maladie pulmonaire chronique avant de contracter une grave hépatite à l’été 2016. Dès lors, l’ambiance chez les M. est délétère. Éreintée physiquement et à l’approche de la retraite, la femme de ménage est l’objet de pressions et d’humiliations quotidiennes afin qu’elle quitte son poste. Début 2017, Rosa demande à son employeur le rachat d’un balai-raclette. Le lendemain, elle trouve une simple lavette avec un mot manuscrit : « Pour nettoyer les sols à genoux. » « J’allais au boulot la peur au ventre, en me demandant bien ce qui allait me tomber dessus. Le pire, c’est que je me sentais coupable car ils me disaient : “Nous comptons vraiment sur vous” ou “Ne nous laissez pas tomber” », raconte la femme de ménage.
    « Ils ne voulaient ni me licencier ni attendre mon départ à la retraite afin de ne pas avoir à verser d’indemnités, s’insurge Rosa. C’est leur méthode : harceler pour que l’on parte de son propre chef. C’est ce qui est arrivé avec ma prédécesseure, ainsi que ma tante qui trimait pour Édouard M. » Fin 2017, son opiniâtreté conduit à ce qu’elle soit finalement licenciée. Un an avant sa retraite.

    Au bout de trente ans d’exploitation domestique, elle part avec 7 482,59 euros, indemnité de licenciement et solde de tout compte inclus, sans un seul mot de remerciement ni un cadeau de départ. « J’ai ouvert l’enveloppe contenant le chèque : j’en ai pleuré de rage. Ils n’ont même pas arrondi la somme, disant se conformer au strict minimum légal, s’emporte Rosa. En faire appel au Code du travail alors qu’ils m’ont régulièrement payée au noir, c’est un comble ! »

    Corps usés, esprits brisés

    Permanent à la CGT-SAP, Stéphane Fustec observe : « Nous avons depuis peu affaire à des Portugaises fragilisées, isolées professionnellement, qui ont parfois quarante ans de travail domestique et qui renoncent à leur droit de par l’attachement affectif qu’elles ont avec leur employeur. La convention collective du particulier employeur est très dérogatoire du Code du travail : c’est vraiment le service minimum. »
    En 2017, Sandra, se casse grièvement le haut du bras en tombant chez elle. Elle propose alors à sa belle-fille de la remplacer chez les V. et les T., le temps qu’elle se remette de sa blessure. À son retour, ses employeurs lui font comprendre qu’avec son bras accidenté, elle ne pourra plus être aussi performante qu’auparavant et lui propose de ne l’embaucher que deux journées par mois pour faire l’argenterie et le repassage.

    « Ma belle-fille était jeune, effectuait des tâches plus lourdes comme nettoyer les plafonds, alors pourquoi s’embarrasser d’une vieille de plus de 70 ans ?, concède Sandra. Je n’ai pas accepté leur proposition. Malgré mes trente ans d’ancienneté, j’ai décidé de partir moi-même, sans aucune indemnité. J’ai voulu garder ma dignité. »

    Aujourd’hui encore, la belle-fille de Sandra effectue le ménage chez les V. et les T. Comme elle n’a ni autre emploi ni permis, son mari la conduit en voiture depuis Orchies, soit 70 km aller-retour par jour, pour un salaire de misère.

    Il suffit de s’attarder sur leur démarche laborieuse, leurs épaules voûtées ou leurs mains tout en anfractuosités. Rosa, Ana et Sandra ont leurs corps brisés. « J’ai perdu plus de 50 % de ma capacité respiratoire, à cause de l’eau de Javel, de la soude caustique et des bombes aérosols que je devais utiliser tous les jours », développe l’employée des M.
    Ana souffre d’algodystrophie, une maladie des articulations osseuses fort douloureuse. Quant à Sandra, elle a déjà subi deux opérations chirurgicales des genoux. Toutes les trois témoignent de leur dos ruiné, à force de tâches ménagères répétitives – transporter les courses et les paniers de kilos de linges dans les escaliers, récurer les salles de bains le corps courbé.

    « Les femmes de ménage arrivent à la retraite physiquement très abîmées. Les dernières statistiques du ministère du travail montrent que les taux d’accident du travail et de maladies professionnelles sont en train d’augmenter trois fois plus que la moyenne chez les salariés des services à la personne, analyse Stéphane Fustec de la CGT-SAP. Les employées de maison n’ont pas à effectuer de visite médicale pendant leur carrière. Par ailleurs, le travail domestique est très accidentogène, à cause de la répétition des mouvements et de la pluralité des tâches à faire. »

    Au-delà des corps usés, la violence d’être mises brutalement à la porte après des dizaines d’années de labeur pour des employeurs avec qui de forts liens d’intimité se sont noués laisse des traces psychologiques. « La nuit, je fais régulièrement des cauchemars : je suis toujours là bas, chez les D., à faire le ménage », lâche Ana.

    Depuis cinq ans, elle est suivie par une psychologue pour soigner une lourde dépression. Rosa se remet aussi à peine d’une dépression après ses deux dernières années de travail mentalement éprouvantes : « Je pleurais tout le temps. J’avais peur de ne plus pouvoir joindre les deux bouts : tout cela a eu un impact sur mes relations avec ma famille et mes amies. »
    « Désormais, à cause de toutes ces années sous-payées et du travail au noir, je touche moins de 900 euros par mois de retraite avec ma complémentaire, alors que j’ai commencé à bosser à 16 ans », se désole Ana. Son mari a été récemment mis à l’arrêt à cause d’une hernie discale, après quarante ans d’usine textile et de missions intérim.

    Toutes les deux veuves et vivant seules, Sandra et Rosa perçoivent également une retraite modique, aux alentours des 800 euros mensuels. Pour survivre, ces dernières sont aujourd’hui contraintes de refaire quelques heures de ménages. Toujours pour d’illustres familles bourgeoises du Nord. Et toujours au noir. Des Portugaises bien intégrées, pour sûr.

    Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez nous contacter à l’adresse enquete@mediapart.fr. Si vous souhaitez adresser des documents en passant par une plateforme hautement sécurisée, vous pouvez vous connecter au site frenchleaks.fr.

    *À la demande des intéressées, les témoignages des femmes de ménage interviewées ont été anonymisés.

    Contrairement aux règles que nous nous sommes fixées à Mediapart, nous avons volontairement choisi d’anonymiser les noms de ces grandes familles pour lesquelles elles ont travaillé afin de ne pas exposer ces femmes de ménage qui ont accepté de témoigner. Il nous était impossible en effet de publier les noms de leurs employeurs sans leur poser des questions et assurer le contradictoire, comme le veut la loi. Mais les contacter et leur demander de réagir aurait inévitablement conduit à désigner ces femmes courageuses qui ont accepté de raconter leur quotidien dégradant et les humiliations qu’elles ont eu à subir.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/150820/dans-l-enfer-des-grands-bourgeois-du-nord-des-femmes-de-menage-portugaises

    #bourgoisie #domesticité

  • L’armée privée de Trump est bien plus effrayante que vous ne le pensez
    http://www.slate.fr/story/193281/portland-armee-privee-trump-etats-unis-police-federale-manifestations-arrestat

    Deux mois après la mort de George Floyd, des manifestations ont toujours lieu dans les rues de Portland. Pour y « rétablir l’ordre », le président américain a déployé sa milice d’agents fédéraux. Nul besoin d’être juriste pour comprendre que ce qui se passe à Portland, dans l’Oregon, relève de l’abus de pouvoir caractérisé. Lorsque des forces fédérales, sans identification et avec des uniformes militaires, attrapent des gens dans la rue pour les faire monter dans des fourgons banalisés, quelque chose ne tourne (...)

    #racisme #militaire #police #ICE #DHS #CBP #activisme #violence #BlackLivesMatter (...)

    ##surveillance

  • Pourquoi les hommes ne s’occupent-ils toujours pas des tâches ménagères ? – Egalitaria
    https://egalitaria.fr/2020/05/07/pourquoi-les-hommes-ne-soccupent-ils-toujours-pas-des-taches-menageres

    Cette attitude n’est finalement que pragmatique. Personne n’aurait idée de remettre en cause un système qui lui confère de confortables prérogatives. Certes, les hommes n’ont pas été éduqués à prendre en charge l’intendance #domestique et se retrouvent donc dépourvus des compétences attenantes (1). Mais qu’importe, puisqu’il est attendu que leur compagne s’en chargera à leur place ?

    Je ne pense pas que les hommes démissionnaires ne fassent pas exprès, ne se rendent pas compte, ni qu’ils soient, au fond, de bonne volonté. Je pense, au contraire, qu’ils ont parfaitement conscience de la charge qu’ils représentent pour leur conjointe. A moins d’être complètement aveugle, il est facile de voir quand un partage des tâches est inégalitaire – ou qu’il n’y a pas de partage du tout.

    La question est : pourquoi modifieraient-ils leur comportement, puisque personne n’attend d’efforts de leur part ? Pourquoi abandonneraient-ils leurs privilèges, quand les #femmes de leur vie acceptent – même à contrecœur – de les pérenniser ?

  • CLAUDE D’HARCOURT QUITTE NANTES : 2 ANS D’INFAMIES À LA PRÉFECTURE
    https://www.nantes-revoltee.com/claude-dharcourt-quitte-nantes-2-ans-dinfamies-a-la-prefecture

    Il est promu « directeur général des étrangers » au ministère de l’Intérieur Claude d’Harcourt a débarqué à Nantes en novembre 2018, en tant que préfet de région. Cet été, il quitte la ville avec du sang sur les mains. Retour sur deux années de violences extrêmes téléguidées par un préfet autoritaire. • Cet énarque […] L’article CLAUDE D’HARCOURT QUITTE NANTES : 2 ANS D’INFAMIES À LA PRÉFECTURE est apparu en premier sur Nantes Révoltée par Umbrella.

  • Une place à soi – Chouyo’s World
    http://www.chouyosworld.com/2020/07/23/une-place-a-soi

    Cela a commencé comme ça. Un petit groupe de six filles, à la fin d’un cours. J’ai mon sac prêt pour aller remplir ma bouteille d’eau et chercher un café, dans les dix minutes de récréation qu’il reste. Je leur dis avec un sourire que, s’il s’agit d’astuces pour leur devoir de physique-chimie, c’est pas gagné mais que je ferai mon maximum. Elles sourient. Trois autres filles, déjà parties dans le couloir, reviennent dans la salle.

    L’une d’elle regarde ses camarades et commence à m’expliquer en choisissant bien ses mots. Depuis plusieurs semaines, certaines d’entre elles subissent des « remarques ». Des « moqueries ». Des « blagues ». J’écoute, hoche la tête. Vous avez vu comme cela va vite ? Elles ont 14 ans au mieux et elles ont déjà si bien intégré comment, dans le langage, édulcorer la réalité. Car ceux qui ont subi « blagues », « moqueries » et « remarques » savent de quelle réalité ces mots sont lourds.

    Mais l’élève porte-parole tourne autour du pot : je lui dit que j’ai besoin d’exemples concrets pour comprendre ce dont il s’agit, ce qui se joue ici, et surtout clarifier ce qu’elles ne savent pas ou n’osent pas, plutôt, nommer. Elles dansent d’un pied sur l’autre, hésitent, l’une d’entre elles réajuste son sac sur l’épaule et se tournant vers la porte esquisse un « Nan mais c’est rien Madame, et puis vous n’avez pas le temps ».

    Je pose mon sac et ma bouteille.

    Je pose mes clefs de salle.

    Je pose ma voix.

    – J’ai tout mon temps. Et vous aussi.

    #éducation #sexisme #empowerment #école #classe

    • Et avec cette classe, au fur et à mesure des mois, une configuration qui désormais me saute aux yeux s’était mise en place involontairement : toutes les places périphériques sont occupées par les garçons, sur les côtés et au fond de la classe, c’est-à-dire avec un mur qui rassure et permet une assise stable. Les filles, elles, sont au centre : sans assise, sans appui, exposées de toutes part.

      Je note que la répartition genrée dans l’espace s’inverse entre l’intérieur et l’extérieur : Dans la cour se sont les garçons qui occupent l’espace central (pour le foot) et les filles qui sont en périphérie. Dans la classe tout s’inverse.
      #spatialité

  • Fakir et Ruffin : opération infiltration - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/120720/fakir-et-ruffin-operation-infiltration

    Dans le premier épisode de sa série d’enquêtes multimédia « Le Squale, opérations secrètes », Mediapart est en mesure d’apporter la preuve que la présidence de LVMH a directement demandé, au printemps 2013, à pouvoir « infiltrer » le journal indépendant pour mieux l’espionner en temps réel et prévenir ses actions.

    La requête a été formulée sans ambiguïté par le vice-président d’alors de LVMH, Pierre Godé, le bras droit de toujours de Bernard Arnault, décédé en février 2018. L’opération d’infiltration de Fakir et de François Ruffin a été pilotée de bout en bout par Bernard Squarcini, l’ancien chef des services secrets intérieurs sous Sarkozy.

    L’ex-maître espion, reconverti dans le privé depuis sept ans, n’a par ailleurs pas hésité à mobiliser les services de renseignements ou la police pour essayer de contrer François Ruffin, qui sera l’auteur en 2015 du documentaire à succès sur Bernard Arnault, Merci Patron !

    Bonne écoute.

  • Le Défenseur des droits souligne « l’urgence » de faire évoluer le maintien de l’ordre - France - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/france/le-defenseur-des-droits-souligne-l-urgence-de-faire-evoluer-le-maintien


    Jacques Toubon, Défenseur des droits.
    Martin Bureau / AFP

    Alors qu’il quitte ses fonctions au sein du Défenseur des droits dans une semaine, Jacques Toubon a adressé des recommandations au nouveau ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

    Un message opportun après le remaniement : dans une décision adressée au nouveau ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, le Défenseur des droits insiste sur « l’urgence » de faire évoluer le maintien de l’ordre, notamment en interdisant le LBD et le port de la cagoule chez les policiers.

    Jacques Toubon, qui quitte dans une semaine cette autorité indépendante après six ans passés à sa tête, semble vouloir faire entendre sa voix jusqu’au bout. Dans cette décision-cadre consultée par l’AFP, le Défenseur des droits actualise ses recommandations en matière de maintien de l’ordre, à la lumière des presque 200 réclamations qu’il a reçu pendant le mouvement des gilets jaunes.

    Interdiction des LBD dans les manifestations
    L’ancien ministre de Jacques Chirac souligne « l’urgence (…) à ce que les réflexions sur ces thématiques aboutissent », alors que Christophe Castaner a quitté Beauvau sans publier le schéma national du maintien de l’ordre promis pour tirer les enseignements du mouvement social, marqué par une grande violence.

    Avec cette décision, envoyée pour « être jointe à la définition » de ce schéma, Jacques Toubon reprend un bon nombre de recommandations déjà formulées par l’institution depuis début 2018 et son rapport dédié à la doctrine du maintien de l’ordre en France, qui proposait de révolutionner les pratiques policières.

    Le Défenseur des droits réclame ainsi toujours l’interdiction d’utiliser les lanceurs de balle de défense (LBD) dans les manifestations, une arme accusée de provoquer des blessures graves comme l’éborgnement.

    Il recommande aussi de mettre fin aux « nasses », cette technique d’« encagement » utilisée par les forces de l’ordre pour encercler les manifestants, et d’arrêter les « contrôles d’identité délocalisés », qui consistent à interpeller une personne dans la manifestation pour la contrôler ensuite en marge du défilé, parfois dans un commissariat.

    Ces pratiques conduisent « à priver de liberté des personnes sans cadre juridique », résume le Défenseur.

    L’institution s’interroge également sur le « cadre juridique » des « interpellations préventives » effectuées lors des manifestations de gilets jaunes.

    Souvent « motivées par la détention d’objets » comme des masques de protection pour les yeux, des lunettes de piscine ou de simples gilets jaunes, qui « ne représentent aucun danger », elles peuvent « priver un individu de son droit de manifester », estime-t-elle. Elle demande par ailleurs que le « cadre juridique » permettant aux policiers de confisquer des objets « soit clarifié ».

    Identifier les policiers
    Le Défenseur réclame également des mesures pour « garantir l’identification des forces de l’ordre » et proteste contre les « policiers en civil » qui portent des « casques intégraux » ou des « cagoules ».

    Des pratiques adoptées « en dehors de tout cadre légal ou réglementaire », rappelle l’institution, qui constate « une forme d’acceptation, de tolérance de la part de la hiérarchie » policière sur ce sujet.

    « La confiance que la population doit avoir en sa police repose sur la transparence de son action », estime-t-elle, en jugeant « difficilement admissible » que des plaintes soient classées parce qu’un fonctionnaire n’est pas identifié.

    Jacques Toubon préconise enfin que les forces de l’ordre accordent une « vigilance particulière » aux journalistes et aux observateurs associatifs, pour leur permettre d’exercer leurs missions pendant les manifestations, et à « une vigilance accrue » concernant l’emploi proportionné de la force lorsque les manifestants sont mineurs.

    La place Beauvau, où vient d’être nommé Gérald Darmanin, dispose de deux mois pour répondre à ce document consultatif.

    Lors de la passation de pouvoirs mardi, Christophe Castaner a indiqué que le nouveau schéma national de maintien de l’ordre, qui devait initialement être dévoilé en janvier, était « à disposition » du nouveau ministre. Il doit « placer la médiation et la baisse du conflit au cœur même de la gestion de l’ordre public », a-t-il promis.

    Gérald Darmanin doit mener à bien ce chantier dans un contexte délicat, alors que la recrudescence du débat sur les « violences policières », terme réfuté par l’exécutif, a poussé son prédécesseur à annoncer la fin de l’enseignement d’une méthode d’interpellation dite de la clé d’étranglement, provoquant la colère des policiers.

    Lors de son premier discours comme ministre de l’Intérieur, il a assuré mardi les forces de l’ordre de son « soutien total ».

    • En résumé, Toubon flingue l’ensemble des pratiques de la police auxquelles tout manifestant a été confronté depuis au moins 4 ans.

      Pour le nouveau ministre : soutien total aux FdO. Pas un mot sur l’illégalité des pratiques ou le recours aux armes moins létales. On peut donc s’attendre à ce que la «  doctrine  » ne bouge pas d’un iota.

  • « J’étouffe ! » : les derniers mots de Cédric Chouviat, mort à la suite d’un contrôle policier
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/22/je-m-etouffe-les-derniers-mots-de-cedric-chouviat-a-la-suite-d-un-controle-p


    Contrôlé par la police le 3 janvier, Cédric Chouviat est mort d’un malaise cardiaque.
    DOCUMENT LE MONDE

    « Le Monde » et « Mediapart » ont eu accès aux enregistrements du téléphone de la victime réalisés au moment de la scène. Quatre policiers ont été placés en garde à vue mercredi 17 juin.

    « J’étouffe ! » Le cri d’agonie est répété sept fois. Ce sont les derniers mots prononcés par Cédric Chouviat, le 3 janvier 2020, lors de son interpellation par la police quai Branly, au bord de la Seine, à Paris. Le Monde et Mediapart ont eu accès aux enregistrements du téléphone de ce livreur, père de famille, mort à la suite d’un contrôle routier qui a dégénéré. Sur les bandes vidéos, on entend clairement l’échange entre cet homme de 42 ans et les quatre fonctionnaires à l’origine de son arrestation et de son décès. Ces derniers ont été placés en garde à vue, mercredi 17 juin, et auditionnés par l’Inspection générale de la police nationale. Une information judiciaire est ouverte pour « homicide involontaire ».

    Filmée de loin par des passants, la scène gardait jusque-là une part de mystère. Mais les enquêteurs ont eu accès aux neuf vidéos tournées par Cédric Chouviat lui-même et aux trois autres prises par l’une des policières impliquées dans l’arrestation. Ces douze minutes d’échanges permettent de mieux comprendre les circonstances dans lesquelles les fonctionnaires ont décidé de procéder à l’interpellation. L’homme avait été plaqué au sol sur le ventre ; d’après un témoin présent sur les lieux, une clé d’étranglement avait été réalisée. Victime d’une fracture du larynx, il avait été transporté à l’hôpital dans le coma. Il est mort deux jours plus tard.

  • Des femmes violées et de leur indignité
    http://www.crepegeorgette.com/2020/02/06/femmes-violees-indignite

    Je suis à chaque fois frappée par le vocabulaire entourant les femmes qui témoignent avoir été victimes de violences sexuelles. Elles seraient « dignes » nous dit-on. Elles auraient témoigné avec un « courage plein de dignité ». Le mot courage revient beaucoup également sans que personne ne s’étonne qu’il faille du courage pour parler de viol. On devrait dire qu’on a été violée comme on a été agressée dans la rue parce qu’il n’y a aucune honte à avoir, ni aucun courage spécifique à témoigner si ce n’est que nous sommes encore dans une société qui en veut, profondément, aux victimes de viol de l’avoir été. Source : Crêpe (...)

  • Trump, la mafia et la Maison-Blanche
    https://www.nouvelobs.com/monde/20200606.OBS29782/trump-la-mafia-et-la-maison-blanche.html

    Dans une enquête formidable titrée « Un parrain à la Maison-Blanche », le journaliste d’investigation Fabrizio Calvi raconte les liens entre la mafia et le milliardaire devenu président des Etats-Unis.

    • Jamais, dans l’histoire des États-Unis, un chef de l’Etat n’a été aussi véreux. Compromis avec l’extrême-droite, mouillé avec les Russes, en affaire avec les Saoudiens, Donald Trump brise toutes les conventions, les garde-fous et les habitudes de la fonction : de plus, comme le révèle le journaliste d’investigation Fabrizio Calvi dans son livre passionnant, « Un parrain à la Maison Blanche » (Albin Michel), Trump a toujours traité avec le crime organisé. Constructions édifiées avec l’aide de la mafia italienne, prêts consentis par des banques louches ou carrément dévoyés, flux d’argent en provenance de la délinquance moscovite… Au fil des pages, on découvre un aigrefin toujours prêt à vendre ses proches et à optimiser ses avantages financiers. Fabrizio Calvi, au cours d’une enquête formidable, a rassemblé témoignages et dossiers. Il brosse le portrait d’un homme sans scrupule qui a réussi à échapper à la justice depuis cinquante ans. Parvenu au sommet du pouvoir, peut-il rester impuni ? S’il est élu en novembre 2020, il sera hors d’atteinte. Perdant, il risque de finir sa vie en prison. L’enjeu ? L’Amérique.

      Les relations de Donald Trump avec la mafia sont anciennes, semble-t-il.

      Oui. Ce sont des relations familiales. Le grand-père de Donald Trump, Frederick Trump, travaillait avec la criminalité organisée, il avait des bordels à l’époque de la ruée vers l’or, à la fin du XIXe siècle. Le père Trump, Fred, s’est associé avec des mafieux proches de Lucky Luciano, afin de construire certains de ses immeubles. Donald, lui, est resté dans cette tradition, notamment grâce à son avocat et mentor, Roy Cohn, lequel était aussi l’avocat de McCarthy et de la mafia. Cohn était un être éminemment maléfique. La première affaire de Donald Trump, en 1976, lui a été apportée par Roy Cohn : Trump devait servir d’homme de paille pour racheter l’un des hôtels de la mafia − le « Fontainebleau » − à Miami. En fait, Cohn agissait pour le compte d’un parrain, Meyer Lansky, l’un des fondateurs de la mafia américaine. Lansky a servi de modèle à Coppola, qui le représente sous le nom de Hyman Roth dans « Le Parrain 2 », et qui le filme à Cuba, avec tous les chefs des familles mafieuses, et lui fait dire : « Maintenant, nous sommes plus puissants que General Motors. » J’ai retrouvé un agent du FBI qui a enquêté sur Trump dans ces années-là, et qui a interrogé Trump sur cette relation. Que Trump n’a pas niée.

      Mais cette affaire ne s’est pas faite. En revanche, Trump est carrément mouillé par la suite ?

      Son implication avec la mafia italienne va se préciser à New York, car c’est une ville où il est impossible de construire sans avoir recours à la mafia. Roy Cohn met Trump en contact avec Fat Tony Salerno, qui est un sous-chef de la famille Genovese, et qui contrôle les syndicats d’ouvriers du bâtiment. Pour construire la Trump Tower, Donald Trump utilise du béton préfabriqué. Or, à New York, on ne peut rien entreposer en ville, il faut tout amener. Le béton liquide est donc acheminé dans des bétonnières qui tournent, et doivent arriver à une heure précise. S’il y a du retard, le béton fige dans les camions. Or, les syndicats peuvent décider d’arrêter tout. Les Teamsters, justement, viennent de lancer un vaste mouvement de grève. Du coup, Trump passe un accord avec John Cody, l’un des dirigeants des Teamsters, en lui faisant cadeau de trois appartements de la tour, en échange de la paix sociale. Valeur : 10 millions de dollars (soit cinq fois plus en dollars 2020)… De plus, les sociétés de béton sont toutes contrôlées par Fat Tony Salerno, lequel a fini par être condamné en 1987 à 100 ans de détention, et il est mort en prison. J’ai retrouvé la maîtresse de Cody, Verina Hickson, qui coule des jours heureux en Suisse… C’est elle qui a acheté les trois appartements de la Trump Tower, pour le compte de Cody. Quand ce dernier a été condamné, Trump a attaqué Verina Hickson mais on ne sait pas qui a récupéré ces appartements. Dans la Trump Tower, tout est très obscur… Il y a 1 300 ventes suspectes dans cet immeuble, c’est dire. On pense que ce sont des opérations de blanchiment de la mafia italienne ou de la mafia russe.

      Mêmes opérations à Atlantic City, avec les casinos ?

      C’est encore plus flagrant. Donald Trump engage alors un syndicaliste mafieux, Daniel Sullivan. Lequel est un informateur du FBI. Trump, par son intermédiaire, va voir le FBI et explique qu’il compte s’installer à Atlantic City, ville entièrement contrôlée par la mafia. Il propose une opération d’infiltration, et le FBI accepte. Trump n’achète pas de terrain pour la construction de son premier casino, mais le fait acheter par la mafia, et s’installe en location. Parmi les mafieux qui lui servent d’intermédiaires, il y a Daniel Sullivan. Trump achète cependant un parking à côté, propriété qui sera mise au nom de la secrétaire de son avocat. Le Plaza, son premier casino, voit ainsi le jour, avec la bénédiction du FBI. Trump aura par la suite plusieurs casinos qui finalement feront tous faillite.

      C’est alors que la famille Colombo intervient ?

      On sait que Trump travaille alors avec la famille Genovese, de façon privilégiée. Mais il a des contacts avec la famille Gambino, et avec les Colombo, qui contrôlent certains syndicats. C’est ainsi qu’il entre en contact avec Vito Pitta, président du conseil des métiers de l’hôtellerie. Et on remarque que, lors des grèves qui paralysent souvent Atlantic City, les casinos Trump sont toujours épargnés. Les deals passés avec les Colombo ont été payés au prix fort… avec l’argent des banques.

      A quel moment Trump est-il passé de la mafia italienne à la mafia russe ?

      En 1986. À ce moment-là, Trump arrête de construire, car il est trop endetté. Plus personne ne veut lui avancer de l’argent. Atlantic City est un gouffre financier insensé, à la fois à cause des sommes versées au crime organisé, et aussi à cause de la folie des grandeurs de Trump, qui veut toujours faire les plus beaux, les plus grands casinos. Il a désespérément besoin d’argent. C’est le moment où les Russes débarquent à Brooklyn, avec des milliards à blanchir. Qui vont-ils trouver comme interlocuteur privilégié ? Donald Trump. Un modeste commerçant de fournitures électroniques, Semyon Kislin, qui compte parmi ses clients des membres du Politburo, vend des centaines de téléviseurs pour l’un des hôtels de Trump. On le soupçonne de travailler pour le KGB et, aussi, pour la mafia. Tout naturellement, l’un des appartements de la Trump Tower sera vendu à David Bogatin, l’un des envoyés spéciaux du parrain des parrains russes, Semion Mogilevich.

      Quel est le rapport avec la Deutsche Bank, la banque privilégiée de Trump ?

      Trump a une idée géniale : il franchise son nom. Il va trouver des promoteurs qui achètent, construisent, et qui, en échange du nom de Trump, vont céder 20 ou 30 %. Toutes les grandes banques américaines refusent de travailler avec lui. Un seul établissement, la Deutsche Bank, qui vient de débarquer sur le marché américain, accepte ce client. Cette banque est divisée en plusieurs branches qui ne communiquent pas entre elles, industrie, immobilier, titres, etc. Trump profite de cet éparpillement. Il commence par un prêt immobilier pour un immeuble à Greenwich Village, puis demande un deuxième prêt pour un casino − sauf qu’on s’apercevra plus tard que la signature est falsifiée. On le blackboule, alors. Il passe alors au secteur des titres, et a l’idée de créer des junk bonds sur ses immeubles. Mais ces bonds ont du mal à être vendus. Pour stimuler les traders de la Deutsche Bank, Trump leur promet un séjour d’une semaine dans son club à Mar-a-Lago. Les traders finiront par lever 200 millions de dollars. Deux ans plus tard, Trump a fait défaut. Les junk bonds n’ont jamais été remboursés. Trump passe à un autre secteur de la Deutsche Bank, et obtient un nouveau prêt. On s’est interrogé sur l’apparente incompétence de cette banque… Au final, quand Trump arrivera à la Maison Blanche, il aura une dette de l’ordre de deux milliards de dollars. On s’aperçoit que la plupart des emprunts consentis à Trump sont issus d’une banque russe liée à Poutine, qui traite avec la Deutsche Bank. Derrière le circuit financier qui mène à Trump, se profilent les ombres du FSB et de Poutine.

      Donc, Trump serait un pion russe ?

      C’est ce que disent les anciens directeurs du FBI et de la CIA, qui qualifient Trump d’« asset » russe. Est-il un asset volontaire on involontaire ? La question se pose, au vu de la politique étrangère de Trump. Il est quand même arrivé à faire revenir les Russes en Amérique Latine, notamment au Venezuela. Il a même communiqué aux Russes des informations très secrètes, fournies par les Israéliens.

      Comment un personnage comme Félix Sater entre-t-il en scène ?

      Sater est un personnage qui a plusieurs vies. Il est l’un des acteurs de Wall Street, il travaille pour la CIA et le FBI, il fréquente des types louches, dont des tueurs de la famille Bonnano et des soldats de la famille Genovese. À la suite d’une bagarre dans un bar, il manque d’égorger un homme, il va en prison, il passe dans des sociétés véreuses, il repart à Moscou, il prend contact avec les services secrets, est recruté par les Américains pour lesquels il rachète les missiles Stinger en Afghanistan. Il travaille pour Trump, se fait imprimer des cartes de visite « Conseiller principal de Donald Trump » et est en relation avec l’avocat Michael Cohen. Il organise les voyages des enfants Trump à Moscou et participe à des négociations avec l’Ukraine. C’est donc l’un des principaux acteurs dans la saga Trump-Poutine.

      En entrant à la Maison Blanche, Trump a-t-il rompu ses contacts avec la mafia ?

      Le Parrain est à la Maison Blanche. Trump fait des affaires, certes, mais il aime qu’il y ait un bonus. Ce bonus, c’est qu’il faut qu’il ait l’impression de voler quelque chose. Le FBI, aujourd’hui, s’est en partie retourné contre lui. On a vu l’affrontement entre les pro-Trump et les anti-Trump lors de l’enquête de Robert Mueller… Dans ces conditions, il est difficile de rester en contact avec des mafieux, pour Trump lui-même. Son organisation industrielle s’en charge. Celle-ci est toujours en rapport avec La Deutsche Bank et avec les Russes… Les affaires continuent.

      Qu’est ce qui explique son impunité ?

      Il est malin. À partir d’un certain moment, Trump a su trouver les protections nécessaires. Quand Roy Cohn est mort du Sida en 1986, il s’est tourné vers l’un des hommes les plus puissants, Rudy Giuliani, procureur du district Sud de Manhattan. C’était le paladin de la lutte anti-mafia, alors. On s’est aperçu qu’en fait, alors qu’il inculpait Fat Tony Salerno, Giuliani protégeait Trump. Notamment dans l’affaire de la fausse signature avec la Deutsche Bank. Giuliani a laissé tomber ce dossier, en échange de quoi Trump l’a soutenu à l’élection de la mairie de New York… D’un autre côté, il y a le FBI. Certains agents m’ont assuré que Trump était l’un des informateurs privilégiés de l’un des anciens directeurs du FBI, James Kallstrom. Aujourd’hui, passé au privé, ce dernier est l’un des défenseurs les plus fervents de Trump. Tout cela explique l’impunité.

      Pourquoi le rapport Mueller n’a pas eu plus d’effet ?

      Le rapport est dévastateur pour Trump. Mais le président et son ministre de la justice, Barr, ont su parfaitement riposter. Ils ont refusé de publier le rapport en totalité, puis l’ont étouffé, d’une certaine manière. Je l’ai lu, et c’est accablant. Trump ne sera pas toujours président, et là, il est permis de penser que la justice le rattrapera. Mais la plupart des affaires sont prescrites et l’une d’entre elles, cependant, risque d’émerger.

      Laquelle ?

      Lors de la construction de la Trump Tower, des équipes de Polonais clandestins ont été employées. Ces employés ont désamianté à mains nues le bâtiment précédent. L’amiante a été transporté dans des camions non bâchés, la nuit, qui versaient tout dans l’Hudson ou dans des décharges sauvages. Le Clean Air Act ne prescrit pas ces actions. Trump peut donc être attaqué sur ces types d’affaires, mais encore faut-il qu’il y ait une volonté d’attaquer… Car, ne l’oublions pas, en cinquante ans, Trump n’a jamais été déféré devant la justice.

      Vous imaginez qu’il soit réélu ?

      Allez savoir. Son électorat est stable. Le danger, c’est la violence. À la tête de l’État, vous avez cet homme qui a d’énormes sympathies pour l’extrême-droite, et certains de ses conseillers sont issus de cette mouvance. Tout va se jouer sur les swing states, et les Russes ont déjà lancé une opération en faveur de Trump. Tout est possible, mais on va probablement vivre une période de tension très forte. Pour Trump, la politique, comme les affaires, c’est la guerre. Il est prêt à aller jusqu’au bout.

      François Forestier

      Dans une enquête formidable titrée « Un parrain à la Maison-Blanche », le journaliste d’investigation Fabrizio Calvi raconte les liens entre la mafia et le milliardaire devenu président des Etats-Unis.

  • En toute impunité | Aude
    http://blog.ecologie-politique.eu/post/En-toute-impunite-1

    Depuis plus de quatre ans, ce cauchemar m’accompagne dans tous mes déplacements. Au commissariat quelques jours après, les policiers refusent de prendre le témoignage de mon ami ou les coordonnées de tous les témoins. Deux leur suffisent, me disent-ils. Plus tard j’apprendrai que dans la procédure l’OPJ aurait dû noter les noms de tous les témoins sans exception et qu’il n’y a aucune trace d’un quelconque appel aux deux témoins. Ça pue. Source : Relevé sur le Net...