Etienne3

Historien de la Turquie contemporaine. Ex-chercheur au CNRS. Ancien pensionnaire de l’IFEA (Istanbul)

  • #turquie #kurdistan #réfugiés
    CQFD n° 140 en kiosque
    Le dossier Turquie : Réfugiés, conflit kurde, autoritarisme...

    La sale guerre d’Erdogan

    « La Turquie et la France sont d’accord sur tous les points de discussions, y compris le terrorisme », déclarait le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en visite chez le calife Erdogan, le 5 janvier dernier. Mi-décembre, en plein début d’offensive contre plusieurs villes kurdes du Sud-Est anatolien, l’Union européenne se félicitait de la reprise des pourparlers pour l’entrée de la Turquie en Europe. Ces jeux de dupes et petits arrangements diplomatiques habituels voudraient nous masquer les collusions à plusieurs niveaux du pouvoir ottoman avec Daech et sa responsabilité dans la reprise des hostilités contre la population kurde – tout cela sur fond de chantage à la politique migratoire que l’Europe sous-traite à Ankara avec le renfort de milliards d’euros. « Chaque centime qui est donné par l’Union européenne à l’État turc retombe sur les Kurdes sous la forme de bombes et de balles », estimait Yunus un militant kurde d’Istanbul.

    Au-delà des affres de la realpolitik française et européenne, le climat d’intimidation et de guerre civile qui sévit actuellement en Turquie nous concerne à plus d’un titre : crise des réfugiés, guerre sans nom et sans fin contre le « terrorisme », interventions des grandes puissances au Moyen-Orient. Le durcissement du champ politique turc n’est pas étranger aux raidissements que nous vivons sous des formes plus sournoises dans l’Hexagone. Il y a un siècle, la guerre mondiale ouvrait la voie aux régimes totalitaires... L’antiterrorisme a-t-il ouvert une nouvelle ère des tyrannies ?

    « Il existe une triste chaîne de violences d’État depuis 1915 » > Étienne Copeaux est historien et animateur du blog susam-sokak. Il examine l’escalade actuelle de la violence en regard du contexte tourmenté de la Turquie contemporaine. Entretien.

    Istanbul : Gazi, quartier rouge > La guerre menée dans l’Est de la Turquie touche peu à peu Istanbul et en particulier le quartier pauvre de Gazi, refuge de nombreuses organisations révolutionnaires kurdes et turques. La mort, le 23 décembre, de deux militantes d’extrême gauche, abattues par la police dans l’appartement où elles se cachaient, n’a fait que renforcer la crainte d’une nouvelle explosion de violence dans la métropole.

    Avec Amed la rebelle > Nos copains du blog Ne var Ne Yok, qui animent « des chroniques du Kurdistan, du Rojava et de Turquie », se trouvaient du 8 au 22 décembre à Diyarbakir (Amed en kurde), capitale des régions kurdes du sud-est anatolien, pendant les opérations de châtiment collectif infligées par l’État central turc aux populations kurdes. Récit d’une lutte pour l’autodéfense et l’autonomie au quotidien.

    «  Loin des yeux, loin du cœur  » > « La crise dont nous sommes tous témoins est un test de notre humanité et de notre responsabilité », affirmait Donald Tusk, le président du Conseil européen face à ce que l’on considère comme la plus grave « crise migratoire » depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour y répondre, l’Europe responsable a choisi la... sous-traitance, confiée à la Turquie, tandis que les corps des réfugiés s’échouent toujours par centaines sur les côtes des îles grecques. Reportage.

    Les travailleurs du cuir d’Izmir : De la xénophobie à la lutte des classes > Dans un petit atelier du quartier de Basmane, « petite Syrie » d’Izmir, une machine à coudre cherche sa place parmi les chutes de cuir. Son conducteur, Yalçin, est membre de l’Association de solidarité et coopération culturelle pour les Africains (Afrötürc) qui mène des recherches sur l’origine de la petite minorité afro-turque en Turquie. Leurs ancêtres sont arrivés en tant qu’esclaves dès le XVIII e siècle, ramenés du pèlerinage de La Mecque par des familles ottomanes, ou envoyés, en 1856, depuis l’Égypte ou le Soudan, pour construire le premier chemin de fer de Turquie. Mais Yalçin interrompt son travail pour raconter une autre histoire : celle des travailleurs du textile et du cuir de mai 2013.

  • #turquie #turquie_répression
    En 2011 dans un article qui semble maintenant étrange j’écrivais :
    la poursuite de la guerre dans le sud-est et au nord de l’Irak n’est-elle pas devenue un prétexte pour réprimer ? La guerre n’aurait-elle pas comme finalité la répression ? Ne servirait-elle pas surtout à faire taire les démocrates, ne serait-elle pas en fin de compte un simple moyen de gouvernement, le ciment de la coercition et du semblant de consensus ?
    J’ajoute aujourd’hui : qu’est ce qui a changé, qu’est ce qui n’a pas changé dans cette Turquie d’Erdogan ? 2011 semble déjà un lointain passé. 2011, les printemps arabes, beaucoup (parmi lesquels des universitaires) proposaient la Turquie comme modèle pour les pays arabes, c’est pourquoi j’avais choisi ce titre :
    http://www.susam-sokak.fr/article-le-gouvernement-par-la-dissuasion-oui-la-turquie-est-un-modele-8

  • #turquie #kurdistan
    Violents affrontements lundi 18 janvier 2016 : six morts parmi les forces de l’ordre

    Cinq policiers et un soldat tués au Kurdistan turc
    BİA Haber Merkezi 19 janvier 2016
    De nouveaux incidents et faits de guerre ont assombri la journée du 18 janvier, dans le sud-est de la Turquie.
    A Şırnak, dans le quartier Yeni Mahallesi vers 18h30 un véhicule de police a été pris sous des tirs de roquettes anti-blindage. Treize policiers ont été touchés, dont deux, âgés de 25 et 36 ans, mortellement blessés, sont décédés à l’hôpital de Şırnak.
    A Diyarbakır, dans le quartier de Sur (quartier historique au sein des anciennes murailles), le PKK a répliqué à une opération de police. Un militaire a été tué.
    A Idil (département de Şırnak), un véhicule blindé de la police a sauté sur une bombe placée par le PKK. Sept policiers se trouvant à l’intérieur ont été blessés. Les policiers envoyés en renfort sur les lieux ont essué des tirs de lance-roquette et d’armes automatiques. Trois policiers âgés de 23, 24 et 26 ans sont décédés des suites de leurs blessures. L’explosion, très forte, a provoqué des dégâts sur les bâtiments voisins, parmi lesquels la mairie et deux écoles.
    Les combats se sont poursuivis rue d’Alanya et le quartier Turgut Özal où le siège du commandement de la gendarmerie a été attaqué. L’affrontement a duré jusqu’au matin.
    A la suite de l’attentat d’Idil, de nombreux blindés ont été dépêchés vers cette ville depuis Cizre qui se trouve à trente km.
    source : ▻http://bianet.org/bianet/insan-haklari/171261-bes-polis-bir-asker-olduruldu

  • #turquie #répression #censure
    Communiqué publié ce week-end par l’Université de Marmara, une des plus prestigieuses universités d’Istanbul, qui condamne la pétition des universitaires. Sans commentaire.

    « Le lundi 11 janvier, un groupe d’universitaires s’est adressé à l’opinion publique par un texte intitulé “Nous ne serons pas complices de ces crimes“. Nous estimons que ce texte partial et subjectif ne s’appuie sur aucune réalité scientifique.
    « Les propos avancés par cette pétition, qui sont hors de toute réalité, relèvent de la Cour constitutionnelle et de la Cour européenne des droits de l’Homme.
    « Notre Etat mène un combat juste contre un mouvement terroriste qui menace depuis trente ans l’unité du pays et la sécurité de nos concitoyens ; ce combat fait partie des fonctions naturelles et nécessaires de tout Etat.
    « La population sait très bien que le mouvement terroriste a sciemment, par ses actes, interrompu les initiatives de bonne volonté menées par l’Etat pour maintenir l’unité et la fraternité.
    « La raison d’être des universitaires est le développement de la connaissance et le progrès social et économique ; en s’éloignant de la science et en s’enfermant dans le moule d’une idéologie bien connue, et en se basant sur quelques préjugés, ils sont source d’inquiétude non seulement pour le maintien de l’unité nationale et l’indivisibilité de la patrie, mais pour le développement scientifique du pays.
    « L’université de Marmara fait sienne la déclaration de la Fondation inter-universitaire qui est la voix de la conscience du pays ; nous croyons que la communauté académique saura se montrer responsable et sensible à la nécessité de protéger l’unité et l’indivisibilité de la nation.
    « Aussi, nous présentons nos plus vifs remerciements aux membres héroïques de nos forces de sécurité qui garantissent l’existence du pays, la tranquillité et l’ordre publics au prix de leurs vies.
    « Avec l’expression de notre profond respect pour le public »

    Ce texte apparaît dans une fenêtre surgissante dès que vous allez sur le site de l’université
    http://www.marmara.edu.tr
    La plupart des sites des universités turques ont pris la même disposition

  • La répression commence à frapper les universitaires et chercheurs turcs qui ont signé la pétition protestant contre les violences infligées par l’Etat turc à la population kurde: lancement de procédures judiciaires pour “insultes à la nation turque, à la république et aux institutions” et “propagande terroriste”, sanctions administratives, mises à pied. Et même menaces de mort de la part des milieux ultra-nationalistes et mafieux.
    Je rappelle que plus de 1000 universitaires turcs ont signé la pétition, ainsi que plus de 300 intellectuels étrangers.
    A l’initiative d’un groupe de turcologues nord-américains et européens, une nouvelle pétition est lancée pour protester contre cette vague de répression.
    En voici le texte:

    We the undersigned are professors of Turkish Studies in North American and European Universities. Several of us head centers and programs of Turkish Studies. We work hard to generate interest and nurture open and engaging debates on contemporary Turkey. We are seriously concerned about the diminishing academic freedoms and especially criminalization of a petition signed by 1128 fellow academics in Turkey calling for peace. We declare that we stand in solidarity with their demand for peace and their freedom of expression. We can further Turkish Studies around the world only when academics in Turkey can express themselves freely.
    On January 10th 1128 academics from Turkey and 356 from abroad signed a petition calling the Turkish State to return to negotiations. The petition attracted attention to the dire situation in the Kurdish regions of Turkey where since 16 August 2015 there have been ben open ended curfews in 7 cities effecting close to 1,5 million citizens. Hundreds of civilians including the children, babies, and the elderly lost their lives. In their petition academics urged the Turkish government to end violence and return to negotiations.
    Following the release of the petition, President Erdogan attacked those who signed it and accused them with treachery. He said “pick a side. You are either on the side of the Turkish government or you are on the side of the terrorists.” Few short hours after the speech, Turkish Higher Education Council announced that it will start investigations against signatories. Academics who signed the petition are investigated under article 301 of the Penal Code and face possible charges for “inflaming hatred and hostility among peoples” and “denigration of the Turkish nation.”
    Turkey is a signatory of the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms, Universal Declaration of Human Rights, the International Covenant on Civil and Political Rights, the Final Act of the Conference on Security and Cooperation in Europe. Based on these conventions and more importantly Turkish Constitution Turkey is required to protect freedom of thought, expression, association, and assembly. Yet, academic freedoms are regularly violated in Turkey. Since 2011 Middle East Studies Association sent 20 letters to Turkish government urging them to protect academic freedoms for different cases.
    Criminalization of freedom of expression stifle productive debate on issues discussed in Turkey and around the world. Intellectual and academic production is not possible without academic freedom.
    On peut signaler son soutien en envoyant un message à Esra Özyürek
    (esraozyureklse@gmail.com)