CQFD

Mensuel de critique et d’expérimentations sociales

  • Mal Barré(e)s : Vive Le Feu ! par Fontenelle
    http://vivelefeu.20minutes-blogs.fr/archive/2007/04/22/primaire-a-droite.html

    D’un côté, la vieille droite brutale, sécuritaire et xénophobe.
    Celle qui a toujours préféré Salan à Manouchian.
    Celle qui n’hésite jamais à plonger profond dans la merde, pour y pécher un de ses puants clichetons racistes - cette fois-ci à base de musulmans, de moutons et de baignoires.
    Celle qui pense à nos gènes comme on y pensait à Berlin, après 1933.
    Celle qui n’en finit jamais de fomenter des ministères de l’Identité nationale.
    Celle qui rafle des enfants ; qui a toujours besoin de petits « clandestins » chez elle.
    Celle, dure aux faibles, qui lèche des culs patronaux en piquant aux pauvres pour gaver les riches.

    De l’autre, la « gauche » de droite.
    Celle qui trahit sans jamais désemparer.
    Celle qui chie sur Jaurès d’une très, très haute hauteur.
    Celle qui privatise.
    La « gauche » dégueulasse qui finit toujours par confesser de la « naïveté » sécuritaire.
    La « gauche » qui trouve aussi que l’immigration est un « problème ».
    Celle des fonds de pension.
    Celle d’Eric Le Joffrin et de Laurent Boucher.
    La « gauche » nouvelle des vieux canassons libéraux qui vont se gargarisant d’avoir, quand mêêêêême, inventé la CMU - mais pour mieux nous fourguer la nécessaire (mais juste) « réforme » de la Sécu.
    La « gauche », dure aux faibles, qui lèche des culs patronaux en piquant aux pauvres pour gaver les riches.

    On sait déjà que dans les deux cas, faudra serrer les dents.
    On sait déjà que ça fera mal au début, que ça fera mal après le début, que ça fera mal jusqu’au bout - pauvre de nous.

    On sait déjà qu’on va manger, sévère - à coups de tonfa, ou de marketing.

  • Le cul des autres par Mademoiselle
    http://cqfd-journal.org/Le-cul-des-autres

    Sandrine et Héléna grappillent toutes les deux le Revenu de solidarité active (RSA). Sandrine a un enfant de huit ans, vit en couple et travaille quelques heures par jour dans le « service à la personne ». Toute la journée, elle court entre la maison, les courses, le ménage, la bouffe, l’école et les personnes âgées qu’elle lave, fait manger et écoute se plaindre. Elle bosse deux heures par jour, quarante-cinq minutes le matin, quarante-cinq minutes le midi, et une demi-heure le soir. Évidemment, avec les temps de trajet, ce boulot n’est absolument pas rentable, puisqu’elle passe deux heures sur vingt-quatre dans sa voiture… soit autant qu’au boulot ! Sans compter qu’elle se casse le dos et se coltine souvent des cas assez lourds, comme M. D., qui pisse partout et se partout comporte comme un gros dégueulasse. Elle le supporte pourtant tous les matins, du lundi au dimanche compris. Au total, elle travaille environ quarante-cinq heures par mois, ce qui l’aide vaguement à mettre du beurre dans les coquillettes. Mais il paraît qu’elle a plutôt de la chance, car elle n’est pas seule, même si son mari ne fait pas grand-chose à la maison et que le gamin est suffisamment grand pour « se garder tout seul ».

    Ce qui n’est pas le cas d’Héléna, qui a une enfant de deux ans et qui est « parent isolé », comme on dit. Elle s’est toujours demandé pourquoi on appelait cela « parent isolé », parce que jusqu’à présent, à chaque fois qu’elle rencontre quelqu’un qui élève seul ses gamins, c’est une femme. Comme beaucoup d’entre elles, Héléna essaie de courir après son ex pour toucher une pension alimentaire qui ne vient jamais. Elle reçoit 778 euros de RSA et, en plus, cumule deux petits boulots. Ce n’est pas que ça l’enchante, mais elle s’est sentie obligée d’accepter la dernière proposition qu’on lui a faite, pour ne pas avoir l’air de rechigner à la tâche. Du coup, elle enchaîne des journées marathon et mange dans sa voiture, en cinq minutes, en espérant que les heures effectuées ne lui fassent pas baisser les aides qu’elle touche. Ce serait la catastrophe, avec la nounou à payer et le prix de l’essence. Faire garder les mioches, c’est la grande préoccupation des femmes qui se débattent avec les minimas, comme on dit, et auxquelles on demande d’accepter des petits boulots mal payés pour montrer qu’elles font preuve de bonne volonté dans leur démarche de « retour à l’emploi ». L’une d’entre elles, l’air morne, me résume sa vie ainsi : « Comme boulot, on me propose toujours de m’occuper du cul des vieux… Ça ne me change pas, à la maison, je torche déjà celui de mon mec et de mon gamin. »

  • Caméras cassées à Bayonne par Salim Bisset
    http://cqfd-journal.org/Cameras-cassees-a-Bayonne

    Comme son papa, maire de Bayonne avant lui, le député Jean Grenet finance à perte la corrida – 400 000 euros de déficit en 2011 –, et multiplie les subventions afin de valoriser la fierté locale qu’est le club omnisport de la commune, l’Aviron Bayonnais.

    Mais, en vieillissant, le Prince Jean dépense aussi sans compter pour normaliser et sécuriser son fief. Depuis un an et demi, un programme municipal de 200 000 euros vise à promouvoir la culture institutionnelle et à restreindre les pratiques festives dans les quartiers populaires : fermeture prématurée des bars en semaine, fin obligatoire des concerts à 22 heures le week-end… Comme ailleurs, l’objectif non affiché est d’« assainir » le centre-ville, pour attirer les cadres sup’ et les gentils Parisiens endimanchés qui ne devraient pas tarder à déferler sur la ville avec la future ligne à grande vitesse Paris-Madrid. Installées provisoirement depuis cinq ans pendant les fêtes de Bayonne afin d’épier les festayeres, les caméras de vidéosurveillance se sont multipliées en catimini à l’automne dernier, avec la pose d’une quinzaine d’yeux électroniques dans le quartier basque du Petit Bayonne. Rapidement, un bon nombre d’entre elles n’ont pas résisté aux sprays et à l’arrachage des fils d’alimentation, avant que « quelqu’un » ne les fasse, en désespoir de cause, retirer. Depuis, la mairie cherche à garder la face en affirmant, sans rire, par l’intermédiaire de son service de communication, « ne pas avoir eu connaissance de l’installation de caméras de surveillance dans le Petit Bayonne… » Difficile, en effet, d’avouer un nouveau revers après des manifestations de réfractaires et qu’une étude sociologique a démontré que la jeunesse bayonnaise est « plutôt sage » dans ses pratiques nocturnes. Reste que le Prince Jean est tenace ! Il revient cette fois par la grande porte et fait savoir, via la presse, que dix-sept caméras seront installées à Saint-Esprit, le vieux quartier juif à côté de la gare – financées par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) à hauteur de 35 000 euros.

    La bataille est loin d’être terminée : « Nous allons nous occuper de ces nouvelles caméras », rapporte un trentenaire qui a bien entendu souhaité garder l’anonymat.

  • Allumons-nous les uns les autres ! par Noël Godin
    http://www.cqfd-journal.org/Allumons-nous-les-uns-les-autres

    S’il y a une jeune maison d’édition rebelle que j’entends soutenir bec et griffes, c’est bien Wombat avec son palmarès de textes couillus et poilants signés Robert Benchley, Takeshi Kitano, DDT, Topor ou S.J. Perelman, le dialoguiste de proue des Marx Brothers. S’il y a, d’autre part, un dessinateur pamphlétaire à qui je voudrais rouler une galoche dans son sépulcre, c’est bien le grand Gébé qui est à juste titre fêté comme le fricasseur de la véritable utopie française d’agit-prop des cinq dernières décennies. Je fus dès lors mis dans tous mes états par l’annonce de la première publication en livre par Wombat de Tout s’allume de Gébé, le post-scriptum à L’An 01 qui était paru sous forme de feuilleton dans les Charlie Hebdo de l’été 1979.

  • La patrouille du bon son par Bruno Dante & Mathieu Léonard
    http://cqfd-journal.org/La-patrouille-du-bon-son

    Composé de Rootystep, de Mac Gyver et du toaster Pupajim – dont certains amateurs connaissent peut-être déjà les remarquables et entêtants titres « Business of war » et « TV addict » – le sound system Stand High Patrol, qui tourne déjà depuis une dizaine d’années, vient de sortir son premier album de dub breton, Midnight walkers, autoproduit sur leur label Stand High records.

    Du dub breton ? Gast ! Alors du dub salé, car, c’est bien connu, le dub doux c’est pas vraiment du dub et ça n’a pas de goût. Mais attention, il ne s’agit pas d’une fusion douteuse avec des bouts de gwerz ou de Kan ha diskan et de ragga, non pas : Stand High Patrol mixe précautionneusement des sons reggae, dub, drum’n bass, hip-hop West Coast (Finistère oblige !), new-wave ou électro. Le trio sait associer des riddims minimalistes et glacés comme l’acier avec des mélodies plus chaleureuses, simples et efficaces. Le contraste entre l’accompagnement brut de décoffrage du digital à grosses basses et la voix douce, mélancolique, subtile et suave parfois comme du early reggae juvénile, demeure la marque de fabrique du trio. Rub a dub style, dancehall, en passant par le timbre Stalag, le chant navigue sur une palette de styles en variant harmonieusement selon l’humeur des compos, et le sujet reste toujours savamment maîtrisé. Les morceaux « Commando », « Brest bay », « Boat people » ou « The Big Tree » ont la puissance de véritables tubes à fredonner un dimanche matin en fin de piste sous un ciel brestois.

    Car nos trois mousquetaires du Ponant restent des marcheurs de la nuit. À Brest, le rendez-vous mensuel de leur « Dubadub Residance », soirée organisée dans le cabaret mythique du Vauban, attire les foules avides de dance floor chauds bouillants. Stand High Patrol, c’est aussi le souci de faire partager la passion de la Bass Culture, des invités de marque défilent au rythme des soirées de ces dernières années, Echo Ranks, Dan Man, Kenny Knots, Martin Campbell, Murray Man ou encore Mc Jamalski... En live ça dépote grave, c’est riche, généreux et radicalement jovial. L’esprit festif, ici, c’est plutôt de se mettre dans un coin de la salle, installer le mur d’enceintes et les platines sur une table et offrir la scène et tout l’espace au public pour qu’il y circule en dansant jusqu’à l’aube. Un certain bon sens du renversement de perspective, dirons-nous ! Pour finir, il serait juste de souligner, en plus du contenu, le souci de la forme chez Stand High. La charte visuelle est soignée par Kazyusclef, grapheur graphiste qui imprime son style sur les affiches et les pochettes des vinyles – que l’on doit se procurer au plus vite.

  • Acier trompé par Gilles Lucas
    http://cqfd-journal.org/Acier-trompe

    Sauver le Made in France, qu’ils disaient ? Les métallos en grève de Florange voient défiler sans illusion les candidats en campagne. Mais ils ont des idées : « ArcelorMittal a racheté Gandrange pour un euro. Nous aussi, on a un euro : on le lui donne ! » Chiche ?

    « Nous allons être le cauchemar du gouvernement », promettaient dès le début de l’année les sidérurgistes de Florange, une des dernières villes industrielles du bassin lorrain. Au chômage technique depuis novembre, ils ne croient plus aux propos de leur taulier, ArcelorMittal, qui parle d’une réduction temporaire d’activité dans l’attente de beaux lendemains en acier. Pour eux, l’affaire est pliée : derrière les propos évasifs de la direction, c’est la fermeture de ces derniers hauts-fourneaux qui est programmée. Réunis en intersyndicale, les organisations ouvrières ont donc décidé, à partir du 20 février, de passer à l’action. Occupation des locaux de la direction, arrêt des expéditions, barrages à l’entrée des bâtiments administratifs, blocage total du site et des liaisons ferroviaires… « Pour décider de ces actions, on se réunit en intersyndicale puis on présente les propositions lors des assemblées générales qui ont lieu dans la salle du conseil d’administration ou dans une salle que nous prête la mairie. Les décisions sont votées à main levée », précise à CQFD Michel, un syndicaliste de la CFDT. « Le problème est que Mittal fait ce qu’il veut. Il parle de baisse de la demande d’acier pour justifier l’arrêt des hauts-fourneaux. C’est faux. Nous savons que sur les sites de Brême en Allemagne et de Gand en Belgique, les gars sont sous pression. Ces hauts-fourneaux tournent à 98 % de leur capacité. Ce qui exige un travail énorme. Cette activité, intensive et dangereuse pour le personnel comme pour les installations, devrait être partagée avec les autres sites. Tout le monde aurait du travail, et les collègues allemands et belges pourraient souffler », poursuit un responsable de la CFDT.

  • Le cave dans la truffière par Jean-Claude Leyraud
    http://cqfd-journal.org/Le-cave-dans-la-truffiere

    Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un fusil de chasse chargé, et ceux qui creusent en douce au pied des chênes truffiers pour gagner quelques ronds. Quand les premiers tirent sur les seconds, la justice est coulante et les voisins solidaires.

    Alors que la saison de la truffe vient de s’achever, il est bon de rappeler qu’il y a un peu plus d’un an, près de Grignan, dans la Drôme, un truffeur anonyme était flingué en pleine nuit, sans sommation, par le propriétaire de la truffière. Le cow-boy avait tout le pedigree requis : gros exploitant, notable du coin, chasseur, président des Jeunes Agriculteurs (section jeune de la FDSEA). Il a reçu le soutien de la population de son village qui est allée jusqu’à manifester pour sa libération. Il faut dire que, depuis quelques années, la disparition de truffes était en constante augmentation. Ce meurtre était la conclusion du pourrissement d’une situation. Quant à la victime, elle a été présentée comme une personne en situation précaire, vivant d’expédients. En réalité, sous cette affaire aux aspects archaïques, se cachent les dessous affriolants de notre monde moderne.

  • La numérisation des SDF par Momo Brücke
    http://cqfd-journal.org/La-numerisation-des-SDF

    Rationaliser le coût des pauvres, tel est l’objectif permanent de la gestion du social. Et pour ce faire, on peut compter sur la mise en place de machines à gaz bureaucratiques et inefficaces. Un exemple nous est donné avec l’indigente prise en charge des sans-abri.

    Depuis la fin du XIXe siècle, la complainte des gestionnaires de la pauvreté est toujours la même. « Que d’efforts perdus faute d’être coordonnés, que de ressources éparpillées sur des indignes ! », se plaignait déjà le politicien libéral Léon Lefébure en 1889. Lui préconisait de créer une multitude de pôles de savoirs locaux, centralisés au sein d’un Office central des œuvres de bienfaisance afin de cerner les évolutions du paupérisme et de trouver le meilleur moyen de les combattre. Quelque cent vingt ans plus tard, une nouvelle proposition de centralisation est faite à grand renfort d’informatisation et de théorie managériale : le Service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO) et les Plans départementaux accueil hébergement insertion (PDAHI). Ces deux outils visent « une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’hébergement » à destination des Sans domicile fixe (SDF). On centralise les informations avec l’idée de minimiser l’éparpillement des dépenses. Aux travailleurs sociaux agissant à la base de se soumettre à ces nouveaux outils que leur propose la Direction générale de la cohésion sociale et de les nourrir d’une masse d’informations concernant les individus dans le besoin.

  • Un petit Fukushima-sur-Manche ? par Gilles Lucas
    http://cqfd-journal.org/Un-petit-Fukushima-sur-Manche

    Le 6 avril 2012, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a publié un communiqué de presse tout à fait rassurant à propos de la situation concernant la centrale nucléaire de Penly, en Seine-Maritime. « [Ce matin] vers 7 heures, l’ASN a eu confirmation par EDF qu’il n’y avait plus de fuite dans la pompe primaire numéro un du réacteur numéro deux. Cet incident survenu sur la pompe n’a pas eu de conséquence sur l’environnement. L’ASN a provisoirement classé cet événement au niveau un sur l’échelle INES. » La haute exigence d’intégrité et de transparence de l’ASN aura, vu l’urgence d’informer les populations, repoussé de quelques jours l’exposé détaillé de cet incident classé un et des interrogations qu’il soulève. Les experts appointés préciseront alors que l’huile enflammée venait de la pompe du circuit primaire qui sert à refroidir le cœur du réacteur. Ils n’omettront pas de décrire la durée de la fuite et la quantité d’eau radioactive écoulée, à raison de plus de deux mètres cubes par heure, jusqu’à ce que l’incident ait été maîtrisé. Ils rappelleront que cette eau radioactive, récupérée dans des bacs prévus à cet effet, sera rejetée en mer après avoir subi un retraitement. Ils indiqueront que cette opération de filtrage ne piège pas le tritium, isotope hautement radioactif, inévitablement présent, avec d’autres gaz rares. Ils insisteront évidemment sur les conséquences potentielles d’un tel évènement dans une telle centrale, où cinquante-sept millions d’euros avaient pourtant été dépensés en 2010 pour améliorer la sûreté de ces installations nucléaires qui produisent l’énergie la moins chère et la plus sûre. Ils, ils… « Quand toutes les précautions auront été prises, l’installation redémarrera en toute sûreté », a déclaré solennellement dans l’après-midi de ce même 6 avril, Laurent Lacroix, directeur délégué du site EDF de Penly. Manière de confirmer le récent rapport d’inspection de l’ASN qui déclarait que « l’organisation pour la conduite normale des réacteurs du Centre nucléaire de production électrique de Penly est globalement satisfaisante », tout en laissant échapper une furtive remarque « sur l’inétanchéité du clapet 2RCV265VP du circuit RCV6 du réacteur numéro deux »… Date du passage des inspecteurs ? Il n’y a pas même deux mois : c’était le 15 février 2012.

  • Mais qu’est-ce qu’on va faire de... par Momo Brücke
    http://cqfd-journal.org/Mais-qu-est-ce-qu-on-va-faire-des

    Lénine ne s’était pas trompé, lorsqu’il annonçait joyeusement la fin du politique, et le débarquement de hordes d’experts : « On verra désormais monter à la tribune des congrès de Russie non seulement des hommes politiques et des administrateurs, mais aussi des ingénieurs et des agronomes. C’est le départ d’une époque très heureuse, où l’on pratiquera de moins en moins de politique, où l’on en parlera moins souvent et moins longuement, et où ce sont les ingénieurs et les agronomes qui auront la parole. » L’un des points communs entre l’URSS et l’Occident est la délégation du geste politique, ainsi que de tout ce qui concerne la vie quotidienne, aux experts de tout poil.

    Nous vivons tout de même dans un monde étrange, non ? Une époque où existe une faille entre nos gestes quotidiens et leurs implications. Prenons le simple fait d’exercer une pression sur un interrupteur pour convoquer la fée Électricité. Imaginer les implications de cette minuscule action, c’est se placer sur deux échelles différentes à la fois, au risque de se casser la gueule : celle de son propre geste, et celle de la représentation de ses conséquences. Entre les deux, il y a un gouffre. Et c’est dans ce gouffre que s’installent nombre des opérations de pouvoir de nos sociétés modernes.

  • Berger à lier par Gilles Lucas
    http://cqfd-journal.org/Berger-a-lier

    « La brebis pare-feux », c’est ainsi qu’Alain, jeune berger, a choisi de nommer son activité lorsqu’il s’installe dans les Cévennes, entre Les Vans et Villefort. Mais son mode de vie un brin anarchique a entraîné des conflits avec des autorités locales, jusqu’à son internement en psychiatrie…

  • 2012, l’espoir
    http://www.cqfd-journal.org/2012-l-espoir

    Enfin, une certitude est acquise. Finies les oscillations cyclothymiques entre le vengeur « ça va péter » et le fatalisme éreintant de ces temps moisis. On se demandait quand estce que ça allait cesser, on pariait, on pronostiquait. Ter-mi-né. Maintenant, on sait. L’éclatante et grandissime victoire de la gauche aux élections régionales aura eu l’effet d’un écouvillon débouchant, d’un coup, l’obscurité dans laquelle crapotaient les esprits. C’est en 2012 que tout va se jouer. D’ici là, y a qu’à attendre. Mais cette fois, la patience requise n’exige pas la seule passivité. Elle se veut tension, prête à verser dans l’enthousiasme des temps nouveaux. Déjà s’excitent en tout sens les Strauss-Bry, Sarkospin, Copkahn, Roysky, Raffarbendit, Juppen, Bayrius. Qui de l’un et de l’autre va prendre le dessus dans la fosse boueuse de la politique pour empoigner les manettes du pouvoir ? L’acquitté de Clearstream nous mitonne un nouveau parti « libre et indépendant », manière de dire qu’il aurait pu faire le contraire. Dame Martine s’engage, sympa, pour une « société du bien-être ». On a eu chaud ! Le bordelais frelaté se débouchonne. L’écologiste néo-libéral trépigne. Les députés grommellent. Les sénateurs s’éveillent. Un véritable tsunami dans la bassine de ce mondillo politique dont la grande majorité se fout, même les jours d’élections.

    Pourtant, les coups de pilon des médias devraient quand même arriver à mater l’indifférence. En 2012, ça va changer. On va passer à gauche. Non, à droite ! Non, à gauche. Passionnant, hein ? Tout semble converger, astres compris, pour que cette douzième année du deuxième millénaire rassemble, enfin, extase mystique et liesse populaire. Élection d’un président de gauche, redémarrage des ventes de Boeing, jeux Olympiques à Londres, accès pour tous à l’ADSL, éjection du Sarkonain, agriculture biologique sur 6% des surfaces cultivables, achèvement du nouveau collège de Vitry-le-François, équipement d’un nouveau système de freinage sur les voitures de Général Motors, l’OM champion d’Europe… Et dire qu’en d’autres siècles l’arrivée de temps nouveaux relevait du domaine des controverses théologiques et scolastiques. Si ce n’est pas un vrai progrès, ça !

    D’ici là, il va falloir se passionner mais rester sage comme les images dont on nous abreuve. Les prolos, vous allez vous calmer avec vos histoires de grèves n’importe quoi et cette envie qui vous prend parfois de faire exploser votre usine – le cas échéant, vos syndicats n’hésiteront pas à appeler à une « journée d’action » toute en détermination. Chômeurs, radiés et miséreux, patience ! Dans deux ans, votre bulletin de vote vous permettra de dire ouvertement et sans mâcher vos mots ce que vous pensez du sort qu’on vous fait subir. Licenciés de tous bords, honneur à vous qui serez les derniers à supporter les plans sociaux imposés par une droite dure et décomplexée. Vous en aurez des choses à raconter à vos petitsenfants ! Jeunes des quartiers, subissez avec tendresse ces derniers contrôles auxquels vous soumet cette police de droite. Bientôt, elle sera de gauche. Sans-papiers expulsés, refaitesvous une santé au bled avant de revenir, d’ici deux ans, dans un pays libéré de ses Besson et Hortefeuer, et qui aura renoué avec sa légendaire tradition d’accueil.

    Seul problème, l’avènement des temps nouveaux risque d’être de courte durée : juste quelques mois de bacchanales extatiques avant la fin du monde annoncée par les compañeros mayas pour le 21 décembre 2012. Ça aura été bref, mais intense.

  • Never mind the «socialistes» par Sébastion Fontenelle
    http://www.cqfd-journal.org/Never-mind-the-socialistes

    LES « SOCIALISTES » (j’aime bien commencer par deux mots qui mettent tout le monde de bonne humeur) ont promis que si nous tu votais massivement pour eux en 2012, leur tout premier soin, après la victoire (en admettant bien sûr qu’ils aient gagné contre les autres candidats de la droite), serait, juste après le dépôt d’une rose au tombeau de Jaurès et la privatisation de l’oxygène contenu dans l’air, de rétablir la retraite à 60 ans. Puis les « socialistes » ont, de même, promis d’envoyer sur Vénus,dès le mois de janvier 2013,une mission habitée ; puis de vider « en deux années maxi » la Manche pour y faire « une promenade plantée vers l’Angleterre » ; puis enfin d’établir « une paix durable entre la paysannerie du Nord- Vietnam et le général Westmoreland ». Je rigole, hein ? Les « socialistes » n’ont rien promis de tel. Sauf pour l’âge légal de départ en retraite :les « socialistes » ont bel et bien pris l’engagement, confirmé par Jean-Marc Ayrault (c’est dire s’ils prennent la chose à cœur, et au sérieux), qu’ils le remettraient à 60 ans. Et bon, j’aime pas trop me lancer dans le pronostic nostradameux (la dernière fois, j’avais connement parié que Lionel Jospin n’oserait quand même pas confesser publiquement que son programme n’était pas (du tout) socialiste), mais là je crois qu’on peut d’ores et déjà prévenir la foule que,non,les ami(e)s :les « socialistes » vont pas (du tout) rétablir la retraite à 60 ans (R60), ne vous laissez plus abuser par les « socialistes », les ami(e)s, de grâce, ne vous laissez plus. En effet, quand on regarde les clauses en (tout) petits caractères de la promesse de rétablissement de la R60 que brandissent les socialistes, on s’aperçoit tout de suite, un, qu’on n’y comprend que dalle, et, deux, quand finalement on en devine le sens général, qu’il faudra, pour bénéficier d’une R60 en régime « socialiste », commencer à travailler à deux ans et demi en priant pour être frappé au plus tôt d’une maladie handicapante :le mieux,pour bénéficier à 60 balais d’une pension à taux plein under the cocotiers platanes, sera de perdre un bras et un œil et l’usage d’une jambe dans un accident du travail vers l’âge de neuf, dix ans. Puis, n’est-ce pas, si les « socialistes » avaient pour de bon voulu préserver la R60, le plus efficace eût été qu’ils se dressent un peu contre sa réforme :au lieu de quoi,t’auras noté, ils vont ces jours-ci (pouah, mais que ces gens sont laids) donnant à Fillon and pals des gages de « réalisme », à grands coups de mais bien sûr,qu’une réforme s’impose, et qu’elle est même urgente, et à grands coups aussi de mais bien sûr que non, nous n’userons pas contre le cher Éric (Woerth) de l’argument facile et bas que son nouveau prénom est Affaire. Voter pour les socialistes,c’est comme filer un Colt.44 Frontier à Al Capone : tu peux t’y laisser prendre une fois, mais faut vraiment être con(ne) pour recommencer.

  • Le PS rosse au poing par Jeanne Vandenbroucke
    http://www.cqfd-journal.org/Le-PS-rosse-au-poing

    Le 30 juillet 2010, après les émeutes qui suivirent la mort violente d’un homme soupçonné de braquage, Nicolas Sarkozy négocia un énième virage sécuritaire lors de son désormais célèbre discours de Grenoble. Rien d’étonnant de la part de celui qui, ayant fait de l’insécurité son fonds de commerce électoral, est passé maître en son art. La droite n’est cependant point la seule à faire sonner le gong sécuritaire à chaque fait divers, et les camarades socialistes voudraient se faire aussi gros que le bœuf en uniforme. En novembre dernier, le PS condamnait, à l’occasion de son forum sur la sécurité, l’« angélisme » dont la droite aime à les taxer. Une accusation que la bande à Aubry récuse : quinze ans maintenant que le parti bande ses muscles et astique ses flingues. Retour sur la construction d’une politique de droite à gauche.

  • L’ennemi est à l’intérieur par Christophe Bergen
    http://cqfd-journal.org/L-ennemi-est-a-l-interieur

    Vaste programme ! Le 4 avril, le juge Thierry Fragnoli a été, à sa demande, dessaisi de « l’affaire Tarnac », au prétexte de « ramener de la sérénité dans ce dossier ». Non pas parce que, visiblement, l’instruction cède le délire tragique au ridicule : bidouillages des enquêteurs, exagération des faits, absence de preuves, manipulations malodorantes entre services de police, surenchères narcissiques d’hommes d’État et de fonctionnaires désireux de gagner des points de carrière… Mais parce que le juge anti-terroriste n’en pouvait plus, selon ses dires, de ces « campagnes de presse relayant des attaques personnelles ». Le pôvre ! En général, ce sont plutôt ceux qui ont eu le malheur de tomber entre les mains des services de l’État qui subissent ce harassement fait de caricatures, de calomnies et d’amalgames, sans que les magistrats n’y trouvent à redire – puisqu’ils y contribuent souvent eux-mêmes par quelque fuite opportune à l’intention des médias amis, afin de magnifier leur œuvre de protection de la population. Décidément. Le présumé délinquant Bernard Squarcini, mis en examen pour une histoire de fadettes dans l’affaire Bettencourt, suspecté de trafic d’influence avec Jean-Noël Guérini, et chef de ce FBI à la française qu’est, paraît-il, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), doit souffrir d’insomnie. Entre le 14 et 22 mai vont être jugés une poignée d’individus désignés comme membres de la terrible « mouvance anarcho-autonome francilienne » . Brrr ! Ivan, Damien, Bruno, Isa, Farid et Juan furent arrêtés à quelques mois d’intervalles, début 2008, avec des matériaux aussi terrifiants que du désherbant et de la farine pour confectionner des fumigènes, des clous tordus pour crever des pneus ou encore un plan de prison pour mineurs. Ils ont subi garde à vue dans les geôles de la DCRI, prise d’ADN sous la contrainte, emprisonnement. Poursuivis pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste », ces supposés artisans « d’un acte de guerre en temps de paix » – selon la définition de l’article 706-25 du Code de procédure pénale – sont tous en liberté conditionnelle et vont être jugés devant le tribunal correctionnel de Paris. Reste qu’il semble avéré, selon certaines rumeurs, que les anciens des Renseignements généraux ont raison de penser que les ex de la Direction de la surveillance du territoire – deux organes ayant fusionné dans la DCRI – sont des incompétents. Et vice versa.

  • Un agneau, un minot : deux numéros
    Par Momo Brücke & Anna Bahini
    http://cqfd-journal.org/Un-agneau-un-minot-deux-numeros

    Le 17 février dernier, une journée de mobilisation contre l’identification électronique du vivant a eu lieu dans plusieurs villes de France (Quimper, Digne, Foix, Toulouse, Albi). Dans le Tarn, cela s’est traduit par l’occupation de différentes administrations, en opposition à la mise en place du Livret personnel de compétences dans l’Éducation nationale, et au puçage électronique des moutons.

    Un fichier centralisé et nominatif sanctionnant le parcours scolaire des enfants et un fichier d’identification des bêtes pucées, quel est le rapport ? Le rapprochement entre une classe d’élèves et un troupeau de moutons devient, aujourd’hui, pour les administrations, un principe de réalité. Dans la pratique gestionnaire des êtres vivants, les administrations réduisent tout à du bétail qu’il faut contrôler, gérer, tracer de manière efficace. Ce qui signifie aujourd’hui informatiser. Chaque être vivant devient un numéro de fichier, avec des caractéristiques figées, qui permettraient d’affiner les statistiques pour optimiser la gestion du cheptel aux besoins du marché.

    Parallèlement, ces mesures tendent à transformer la pratique des professeurs et des éleveurs. Ils intègrent le regard des contrôleurs : leurs élèves deviennent des machines à acquérir des compétences en vue d’une future employabilité – hypothétique ! –, les bêtes, de la viande calibrée pour le marché alimentaire.

    Derrière ces actions d’opposition au contrôle du vivant, une autre vision de ces métiers est défendue : celle de l’éducateur qui accompagne les enfants vers leur émancipation, et celle de l’éleveur qui crée une relation avec ses animaux, les connaît et les soigne.

  • Saintes, mères ou putains par Mademoiselle
    http://cqfd-journal.org/Saintes-meres-ou-putains

    Du grand fatras des discours sur la prostitution, seule la condamnation des réseaux mafieux, au sein desquels des femmes sont réduites en esclavage, semble faire consensus. Car globalement, deux pôles opposés émergent au sein des débats : le premier considère la prostitution comme une activité forcément subie, une violence contre les femmes ; le second, quant à lui, présente la prostitution comme un choix d’activité possible. C’est ce second pôle, représenté notamment par le Syndicat des travailleur(se)s du sexe (Strass), qui était à l’honneur le mois dernier dans l’article « Sur le dos des tapins » [1]. Ce pôle-là tient de plus en plus de place dans les médias de gauche, et cela semble doublement logique : d’une part parce qu’il s’agit de dénoncer les conséquences dramatiques, pour les personnes prostituées, des lois sécuritaires qui ont été votées ces dernières années ; d’autre part, parce qu’il s’agit de donner la parole directement à des personnes prostituées.

    Mais il serait franchement paresseux de s’arrêter là. Car la question de la prostitution déborde la population des prostitué(e)s. Elle interroge plus largement la hiérarchie entre deux classes sociales, celle des hommes et des femmes, leurs rapports, et ce que l’une peut imposer à l’autre ; elle questionne une relation du type « service féminin » (sexuel, domestique ou reproductif) contre « compensation masculine » (financière, en nature, etc.), cet échange inégal qui se décline dans toutes les sphères de la vie sociale, de la plus publique à la plus intime, de la plus légitimée (le mariage) à la plus réprouvée (la prostitution). Dès lors, on peut se demander si la possibilité pour les femmes de tirer un bénéfice pécuniaire explicite de cet « échange » constitue une réelle prise d’autonomie ; si la hiérarchie homme-femme dans l’échange se trouve réellement modifiée par l’exigence d’un dédommagement financier au service rendu. Autrement dit, si la libéralisation de la prostitution, comme l’exige le Strass par exemple, constitue une réelle subversion de la hiérarchie des rapports entre les hommes et les femmes. Est-ce que la lutte contre le patriarcat et le capitalisme peut se contenter d’avoir comme seul horizon la libéralisation des activités venant répondre aux injonctions de ceux qui se trouvent en position dominante dans ces systèmes ? Cette libéralisation serait-elle une fin en soi ou une étape vers une organisation sociale que l’on voudrait enfin débarrassée de cette relation hiérarchique et oppressive ? Dans quelle perspective de transformation des rapports sociaux de sexe nous inscrivons-nous ? Voilà peut-être quelques pistes qu’il faudrait que toutes les femmes (re)commencent à interroger, qu’elles soient saintes, mères ou putains.

    [1] http://seenthis.net/messages/58930

  • Vers une urbanité sécuritaire par Jean-Pierre Garnier
    http://www.cqfd-journal.org/Vers-une-urbanite-securitaire

    À l’heure où la nécessité de « défendre la ville » – en fait, l’ordre social capitaliste qui s’impose à celle-ci – contre un ennemi d’autant plus omniprésent qu’il est de moins en moins définissable se fait plus impérative que jamais, un nouveau « modèle » d’organisation et de fonctionnement de l’espace se met en place. À celui de la « ville-forteresse », décrit et dénoncé par le sociologue étasunien Mike Davis, interdisant la pénétration de certains lieux aux fauteurs de troubles réels ou potentiels, se superpose maintenant, en se combinant avec lui, celui de « la régulation des flux par la séparation des circulations selon les publics de façon à éliminer les risques de friction sociale et humaine ». La protection physique de certains espaces va de pair désormais avec la gestion des déplacements.

    On est au-delà de la prévention situationnelle classique où il s’agissait d’« aménager les lieux pour prévenir le crime », de les (re)configurer pour influer sur les comportements (architecture dissuasive) à l’aide de toute une série de dispositifs matériels de protection : murs, barrières, clôtures, grilles, glacis, fossés, haies renforcées… auxquels s’ajoutent digicodes, caméras et vigiles. En éliminant également tous les éléments qui peuvent inciter les délinquants réels ou potentiels à se considérer sur leur terrain (impasses, recoins, tunnels, passerelles, coursives, halls traversants, toits-terrasses...). Le tout donne naissance à une ville bunkerisée, panoptique et paranoïaque, composée d’enclaves verrouillées repliées sur elles-mêmes, protégeant leurs habitants ou leurs usagers légitimes contre les individus indésirables. Cela demeure, mais n’est plus suffisant pour garantir la « paix civile ».

  • De la sueur et des basses par Mickael Correia
    http://www.cqfd-journal.org/De-la-sueur-et-des-basses

    Le dubstep, mélange sauvage entre techno et dub, aura été la bande-son de toutes les vidéos postées par les émeutiers de Tottenham, n’en déplaise au collectif Pièces & Main-d’œuvre qui
    écrivait dans son dernier opus anti-techno que « ici le bruit, n’exprime aucune révolte, mais signe au contraire la reddition de frêles silhouettes humaines devant la supériorité mécanique ». Dont acte. Allons voir tout de même de quoi il s’agit.

    En 2007, Libé et son incroyable talent à défricher l’actualité musicale s’extasiait qu’« avec la tecktonik, les classes moyennes ont enfin trouvé leur style et mettent fin au […] duel rock/hip hop qui illustre le clivage riche/pauvre ». Au même moment, loin de ces logorrhées middle-class, les caves des banlieues de Londres résonnaient d’un son crade que certains ont vite qualifié de « dubstep ». Un mot valise pour tenter de résumer une culture urbaine mêlant les influences des rappeurs issus du grime (un rap corrosif nourri d’électro), des teufeurs prolos fans du 2-step, des mordus du UK garage (électro anglaise teintée de house garage et de R’n B) et des afros de Brixton entretenant toute la mouvance dub.

  • –//micr0lab netlabel//– | … les 0reilles de micr0lab … -curiosités électroniques, acoustiques, électroacoustiques-
    http://micr0lab0reilles.wordpress.com

    J’écoute attentivement les deux dernières compilations produites par MicrOlab, « Hymnes et motets », volumes II et III, reçus par la poste il y a quelques jours.
    Ces deux volumes ébarbent encore les dernières petites traces de collures un peu grossières de la précédente compilation et ne proposent pratiquement que des très belles choses, dans des champs musicaux assez variés pour que n’importe quel auditeur y soit en position de découverte.

    tout sur le volume II :
    http://micr0lab0reilles.wordpress.com/les-disques-de-micr0lab/compilations/hymnes-motets-vol-2

    tout sur le volume III :
    http://micr0lab0reilles.wordpress.com/les-disques-de-micr0lab/compilations/hymnes-motets-vol-3

    comme toujours chez Micr0lab, les objets sont très soignés, mais si vous êtes trop fauchés ou que vous avez perdu tout confiance en la Poste, les travaux sont intégralement téléchargeables.

    #musique #libre #contemporain

  • Réindustrialisation électorale par Jean-Pierre Levaray
    http://cqfd-journal.org/Reindustrialisation-electorale

    En ce moment, dans l’agglomération rouennaise, nous vivons au rythme de la fermeture annoncée de la raffinerie Pétroplus, à Petit-Couronne. Il faut dire que cette grosse usine fait partie de l’histoire de l’agglomération. Première raffinerie française lors de sa construction en 1929, elle fut sabotée pour ne pas tomber aux mains des troupes allemandes en 1940. Les anciens se souviennent encore de ces par Efixgigantesques nuages noirs qui ont pollué la région pendant plusieurs jours.

    Reconstruite après guerre, la raffinerie a été jusqu’en 2008 propriété de la Shell. Les milliers d’emplois générés par cette boîte ont permis aux communes environnantes de connaître un bel essor. D’un autre côté, si l’usine a participé à l’histoire de la région, elle participe aussi à son environnement parce que, certains matins, ça pue sur une bonne dizaine de kilomètres alentour.

    Voilà le topo. Reste qu’en décembre dernier, la société Pétroplus (propriétaire actuelle de la raffinerie) a déclaré ne plus pouvoir payer ses créanciers et se trouve depuis en redressement judiciaire avant mise en faillite. Après avoir fermé la raffinerie de Reischett il y a plus d’un an, c’est au tour de celle de Petit Couronne. C’est-à-dire 550 salariés et presque autant de sous-traitants qui se retrouvent à la lourde. On le savait que ça ne durerait pas… Et ce dès le début des fermetures des raffineries françaises orchestrées par Shell. Plus encore lorsque la direction, il y a un an, a rogné sur les acquis : durée de travail, départ en préretraite, congés…

  • Seconde mort d’Ali Ziri par Ornella Guyet
    http://cqfd-journal.org/Seconde-mort-d-Ali-Ziri

    Le 14 janvier dernier était une date importante : c’est dans le froid mais sous un ciel ensoleillé qu’a été inaugurée à Argenteuil une plaque en hommage au chibani Ali Ziri indiquant : « Ali Ziri, 69 ans, mort le 11 juin 2009, suite à son interpellation par la police nationale, ici-même. » Le seul précédent était une plaque en l’honneur de Malik Oussekine. Un geste d’autant plus fort que le procureur venait de requérir un non-lieu pour les policiers, qui sont toujours en poste au commissariat d’Argenteuil, alors même qu’Arezki Kerfali, ami d’enfance du chibani, arrêté avec lui et traîné dans son vomi au commissariat, doit, lui, passer devant le juge le 8 mars prochain pour « outrage ».

    Au-delà du symbole, il s’agissait surtout de réunir les différents collectifs Vérité et justice de France. « Localement, on n’arrive pas à faire que le pot de terre gagne contre le pot de fer, explique Omar Slaouti, du collectif Ali Ziri, et nous espérons que ce qui s’est joué aujourd’hui va consolider les rapports entre nous pour faire un front commun contre toutes les violences policières. »

  • Mais qu’est ce qu’on va faire de... Pierre Joxe et Anne Lauvergeon
    http://cqfd-journal.org/Mais-qu-est-ce-qu-on-va-faire-de

    Pierre Joxe

    Bouleversant ! Il aura fait le tour des médias pour s’en prendre au regard que portent la justice, la police et les hommes politiques sur et contre la jeunesse. Il se sera élevé contre les « réactionnaires », y compris ceux de gauche, qui demandent toujours plus de répression, qui gèrent la peur comme un fonds de commerce et les autorités de la magistrature qui ont entériné les condamnations automatiques pour les mineurs récidivistes. Il aura rappelé que partout, toujours, les enfants et les jeunes suscitent et ont suscité contre eux l’incompréhension, voire la colère, et parfois même la haine, des générations précédentes. Il aura invoqué Platon qui en parlait déjà, et François Villon l’élève indocile, et osera même s’interroger sur la jeunesse de ces zélateurs des prisons pour mineurs, de ceux qui veulent les revêtir d’un uniforme militaire ou créer un fichage dès l’âge de trois ans. Il aura insisté sur le fait que la délinquance est avant tout un produit de la misère sociale. Car, pour cet humaniste, la véritable conception de cette justice doit se nourrir à l’aune de ce principe : quand un enfant vole un vélo, ce n’est pas au vélo qu’il faut s’intéresser mais à l’enfant. De qui s’agit-il ? De Pierre Joxe, aujourd’hui devenu avocat pour mineurs après avoir été, entre autres, ministre de la Défense et à deux reprises ministre de l’Intérieur de Mitterrand, fonctions qui par essence ont plutôt porté atteinte à l’intégrité humaine. Flash-back : entre juillet 1984 et mars 1986, date de sa première fonction en tant que chef de la police, pas moins de onze personnes ont perdu la vie après avoir été malencontreusement confrontées à des policiers. Pendant son second ministère à la tête des forces de l’ordre, de mai 1988 à janvier 1991, sept autres ont connu le même sort. Confronté aujourd’hui, en tant qu’avocat, à la réalité de la justice, de la prison et des comportements policiers vis-à-vis des mineurs, il concède un « J’avais découvert la réalité un peu tard, c’est vrai ! ». C’est dire, venant de la bouche d’un ancien ministre, magistrat et haut fonctionnaire d’État ! Et le voilà qui naît au monde, scandalisé par le sort réservé aux prisonniers de la misère. Quant à l’ignorance totale qu’ont, comme lui, les dirigeants et les hommes politiques sur la vie réelle du bétail humain, silence absolu : il y va de la pérennité des oligarchies…

    Anne Lauvergeon

    Scandalisée, elle est aussi, l’ex-patronne d’Areva, qui, après avoir été déboulonnée de son poste, s’indigne que certains de ses proches aient pu être surveillés et écoutés par quelques officines obscures de police parallèle. Que d’émotions pour cette femme qui fut à la tête du principal fleuron du lobby nucléaire et qui était plutôt habituée jusqu’alors à être du côté de ceux qui surveillent, font pression et enfument les autres. Lui faire subir un pareil sort, à elle, alors que, encore aujourd’hui, elle est vice-présidente du conseil de surveillance du groupe Safran dont les activités sont pour une part tournées vers la fabrication de matériels militaires tels que les drones et les systèmes de visée nocturne, et pour l’autre vers la mise au point de dispositifs biométriques comme le traitement des empreintes digitales et palmaires ou encore la reconnaissance faciale ou de l’iris…

    Décidément, à l’instar de Jacques Chirac et de ses opportuns trous de mémoires, l’anosognosie serait-elle contagieuse dans les milieux dirigeants…