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citoyen (épicène ?) ou adelphe...

  • Les handicapés vous disent merde | Stéphane Deschamps
    https://nota-bene.org/Les-handicapes-vous-disent-merde

    D’après Laurence Garnier, députée LR, « votre position [sur l’écriture épicène] n’effacera pas les souffrances de certains parcours de vie. En revanche, elle va compliquer l’accès à la lecture pour des personnes en situation de handicap […]. » Ce qui me chagrine dans tout ça, c’est le handicap qu’on sort commodément du chapeau. Ce même appareil législatif a trouvé tout à fait normal, lors du vote de la loi ÉLAN, de ne pas rendre tout nouvel habitat accessible… Source : nota-bene.org

  • Obligation vaccinale contre la Covid-19 : osons franchir le pas - L’Académie nationale de médecine
    https://www.academie-medecine.fr/obligation-vaccinale-contre-la-covid-19-osons-franchir-le-pas

    L’Académie nationale de médecine tient toutefois à préciser :

    – que la doctrine du passe vaccinal doit être clairement exposée et sincèrement défendue comme une obligation vaccinale, non déguisée, au même titre que les autres obligations vaccinales actuellement en vigueur ;

    – que, face à une épidémie mortifère non contrôlable par tout autre moyen, la vaccination obligatoire est un devoir civique et non une menace de punition : annoncée comme une mobilisation générale contre un ennemi commun, le SARS-CoV-2, elle devrait entraîner l’adhésion d’une très large majorité des Français ;

    – que l’exigibilité du passe vaccinal doit être élargie à tous les lieux de rassemblement (travail, loisirs, commerces, transports en commun), sans oublier les personnes intervenant à domicile auprès de personnes âgées et/ou vulnérables (femmes de ménage, aides familiales…), toute dérogation au principe d’universalité limitant sa portée et réduisant son efficacité ;

    – que les rares contre-indications médicales, définitives ou temporaires, à la vaccination contre la COVID-19 doivent se référer à l’avis fourni par le Collège de la HAS [2].

    • La mention explicite du refus de « toute dérogation », hum, outre le coup de pelle au gouvernement, ça donne une raison du refus de Macron de l’obligation vaccinale : elle s’appliquerait forcément aux policiers…

    • je connais au moins un endroit où si l’obligation de contrôler un pass était imposée la question se poserait d’en fabriquer des faux pour les distribuer gratuitement afin de pouvoir faire semblant de contrôler car il est hors de question de se faire les relais d’un État dont il faut sans cesse pallier les carences (litote) en matière de politique sanitaire et de réduction des risques, comme dans bien d’autres domaines.

      imposer la vaccination aux adultes c’est se préparer à une opposition résolue. l’armée de l’An II c’est à dire une levée en masse populaire a gagné contre les royautés et les empires, à la stupéfaction de tous les professionnels de la guerre, puis l’instauration de la conscription obligatoire a pour un temps déchiré la république qui l’instituait (la chouannerie ne se résume pas à la défense de la royauté, ni même de la féodalité sur le plan local)

      je vois pas quels cadres collectifs autres que le suivi médical des enfants, la scolarité, ou, chez les adultes, le franchissement d’une frontière, pourraient imposer la vaccination. au Portugal, il y a 90 % de vaccinés, sans obligation. l’obligation ne ferait pas mieux. aucune des conditions d’un consentement de masse à la vaccination ne sont ici réunies parmi les adultes. je dois manquer d’imagination pour ce qui est de la gestion des populations mais arriver à 90 ou 95% de vaccinés, dans les conditions actuelles, ne peut passer que par la création d’un bantoustan diffus, comme le propose une académie « de médecine », qui n’a pas brillé par sa contribution à la réduction des risques face à la pandémie que je sache.

      #vaccination #non-vaccinés #obligation_vaccinale

    • les trois premiers points sont le contrepoint exact des choix tactiques du président, tactiques, en ce sens qu’ils découlent de sordides calculs électoralistes ; ils affirment la nécessité de l’affirmation d’une stratégie claire, argumentée et assumée

      l’opposition est on ne peut plus nette, même si elle s’exprime de façon plutôt feutrée

      même si le sincèrement défendue dit explicitement que la sincérité n’est pas présente ; je cherche les antonymes de sincère, je trouve hypocrite, menteur,…

    • si il s’agit de n’être « sincère » qu’à propos d’une obligation, que devant tout le reste (par exemple, masque, test, aérosols, aération, impératif d’un investissement social dans la santé pour l’ordinaire comme pour les événements extraordinaires), que devient tout ce qui fait que l’on peut admettre, accepter, défendre une obligation ?

    • Je ne vais pas redire pourquoi je suis favorable à l’obligation vaccinale, mais cela n’interdit pas pour autant le reste. En bagnole, le port de la ceinture est purement et simplement obligatoire. C’est pas obligatoire uniquement pour avoir le droit d’entrer sur l’autoroute, c’est juste obligatoire. Pour autant, il y a encore des limitations de vitesse, des feux, l’interdiction de rouler bourré, des campagnes de sensibilisation dans les médias, et des associations qui font tout un job de mobilisation contre la violence routière.

      Pour l’heure, on a déjà l’obligation vaccinale depuis l’instauration du passe sanitaire, et désormais du passe vaccinal, mais de manière déguisée et insincère, et tout ce que notre abruti en chef a trouvé pour le justifier, c’est que c’est fait pour emmerder les indésirables. Et pendant ce temps, il est assez clair qu’on sabote totalement la vaccination des enfants. Dans ce cadre, la logique – certes limitée – de l’académie, c’est qu’on a une obligation vaccinale sans dire qu’on a une obligation vaccinale, et que donc même le gouvernement qui l’a instaurée n’est capable de dire clairement pourquoi elle fait ça, et que dans ce cas, puisque la vaccination est vitale, faisons-le clairement, de manière assumée.

      Sinon on ne va pas commencer par désavouer toute organisation qui n’a pas brillé pour sa contribution à la réduction des risques, parce qu’il ne va rester rigoureusement personne. (Même les excellent·es médecins que nous suivons sur les réseaux sont, à peu près tous, avec des angles morts plus ou moins insupportables.)

    • moi aussi, j’y suis favorable (sachant qu’il y aurait un reste). la question du comment reste entière. et elle été compliquée à l’excès par le gouvernement, les média et tous celleux qui concourent à l’impuissance collective. l’histoire ne repasse pas les plats. reste à renverser la table ou à changer de cuisine et de salle à manger, comme il plaira.

    • L’obligation vaccinale pour moi consiste à ce que l’État s’oblige à vacciner toute la population et non attende qu’on prenne un rendez-vous sur Doctolib. On se focalise sur les opposants, je suis d’avis de les laisser tranquille pour le moment et d’y revenir plus tard, voir combien ils sont exactement (parce qu’on pourra se satisfaire de 3% de la population non vaccinée s’il le faut).

    • Et qui prendra la décision de franchir le pas ?

      Surtout après les paroles de Albert Bourla, CEO (= PDG) de Pfizer. (vidéo en anglais, sous-titrée) :

      Omicron : « Nous savons que 2 doses de vaccin offrent une protection limitée, voire aucune protection. »
      « Trois doses avec un booster offrent une protection raisonnable. »
      « Nous travaillons sur une nouvelle version de notre vaccin couvrant Omicron. »

      https://twitter.com/GabinJean3/status/1480884346261229569?cxt=HHwWgsCyxfCdlI0pAAAA

      « Nous allons proposer un abonnement pour les mises à jour »
      humour
       ! :)))

      Et celle de l’ Agence européenne des médicaments" :

      « Répéter les doses de rappel tous les quatre mois pourrait éventuellement affaiblir le système immunitaire et fatiguer les gens »
      https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-01-11/repeat-booster-shots-risk-overloading-immune-system-ema-says

      L’agence européenne du médicament alerte sur les risques d’une vaccination répétée tous les 4 mois et craint des conséquences néfastes pour les vaccinés, notamment une surcharge de leur système immunitaire entraînant une fatigue intense selon Reuters.

  • Je fais le pari que la focalisation d’une partie des enseignants sur les masques FFP2, ça va donner ça : jeudi soir, si la grève est très suivie, Blanquer annoncera royalement qu’il a « entendu » les revendications, et hop, il va faire distribuer des masques FFP2 aux enseignants, et voilà, retournez au travail maintenant.

    • je ne crois pas. 55 millions de FFP2 par mois sans techniques de réemploi, jamais l’État n’aurait fait autant pour l’équipement des profs et autres personnels, bordel logistique e problème d’approvisionnement à la clé. ça douille, et un tel précédent serait utilisé ailleurs par les salariés (les syndicats de l’enseignement supérieur ont attendu hier pour se joindre vaguement à la grève du 13 ; je suis pas du tout certain que des concessions fassent un effet canadair suffisant).
      admettons que cette fourniture de moyens ait lieu, la gestion de l’école resterait celle d’une halte garderie manquant de souplesse au vu des fluctuations des effectifs dues à la pandémie et aux « protocoles ».

      par ailleurs, quoi de mieux qu’une grève pour diffuser massivement une attention collective à la réduction des risques. pour l’instant c’est la meilleure des campagnes de prévention qui soit. une victoire en soi.
      #école #EPI #masques #FFP2 #grève #réduction_des_risques

    • J’ai une amie directrice en maternelle qui ne fait pas la grève parce que ses collègues ne la feront pas, et parce que les parents n’imaginent même pas que l’école puisse fermer.

      Les conditions d’hygiènes dans les zoos sont plus drastiques que dans nos écoles.

      Ils ne feront rien de collectif, ne prendront aucune responsabilité, laisseront tout le monde se débrouiller. Leurs objectifs ne sont pas déterminés en fonction de l’état de santé du troupeau, mais en fonction de sa docilité. Le fascisme est là, et il faudrait, donc, vivre avec. La journée du 13 janvier va hélas être très vite oubliée. En février, on aura les dizaines de PIMS chez les gamins, mais il n’y aura que quelques spécialistes sur les réseaux pour partager les courbes démontrant l’affluence. Les parents seront laissés à leur solitude face aux soignants exaspérés.

      Comme l’an dernier. Des dizaines d’avions qui se crashent, et personne pour réagir officiellement. Parce que dans ces avions, il n’y a que des « rien ». Les vrais avions contiennent des « vrais gens importants », les règles de sécurité ne sont pas identiques.

      Certains font la fine bouche, quand on utilise l’expression #surnuméraires. Mais comment qualifier les victimes de cette non-stratégie de l’immunité collective qui décide de sacrifier tout ce qui est naturellement immunodéprimé ?

    • je ne doute pas que tu soit favorable à cette grève arno ! il s’agit simplement d’échanger à propos de sa signification, de sa portée. que des acteurs centraux de cette usine qui voit passer 20% de la population au quotidien, les profs, défaits politiquement en 2003, mettent, 19 ans plus tard ! un tant soit peu en jeu leur existence, débanalisent (?) la grève de 24h (...), cela peut avoir des effets en cascade. que foutent les étudiants, les lycéens, les chômeurs et précaires, et les « garantis » (sur siège et éjectable et managés à mort) ? la question pourrait se poser dans des termes nouveaux.

      c’est une lecture « léniniste » si on veut (faire de la guerre impérialiste le moment d’une révolution) au ras des comportements d’abstention et de refus : à quel moment et comment la forme capitaliste de la crise peut elle être renversée en crise politique pour le capital.
      que l’évènement, la pandémie, et sa normalisation, sa gestion pandémique, passe à l’histoire, soit l’occasion d’un partage, d’une division politique.

      #luttes

    • Je suis assez persuadé que ce gouvernement a des sondages et analyses qui lui indiquent que son électorat potentiel pour les prochaines élections, ce sont des gens qui veulent « la garderie à tout prix », et n’en ont rien à carrer des mesures de protections (on dit « restrictions ») : les gens vaccinés ne risquent rien avec Omicron, et pour les enfants Omicron c’est rien qu’un rhume. Les gens précautionneux et informés, je pense que ça fait longtemps que la Macronie fait une croix dessus. Et de toute façon l’extrême-droite est encore plus covidiote. Donc inutile d’aller dans le sens des gens qui portent déjà un masque FFP2 et qui sont scandalisés par la gestion des écoles en mode YOLO : ceux-là ils lisent déjà Christian Lehmann dans Libé, ils sont clairement perdus pour le premier tour de prochaine élection, et de toute façon au deuxième tour contre Marine, ils voteront pour qui ils veulent, mais ils voteront Macron.

      Entre la sortie insupportable de Macron qui « a très envie d’emmerder » les non-vax, le protocole scolaire qui s’« allège » tous les deux jours parce que « trop contraignant » pour les parents, ou encore l’imposition que les deux parents soient OK pour vacciner les 5-11 ans, il me semble clair que le gouvernement a fait le choix tout à fait clair que sa cible électoral, ce sont les gens qui « en ont marre », sont vaccinés et pensent qu’ils ne risquent rien avec Omicron, sont bien persuadés que c’est la dernière vague, les enfants faut les laisser respirer, et puis merde, il est temps qu’on passe en mode « endémie » quoi qu’il en coûte.

      Filer des masques FFP2, c’est pas infaisable : ils ont largement été capables de distribuer des masques en tissu modèle slip-kangourou à tous les élèves et enseignants, donc je ne vois pas de grosses difficultés logistiques. À mon avis leur vraie crainte, c’est que céder sur le FFP2 banalise l’idée de la transmission par aérosols, et ça c’est disruptif pour toute l’économie. Je pense même que pour le coup, si c’est annoncé jeudi il y a moyen de faire passer en sous-texte l’idée que « en fait c’est pas vraiment prouvé, en fait c’est pas officiellement recommandé, continuons à parler de gouttelettes même à propos de aérosols, et si on leur file des FFP2, c’est juste pour calmer ces fainéants d’enseignants islamo-wokistes ». Et ainsi totalement invalider le fond de la revendication.

      Une journée de grève alors qu’on est déjà habitués à 300 morts par jour sans bouger le petit doigt, et précédemment des énucléations et des amputations de manifestations tous les samedis pendant des mois, même si je soutiens le mouvement des profs, j’ai proche de zéro espoir que ça fasse bouger quoi que ce soit.

    • Et c’est même à cela qu’on les reconnaît :
      https://www.bfmtv.com/sante/en-direct-nouveau-protocole-scolaire-pic-d-omicron-suivez-l-actualite-de-l-ep

      « Je sais qu’il y a beaucoup de fatigue, de nervosité. J’en appel au sang-froid, à l’unité, mais aussi à ne pas confondre les sujets. [...] C’est dommage d’avoir une journée qui va perturber davantage le système », a réagi sur BFMTV Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale.

    • Moi c’est vrai que ça me complique. Normalement vendredi je devrais faire les autotests J+4 à mes trois enfants. Mais si le jeudi y’a pas classe, logiquement il n’y a pas d’incrémentation du « J », est-ce que je dois repousser les autotests du vendredi au lundi suivant ?

    • ça me semble plus fondamental que ces calculs électoraux (qui valent une hausse de 10 milliards du budget police sur 5 ans et tant d’autres annonce, mesures, etc). c’est chaque jour, en toute occasion, et au travers mille péripéties que doit se réinstaurer la légitimité de nos démocraties représentatives, antées sur un principe aristocratique (l’élection), et désormais vouées à un mouvement de dé-démocratisation (Wendy Brown).

      je dis cela aidé pour partie par l’audition pendant une sortie aux courses de Présidentielle : le vote, un acte en voie de disparition
      https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/vincent-tiberj-et-marie-neihouser


      #abstention-janus #intermittence_du_vote #grève_des_électeurs #abstention_civique #politique

      on a joué avec les protocoles de manière à faire désirer l’école garderie sans précaution aux parents (la dénégation est l’affect qui sert d’appui politique) histoire de couper au mieux l’herbe sous le pied à des jonctions possibles. c’et un travail de police au sens où l’emploie Rancière : assigner chacun à une place (ce qui englobe le « diviser pour régner » standard).

      gouverner est une activité contre révolutionnaire. l’exemple que je connais le mieux c’est celui de Jospin en 1998 contre les mouvements de précaires : "je préfère une société de travail à l’assistance" comme signe adressé aux smicards qui se lèvent tôt, à l’inverse des feignasses d’assistées pleureuses qui avaient osé agir partout par des centaines d’occupations pour se voir garanti un revenu dont il était dit qu’il ne devait pas être inférieur au SMIC mensuel.
      la « déclaration d’amour » aux travailleurs pauvres qui sont pourtant aussi pour partie les mêmes que ceux qui chôment par moments plus ou moins durables ou par intermittence a tout bonnement formalisé la néantisation de la révolution, jusqu’à déféquer sans gène et sans qu’aucun témoin ne le relève sur un préambule de la Constitution, trace de la Révolution française, où l’assistance était définie comme un devoir sacré de la société.

      logistiquement, cela reste plus compliqué de filer des masques à usage unique que les meilleurs intissés lavables (de 10 à 100 fois) ou les pires masques slips, du moins tant que la critique en acte de la gabegie (réemploi de trucs pas fait pour ça, suite aux innovations lancées par 3M dès les années cinquante pour en finir avec les masques réemployables) ne diffuse pas davantage. et ça c’est pas du ressort de l’État (trie tes déchets, fais pipi sous la douche, et ne nous emmerde pas avec les dispositions collectives, du coté de l’industrie, de l’agriculture, des transports, de la santé, et surtout ! de la décision)

      ils auront tout fait : anti masques à répétition ; anti vax à leur façon Mc Kinsey : sabotage de la campagne de vaccination, moralité, ressentiment, et avec la foule des préposés à la diffusion de la trouille et de la confusion qui font la sous traitance des tâches les plus avancées, en intérim dans les média, sur les réseaux asociaux, et parmi les médecins, pharmaciens, infirmiers) ; anti-tests, du ni tester, isoler, tracer à la multiplication des tests au pif (c’est comme les masques dehors, on nous fatigue tous à faire nawak et ça donne l’impression que le sommet fait quelque chose : ici les auto-tests qui cassent à nouveau et autrement l’un des instruments de mesure de la situation) pour finir par « l’attestation »

      edit je crains au contraire que les employés de l’enseignement ne soient pas assez focalisés sur le FFP2 car si il y a des endroits (le 93, par exemple) ou la question des moyens se posent y compris pour les parents d’enfants scolarisés dans le public (les remplacements, au premier chef), l’alliance Parents/employés due l’éducationnel not n’a rien d’évident si il ne s’agit « que » des moyens de l’éduc. nat, dont les salaires de merde, sauf qu’il s’agit d’une situation si commune, y compris chez des bac + N que ça passe pas si facilement de l’appuyer pour craints et pas pour tous, pas si facilement de se dire qu’épauler ceux qui luttent et pourraient gagner puisse être un préalable pour que d’autres s’engouffrent dans la brèche.

      ceux qui gagnent plus peuvent plaindre les profs, mais avant tou ils les méprisent comme tout ce qui vaut moins qu’eux.

      on nous apprend à avoir peur de la dégringolade sociale, ça se conjure à coup de position altière pour qui est juste en dessous, ça permet de arquer la distance, et puis on les hais car ils ont gardé ce qu’on a perdu : quelque chose qui pourrait ressembler à la durée des vacances scolaires d’autrefois, avec trois thunes pour les prendre. on les hais parce que l’avenir des enfants, une vie, dépend de leurs notes, de leur rôle d’évaluateurs. et que partout on est soi même évalué. ces minables diplômés sous payés ont trop de pouvoir, trop de loisirs (peu importe le temps passé hors cours, on veut pas le savoir).

      #gouverner #tests

  • Alors, on te voit plus aux soirées ? Pour une santé communautaire. - Paris-luttes.info
    https://paris-luttes.info/alors-on-te-voit-plus-aux-soirees-15592

    Parce que la forme pandémie n’est pas simplement naturelle, mais fortement impactée par l’organisation sociale, je m’oppose à toute méthode qui consisterait à « laisser faire la nature », à « faire confiance à son corps » et « booster son immunité naturelle ». Pire encore, l’idée qu’« il faut bien mourir de quelque chose ». L’immunité naturelle et collective, pour autant qu’elle soit atteignable (ce qui n’est pas certain), a un coût humain. Et, ce coût humain est d’abord payé par les plus fragiles (que ce soit une fragilité naturelle ou créée par le monde dans lequel on vit), ce qui n’est rien d’autre qu’un nouvel eugénisme dégueulasse.
    Je dois t’avouer que j’ai été effaré de la porosité de nos milieux aux discours niant la dangerosité du virus et aux scientifiques "alternatifs" (pour ne pas dire escrocs). Pourtant, tu sais à quel point je suis sensible à un certain nombre d’arguments techno-critiques ou anti-industriels… Mais, dans le champ étroit du médical et de la lutte contre le virus (traitements, vaccins, moyens de prévention), qui d’autre que les experts ? Questionner ces experts, c’est par exemple les interpeller sur les mystérieux « covid longs », construire des groupes patient-e-s/médecins, plutôt que leur opposer des chiffres manipulés ou des scientifiques alternatifs (eux aussi en blouse blanche et poursuivant également un business personnel très lucratif…). Quant à nous, quelques séances d’éducation populaire sur la thématique de l’immunité nous seraient sans doute fortement bénéfiques !!

    enfin des textes comme ça bordel.

    (aaaaaah une #piqûre)

  • « Don’t Look Up » : regarder Netflix en attendant la fin du monde ?
    https://www.contretemps.eu/dont-look-up-netflix-capitalisme-technologie

    Anne-Lise Melquiond est l’autrice d’Apocalypse Show, quand l’Amérique s’effondre, sorti le 7 septembre 2021 chez Playlist Society. Elle analyse pour Contretemps le film « Don’t Look Up : Déni cosmique » d’Adam McKay : une implacable critique du capitalisme technophile contemporain produite par l’un de ses étendards, la principale multinationale de l’industrie culturelle plateformisée, Netflix ; mais une critique dont les mouvements populaires sont presque absents et qui nous laisse sans horizon de transformation sociale et d’émancipation, autrement dit sans espérance.

    Don’t Look Up, superproduction de Netflix sorti le 24 décembre 2021 avec un casting impressionnant où Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio incarnent deux astronomes, un professeur et sa doctorante qui découvrent une immense comète large d’une dizaine de kilomètres dont la trajectoire se dirige vers la Terre. Elle devrait s’écraser dans exactement six mois et 14 jours causant la destruction totale de la planète. Après avoir vérifié moult fois leurs calculs, les deux astronomes vont tenter d’alerter les plus hautes instances politiques ainsi que l’opinion publique sur cette apocalypse imminente en espérant que tout sera tenté pour détourner la comète de sa trajectoire.

    Ici, l’humanité sera moins victime de la comète fatale que de son incapacité à envisager son futur. La catastrophe n’est donc pas tant la comète, véritable métaphore du réchauffement planétaire, notre comète à nous, que la gestion politique de cette menace. Le réalisateur Adam McKay témoigne là d’une époque qui a choisi de négliger jusqu’au plus court terme. La crise sanitaire du Covid est une preuve supplémentaire de cette incurie.

    De ce point de vue, le film est une critique âpre et mordante de la politique américaine où la Présidente, une Trump au féminin est prête à tout envisager, y compris les grosses comètes, sous un angle purement électoraliste. Elle explique aux astronautes qu’elle « enchaine les réunions « fin du monde » depuis des années. Effondrement économique, danger nucléaire, gaz d’échappement, robot fou, sécheresse, épidémie, extraterrestres, surpopulation, trou dans l’ozone », et n’a pas que ça à faire vu qu’elle est empêtrée dans un scandale dans l’élection d’un juge à la Cour Suprême. La Présidente semble plus préoccupée par son destin politique que par la destruction de la planète...

    #capitalisme, #catastrophe, #culture, #écologie, #médias, #Netflix, #réchauffement-climatique

  • D’un chaman à l’autre : théories du complot et impasses du debunking - AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/analyse/2021/12/29/dun-chaman-a-lautre-theories-du-complot-et-impasses-du-debunking-2/?loggedin=true

    D’un chaman à l’autre : théories du complot et impasses du debunking
    Par Nicolas Guilhot
    Historien
    Si Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information, ni que nous ayons affaire à un phénomène nouveau : ce qui frappe, à y regarder de plus près, c’est, au contraire, l’impression de déjà vu. Rediffusion du 9 novembre 2021

    Comme pour le jour de la photo de classe, la marche du 6 janvier sur le Capitole à Washington consistait à porter sa plus belle tenue. Si le tout-venant s’était contenté de l’uniforme de rigueur – de robustes vêtements de travail et une casquette MAGA (pour Make America Great Again) –, les plus exubérants avaient opté pour des costumes de super-héros, des toges romaines, des peaux d’animaux ou des tenues mimétiques. Les apparences étaient d’autant plus importantes qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre en jeu.

    En l’absence d’un programme politique défini et d’une réelle organisation, la pose a pris inévitablement le pas sur la politique : il s’agissait avant tout de faire acte de présence et de se faire remarquer. Seule la violence a sauvé cette fanfaronnade du ridicule. Décidée à reprendre le pays par la force, une foule un peu déphasée est sortie de l’épreuve de force avec un pupitre et quelques souvenirs de procédure parlementaire. Les véritables trophées de la journée furent les selfies.
    La vedette du jour ? Un homme, torse nu, coiffe en fourrure de coyote et cornes de bison, le visage peint aux couleurs du drapeau américain, la poitrine ornée de tatouages néo-païens. Véritable aimant pour les objectifs des caméras et des appareils photo, il est partout dans la couverture médiatique de l’événement : on le voit gonfler ses biceps sur l’estrade de la Chambre du Sénat, brandir une lance, déambuler dans les couloirs vides du pouvoir, inspecter un bureau encore jonché du fouillis d’une évacuation précipitée, s’adresser à des policiers interloqués.
    Devenu instantanément viral, l’homme a inspiré toute une série de comparaisons, du chanteur pop britannique Jamiroquai à Chewbacca de la Guerre des étoiles. Quelques jours à peine après l’émeute, il était possible d’acheter son effigie auprès d’un fabricant argentin de poupées de collection. Et il a fait des émules : en avril dernier, lors d’une manifestation contre la fermeture des restaurants à Rome, un ancien vendeur de lampes à bronzer, propriétaire d’une pizzeria à Modène, a pris part à l’émeute en arborant cornes et fourrure, le visage barbouillé du tricolore.
    Figure emblématique du 7 janvier, l’homme est connu sous le nom de « Q Shaman », en référence à la mouvance QAnon, dont les adeptes sont convaincus que le monde est gouverné par une cabale de pédophiles. Pour l’état civil, il s’agit de Jacob Chansley, un supporteur de Trump âgé de 33 ans et originaire de Phoenix, Arizona. Avant même de devenir le visage public de l’émeute du 6 janvier, les frasques politiques et le sens vestimentaire de Chansley lui avaient déjà valu l’attention de la presse locale. En 2019 et 2020, il assistait régulièrement aux rassemblements organisés par Trump et on pouvait, de temps à autre, le trouver faisant les cent pas devant le Capitole de l’Arizona et dispensant bruyamment la bonne parole de QAnon au rythme d’un tambourin chamanique.
    À la suite du 6 janvier et de l’arrestation de notre homme, des détails biographiques sont venus définir les contours d’une vie par ailleurs banale : une expulsion pour loyers impayés, suite à laquelle Chansley était retourné vivre avec sa mère ; quelques années d’université pendant lesquelles il avait étudié la religion, la psychologie et la céramique ; un passage dans la marine en tant qu’apprenti commis à l’approvisionnement sur un porte-avions ; des velléités rapidement déçues de faire une carrière d’acteur ; et deux ouvrages publiés à compte d’auteur, un essai et un roman, disponibles à la demande sur Amazon.
    Écrit sous le nom de plume de Jacob Angeli, One Mind At A Time (Un esprit à la fois) livre au lecteur les nombreuses opinions de Chansley sur le monde dans un flux ininterrompu et informel qui évoque l’équivalent stylistique de l’incontinence. L’ouvrage contient quelques autres éléments d’informations biographiques. On y apprend qu’adolescent, il se considérait un fervent partisan de George W. Bush, qu’il était indifférent aux questions environnementales, favorable à l’invasion de l’Irak et convaincu que les États-Unis étaient en droit d’exporter la liberté à coups de missiles de croisière – cela jusqu’à ce qu’il cesse de croire les médias grand public et voie la lumière, notamment grâce à « plusieurs expériences de dissolution des frontières […] à base de plantes psychédéliques ». Depuis lors, Chansley se considère comme un guérisseur et un praticien du chamanisme.
    L’attachement que Chansley voue à QAnon et sa participation à l’émeute du 6 janvier ont façonné notre manière d’interpréter politiquement ses gestes et sa personne. Certains commentateurs ont noté que ses tatouages sont des symboles de la mythologie nordique récupérés de longue date par les groupes suprématistes blancs. Et si cela peut sembler incompatible avec un attirail chamanique et une tenue qui évoque davantage une session de Fortnite qu’un penchant pour le look Waffen-SS, il est vrai qu’à ses débuts, le Ku Klux Klan aussi ressemblait à un carnaval qui aurait mal tourné, une sorte de pride macabre avec cosplay et kazoos, avant d’opter pour la sobriété de ce que James Thurber a appelé « la literie d’apparat ».
    L’extrême-droite contemporaine absorbe les répertoires contestataires progressistes et les schémas de la contre-culture pour les canaliser dans une direction réactionnaire.
    Même s’il est tentant de faire de Chansley un fasciste parmi d’autres, la reductio ad Hitlerum atteint rapidement ses limites heuristiques. Il ne fait aucun doute que les diatribes de Chansley recoupent pleinement les vues conspirationnistes de l’extrême-droite : « Q consiste à reprendre le pays aux mondialistes et aux communistes […] qui ont infiltré les médias […], le divertissement[…], la politique », a-t-il par exemple déclaré dans un entretien. Pourtant, à ne prêter attention qu’à ce qui renvoie aux fascismes du passé, on risque de passer à côté de ce qui est nouveau et singulier – et plus immédiatement pertinent.
    Dans son reportage sur les événements du 6 janvier pour le New Yorker, Luke Mogelson a observé que de nombreux participants aux précédentes manifestations contre le confinement « se percevaient comme des gardiens de la tradition du mouvement des droits civiques », et que certains d’entre eux allaient jusqu’à se comparer à Rosa Parks.
    Les adeptes de QAnon comptent dans leurs rangs d’anciens centristes et autres liberals désenchantés : certains ont voté pour Obama, d’autres viennent de familles pro-Hillary ou pro-Bernie. Ce n’est vraisemblablement pas le cas de Chansley, même si certaines de ses convictions pourraient fort bien figurer dans un pedigree progressiste.
    Dans One Mind At A Time, il décrit le monde qui émergera une fois vaincu le « fascisme d’entreprise militarisé » de l’État profond : les prisons seront « progressivement éliminées » et la peine de mort abolie ; les frontières disparaîtront et tout le monde pourra se déplacer librement ; il y aura « beaucoup d’argent pour que les enseignants soient mieux payés, pour que les soins de santé soient couverts pour tous les citoyens, pour que les sans-abri aient un toit et qu’aucun humain ou animal ne souffre de la faim ou de maltraitance ». Sans oublier le chanvre qui remplacera le bois et les colonies d’abeilles de l’Amazonie qui échapperont finalement aux méfaits de la déforestation.
    Il est facile de ne voir dans ces propos que les élucubrations d’un esprit confus – ce qui est le cas. Mais ce bric-à-brac idéologique incohérent – composé de diatribes enragées contre le mondialisme, d’idées qui ne dépareraient pas dans les manifestes Black Lives Matter (« defund the police »), voire dans le matériel de campagne d’un Bernie Sanders – reflète la capacité de l’extrême-droite contemporaine à absorber des répertoires contestataires progressistes et des schémas de la contre-culture pour les canaliser dans une direction réactionnaire.
    Si l’on doit parler de fascisme, c’est moins dans le sens d’une menace extérieure qui pèserait sur les institutions de la démocratie libérale, comme le suggèrent les images du 6 janvier, que dans celui d’un délitement interne de celles-ci. Il ne s’agit pas d’une idéologie codifiée dans le passé, mais d’un mouvement qui préempte et désamorce la nécessité du changement social en faveur du statu quo, un mouvement composé de magnats de l’industrie et d’ouvriers au chômage, de patrons de casinos et de concierges, de marchands de sommeil et de locataires expulsés, un mouvement qui a trouvé dans un escroc de l’immobilier le meilleur porte-drapeau possible.
    Ce qui importe n’est pas tant de savoir si des échos des brasseries des années 1930 résonnent dans les déclarations de Chansley, mais de comprendre pourquoi un éco-guerrier New Age de l’Arizona qui appelle de ses vœux une sécurité sociale à couverture universelle participe à une parodie de putsch aux côtés de néo-nazis et de soccer moms, pour finalement devenir le visage du fascisme gonzo du XXIe siècle. Une partie de la réponse, semble-t-il, est liée aux théories du complot.
    QAnon s’est construit à partir d’une rumeur plus ancienne, connue sous le nom de « Pizzagate », selon laquelle Hillary Clinton était à la tête d’un réseau pédophile opérant depuis le sous-sol de Comet Ping Pong, une célèbre pizzeria de Washington D.C. Même après qu’un adepte lourdement armé eut pris d’assaut les lieux pour ne rien trouver d’autre qu’une arrière-cuisine dans laquelle le personnel de l’établissement s’affairait à pétrir de la pâte à pizza, la rumeur ne s’est pas éteinte. Elle continua à se répandre sous la forme de prophéties cryptiques postées en ligne par un mystérieux contributeur qui signait ses missives de la lettre « Q », en référence à un niveau d’habilitation sécurité-défense du ministère de l’Énergie des États-Unis.
    Pour la communauté en ligne des fidèles, ces « Q drops » suggéraient que Trump était en train de mener une guerre secrète contre le réseau pédophile mondial niché au cœur de l’État profond. Le combat final aurait lieu au grand jour, bien que sous un éclairage crépusculaire, lorsque Trump ordonnerait à diverses branches des forces de sécurité de rafler les membres de la cabale – un événement baptisé « The Storm » (« La Tempête ») dans le folklore QAnon.
    Dans son célèbre essai sur la pensée complotiste, Le Style paranoïaque : théories du complot et droite radicale en Amérique (1964), Richard Hofstadter suggérait que ce qui caractérise l’esprit paranoïaque n’est pas seulement la croyance dans telle ou telle théorie du complot, mais le fait de considérer l’histoire elle-même comme une vaste conspiration. Pour Chansley, QAnon n’est pas seulement une théorie concernant l’establishment politique de Washington mais le canevas même de l’histoire américaine, dans la trame duquel chaque pièce du puzzle trouve sa place, des ovnis et de l’assassinat de John F. Kennedy aux récentes fusillades dans les écoles.
    Il est difficile de résumer les élucubrations de Chansley, à côté desquelles les divers épisodes d’Indiana Jones font l’effet d’un documentaire soporifique sur Arte. En résumé, la conviction que l’élite mondiale s’adonne au trafic d’êtres humains et au viol d’enfants n’est que la couche externe d’un complot bien plus vaste, complot dont les membres sont cooptés précisément du fait de leur dépravation, laquelle permet à l’État profond de s’assurer de leur docilité par la biais du chantage.
    Mais, dans ce cas, qu’est-ce que l’État profond, se demandera-t-on ? Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, explique Chansley, les États-Unis ont secrètement absorbé le réseau de renseignements nazi et, partant, les technologies de pointe allemandes, qui n’étaient pas toutes d’origine humaine : dans leur quête de suprématie, les nazis étaient entrés en possession de savoirs ésotériques, peut-être lors de leurs expéditions secrètes en Antarctique et en Asie, où ils seraient vraisemblablement entrés en contact avec des civilisations extraterrestres (d’où les mystérieux « Foo Fighters » de la fin de la Seconde Guerre Mondiale).
    Transplantés aux États-Unis, accompagnés peut-être de leurs collègues extraterrestres, les scientifiques nazis ont poursuivi leurs expériences médicales sur des sujets humains, ainsi que le développement de technologies extraterrestres secrètes (d’où les événements de Roswell). Cette vaste opération de camouflage se poursuit encore aujourd’hui : le sous-sol de la masse continentale nord-américaine est sillonné par un réseau de cavernes connues sous le nom de « Deep Underground Military Bunkers », ou DUMBs, « reliés par de grands tunnels qui utilise [sic] un train à sustentation magnétique se déplaçant à la vitesse Mach d’une base à l’autre ». Certains de ces bunkers souterrains abritent des installations militaires secrètes ou sont interdits d’accès, d’autres ont été maquillés en infrastructures civiles.
    De courageux chercheurs de vérité ont parfois exposé ces dernières : il est par exemple évident que l’aéroport international de Denver cache un DUMB s’enfonçant dans les entrailles de la terre sur huit niveaux, car comment expliquer autrement la disposition en forme de croix gammée de ses pistes, si ce n’est en guise de clin d’œil à son rôle de plaque tournante pour les fonctionnaires nazis de l’État profond ? Est-ce une coïncidence si l’existence d’un monde souterrain habité par des créatures non humaines soit attestée dans un certain nombre de civilisations anciennes ? Et que se passe-t-il au juste dans les cryptes de cet autre repaire de violeurs qu’est le Vatican ?
    Partout, de Comet Ping Pong à la salle d’embarquement de Denver, des gens sont enlevés pour servir de cobayes dans le cadre d’expériences de transformation génétique, de contrôle mental et de pouvoirs surnaturels, tandis que des enfants sont jetés ici et là en pâture à l’élite pédophile dont le rôle est de tenir l’État profond à l’abri des regards.
    Chansley, lui, a regardé droit dans les ténèbres et n’a pas bronché : « Quand j’ai découvert que 800 000 enfants et 600 000 adultes sont portés disparus chaque année rien qu’aux États-Unis, j’ai eu la Chair de poule [sic] ! » La fluoration des eaux municipales ainsi que le lavage de cerveau idéologique opéré via le système scolaire et les médias grand public garantissent la soumission de la population générale, tandis que des pouvoirs de contrôle mental permettent à l’État profond de commanditer des tueurs programmés et de fomenter des fusillades dans les écoles, et ce dans le but de désarmer les patriotes qui seraient tentés de vouloir libérer la population souterraine d’esclaves sexuels. Et puis, il y a les victimes dont personne ne parle : de mèche avec des sociétés maléfiques comme Monsanto, l’État profond se livre à un « écocide » et massacre non seulement des enfants innocents, mais aussi des millions de nos frères bovins. Où sont nos enfants ? Où sont nos bisons ?
    Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot, mais cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information.
    Il existe de manière assez répandue, chez les universitaires, les responsables des politiques publiques et les chiens de garde de l’information, une tendance à considérer les théories du complot comme des théories, c’est-à-dire des affirmations sur le monde susceptibles d’être vraies ou fausses. Dans la mesure où elles sont typiquement fausses, nous les traitons comme des explications sociologiques erronées, fondées sur des incohérences logiques ou des vices de preuve.
    C’est après tout à un philosophe des sciences que nous devons le concept de « théorie du complot » : lorsque l’expression voit le jour en 1948 sous la plume de Karl Popper, elle désigne l’incapacité à interpréter les événements sociaux comme la résultante d’une myriade de processus interdépendants ; au lieu de cela, ils se trouvent réduits à l’expression d’une volonté unique et omnipotente émanant d’entités collectives invisibles (Popper mentionne pêle-mêle les capitalistes, les impérialistes, les sages de Sion…).
    La « théorie sociologique du complot », écrit Popper, s’apparente à « un type assez primitif de superstition ». Cette vision est restée prédominante depuis lors : dans un article influent publié il y a dix ans, deux juristes de Harvard – Cass Sunstein et Adrian Vermeule – parlent ainsi d’« épistémologies boîteuses ».
    Dès lors que les théories du complot sont considérées comme un problème de nature cognitive, elles deviennent aussi un problème d’ordre purement individuel. Si elles ne nous disent certes rien sur la société, elles nous parlent en revanche des personnes qui y adhèrent. Même lorsque le diagnostic se fait en des termes vaguement sociologiques (faible niveau d’éducation, classes populaires, etc.), les théories du complot deviennent le symptôme d’une déficience de la pensée, d’une incapacité à s’orienter dans l’environnement informationnel.
    En somme, nous avons réduit les théories du complot à de l’information, et ceux qui y croient à de médiocres processeurs d’information. On ne s’étonnera pas si de nombreux observateurs en viennent désormais à considérer les théories du complot contemporaines comme une forme d’analphabétisme propre à l’ère digitale : le « nouveau conspirationnisme », selon eux, ne se rapporterait à aucun événement réel (rien ne se passe à Comet Ping Pong contrairement, par exemple, à l’assassinat de Kennedy) et se réduirait à de l’air chaud généré par les serveurs de Facebook. Pour ces mêmes observateurs, QAnon est un phénomène qui jamais n’aurait été possible « ne serait-ce qu’au début de ce siècle ».
    Il est indéniable qu’Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot, mais cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information, ni que nous ayons affaire à un phénomène nouveau : ce qui frappe, à y regarder de plus près, c’est, au contraire, l’impression de déjà vu.
    Nous avons remplacé les conditions sociales et économiques par des biais cognitifs.
    En mai 1969, une rumeur se répand comme une traînée de poudre dans la ville d’Orléans : des jeunes femmes disparaissent mystérieusement dans les salons d’essayage de six boutiques de la ville. Les victimes sont droguées et enlevées via des tunnels souterrains afin d’être vendues à des réseaux internationaux de prostitution. Le fait que les propriétaires des magasins incriminés soient juifs n’est certainement pas un hasard.
    Au fur et à mesure que la rumeur prend de l’ampleur, le silence des médias locaux devient suspect et finit par se fondre dans la trame de la conspiration : la presse est achetée – fake news ! – et les autorités publiques sont de mèche. Le 31 mai, alors que de nombreux Orléanais font leur marché, des petits groupes se rassemblent devant les magasins incriminés dans une atmosphère volatile. Seule la fin du marché et le début du second tour de l’élection présidentielle désamorcent une situation explosive, dans laquelle il n’aurait pas été impensable que la rumeur pousse quelqu’un à l’action, comme ce fut le cas cinquante plus tard à Comet Ping Pong.
    Ce qui frappe dans l’incident d’Orléans, ce sont les similitudes avec les théories du complot actuelles : l’horreur cachée derrière la devanture d’un commerce populaire, le trafic sexuel mondial, les tunnels secrets, la collusion des médias et de l’élite politique. A une différence près : l’absence d’Internet.
    Au lendemain de la rumeur, le sociologue Edgar Morin s’était rendu à Orléans avec plusieurs de ses collègues afin de comprendre l’origine et la diffusion de la théorie du complot. Publié à chaud, La Rumeur d’Orléans est le récit de cette enquête de terrain. A ma connaissance, aucune analyse du phénomène QAnon n’a fait référence à cet ouvrage, pourtant traduit en anglais dès 1971.
    À le relire aujourd’hui, on est frappé par deux choses : la relative stabilité dans le temps des schémas complotistes, et, à l’inverse, la transformation radicale de notre façon de les analyser. Ne pouvant en attribuer la responsabilité à l’information en ligne, Edgar Morin identifia des facteurs sociaux, économiques et culturels plutôt que des mécanismes cognitifs ou des logiques d’information.
    Il tenta de déchiffrer la panique morale à l’origine des rumeurs antisémites en relation avec l’évolution de la structure démographique de la ville, les nouvelles identités de genre, le rôle des femmes sur le marché du travail, les processus de modernisation économique qui perturbaient le tissu social et les codes moraux de la ville, ainsi qu’un lent processus de déclin qui voyait une ancienne capitale médiévale se transformer en grande banlieue parisienne. Pour le dire brièvement, Morin s’est efforcé de comprendre la situation historique dans laquelle un mythe avait resurgi, et non une erreur d’inférence ou une épistémologie boîteuse.
    Le debunking s’avère être, en définitive, une défense du statu quo.
    Ce qui est remarquable, cinquante ans plus tard, c’est à quel point ce monde réel a disparu de nos réflexions sur les théories du complot. Nous avons remplacé les conditions sociales et économiques par des biais cognitifs, les mythologies politiques et religieuses par des erreurs étiologiques, l’histoire par des préjugés ataviques. Ce n’est pas seulement que nous avons projeté les causes du complotisme dans les profondeurs du cerveau humain : nous partons du principe que ces profondeurs sont plus faciles à sonder que le monde qui nous entoure, et plus faciles, aussi, à réformer.
    Ni les partisans de la démystification (debunking), ni les nouveaux justiciers de l’information ne considèrent la possibilité que la cause profonde des théories du complot puisse se situer en dehors de l’esprit, et nécessiter un réexamen du monde socio-économique qui est le nôtre. Il y a là un quiétisme implicite : ce qui est en cause, ce n’est pas le monde, mais les esprits individuels qui semblent ne pas le voir pour ce qu’il est.
    Il s’agit dès lors d’amener les gens à s’aligner sur une réalité qu’ils ne mesurent pas. Steven Pinker, l’un des paladins de la vérité et de la rationalité, suggère de mettre en œuvre rien moins que des programmes de « débiaisage » qui consisteraient à aider les gens à voir que le monde va bien et que tout se passera au mieux si nous laissons les responsables politiques et économiques continuer à s’en occuper sans leur faire entrave.
    Il s’agit de s’adapter au monde tel qu’il est et de résister à toute tentation de le transformer. Le debunking s’avère être, en définitive, une défense du statu quo – non pas parce que les théories du complot seraient vraies, mais parce que les tenants de la démystification les utilisent pour restreindre un peu plus la place accordée au politique. Par-delà leur opposition, le debunking et les théories du complot sont deux formes d’anti-politique.
    S’il fallait désigner un coupable de cette tendance à faire des théories du complot un problème de psychologie et de rationalité individuelles, ce serait Hofstadter. Selon les commentaires éditoriaux élogieux qui ont accueilli la récente réédition aux États-Unis de The Paranoid Style dans la prestigieuse collection Library of America, les travaux de Hofstadter sur « l’irrationalisme, la démagogie et la pensée complotiste » constituent une « pierre de touche pour donner un sens aux événements de 2020 ».
    Ces éloges ne témoignent pas seulement de l’importance d’Hofstadter pour la culture politique américaine : elles rendent aussi hommage à un historien qui voyait dans les théories du complot l’expression d’un atavisme, une sorte de monstre lacustre qui referait épisodiquement surface dans l’histoire américaine mais que l’on ne peut comprendre qu’en termes de « psychologie des profondeurs ».
    Paradoxalement, Hofstadter a doté de toute le prestige que confère un prix Pulitzer l’idée selon laquelle l’histoire a relativement peu à nous apprendre sur ce qui est en réalité une mentalité archaïque, parfois réveillée par les soubresauts de la modernité mais en dernière instance imperméable à cette dernière. Il ne faut pas s’étonner que le regain d’intérêt pour son essai sur le style paranoïaque ait lieu à l’époque des sciences cognitives et des politiques paternalistes du « nudging ».
    On a prêté beaucoup moins d’attention aux allusions répétées d’Hofstadter à l’Apocalypse. Le porte-parole paranoïaque, écrit Hofstadter, voit le monde « en termes apocalyptiques ». Il lance des « avertissements apocalyptiques » et « trafique la naissance et la mort de mondes entiers […]. Comme les millénaristes religieux, il exprime l’angoisse de ceux qui vivent les derniers jours et il est parfois disposé à fixer une date pour l’apocalypse ».
    Dans la tradition chrétienne, l’Apocalypse offre la première conception complotiste de l’histoire, dont la trame doit culminer dans une épreuve de force finale. Il s’agit d’une histoire d’imposture et d’usurpation. Dans le rôle principal, on trouve généralement l’Antéchrist, ou une version de celui-ci : un imitateur qui prend la place du Christ, il est le « crisis actor » (acteur de crise) et le « false flag » (faux drapeau) originel. Un usurpateur qui prétend unifier l’humanité dans le Royaume tout en installant en réalité sa tyrannie, il est le premier mondialiste et le stigmate qui pèse sur tous les mondialismes ultérieurs. Des anciens millénarismes aux élucubrations de Pat Robertson sur le « nouvel ordre mondial », il fait figure de modèle dans la plupart des théories du complot.
    QAnon aussi est une variation à peine laïcisée de l’Apocalypse : un récit sur le mal absolu paradant dans le monde sous l’apparence d’une dispensation libérale ; une variation sur la dépravation morale d’un globalisme nécessairement trompeur ; une pression eschatologique liée à l’imminence d’un jugement final, assorti du traditionnel avis de tempête.
    Comme l’a brillamment suggéré le critique littéraire Frank Kermode, l’Apocalypse est un récit qui nous permet de donner un sens à la finitude de notre monde, en projetant une cohérence liant sa fin à ce qui la précède. Sa structure profonde est la récapitulation : la fin reprend les événements passés sous la forme de la concordance, tout se vérifie parce que tout était lié dès le début d’une manière qui se révèle enfin. L’Apocalypse répond à un besoin profond de cohérence lorsqu’il s’agit d’appréhender l’idée de la fin ; il n’est pas étonnant que dès les années 1920 la psychiatrie ait fait la part belle à l’expérience de la fin du monde (« Weltuntergangserlebnis ») dans l’analyse de la paranoïa, ni qu’elle revienne sans cesse sous la plume d’un Hofstadter. Face à une échéance sans cesse reportée et à des réfutations répétées, elle doit être continuellement réinventée : « L’image de la fin », a souligné Kermode, « ne peut jamais être réfutée de façon permanente. »
    Cela devrait donner à réfléchir aux partisans du debunking. Non seulement les théories du complot s’appuient sur des modèles culturels fondamentaux qui ne sont pas faciles à déraciner, mais les religions établies sont elles aussi des « épistémologies boîteuses », pour reprendre l’expression de Sunstein et Vermeule. L’implication n’a pas échappé aux adeptes de QAnon : « Si Jésus revenait sur terre aujourd’hui, pensez-vous que vous le reconnaîtriez en raison de ses miracles ? », écrit l’un d’entre eux, « ou le qualifieriez-vous de théoricien du complot ? »
    Les théories du complot reposent sur la foi en ce que le temps tient en réserve. La « vérité » qu’elles défendent est définie par la révélation de ce qui est à venir, et non par une démonstration logique. Non seulement la démystification est impuissante dans ces cas-là, mais c’est précisément dans la persévérance face à l’adversité et aux preuves du contraire que se révèle la foi. Parce qu’elles s’articulent autour d’un sens apocalyptique du temps, les théories du complot ne sont pas seulement des idées erronées : elles sont, aussi, une manière spécifique d’être au monde.
    Hofstadter était trop occupé à faire passer une prise de position politique pour un diagnostic psychanalytique et à assimiler son tiède libéralisme à l’idée même de rationalité pour s’intéresser davantage aux métaphores apocalyptiques qu’il affectionnait. C’est à l’anthropologue des religions Ernesto De Martino que revient le mérite d’avoir exploré les affinités entre l’esprit paranoïaque et l’apocalypse dans un essai publié la même année que The Paranoid Style dans la revue italienne Nuovi argomenti et intitulé « Apocalypses culturelles et apocalypses psychopathologiques ».
    Rien n’indique qu’Hofstadter et De Martino avaient connaissance de leurs travaux respectifs, mais tous deux affrontaient la crise du progressisme libéral – Hofstadter avec le ton posé d’un porte-parole, en présentant ses mécontents comme un atavisme folklorique, et De Martino en développant une analyse historique et anthropologique plus critique. Ce dernier partait d’un diagnostic culturel pour lequel l’épuisement des idéologies du progrès et le déclin du religieux rendaient l’humanité incapable d’affronter autrement que sur un mode pathologique et paralysant les scénarios apocalyptiques que l’arme nucléaire rendait actuels.
    Pour De Martino, les visions rédemptrices de la fin du monde – ce qu’il appelle les « apocalypses culturelles » – constituent un phénomène universel. Si tout risque de se dissoudre dans le néant, ou est voué, de toute façon, à disparaître, l’élan productif qui soutient la vie collective disparaît. Ce n’est qu’en mettant de côté ce risque que les sociétés humaines ont pu donner une valeur à leur existence mondaine et se projeter dans l’histoire. Lorsque les premiers chrétiens de Thessalonique se sont persuadés de l’imminence des derniers jours et ont sombré dans une stupeur oisive, il a fallu toute la verve apocalyptique d’un Saint Paul pour transformer l’angoisse paralysante en promesse d’un monde meilleur autour duquel une communauté chrétienne pouvait organiser sa vie ici et maintenant.
    Les apocalypses culturelles, cependant, ne sont pas forcément religieuses ni ne signifient nécessairement la fin de l’existence terrestre en tant que telle. Elles peuvent aussi se manifester sous la forme de « l’aspect social et politique de la fin d’un monde historique donné » (De Martino s’est particulièrement intéressé aux mouvements millénaristes déclenchés par la fin de la domination coloniale en Afrique, mais aussi à la fin de la société capitaliste bourgeoise promise par le marxisme) ou d’un événement particulier dans la vie d’un individu ou d’une communauté. À chacun de ces moments critiques, les cérémonies religieuses, les rituels profanes, les idéologies progressistes ou révolutionnaires atténuent l’idée d’un effondrement final et révèlent à nouveau la possibilité d’une existence collective et porteuse de sens. Fondamentalement, les cultures apocalyptiques se résument au proverbial Keep Calm and Carry On du blitz anglais.
    En l’absence de ces médiations culturelles, les peurs apocalyptiques prennent une tournure strictement individuelle et, par conséquent, pathologique : l’effondrement du monde devient une expérience solitaire, privée, voire intime, et le sentiment de perte est détaché de toute communauté culturelle. L’individu se retrouve submergé par un sentiment d’aliénation et de passivité. En s’effondrant, le monde emporte avec lui la possibilité d’une présence au monde. Le familier devient étrange et inquiétant, comme si le monde qui figurait à l’arrière-plan du quotidien cédait soudainement et les relations stables et objectives entre les choses se dénouaient au profit de leurs connexions occultes. Le monde devient « un réseau de menaces diffuses, de forces hostiles, d’obscurs complots ourdis à nos dépens ».
    L’apocalypse psychopathologique, en définitive, est une forme paroxystique et existentielle de l’angoisse du statut dont Hofstadter avait fait le fondement psychologique de l’esprit paranoïaque. À une différence près, qui est de taille : là où Hofstadter croyait avoir circonscrit un problème de psychologie collective, De Martino voyait le résultat d’un échec culturel.
    Dans un livre plus ancien, De Martino s’était intéressé à ceux qui, dans le monde archaïque, conjuraient ces risques apocalyptiques : les chamans. Sa grande intuition était que le monde que nous considérons comme acquis, et qui constitue l’arrière-plan stable de nos vies, n’est pas une donnée mais une conquête historique et culturelle, dont dépend notre sentiment d’autonomie.
    Dans les sociétés primitives, il a fallu arracher ce monde à un environnement peuplé d’esprits invisibles et de forces magiques, auxquels l’individualité, encore balbutiante, risquait à tout moment de succomber. De peur qu’il n’anéantisse l’individu et ne menace la communauté tout entière – comme dans le cas des Thessaloniciens –, ce risque devait être contenu.
    Ne pouvant entièrement l’écarter, les chamans faisaient de ce risque d’effondrement de la présence au monde le point de départ de leurs rituels pour en transformer le sens : au lieu d’y succomber passivement, ils le provoquaient afin de contrôler les forces occultes de leurs cosmogonies. En apprivoisant les esprits invisibles et en les soumettant à leur emprise, ils recouvraient pour toute la communauté « le monde qui [était] sur le point d’être perdu », écartant ainsi le risque psychopathologique et enchâssant de manière pérenne l’expérience apocalyptique dans un tissu culturel collectif. Saint Paul n’était rien d’autre que le chaman du christianisme primitif.
    Les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et transforment les sentiments apocalyptiques en composantes pour la construction de communautés alternatives.
    Will & Power : Inside the Living Library est le roman que Chansley a publié en 2018 sous le pseudonyme de Loan Wold. Il y est question, là aussi, de chamanisme, et d’un monde perdu et retrouvé. Comme pour son essai, il s’agit d’une lecture qui met la bonne volonté du lecteur à l’épreuve. Le personnage principal, qui n’est pas sans rappeler l’auteur de l’ouvrage, part camper après s’être séparé de sa petite amie et avoir perdu son travail dans un magasin de jardinage.
    Au fond des bois, il rencontrer une créature d’une autre planète, semblable à un Sasquash, qui l’initie à une sagesse ancienne appelée « Shama » et lui enseigne à exploiter les pouvoirs du champ magnétique terrestre et à communiquer avec les esprits animaux et végétaux qui peuplent le monde. Bien qu’ils soient accessibles à tous les humains, les pouvoirs du chamanisme ont été gardés secrets et pervertis pour servir les desseins des « Seigneurs Noirs », une race maléfique de colonisateurs extraterrestres qui se dissimulent sous une apparence humaine.
    Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les détails embarrassants de l’intrigue, donnée à lire dans le style d’un SMS et la gamme sentimentale d’une palette d’emojis. La croyance dans le magnétisme animal n’a rien de nouveau et, depuis son origine au XVIIIe siècle sous la plume de Franz Mesmer, elle a été associée à l’idée d’action à distance et, souvent, à des théories du complot.
    Chansley donne toutefois à ces vieux thèmes une tournure contemporaine et technologique : ces flux d’énergie invisibles deviennent le « Life-Net », réseau par lequel les plantes et les créatures échangent « toutes sortes d’informations ». Les événements locaux sont « téléchargés » sur ce réseau et accessibles de partout dès lors que le nouvel initié au chamanisme s’y connecte. Le monde devient ainsi une « bibliothèque vivante » où chaque créature, chaque être est connecté à tout ce qui l’entoure : une dense forêt d’hyperliens dans laquelle on peut « surfer » indéfiniment.
    Le monde apocalyptique du paranoïaque, selon De Martino, se caractérise par un « excès de sens », une surcharge de signification qui fait que rien n’est exactement conforme aux apparences. Les choses sont insaisissables et mystérieuses, leurs liens sont obscurs, et la rencontre avec la réalité sans cesse repoussée. Les deux livres de Chansley traitent d’un monde tellement saturé de sens qu’il craque aux entournures.
    Dans son essai, il est question d’un univers désorientant, dans lequel aucune vie active n’est possible : une sorte de palais des glaces dans lequel on ne peut que courir après des points de fuite et se sentir impuissant, en proie aux forces menaçantes de l’État profond, et dépossédé de sa liberté.
    Dans son récit consacré au chamanisme, la même expérience de ces couches de sens infinies devient libératrice. Ce qui était auparavant un réseau mystérieux et insaisissable de connexions occultes devient une extension illimitée des pouvoirs individuels. L’étrange sentiment que « rien n’est exactement ce qu’il y paraît » se transforme en une prise de conscience stimulante que « tout est lié ». Le monde de la théorie du complot se retourne sur lui-même, comme un gant. En s’abandonnant aux forces invisibles de l’univers pour mieux les dominer, le « Q Shaman » recouvre lui aussi le monde perdu de la liberté humaine.
    Un chaman aux pouvoirs étendus, qui restitue aux autres leur puissance d’agir : la folie des grandeurs est bien sûr un symptôme classique de la paranoïa de persécution. De ce point de vue, le chamanisme de Chansley est risible. Ses pitreries bruyantes et son accoutrement prétentieux sont aussi authentiques sur le plan culturel que les canaux vénitiens à Las Vegas. Ses expériences avec les psychotropes sont des trips privés sans lien aucun avec quelque tradition vivante que ce soit. Et pourtant, ce chamanisme de pacotille traduit quelque chose de fondamental quant aux théories du complot, quelque chose que les considérations psychologiques ou cognitives, pour ne pas parler des dissertations épistémologiques ou des théories de l’information, ne parviennent pas à saisir. Il vise à exorciser l’emprise paralysante des angoisses apocalyptiques et à restaurer la perspective d’un monde commun. Pour le dire autrement : il esquisse ce que De Martino a appelé une apocalypse culturelle.
    Le « Q Shaman » est le reflet de quelque chose qui traverse, voire définit QAnon et tous les mouvements contemporains qui capitalisent sur la pensée conspirationniste : en prenant de l’ampleur, les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et cherchent à transformer les sentiments apocalyptiques en composantes de base pour la construction de communautés alternatives, qu’elles soient culturelles ou politiques.
    Si le chamanisme a disparu ou se retrouve désormais réduit au rang de survivance archaïque, ce n’est pas le cas de l’expérience apocalyptique que les chamans cherchaient à canaliser. Pour De Martino, ce « drame existentiel » est susceptible se manifester dans les sociétés modernes, en particulier dans des situations de « souffrance et de dénuement », comme les guerres ou les famines, qui placent l’individu dans une situation de détresse insoutenable.
    Ces situations dans lesquelles la présence au monde ne va plus de soi ne sont plus marginales : le dérèglement climatique et son cortège d’extinctions, la destruction d’écosystèmes d’ampleur continentale, le déracinement de communautés entières fuyant les ravages de guerres sans fin ou la dégradation irréversible de leur habitat, une pandémie mondiale qui ravage les plus vulnérables, des inégalités sociales et économiques sans précédents qui font que, pour des millions de personnes, la fin du mois fait parfois figure de fin du monde.
    Jamais auparavant notre existence en tant qu’individus et en tant qu’espèce n’a semblé aussi précaire. Jamais notre monde n’a semblé aussi fragile. Notre capacité à nous projeter dans l’avenir s’est considérablement réduite. Même les exploits spatiaux, autrefois considérés comme des pas de géant pour l’humanité, ressemblent aujourd’hui à des exercices d’évacuation pour les cabines de première classe. Les capsules de sauvetage privées qui mettent des milliardaires en orbite n’annoncent aucun progrès : elles confirment seulement qu’il est minuit moins une.
    Pourtant, la vie continue comme si de rien n’était. On cherche en vain les ressources culturelles et politiques qui nous aideraient à percer les brumes apocalyptique du présent pour discerner la lueur d’un nouveau jour qui serait aussi un jour meilleur. Dans cette situation schizophrénique, la dissonance cognitive ne peut que devenir la norme—et ce qui est peut-être étonnant n’est pas tant la diffusion des théories du complot que le fait qu’elles ne soient pas plus répandues encore.
    Dans son analyse de la rumeur d’Orléans, Edgar Morin soulignait que l’un des facteurs permettant à des mythologies dangereuses de s’imposer à une ville entière était la « sous-politisation ». La prolifération des théories du complot reflète la pauvreté d’une culture politique qui n’a rien à offrir à des millions d’individus confrontés à la disparition de leur monde. Parce qu’elles sont une tentative désespérée et indigente de donner du sens à la dimension catastrophique du présent lorsque les ressources culturelles disponibles n’y suffisent plus, les théories du complot sont une excroissance directe de ce vide politique.
    Fin observateur, Morin s’en prenait également à « l’incapacité de l’intelligentsia à aborder ces problèmes ». Rien n’a changé : ce n’est que depuis une position privilégiée où la certitude de leur monde est acquise que les experts d’aujourd’hui peuvent considérer les théories du complot comme des déficiences cognitives à corriger, et rester sourds à la crise existentielle qu’elles expriment.
    Si la propagation des théories du complot nous préoccupe, nous devons nous rendre compte que le debunking est une distraction, un passe-temps pour fact-checkers et chiens de garde de l’information. Nous devons nous pencher sur le manque de vision politique dont se nourrit le complotisme, et dont les commissions gouvernementales censées le combattre ne sont que les cache-misère.
    La politique a fondamentalement à voir avec le temps, et elle échoue lorsqu’elle s’apparente à l’administration des derniers jours. Repousser à plus tard la fin du monde a toujours été la justification conservatrice du maintien de l’ordre et de la préservation du statu quo. Quant à l’accélérationnisme aveugle qui fait aujourd’hui figure d’alternative, il n’est en réalité qu’une stratégie différente au service des mêmes objectifs. La seule et véritable alternative consiste à retrouver une capacité politique, à jeter des ponts par-delà un présent cataclysmique, à reconstruire la vision d’un monde commun et d’un avenir inclusif pour tous ceux qui sont en train de perdre le leur.
    À défaut, les théories du complot continueront de prospérer et d’occuper la place qui était autrefois celle des idéologies. Il est déjà clair que les politiciens tentés de les exploiter jouent à l’apprenti sorcier, pour ne pas dire à l’apprenti chaman. Et comme chacun le sait, leur heure vient quand sonnent les douze coups de minuit.

    Nicolas Guilhot
    Historien, professeur d’histoire intellectuelle à l’Institut universitaire européen de Florence

    Traduit de l’anglais par Hélène Borraz

    #complotisme #théories_du_complot #Qanon #Edgar_Morin #debunking #démystification

    • #rumeur_d'Orléans

      Au lendemain de la rumeur, le sociologue Edgar Morin s’était rendu à Orléans avec plusieurs de ses collègues afin de comprendre l’origine et la diffusion de la théorie du complot. Publié à chaud, La Rumeur d’Orléans est le récit de cette enquête de terrain. A ma connaissance, aucune analyse du phénomène QAnon n’a fait référence à cet ouvrage, pourtant traduit en anglais dès 1971.

      À le relire aujourd’hui, on est frappé par deux choses : la relative stabilité dans le temps des schémas complotistes, et, à l’inverse, la transformation radicale de notre façon de les analyser. Ne pouvant en attribuer la responsabilité à l’information en ligne, Edgar Morin identifia des facteurs sociaux, économiques et culturels plutôt que des mécanismes cognitifs ou des logiques d’information.

      Il tenta de déchiffrer la panique morale à l’origine des rumeurs antisémites en relation avec l’évolution de la structure démographique de la ville, les nouvelles identités de genre, le rôle des femmes sur le marché du travail, les processus de modernisation économique qui perturbaient le tissu social et les codes moraux de la ville, ainsi qu’un lent processus de déclin qui voyait une ancienne capitale médiévale se transformer en grande banlieue parisienne. Pour le dire brièvement, Morin s’est efforcé de comprendre la situation historique dans laquelle un mythe avait resurgi, et non une erreur d’inférence ou une épistémologie boîteuse.

    • « L’être de l’homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme limite de sa liberté » , Jacques Lacan, journées psychiatriques de Bonneval, 1946.

      Un très grand merci, @sombre pour cet article. De quoi m’inciter à la lecture (trop retardée...) de la thèse de François Tosquelles, Le vécu de la fin du monde dans la folie. Le témoignage de Gérard de Nerval et de La fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles, de De Martino (auquel les textes de Wu Ming sur ces choses doivent tant).

      #vide_politique #anthropologie #apocalypses_culturelles #apocalypses_psychopathologiques #peur_apocalyptique #effondrement #psychopathologie #messianisme #millénarisme #Ernesto_De_Martino #QAnon

    • Et bien, disons que c’était mon cadeau pour la nouvelle année. :-))

      Je me plonge dès maintenant dans un long article de chez Cairn.info pour m’instruire sur l’aspect historique du #fact_checking et de ses méthodes d’investigation depuis son apparition aux États-Unis dans les années 1920.

    • bon, j’explicite rapido mon post précédent du coup. ce que je préfère de ce papier, c’est pas tant l’arrimage au raisonnement sociologique (Morin, et l’auteur), bien insuffisant à mes yeux (l’auteur le montre lui aussi lorsqu’il évoque la composition sociale hétérogène des QAnon) que l’analyse des enjeux subjectifs et politiques en tant que tels (le nouage psyche/angoisse/paranoïa et socius)

      La Fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles (extraits)
      https://journals.openedition.org/elh/605

    • En ce sens que l’analyse des théories du complot au crible de la sociologie ne serait que la partie émergée d’un processus qui prend forme dans l’interconnexion entre le « psychopathologique » type paranoïa et le parcours sociopolitique du sujet ?
      Une approche plus anthropologique en somme.

    • oui, ne pas en rester au raisonnement sociologique. histoire, socio, anthropo, rien n’est de trop, et trouver moyen d’explorer les subjectivités, sans psychologie.

      une société qui sépare en individus accroit l’impuissance, voilà une condition bien pathogène. les historiens le savent d’avoir observé, par exemple, la diminution du nombre de suicides lors de la Révolution française.

      autre temps, Nicolas Guilhot :

      Les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et transforment les sentiments apocalyptiques en composantes pour la construction de communautés alternatives.

      et il y a évidemment bien des communautés terribles :)

      comme en écho au " conspirer, c’est respirer ensemble" (avec des ffp2 !) que l’on pouvait entendre sur radio Alice à Bologne en 1977, avant l’arrivée des chars dans la ville (ce fut seule intervention militaire de ce type en europe occidentale), un livre à paraître

      Manifeste conspirationniste, Anonyme
      https://www.leslibraires.fr/livre/20145297-manifeste-conspirationniste-anonyme-seuil

      Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.

      On peut bien s’épuiser à tenter d’expliquer aux « pauvres en esprit » pourquoi ils se trompent, pourquoi les choses sont compliquées, pourquoi il est immoral de penser ceci ou cela, bref : à les évangéliser encore et toujours. Les médias peuvent bien éructer d’anathèmes. C’est le plus généralement sans effet, et parfois contre-productif.

      La vérité est qu’il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l’ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’œuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l’enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l’accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême-droite.

  • En attendant Covid.

    Je ne sais pas si on est nombreux dans ce cas, mais c’est vraiment un sentiment lunaire cette rentrée : on se retrouve à attendre la contamination de la famille, annoncée comme inéluctable par nos élites, parce que nous avons trois enfants scolarisés, alors que nous avons pris toutes les précautions depuis deux ans, (évidemment) profité du fait que nous travaillons à la maison, et qu’en deux ans nous y avons échappé. Après deux semaines de vacances encore une fois très restreintes, pas de bamboche, les sorties des enfants uniquement en extérieur, quasiment aucune activité ludique en ville, aucun repas au restaurant, une fois de plus on n’a pas vu mes parents… Et là, il faut remettre les enfants dans le cloaque, avec le choix très clair des autorités de laisser se contaminer, en allégeant (encore) les protocoles au motif (pas du tout contradictoire) que ce variant est encore plus contagieux. Genre on vient de faire gaffe en famille, proches de l’autoconfinement, pendant les deux semaines des fêtes de fin d’année, et le tout dernier jour on a les ministres de la santé et de l’éducation qui viennent expliquer qu’en fait c’était pas la peine : lundi on allège tout et on laisse les gamins se contaminer en masse.

    Je me demande ce qui peut bien se passer dans la tête des gens immunodéprimés, à risque, en chimio, etc., qui ont des enfants qu’ils sont bien obligés d’expédier à l’école. Je suppose que c’était déjà très pénible avant : tu peux grosso modo réduire les risques partout dans ta vie quotidienne, mais absolument pas contrôler l’école, et tu sais que depuis le premier confinement c’est n’importe quoi. Et là, cette rentrée, tu vois bien que c’est pire, et que face à un variant ultra-contagieux, la réponse du ministre de la santé c’est de fanfaronner que de toute façon tout le monde va le choper, et que si ça se trouve c’est une chance…

    • Je suspecte aussi qu’il y a une fois de plus une politique dictée par le fait que le gouvernement préfère écouter les tarés anti-tout et les hurleurs débilitants de CNews.

      Parce que j’ai deux petits non vaccinés, et enfin je vais pouvoir les faire vacciner. On aurait pu faire le choix de renforcer les protocoles ces deux prochains mois, se faire chier un peu, histoire de protéger les petits jusqu’aux prochaines vacances (et, au travers eux, leurs familles). Histoire qu’au moins les gens qui veulent faire vacciner leurs enfants scolarisés aient le temps de le faire.

      Au contraire, on a décidé de se mettre des semaines de retard sur la vaccination des enfants, et on ouvre les vannes de la circulation du virus dans les écoles avant même qu’on ait le temps de vacciner les gamins.

    • pour réduire les risques, on zappe la cantine cette semaine et on tente le masque blindé de @monolecte pour la classe, même si elle est pas encore en CP... et inch’allah le plus vite possible un vaccin... C’est infect ce qui se passe là.

    • Le droit de retrait éventuellement c’est pour les enseignants si la solidarité entre eux permet de se protéger du courroux du ministre.

      Mais pour les parents, tout seul, c’est pas faisable (outre le fait que la scolarité est obligatoire). On ne peut pas arrêter de travailler pour s’occuper de deux petits et une pré-ado à la maison. Et il n’y a pas non plus d’alternative, du coup, pour que la grande continue l’école en distanciel – c’est déjà pas la joie quand la classe est officiellement fermée, mais évidemment si tu la retires de l’école toi-même, ben c’est le néant.

    • J’ai des ados vaccinés qui vont au lycée, et je ne suis pas plus rassuré en fait. Réduire les durées d’isolement des cas contacts aura forcément pour impact une augmentation du nombre de cas. Je reformule : des personnes qui n’auraient pas eu le Covid avec les règles précédentes d’isolement l’auront avec les nouvelles règles.

    • Vu l’état de la population générale et des 20-30 ans, on a décidé de dire que le Minilecte est cas contact… ce qui est à peu près vrai puisqu’elle a voulu absolument voir ses amis le 1er (et zapper mon annif en passant), donc on va tester mercredi matin au drive PCR (oui, j’ai trouvé un endroit avec des tentes dehors) et elle devrait être nég pour les partiels de vendredi, tout en étant à l’abri pour son annif demain.

    • ados vaccinés

      Et ici un sujet qui a disparu du débat public : est-ce que la baisse d’immunité plusieurs mois après deux doses est constatée aussi chez les adolescents ? Et donc pourquoi on n’a rigoureusement aucune information/discussion sur la dose de rappel (ni aucune possibilité de la faire) pour des adolescents qui, désormais, ont reçu leur deuxième dose il y a plus de 5 mois.

      – À 18 ans et 1 jour, tu as droit à ta dose de rappel après seulement 3 mois.
      – À 17 ans et 364 jours, tu n’as pas le droit du tout à une dose de rappel, même si tu as été vacciné·e il y a 5 mois.

      Donc qu’en est-il de l’efficacité de la vaccination des ados, qui n’ont pas le droit à la dose de rappel ? (Mystère et boule de gomme.)

    • @marielle, puisque tu es là, justement : je me souviens de notre échange, où à la fois tu défends la possibilité pour chacun de faire des choix qui le concernent (porter ou pas le masque, vaccin ou pas…), et tu décrivais ta façon à toi de prendre énormément de précautions (je crois que @rastapopoulos te faisait remarquer que, du coup, ça correspondait quasiment à un auto-confinement).

      Mais là, même pour des gens qui, comme moi, ont la possibilité de réduire drastiquement les contacts sociaux (je travaille chez moi, je ne dépends pas des transports en commun, on ne va pas au restaurant pendant une « vague », etc.), ce que je fais remarquer c’est que même si je fais le choix personnel d’être prudent (disons : un peu comme toi), en réalité je n’ai aucune liberté à partir du moment où j’ai trois jeunes enfants scolarisés, parce que les deux ministres responsables de ça font, eux, le choix quasiment explicite du Great Barrington.

      C’est-à-dire que pendant qu’on chouine et qu’on s’inquiète de la libertay libertay d’une minorité aux arguments très faiblement rationnels, en pratique toute la partie de la population qui a des enfants scolarisés, et qui voudrait continuer à être prudente, se voit interdire ce choix, quasiment du jour au lendemain, cela étant annoncé le dimanche qui précède la rentrée.

      Ça me ramène à un message que j’ai posté il y a plusieurs mois, dans lequel je faisais remarquer qu’on avait une lecture à sens unique de la liberté : on ne s’inquiète que de celle des gens qui ne veulent pas porter de masque, ne veulent pas se faire vacciner, et jamais de celle des gens qui portent leur masque, se font vacciner, et aimeraient avoir le droit de faire le choix de la prudence.

    • Ah mais je compatis entièrement ! @arno En ce moment être parents de jeunes enfants doit nécessiter une sacré force de caractère et beaucoup de courage face à ce pseudo protocole sanitaire annoncé la veille de la rentrée. Quand je pense que Blanquer ose sortir que s’il a attendu la veille pour annoncer son protocole fantôme, c’est pour « être au plus près de la réalité »...

      Mes enfants ont 25 et 23 ans encore étudiants dont l’une en 8ème année de Médecine à Toulouse et pour les vacances de Noël, le plus jeune vacciné étant cas contact même avec un PCR négatif nous avons tous portés nos masques FFP2 à l’intérieur pendant plusieurs jours, et ensuite autotest avant de partager le repas de Noël.

      Allez Bon courage à tous les jeunes parents ! On va se dire que tout ça ne va pas durer... :))

  • « Le mot “woke” a été transformé en instrument d’occultation des discriminations raciales », Alain Policar, sociologue au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Dernier livre paru : L’universalisme en procès (Le Bord de l’eau, 160p.).

    Pour le sociologue Alain Policar, le « wokisme » désigne désormais péjorativement ceux qui sont engagés dans des courants politiques qui se réclament pourtant de l’approfondissement des principes démocratiques.

    Tribune. Faut-il rompre avec le principe de « colorblindness » (d’« indifférence à la couleur ») au fondement de l’égalitarisme libéral ? Ce principe, rappelons-le, accompagne la philosophie individualiste et contractualiste à laquelle adhèrent les démocraties. Or, en prenant en considération des pratiques par lesquelles des catégories, fondées sur des étiquettes « raciales », subsistent dans les sociétés postcolonialistes, on affirme l’existence d’un ordre politico-juridique au sein duquel la « race » reste un principe de vision et de division du monde social.

    Comme l’écrit Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, « la République a un problème avec le corps des individus, elle ne sait que faire de ces différences physiques, de ces couleurs multiples, de ces orientations diverses, parce qu’elle a affirmé que pour traiter chacun et chacune également, elle devait être aveugle » (Le Monde du 7 avril).

    Une opération idéologique d’appropriation

    Dès lors, ignorer cette réalité, rester indifférent à la couleur, n’est-ce pas consentir à la perpétuation des injustices ? C’est ce consentement qui s’exprime dans l’opération idéologique d’appropriation d’un mot, « woke », pour le transformer en instrument d’occultation de la réalité des discriminations fondées sur la couleur de peau. Désormais le wokisme désigne péjorativement ceux qui sont engagés dans les luttes antiracistes, féministes, LGBT ou même écologistes. Il ne se caractérise pas par son contenu, mais par sa fonction, à savoir, selon un article récent de l’agrégé de philosophie Valentin Denis sur le site AOC, « stigmatiser des courants politiques souvent incommensurables tout en évitant de se demander ce qu’ils ont à dire ». Ces courants politiques, pourtant, ne réclament-ils pas en définitive l’approfondissement des principes démocratiques ?

    Parmi les moyens de cet approfondissement, l’« affirmative action » (« action compensatoire »), en tant qu’expression d’une justice corrective fondée sur la reconnaissance des torts subis par le passé et, bien souvent, qui restent encore vifs dans le présent, est suspectée de substituer le multiculturalisme normatif au modèle républicain d’intégration. Ces mesures correctives seraient, lit-on souvent, une remise en cause radicale du mérite individuel. Mais cet argument est extrêmement faible : est-il cohérent d’invoquer la justice sociale (dont les antiwoke disent se préoccuper) et, en même temps, de valoriser le mérite ? L’appréciation de celui-ci n’est-elle pas liée à l’utilité sociale accordée à un ensemble de performances dont la réalisation dépend d’atouts (en particulier, un milieu familial favorable) distribués de façon moralement arbitraire ? La justice sociale exige, en réalité, que ce qui dépend des circonstances, et non des choix, soit compensé.

    Du racisme sans racistes

    Percevoir et dénoncer les mécanismes qui maintiennent les hiérarchies héritées de l’ordre colonial constitue l’étape nécessaire à la reconnaissance du lien entre cet ordre et la persistance d’un racisme quotidien. Il est important (même si le concept de « racisme systémique », appliqué à nos sociétés contemporaines, est décrit comme une « fable » par certains auteurs, égarés par les passions idéologiques qu’ils dénoncent chez leurs adversaires), d’admettre l’idée que, même si les agents sont dépourvus de préjugés racistes, la discrimination fonctionne. En quelque sorte, on peut avoir du racisme sans racistes, comme l’a montré Eduardo Bonilla-Silva dans son livre de 2003, Racism without Racists [Rowman & Littlefield Publishers, non traduit]. Cet auteur avait, en 1997, publié un article canonique sur le racisme institutionnel dans lequel il rejetait, en se réclamant du psychiatre et essayiste Frantz Fanon [1925-1961], les approches du racisme « comme une bizarrerie mentale, comme une faille psychologique ».

    En fait, les institutions peuvent être racialement oppressives, même sans qu’aucun individu ou aucun groupe ne puisse être tenu pour responsable du tort subi. Cette importante idée avait déjà été exprimée par William E. B. Du Bois dans Pénombre de l’aube. Essai d’autobiographie d’un concept de race (1940, traduit chez Vendémiaire, 2020), ouvrage dans lequel il décrivait le racisme comme un ordre structurel, intériorisé par les individus, et ne dépendant pas seulement de la mauvaise volonté de quelques-uns. On a pu reprocher à ces analyses d’essentialiser les Blancs, de leur attribuer une sorte de racisme ontologique, alors qu’elles mettent à jour les préjugés produits par l’ignorance ou le déni historique.

    On comprend, par conséquent, qu’il est essentiel de ne pas confondre d’une part, l’expression des émotions, de la colère, du ressentiment, et, d’autre part, les discriminations, par exemple à l’embauche ou au logement, lesquelles sont le reflet de pratiques structurelles concrètes. Le racisme est avant tout un rapport social, un système de domination qui s’exerce sur des groupes racisés par le groupe racisant. Il doit être appréhendé du point de vue de ses effets sur l’ensemble de la société, et non seulement à travers ses expressions les plus violentes.

    Alexis de Tocqueville avait parfaitement décrit cette réalité [dans De la démocratie en Amérique, 1835 et 1840] en évoquant la nécessaire destruction, une fois l’esclavage aboli, de trois préjugés, qu’il disait être « bien plus insaisissables et plus tenaces que lui : le préjugé du maître, le préjugé de race, et enfin le préjugé du blanc ». Et il ajoutait : « J’aperçois l’esclavage qui recule ; le préjugé qu’il a fait naître est immobile. » Ce préjugé de race était, écrivait-il encore, « plus fort dans les États qui ont aboli l’esclavage que dans ceux où il existe encore, et nulle part il ne se montre aussi intolérant que dans les Etats où la servitude a toujours été inconnue ». Tocqueville serait-il un militant woke ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/28/alain-policar-le-mot-woke-a-ete-transforme-en-instrument-d-occultation-des-d

    #racisme #antiracisme #colorblindness #woke #wokisme #racisme_sans_racistes

  • فرنسا تُواجه فرحة الجزائريين بالقنابل والضرب المُبرح والاعتقال.. الجزائريون أصرّوا على الاحتفال بفوزهم بكأس العرب والشرطة الفرنسيّة تمنع تجمّعاتهم وتنزع العلم الجزائري وتُصادره والحجّة مُواجهة تفشّي “كورونا” فهل أظهرت باريس حقدها الدفين؟ | رأي اليوم
    https://www.raialyoum.com/%d9%81%d8%b1%d9%86%d8%b3%d8%a7-%d8%aa%d9%8f%d9%88%d8%a7%d8%ac%d9%87-%d9%8

    Juste pour le plaisir de ce titre qui donne le ton d’une bonne partie de l’opinion arabe ! Au passage, les Algériens (et les Tunisiens, battus en finale) ont largement brandi aussi le drapeau palestinien, l’entraineur algérien dédiant la victoire de son équipe au peuple palestinien...

    "La France affronte la joie des Algériens avec des grenades, des passages à tabac et des arrestations. Les Algériens ont voulu fêter leur victoire à la Coupe interarabe mais la police française leur interdit de se rassembler et saisit leurs drapeaux sous prétexte du Coronavirus. Paris a-t-il donc montré sa haine cachée ?"

    #france #monde_arabe #foot

  • Laélia Véron sur twitter concernant l’#écriture_inclusive :

    (ça date de 2017, je mets ici pour archivage)

    Point sur l’#EcritureInclusive : que chaque personne puisse se faire son avis mais en connaissance de cause, pas se basant sur des intoxs.
    D’abord la question de la féminisation ou l’écriture inclusive n’est pas un délire contemporain contre un "bon vieux français" éternel
    Plutôt que de parler de féminisation on devrait parler de #dé-masculinisation, contre une #masculinisation de la langue (XVIIe-XIXe siècle)
    Non, "autrice" n’est pas une invention, c’était un mot usité jusqu’à que certains décident que la littérature est une affaire d’hommes
    Notre système actuel (le masculin qui l’emporte sur le féminin, le mythe d’un masculin neutre et universel) a mis du temps à s’imposer
    Il y a eu plusieurs étapes de masculinisation du français, étapes fondées sur des raisons non pas linguistiques mais politiques et sexistes
    A l’époque, ces décisions ont été très contestées, Sévigné trouvait que c’était n’importe quoi et se refusait d’écrire ainsi
    La fameuse règle "le masculin l’emporte sur le féminin" (absurde et profondément sexiste) n’a pas toujours existé
    Elle a pendant longtemps été en concurrence avec la règle de la proximité, qui veut qu’on accorde avec l’élément le plus proche
    Qu’est-ce qui vous paraît le plus logique, "Jean et 50 000 filles sont partis" ou "Jean et 50 000 filles sont parties" ?
    Racine employait souvent la règle de la proximité. Est-ce à dire c’était un féministe hystérique déconstructiviste de notre beau français ?
    Racine et l’#EcritureInclusive règle de proximité : « Armez-vous d’un courage et d’une foi nouvelle » (Athalie) (et pas "nouveaux")
    D’autres exs : « Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête » (Iphigénie) « Mon repos, mon bonheur semblait être affermi » (Phèdre)
    Encore un exemple : « Surtout j’ai cru devoir aux larmes aux prières / consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières » (Athalie)
    La règle de la proximité existe dans d’autres langues romanes, comme le portugais ou l’espagnol. Cela n’a pas créé de "péril mortel".
    L’évolution historique peut être régressive : il y avait bien plus de mots féminisés, par exemple pour les métiers, à la Renaissance
    Réponse à une autre intox:l’#EcritureInclusive ne veut pas dire une multitude de . ou de tirets illisibles, qui s’appliquent à tous les mots
    L’écriture inclusive désigne des choix divers, qu’on peut adapter différemment suivant les situations, les publics, etc.
    On peut juste faire attention à employer des mots ou des tournures épicènes ou qui ne marquent pas le genre :"élèves" "personnes", etc.
    On peut facilement à l’oral veiller à dire "à toutes et à tous" (plutôt que "à tous"), c’est juste une habitude à prendre
    On peut revendiquer de féminiser certains noms de métiers : professeure, autrice (ou auteure), députée, écrivaine, etc...
    Pour les personnes qui trouvent ça "moche" : souvent c’est une simple question d’habitude. "Directrice" ne choque plus personne...
    "étudiante" ne vous scandalise plus. Alors que quand certaines l’ont revendiqué, le mot a fait scandale !
    Enfin, on peut employer des tirets/points : par exemple "les étudiant.e.s" à l’écrit, "les étudiants et les étudiantes" à l’oral
    Il y a beaucoup d’intoxs à ce sujet (par exemple le faux texte du Corbeau et du Renard, réécrit -personne ne prétend réécrire les textes-..)
    Cette proposition ne s’appliquerait pas à tous les mots ! On ne revient pas sur "la chaise" ou "le bureau", aux mots inanimés, abstraits...
    Elle s’appliquerait aux mots qui désignent des référents humains, par exemple "les étudiant.e.s" pour un groupe d’étudiantes et étudiantsSi vous lisez certains articles qui appliquent cette proposition, vous verrez qu’elle s’applique à peu de cas et ne défigure pas le texte
    Pour les personnes qui pensent que c’est moche, illisible, c’est votre droit mais sachez qu’on a pensé ça à chaque évolution de la langue...
    Par exemple, en phonétique, la prononciation "esthétique"du mot "roi" c’était [rwé], c’était la populace qui disait [rwa] (comme on le fait)
    Sincèrement, ça vous donne envie de redire [rwé] ?
    Molière : "Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie ; Il faut bien le payer de la même monnaie". Joie = [jwé]
    N’oublions pas que les évolutions linguistiques sont lentes. Ce qui semble impensable ne le sera sans doute pas pour les générations futures
    Les masculinistes ont mis des siècles à imposer "le masculin l’emporte sur le féminin", normal que l’#EcritureInclusive prenne du temps !
    Contre-intoxs : il ne s’agit pas de réécrire les textes passés + il ne s’agit pas de sanctionner, par ex à l’école, les règles actuelles
    Quand il y a une réforme ou une évolution, généralement il y a une (longue) période de tolérance où on accepte des variations.
    Une objection intéressante : cette proposition viserait à sexualiser les personnes, à faire une différenciation nette hommes/femmes
    et serait donc en contradiction avec des initiatives non genrées. C’est vrai, je pense qu’il serait intéressant d’envisager un "vrai" neutre
    Mais pas un faux neutre masculin, qui n’est qu’une arnaque pour dire que l’homme représente l’universel. La société évolue, la langue aussi.
    Autre objection : il y a +important, on s’en fout de ces histoires-là. Ce n’est pas parce qu’il y a plus important que ce n’est pas important
    J’ai peine à croire qu’on répète à des petites filles "le masculin l’emporte sur le féminin"et qu’elles limitent ça à une règle de grammaire
    Rien ne nous empêche de réfléchir à ces propositions d’écriture inclusive, tout en nous intéressant à autre chose,en menant d’autres combats
    Autre objection : c’est un délire de bourge qui n’intéresse pas les classes populaires et va juste leur compliquer la vie.
    D’abord, spontanément les enfants vont plutôt appliquer la règle de proximité et dire "la juge" (et accorder au féminin) que masculiniser
    Normal c’est plus logique :)
    Les personnes qui s’élèvent contre l’écriture inclusive au nom des classes populaires ne veulent pas simplifier l’orthographe
    Pourtant l’orthographe en français a été construite pour des raisons élitistes, pour qu’elle ne soit pas accessible à toutes et à tous.
    On a choisi les variantes les plus éloignées de l’écriture « des ignorants et des simples femmes », qui avaient très peu accès à l’éducation
    Parmi les différentes variantes orthographiques, l’Académie a toujours choisi la +difficile parce que +élitiste (pas la +logique)
    Donc, il faudrait faire preuve de cohérence. On veut bien la complexité quand on veut être snob, pas quand il s’agit des femmes...
    Ce qui compte pour que les classes populaires maîtrisent la langue, c’est un accès à l’éducation et à la culture égal pour toutes et tous.
    Ce n’est pas une histoire de féminisation ou non de la langue.
    Enfin, quand on voit la violence des réactions que le simple ajout d’un "e" peut susciter, on se dit que, si, c’est important d’y réfléchir.
    Une source rapide et quasi exhaustive, cet article du Monde (en 2012) par A. Chemin : https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/01/14/genre-le-desaccord_1629145_3246.html
    L’entretien de M. Candea pour @RevueBallast : https://www.revue-ballast.fr/maria-candea-langage-politique ; à peu près tout E. Viennot : https://www.editions-ixe.fr/content/non-masculin-ne-lemporte-pas-feminin
    + le très bon livre de M. Candea, Y. Chevalier, S. Duverger, A.-M. Houdebine sous la direction de E. Viennot : https://www.editions-ixe.fr/catalogue/lacademie-contre-la-langue-francaise

    https://twitter.com/Laelia_Ve/status/924630632545832960

  • Le seul article qui ne soit pas bêtement rassuriste

    Omicron : l’alarmante mise en garde des épidémiologistes britanniques
    https://www.letemps.ch/sciences/omicron-lalarmante-mise-garde-epidemiologistes-britanniques

    Les chiffres donnent le tournis. « Il est hautement probable qu’il y aura entre 1000 et 2000 admissions hospitalières par jour en Angleterre d’ici la fin de l’année », peut-on lire. Et les experts de souligner que « beaucoup de ces hospitalisations sont déjà « dans les tuyaux » du fait du décalage entre les infections, le début des symptômes et le recours ultérieur aux soins de santé ».

    [...]

    Ils estiment que, si de nouvelles restrictions ne sont pas rapidement mises en place, le nombre d’hospitalisations pourrait atteindre 3000 à 10 000 par jour au moment des pics (avec 600 à 6000 morts par jour)

    [...]

    si des mesures restrictives devaient être mises en place seulement après avoir observé une augmentation notable des admissions à l’hôpital, il serait trop tard pour diminuer matériellement les pics d’hospitalisation ».

    Le professeur Enrique Casalino, directeur médical à l’AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris), ne dit pas autre chose : « il ne faut pas attendre que le système de soins soit saturé avant de prendre des décisions, d’autant que le temps d’inertie est long entre la mise en place de mesures et le début de leur impact » et de saluer la décision des Pays-Bas de rapidement confiner sa population qu’il juge « très courageuse ».

    [...]

    Selon les experts britanniques, le nombre des formes modérées de Covid-19 devrait augmenter. Cela se traduira par des absences dans les entreprises et les écoles, mais également par des arrêts de travail parmi le personnel hospitalier, que ces personnes soient obligées de s’arrêter de travailler du fait d’une infection symptomatique ou parce que détectées positives pour le SARS-CoV-2. Ce risque élevé de perturbations dans le fonctionnement d’infrastructures critiques (dont les télécommunications et l’approvisionnement en énergie) a également été exprimé par Expertenrat Corona, le conseil d’experts du gouvernement allemand.

  • Mise à jour CRITIQUE de sécurité : sortie de SPIP 4.0.1 et SPIP (...) - SPIP Blog
    https://blog.spip.net/SPIP-4-0-1_SPIP-3-1-12.html

    Des failles de sécurité nous ont été signalées sur la branche 4.0, elles permettent des injections SQL, de l’exécution de code à distance, ainsi que quelques XSS. Merci à Charles Fol et Théo Gordyjan pour ces multiples signalements ! La version SPIP 4.0.1 corrige toutes ces failles.

    Nous sortons aussi une version SPIP 3.2.12 qui corrige ces failles pour la branche 3.2.

    Il est impératif de mettre à jour votre site SPIP dès que possible.

    #spip

    • Alors un changement de centième de numéro de version (4.0.1) présenté comme un fix de sécurité à appliquer d’urgence, qui me pète l’intégralité du site sans prévenir, impose de reprendre tous les squelettes au milieu de l’après-midi, et désormais laisse l’interface privée totalement en vrac (les listes d’articles ont leur colonne « Auteur » totalement impraticable, et le bandeau « Actuellement en ligne » fait 20 kilomètres), je vois pas comment c’est possible.

      (Pour info : le site en question est en 5 langues, dont l’arabe et le farsi. Tous les noms des auteurs existent donc en 3 versions, et c’est pas comme si c’était un choix saugrenu de notre part : c’est juste que ça n’aurait pas de sens d’écrire en caractères latins le nom de l’auteur d’un article publié en arabe ou en farsi.)

    • Alors un changement de centième de numéro de version (4.0.1) présenté comme un fix de sécurité à appliquer d’urgence, qui me pète l’intégralité du site sans prévenir, impose de reprendre tous les squelettes au milieu de l’après-midi...

      Vraiment désolé, on a pourtant fait tout pour ne pas envoyer l’annonce vendredi soir histoire de ne pas pourrir le we des gens, et je mentionnerai pas le travail de l’équipe sur la résolution de toutes ces failles...

      Pour ton problème, tu dois pouvoir le résoudre en appliquant extraire_multi de manière globale à la balise #NOM des boucles auteurs, cf https://programmer.spip.net/Traitements-automatiques-des

    • Et je suis censé mettre ça où ?

      Je suppose que ce serait quelque chose comme :

      $table_des_traitements['NOM']['auteurs'] = 'extraire_multi(%s)';
      $table_des_traitements['LESAUTEURS']['auteurs'] = 'extraire_multi(%s)';

      Mais ça ne fonctionne pas si je le mets simplement dans mes_options.php

    • En gardant la sécu de safehtml après non ?

      Je trouve aussi que c’est une grosse cassure : SPIP est multilingue de base, ya aucune raison que le nom des auteurs ne puissent pas être traduit tout comme le nom du site ou le titre des rubriques (donc en multi pour tout ça).

      Je trouve donc un peu dur de dire que c’est « son » problème comme si c’était un cas rare issu d’un hack et donc à contourner chacun dans son coin (ce qui est la réponse de cédric dans le ticket aussi). Il me semblait à l’inverse que c’était une fonctionnalité de base de l’utilisation première de SPIP : les sites de magazine/presse/journal, donc avec très souvent un jour ou l’autre des auteurs devant être traduits (c’est d’ailleurs même le cas sur notre Contrib avec l’auteur « L’équipe de SPIP »).

    • @arno comme ça me turlupinait j’y ai passé du temps ce matin (même si j’étais chagriné par ta réaction), et donc avec ça dans mes_fonctions.php ça fonctionne de nouveau (mais ça t’expose à une faille) :

      include_spip('public/interfaces');
      global $table_des_traitements;
      $table_des_traitements['NOM']['spip_auteurs'] = 'safehtml('. _TRAITEMENT_TYPO_SANS_NUMERO.')';

      Plan B, depuis mes_options.php :

      $GLOBALS['spip_pipeline']['declarer_tables_interfaces'] .= "|multi_nom";

      function multi_nom($flux) {
         $flux['table_des_traitements']['NOM']['spip_auteurs'] = 'safehtml('. _TRAITEMENT_TYPO_SANS_NUMERO.')';
              return $flux;
      }

      cf https://git.spip.net/spip/spip/pulls/4970

    • Bé comment ça si ya pas mieux ? C’est pas possible faire safehtml(extraire_multi(%s)) comme je demandais hier ?

      La sécurité vient du safehtml() permanent qui a été ajouté, donc pourquoi il peut pas rester en place avec le extraire_multi dedans, pourquoi ça serait un remplacement que l’un ou que l’autre ?

      Mais surtout ça devrait être au core de le faire pour ne pas casser le multilinguisme des gens, pas à chacun dans son coin… (mais déjà on peut tester ça chez soi pour voir)

  • La justice britannique autorise l’extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/police-justice/la-justice-britannique-autorise-lextradition-de-julian-assange-vers-les-e

    La justice britannique a décidé ce vendredi d’annuler en appel le refus d’extrader Julian Assange vers les Etats-Unis.

    La justice américaine veut le juger sur son sol pour la fuite massive de documents confidentiels via ses Wikileaks. Il risque 175 ans de prison

  • Bois hors de prix ou introuvable : la scierie Foulon, à Lumbres, met la clé sous la porte !
    https://www.lavoixdunord.fr/1101000/article/2021-11-18/bois-hors-de-prix-ou-introuvable-la-scierie-foulon-lumbres-met-la-cle-s

    Un gâchis. Le 31 décembre, Francis, Florent et Fabrice Foulon mettront un terme à 111 ans d’histoire dédiée au bois. La filière, qui a perdu les pédales, a mis fin aux illusions de la famille Foulon, sans perspective de développement à Lumbres. Une décision imputable à plusieurs difficultés.

    Une filière qui a perdu la tête
    « Au niveau de la production, c’est devenu compliqué d’avoir des grumes, relève Fabrice Foulon, 35 ans, qui gère l’entreprise avec son frère Florent, 41 ans. Il est devenu plus facile de trouver de l’iroko du Cameroun que du douglas de la forêt de Boulogne.  »

    derrière barrière de péage, mais circule sur FB l’argumentaire de la scierie :

    On explique tout !
    Cela fait pile un mois que la fin d’activité a été annoncée. Nous avons reçu des centaines de messages de votre part et nous vous en remercions sincèrement.

    Quasi systématiquement, il nous a été demandé les raisons de cet arrêt. On en parle plus en dessous, ce sera l’occasion de faire un (triste) bilan du secteur bois en France 🧐

    Tout d’abord, comme indiqué en Novembre, tout va bien pour nous 🙂 Il ne s’agit pas d’une faillite, personne n’est malade. Tout va bien de ce coté. Au contraire, c’est durant ces 5 dernières années que la scierie a investi le plus, que ce soit en matériel, ou en termes de stock (et oui, quand on fait rentrer des gros volumes de zebrano, il ne faut pas trembler quand on signe le bon de commande 😃)

    Les raisons sont plutôt à chercher ailleurs. Si nous étions amenés à continuer en 2022, nous n’aurions déjà pas grand chose à vendre et de deux, les risques d’attraper une « mauvaise surprise » auraient été élevés
    Pour rappel, nous avons la double casquette de producteur et de négociant, c’est à dire que nous scions nous-mêmes nos arbres, mais nous achetons aussi du bois « semi travaillé », généralement dans des essences bien spécifiques que l’on ne trouve pas localement 🌳🌲

    Et l’on attaque à la raison principale du problème : on ne trouve plus de matières premières ! Nous ne sommes certes pas dans
    une région énormément boisée, mais il y’a largement de quoi faire fonctionner des dizaines de scieries comme la notre, tout en gardant
    une gestion durable des ressources. Le hic, c’est que l’immense majorité des bois français s’en vont à l’étranger. USA ou Chine, au choix. Dans les Hauts de France, c’est plutôt nos amis Chinois qui raflent la mise.

    Vous voulez rigoler ? La Chine a justement décrété un moratoire sur l’abattage des arbres pendant 99 ans. Pendant quasiment un siècle,
    les Chinois n’exploiteront pas leurs forêts. Inutile de préciser que cela ne s’applique aux forêts des autres pays.... 😏 On ne vise personne en particulier, les USA ne sont guère mieux, avec des méthodes d’achat pour le moins, agressives 👊

    D’autant plus ironique quand on sait que notre scierie, comme la plupart des acteurs de la filière, ont financé pendant des décennies le Fond Forestier National, une contribution financière destinée au … reboisement et à l’entretien des forêts nationales. En résumé, on nous a taxé pour avoir de belles forêts, qui sont maintenant revendues à l’étranger. Le rôle de l’Etat est clairement pointé, puisque les scieries de taille « intermédiaire » sont ignorées. Les seuls lots proposés sont généralement des frênes malades ou des épicéas scolytés. Inutilisable en scierie, destinés au bois de chauffage. C’est sympa d’avoir pensé à nous 🤬

    Les critères d’attribution des lots sont le pour moins opaques. On en arrive à un point où il est plus facile pour nous de trouver de l’iroko du Cameroun, que du douglas des Hauts de France...

    C’est une situation que nous dénonçons depuis près de 20 ans, mais qui s’est furieusement accentuée après le déconfinement. C’est surement cela le « monde d’après » 🤥

    La partie Négoce n’est pas mieux lotie. Nous travaillions essentiellement avec la Scandinavie pour le Sapin Rouge du Nord, pour ses qualités naturelles et de longévité sans équivalent. Sur cette essence, et comme sur d’autres (coucou le Mélèze 🙂 ), les prix ont explosé depuis un an. On ne parle pas de petite augmentation, mais bien d’explosion. Sur certains sections, le coût a quasiment triplé. Le tout avec des délais en forte hausse, et surtout une qualité qui n’a jamais été aussi mauvaise. La demande étant tellement forte que le processus de séchage des bois est bâclé ! Les planches restent moins longtemps, et dans des séchoirs à trop haute température. Il en résulte des bois cassants, tordus, nerveux. Du jamais vu ! On en arrive à un point où acheter du Sapin Rouge revient à jouer au trader : il faut acheter en aveugle, sans avoir aucune idée de la date de livraison, et avec des qualités totalement aléatoires. Qui veut jouer à la roulette russe ? 🤦‍♂️

    Le tout dans un contexte économique épouvantable. Il y’a certes du boulot, mais la plupart des entreprises se sont endettées pour
    continuer à avoir de la marchandises, tout en devant réduire ses marges. En devant rembourser les charges sociales non prélevées, et toujours avec une menace sanitaire qui n’est jamais loin 💊💉 La plupart des fédérations de commerce annoncent de la casse pour 2022

    Vous avez maintenant conscience du contexte général. On résume ? Vous n’avez plus de matières premières pour produire, des grosses difficultés pour trouver de la marchandise à revendre, et potentiellement vous aurez beaucoup d’impayés l’an prochain. Que souhaitez vous faire dans ce cas précis ? C’est vite vu 🛑❌

    Agir de la sorte nous permet de nous « retirer » de cette course folle qui n’a ni queue ni tête, tout en préservant nos intérêts : nous
    restons maitre de nos futurs choix. Pour revenir dans le futur ? Pourquoi pas, c’est une possibilité à laquelle nous travaillons fortement

    Si vous suivez cette page depuis un moment, vous connaissez la passion qui nous habite. Nous restons persuadés qu’il est possible de proposer du bois de qualité, hors de la grande distribution et de ses bois traités. Qu’il est possible de trouver des essences extraordinaires, tout en continuant de valoriser les bois locaux. A vrai dire les idées ne manquent pas 💡

    Reste quelques questions en suspens :
    –Faut-il garder le même emplacement ?
    –Où trouver de la matière ?
    –Quand le marché se calmera ?

    Il serait suicidaire de reprendre dans 6 mois. Il faut une remise en question en cause profonde de la gestion des forêts en France, dans les niveaux les plus hauts de l’Etat. A l’heure des COP et des grands discours sur le climat, comment expliquer que nos arbres se font travailler à l’autre bout du monde (dans des conditions humaines précaires), avant de refaire le trajet inverse et de retrouver dans les rayons de grande surface avec une belle étiquette « Chêne d’origine Française » 🇫🇷🤔

    Vous savez maintenant tout. De ce qui nous a amené à prendre cette décision, jusqu’à nos plans hypothétiques pour le futur

  • Féminicides, suicides… les ravages des fusils de chasse
    https://reporterre.net/Feminicides-suicides-les-ravages-des-fusils-de-chasse

    Une fois la sortie en forêt terminée, les armes des chasseurs ne perdent pas leur dangerosité. Ces hommes, en majorité, peuvent les utiliser pour tuer leur femme ou se suicider. Reporterre a épluché la presse pour dresser le bilan 2020 et 2021 de ces morts.

    Alors que les blessés et les morts se multiplient, de plus en plus de voix s’élèvent dans la société civile pour restreindre la chasse. Celle-ci s’invite même dans les débats de la présidentielle [1]. Mais qu’en est-il des ravages causés par les armes des chasseurs une fois le gibier ramené à la maison ? « À Martigues, près de Marseille, un homme a tué sa femme avec un fusil avant de se suicider. » « Landes : trois corps découverts dans une habitation, les victimes tuées par une arme de chasse » « Il n’y a eu ni cri ni pleurs, juste la détonation : il tue sa femme à la carabine à Suresnes. » La presse quotidienne régionale est remplie de ces faits dits « divers », sans que l’on en saisisse l’ampleur.

    #féminicides #suicides #armes_à_feu #chasse

  • L’agenda Militant Indépendant - Agenda participatif des luttes et mouvements sociaux franciliens
    https://www.agendamilitant.org

    AMI est l’Agenda Militant Indépendant répertoriant les rendez-vous s’inscrivant dans les luttes : manifestations, rassemblements, piquets de grève mais aussi, s’ils ont une portée politique évidente : rencontres, débats, ateliers, lectures, concerts de soutien, projections... Les ambitions d’AMI : permettre de retrouver facilement les informations utiles pour les rediffuser ensuite sur les divers réseaux sociaux rester indépendant de tout parti politique, syndicat, institution, média public ou privé être collaboratif et favoriser les rendez-vous participatifs faciliter les rencontres entre individus et groupes de cultures politiques variées Source : Relevé sur le (...)

  • Ce que la géographie de la rougeole révèle de la résistance aux vaccins en France

    Lucie Guimier, docteure en géographie et analyste en géopolitique de la santé publique, a travaillé sur la territorialisation de l’épidémie de rougeole en France. Sa thèse, soutenue en 2016 sous la direction de Beatrice Giblin et de Jeanne-Marie Amat-Roze, a obtenu le prix 2017 de l’innovation de thèse de la Société de Géographie. Cette thèse porte sur l’inscription géographique de la résistance et de l’hésitation face à la vaccination. Revenant sur l’épidémie de rougeole de 2008 à 2011, elle analyse les pratiques vaccinales et les contextes socio-territoriaux dans lesquels elles prennent place. L’étude des représentations des différents acteurs (patients-citoyens, professionnels de santé, médias, experts et décideurs politiques) montre que la vaccination est devenue un enjeu de société.

    Comparant deux départements l’Ain et l’Ardèche, elle montre que la différence de couverture vaccinale repose sur différents éléments en interaction :
    – le rapport au pouvoir central qui apparaît dans le temps long de l’histoire ;
    – le profil démographique, en particulier la répartition des citadins et des ruraux ;
    – le choix des familles qui est déterminé par des croyances ou des sensibilités ;
    – le rapport au corps et à la santé également très liés aux appartenances et aux idéologies.

    En matière d’éducation comme dans le domaine de la santé et des vaccinations, les individus reproduisent les comportements du milieu auquel ils s’identifient. C’est ce que montre bien le travail de cartographie de Lucie Guimier. Dans une étude intitulée « La résistance aux vaccinations : d’un défi de santé publique à un enjeu de société », parue le 22 mars 2018 dans le Rapport 2016-2017 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), Lucie Guimier montre, carte à l’appui, la corrélation forte entre l’apparition de foyers de rougeole et l’implantation de pratiques identitaires, notamment le mouvement traditionnaliste catholique de la Fraternité Saint-Pie-X :

    Simple corrélation ou véritable lien de causalité ? C’est l’occasion de s’interroger sur ce qui distingue en cartographie la corrélation de l’association spatiale et de la causalité (voir sur ce point le cours de Claude Grasland). Le sérieux de cette étude ne fait ici aucun doute : il s’agit bien de causalité et non de corrélation fortuite. L’auteure s’est appuyée sur les Bulletins épidémiologiques hebdomadaires (BEH) et sur les informations des Cellules d’intervention en région (Cire). Elle a ainsi pu démontrer que l’épidémie s’est vraiment propagée à partir des écoles et des camps de vacances de la Fraternité Saint-Pie-X. Les sources sont donc bien identifiées. La carte en revanche laisse quelques imprécisions dans sa construction.

    Construite à l’échelle nationale, cette carte thématique superpose deux variables, l’une quantifiée avec précision, l’autre beaucoup moins. La première concerne le nombre de cas de rougeole (de 1 à 100) par zone postale en figurés proportionnels (en rouge). La deuxième se rapporte à la pénétration du mouvement Saint-Pie X par départements, représenté en aplats de couleur (en dégradé de bleu), sans indicateur statistique autre que « plusieurs lieux de culte ». On note que c’est la présence d’au moins un établissement scolaire appartenant à la congrégation qui permet de graduer le degré de pénétration (moyen ou fort), à l’exclusion de toute autre précision statistique. Le fait d’ouvrir des écoles confessionnelles peut constituer un révélateur de l’impact de cette congrégation dans la société. Mais ce choix n’est-il pas lié au fait que l’épidémie s’est répandue à partir de ces écoles ? La légende reste quelque peu imprécise sur ce point. Le titre, relativement neutre, invite à faire le lien entre les deux phénomènes étudiés. La preuve est surtout administrée par le fait qu’on n’observe pratiquement aucun cas de rougeole dans les départements où la présence du mouvement traditionnaliste est moyen ou absent.

    Pour information, le secteur de la santé publie énormément de statistiques en France, ce qui permet d’établir des cartes à partir de nombreux indicateurs :
    – la cartographie des pathologies et des dépenses sur le site Ameli (Assurance maladie en ligne)
    – la cartographie de l’offre de soin sur le site e-Santé
    – la cartographie des établissements de santé sur le site Data.gouv.fr
    – la cartographie de la santé sur le site de la DREES à compléter par la cartographie des déserts médicaux.

    Les acteurs intervenant dans le domaine de la santé étant nombreux, il peut être utile d’en avoir une cartographie : vous pouvez consulter la Cartographie des bases de données publiques en santé également sur le site de Data.gouv.fr

    https://cartonumerique.blogspot.com/2018/05/ce-que-la-geographie-de-la-rougeole.html

    #rougeole #vaccins #cartographie #visualisation #France #résistance_aux_vaccins #Lucie_Guimier #épidémie #couverture_vaccinale #géographie #géographie_de_la_santé

    • Approche géopolitique de la résistance aux vaccinations en France : le cas de l’épidémie de rougeole de 2008-2011

      Entre 2008 et 2011, plus de 22 000 cas de rougeole ont été signalés en France. Comment la résurgence de cette « maladie du passé » peut-elle s’expliquer ? Un vaccin efficace existe pour s’en prémunir, mais il apparaît que de plus en plus de Français se méfient de cette méthode jugée dangereuse, inutile et/ou contre-nature. La résistance et l’hésitation face aux vaccinations ont gagné de nombreux pays occidentaux. La territorialisation de récentes épidémies de rougeole en Europe et en France donne à voir les espaces de sous-vaccination, corrélés à l’implantation de populations réfractaires aux vaccins. Comprendre l’inscription géographique du vaccino-scepticisme implique donc de relier les pratiques vaccinales aux contextes socio-territoriaux dans lesquels elles prennent place. L’analyse multiscalaire proposée dans ce travail permet ainsi d’articuler les modalités locales du refus vaccinal avec une approche plus globale du système de santé. Enfin, l’étude des représentations des différents acteurs (patients-citoyens, professionnels de santé, médias, experts et décideurs politiques) montre que la politique vaccinale est devenue plus qu’un investissement de santé publique, un enjeu de société.

      http://www.theses.fr/2016PA080143

  • Deux ans d’épidémie et quelques constats :

    – le niveau de base des milieux alternatifs en matière de fonctionnement du corps humain sont pathétiques, bac -12000, un peu comme si il ne s’était rien passé depuis la théorie des humeurs,
    – Big Pharma est un problème, mais les vendeurs de molécules diluées et de vitamines inutiles à prix fort (sauf carences liées à une mauvaise/sous alimentation ou une maladie la supplémentation n’est pas nécessaire dans une société de surabondance), pas du tout, eux, ce sont des saints, pas des capitalistes du tout, ce sont des bienfaiteurs de l’humanité,
    – penser et lutter contre les défauts de notre époque, ce n’est pas se mobiliser pour l’accès au traitement pour les plus pauvres, ni en occident ni ailleurs, c’est diffuser des opinions personnelles non documentées sur le fonctionnement du système immunitaire, et se targuer de leur succès en milieu populaire - au sein desquelles pour différentes raisons sociales - l’épidémie fait un carnage,
    – à part dans certains milieux médicaux, où se mettent en place des groupes de travail incluant les patients/covid long et leur expertise, on a rien appris de la dernière épidémie mondiale toujours en cours, le sida, tant en terme de mobilisation que de pensée et d’action solidaire, de soutien aux malades longue durée et aux familles,
    – en Occident, on est toujours persuadé de notre supériorité vis à vis du reste du monde et on a toujours honte de rien, parce qu’on a tout (ie, des connaissances décédées en Algérie, qui auraient bien voulu être vaccinées, mais qui ne le pouvaient pas faute de stocks disponibles),
    – le covid, c’est les Autres (donc on s’en fout, non ? ),
    – les mobilisations à gauche sont pathétiques, individualistes (mon masque, ma liberté...) et peu pensées en terme de commun, de santé publique, de protection des plus vulnérables,
    – le covid, dans les médias c’est beaucoup de faux-débats auto-alimentés, et une maladie toujours sans visage, abstraite, des longues listes de chiffres,
    – plutôt que de faire des choses simples, maintenant qu’on connaît les modes de transmission du virus, on préfère les arsenaux techniques et la surenchère de surveillance informatisée, en grande partie parce que la prévention, c’est plus compliqué, c’est long, c’est cher de rendre des bâtiments ventilables, c’est pénible de faire que les gens se lavent les mains et mettent leur masque sur leur nez (après deux ans, c’est dingue),
    – les mesures indifférenciées, globales, qui ne sont pas ancrées dans des réseaux locaux, sans relais communautaires, ne marchent pas, on le sait (depuis... l’épidémie de VIH, mais j’ai l’impression de me répéter là) ... mais pourquoi tenter de mettre en place des trucs qui fonctionnent hein, ça serait vraiment dommage,
    – des médecins continuent à prescrire des antibiotiques pour lutter contre des virus, les études ça ne préserve pas de l’imbécilité,

    Bref, tout va toujours bien. Vive les milieux alternatifs, tellement indépendants, critiques et à contre-courant qu’ils en oublient qu’on a pas fait reculer la peste avec des éponges au vinaigre, ni des saignées.

    • C’est pas du mépris de regarder les choses en face et dire dans les milieux alternatifs on raconte absolument n’importe quoi sur le corps et la santé, sûrement encore plus qu’il y a 30 ans. Tout en disant dans le même texte que le solutionnisme technocratique n’a aucune raison de fonctionner et que ce qu’il faut c’est de l’éducation populaire et des mouvements experts+patients, qui font monter le savoir des deux côtés.

      Pensez-vous qu’il faut obliger les soignant.e.s à se faire vacciner, sans quoi ils perdent leur taff ?

      Bah… oui. La majorité des soignants le pense, et la majorité de la population le pense aussi. Qu’est-ce qu’il y a de compliqué à comprendre ? T’es soignant = tu t’occupes TOUTE la journée des personnes parmi les PLUS fragiles de la société : les malades, les vieux, etc. Donc tu te dois de faire toutes les actions qui réduisent la transmission d’un virus mortel chez ces personnes fragiles. Et c’est pas que telle action ou telle autre : c’est TOUTE les actions à la fois (masque + vaccin etc), pour réduire au plus infime les risques de transmettre (le fameux emmental). Si tu veux pas tout faire pour réduire ces risques malgré toutes les preuves du consensus (et non pas de tel ou tel expert) des gens de ton domaine (la santé), bah tu vas faire un autre métier, basta… Ya rien de réactionnaire à ça, et c’est même fou qu’on finisse par trouver réac de faire… le B.A.BA des choix de santé publique, et qu’on trouve inversement super radical de promouvoir le libertarisme individualiste (ma petite liberté de merde dans mon coin même si en travaillant j’ai X fois plus de risque d’infecter ceux que je suis censé soigner).

    • (Je m’égare mais… sortirez-vous dans la rue quand ils confineront les seules personnes non vaccinées ?) Sortirez-vous dans la rue un jour ??

      Je ne sais pas comment s’appelle cet effet de style, mais c’est assez grostesque : parce que oui je sors tous les jours dans la rue, et grosso merdo tout le monde sort tous les jours dans la rue (c’est juste qu’en ce moment ça caille). Non je n’ai pas peur d’aller dans la rue. Par contre j’en ai plus que ma claque des abrutis qui agitent le thème « ah ah, alors comme ça en vrai t’as peur de mourir, hein, c’est pas de l’altruisme c’est le contraire ».

      Alors le « drame » de confiner les « seules personnes non vaccinées », ça me fait doucement marrer comme posture progressiste. Quand on en arrive au point où un confinement serait nécessaire, il n’y a que deux alternatives au confinement des gens qui sont en train de remplir les hôpitaux alors qu’il existe un vaccin efficace et gratuit :

      – confiner tout le monde - et non ça me semble vraiment difficile, et moralement bien plus indéfendable que confiner/protéger les gens qui pourraient simplement se faire vacciner ;

      – et donc l’alternative qui reste, qu’on a déjà expérimentée avec succès grâce à Épidémiologiste 1er, et qu’on va subir quasiment à coup sûr : on s’arrange pour tenir avec l’équivalent en cadavres de deux avions de ligne qui s’écrasent par jour, pendant d’interminables mois, et ça c’est la ligne qu’elle est vachement solidaire et progressiste.

      Et ce qui est fabuleux avec cette solution qui éviterait de « discriminer » les non-vaccinés, c’est qu’elle va tuer chaque jour 10 fois plus de personnes non-vaccinées que de vaccinées. La discrimination se fera d’elle-même, ça aussi c’est un aspect vachement solidaire et progressiste.

    • Je sais bien, mais là c’est comme Rasta, marre de voir venir ici les mêmes foutaises que sur Twitter, et de se faire systématiquement inverser les valeurs morales et le vocabulaire :
      – tuer les vieux par paquets de cent pour surtout ne pas réclamer aux gens une piqûre de vaccination, c’est progressiste,
      – ne pas vouloir tuer les vieux et contaminer ses enfants, c’est pas altruiste, c’est être peureux et avoir peur de la mort,
      – trouver que se laver les mains, ne pas fumer pendant qu’on opère et se faire vacciner, c’est un peu le minimum vital quand on est soignant, c’est du mépris.

    • @noun il n’y a pas vraiment de rapport entre ce que j’ai posté plus haut et l’article que tu réfères.
      – A savoir, qu’on pourrait faire appel aux expériences glanées au cours de l’épidémie du sida, pour faire ce qu’on appelle de la santé communautaire, qui a montré son efficacité dans différents contextes,
      – A savoir que l’épidémie en cours révèle que l’éducation au corps et à la santé est pathétique et qu’on pourrait travailler à ça aussi,
      – Que pour beaucoup cette maladie est abstraite car il n’en voient ni les malades longs, ni les morts et que par conséquent, s’en protéger leur semble inutile et liberticide (un masque, liberticide, well),
      – Que protéger les autres, c’est massivement après moi le déluge, que penser en terme individuel, ce n’est pas faire de la santé publique,
      Qu’il y a un problème d’accès aux traitements (des antipyrétiques déjà, à oui, aux vaccins aussi) et à la santé en général, qui se réparti entre riches et pauvres, entre les nords et les suds, et que cette question de l’accès aux traitements - un beau combat de gauche non ? - apparaît très peu...

      Rien ici pour soutenir la méthode CST actuelle.

    • @noun
      Ps : sur la vaccination obligatoire de certains professionnels, ou pour se rendre dans certains pays c’est déjà le cas, car on ne peut pas travailler dans le secteur hospitalier sans certains vaccins (diphtérie, polio, tétanos etc.) ou aller dans certains pays sans être vaccinés, par exemple contre la fièvre jaune, ou même la méningite parfois.

    • @monolecte là, je craque un peu, je dois dire, j’ai arrêté beaucoup de choses, pour ne pas avoir à m’énerver, mais ça devient grave, mais grave. Comme quelqu’un qui m’a avoué prendre des antibios préventivement, mais comme est-ce possible ? Entre ça et la surconsommation de vitamines, c’est à se taper le crâne partout.

  • Covid : la liberté des un·es aux dépens de celle des autres
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Covid-la-liberte-des-un-es

    La restriction des libertés, elle, s’intensifie à chaque prétexte. Mais c’est peu de dire que ce sujet est mal porté par le mouvement anti-pass. D’abord parce que la confusion est de mise quand on parle de politique « sanitaire » et qu’on met dans le même panier Big Pharma et des précautions qui ne tiennent qu’à la bonne volonté de chacun·e, critique de la société industrielle et malthusianisme.

    Justement, le couvre-feu pour raisons « sanitaires » dans les Antilles françaises a été remplacé par un couvre-feu sécuritaire. Un glissement qui n’a rien d’extraordinaire : à Singapour, il y a plus d’un an que l’appli anti-Covid locale sert à résoudre des affaires de droit commun. Nous y sommes donc, en commençant par les anciennes colonies, mais comment désormais faire front commun, après les convergences avec les libertariens et l’extrême droite au sujet des mesures « sanitaires », après la haine déversée sur celles et ceux qui osent dire que la violence et le mépris de l’État s’expriment d’autant mieux sur les sujets coloniaux ou post-coloniaux ? Pour recoudre cette déchirure, il faudra redonner tout son sens à la notion de liberté.

    #covid #politique_sanitaire #liberté #auto-organisation #anti-pass #anti-sanitaire #Aude_Vidal

  • Covid-19 : Face à l’augmentation des fermetures de classe, Jean-Michel Blanquer interdit les fermetures de classe.
    https://parentsprofslemag.fr/covid-19-face-a-laugmentation-des-fermetures-de-classe-jean-michel

    Alors que 8 500 classes sont actuellement fermées en France à cause des cas de Covid-19 contre 4 100 le 19 novembre, le ministre de l’Education nationale a pris la parole ce matin lors du point presse gouvernemental. « Devant cette forte augmentation des fermetures de classe, a déclaré Jean-Michel Blanquer, j’ai décidé de supprimer les fermetures de classe. » Une initiative aussitôt critiquée par l’opposition mais qui, aussi surprenant que cela puisse paraître, bénéficie d’un soutien original, celui de Chuck Norris. L’acteur américain âgé de 81 ans et héros de Walker Texas Ranger a salué sur Twitter l’audace de Jean-Michel Blanquer qui selon « ose tout et n’a peur de rien. »

  • Covid-19 : la santé publique comme laboratoire du contrôle social

    https://aoc.media/analyse/2021/11/23/covid-19-la-sante-publique-comme-laboratoire-du-controle-social

    La gestion de la #pandémie est largement passée par le recours à des dispositifs techniques de modélisation #statistique des comportements. En mettant à l’écart les #sciences_humaines et sociales, cette gestion techniciste aboutit à des politiques de santé publique qui visent le #contrôle plutôt que l’autonomie des acteurs.

    En participant au dispositif du contrôle social, la santé publique a délaissé sa prétention à la promotion de la #santé [1] visant l’autonomie des acteurs, pour mieux maîtriser les conduites. L’octroi de capabilités a fait place à une instrumentalisation du choix social qui, en se normalisant au gré des décisions publiques, guide l’agent de manière diffuse, insidieuse et sans contradiction. Ce tournant laisse penser que l’autonomisation des acteurs de la santé et la défense des droits n’ont plus leur place dans l’application des normes sanitaires. Il faut au contraire réguler, inhiber et désinhiber les comportements en appareillant les individus de laissez-passer.
    Qu’elle est la raison de ce changement de perspective ? Est-ce véritablement la population qui s’est écartée de la raison, en perdant confiance dans la science et les institutions ? Ou bien serait-ce plutôt les institutions qui ont perdu confiance dans l’autonomie de leurs administrés ? Alors que la complainte de la défiance s’amenuise et que plus de 50 millions de français sont vaccinés, le gouvernement réaffirme encore une fois sa visée comportementale aspirant à l’adaptation toujours plus astreinte des individus au milieu sociotechnique.
    Cette conscience dirigiste de l’État est sans doute le signe d’une inquiétude concernant la population, ou pour le moins, celui d’une conviction dans le bien-fondé de sa mise sous tutelle. La défiance, quasi-continue depuis les gilets jaunes jusqu’aux anti-vaccins, aura sans doute conduit le gouvernement à la certitude que les politiques publiques doivent parvenir à maîtriser la conduite en instrumentalisant la raison et la science. À tel point qu’embarquées dans ce dispositif, les valeurs de la santé publique se sont vidées de leur sens.
    Sommes-nous encore capables de trouver un équilibre entre le respect des droits de la personne et la protection de la santé collective ? Dans le contexte actuel, cela semble difficile à concevoir. En réduisant « l’acteur de la santé » à un « agent rationnel », le gouvernement oriente la décision et l’action individuelle par une géométrisation variable des droits de la personne. Abstrait de toute complexité, l’agent devient l’instrument d’un contrôle social qui pèse sur lui sans contrainte manifeste, dans la déréliction d’une psychologie sans sujet et d’une sociologie sans socius.
    Implémenter la conduite
    L’implémentation du #passe_sanitaire aura permis d’éluder les doutes sur les effets médicalement indésirables de la vaccination, par la promotion d’effets socialement désirables. Retrouver la vie civile suppose de consentir « librement » à la circonscription technologique de nos activités. Rien d’intrusif en apparence, si ce n’est une contrainte affranchie du statut d’obligation. L’incitation à la prophylaxie vaccinale masque ainsi de vertu un appareil de capture. La volonté d’accéder aux spectacles, aux lieux de sociabilité et aux évènements collectifs conduit nécessairement l’agent à accepter sans la moindre hésitation la vaccination, de même que l’utilisation indéfinie de ses données de santé.
    L’accoutumance à la surveillance confère un certain confort, pour lequel on concède sans regret une part de notre vie privée au contrôle. On estime ainsi éviter l’enfermement, tout en s’offrant la possibilité de prendre part à nouveau à la société. Ce new deal semble propice à la pérennisation d’un équilibre. Le suivi de nos activités, même s’il ne permet pas une sortie définitive de la crise sanitaire, apporte une certaine stabilité sociale bénéfique à la croissance économique. Aussi, les retours d’expérience des phases de confinement, de couvre-feu et de déconfinement auront finalement permis aux autorités publiques de trouver un moyen de maîtriser en douceur la crise sanitaire par un subtil jeu d’inhibition et de désinhibition.
    Le gouvernement s’en félicite. Ce dispositif technologique, que le monde entier nous envie, apporte des résultats inespérés. Il nous rappelle d’ailleurs qu’on peut débattre de tout sauf des chiffres. En valorisant ainsi un système devenu autoréférentiel, les pouvoirs publics ont évincé toute aspiration à un horizon démocratique du soin à la faveur d’un équilibre pour le moins fragile. Car, dans l’ombre de cette situation en apparence paisible, cet ingénieux dispositif pourrait finir par compromettre la santé de la population par une dégradation continue de l’accès aux soins, et par malmener les dimensions psychologique et sociale par une pratique répandue de l’aliénation.
    Le testeur testé
    Derrière le voile de la réussite autoproclamée de ce dispositif technologique, le laboratoire civil réserve des surprises. Le testeur finit lui-même par devenir le testé. À quelques mois de l’élection présidentielle, la ruse du dispositif technologique guette dans l’ombre de revirements potentiels. Alors que le contrôle des populations s’insinue en apparence sans responsabilité directe pour le décideur, le risque de l’échec plane. Le pass sanitaire, rendu nécessaire, pourrait conduire le gouvernement à être victime de ce qu’il dénonce : l’irresponsabilité.
    L’incitation, parée du masque de la vertu vaccinale, a semblé un temps à même d’éluder la responsabilité du décideur, sous les traits d’une instrumentalisation vertueuse favorisant la stabilisation de l’épidémie. Seulement, alors même que la vaccination devait nous conduire à une sortie de crise pérenne, sa mise en œuvre a exclu des soignants de la pratique clinique. Malmenés durant les vagues précédentes, voire opposés au pass sanitaire, ces derniers ont déserté les services de soin. Les lits se ferment, alors que les cas augmentent à nouveau et que le virus continue à muter.
    Comme le mentionnent les rapports du conseil scientifique en date du 5 et du 6 octobre 2021, la fragilité sociale du système de soins, avec la fermeture de 20 % de lits[2] (chiffre contesté par Olivier Véran et réduit à 5 %), la survenue cet automne/hiver d’infections respiratoires notamment chez les plus jeunes (non-vaccinés) et l’impact des retards dans la prise en charges de patients non-covid[3] laissent présager une situation critique dans les mois à venir. Comment donc faire pour ne pas subir une nouvelle vague révélant encore davantage la fragilité de notre système de santé, à la veille d’une élection présidentielle ?
    Compartimenter les suspects
    La solution gouvernementale tient au compartimentage accentué de la population, alors même que la fin de la gratuité systématique des tests fait baisser le nombre de dépistages[4]. La baisse des données issues du dépistage ne semble toutefois pas perturber les pouvoirs publics. En suivant la logique des compartiments épidémiologiques, ces derniers continuent de circonscrire la population dans des catégories abstraites de suspects, d’infectés et de retirés pour pallier le manque d’informations. En reconfigurant ainsi la distribution, on instrumentalise les non-vaccinés devenus les seuls suspects à haut risque.
    Toute cette architecture qui, dérive et/ou contribue directement à préciser la forme à compartiments SIR[5], n’est peut-être plus aussi scientifiquement valide qu’elle le prétend. Mais elle reste hautement utile d’un point de vue politique. Dans un tel modèle, les relations entre les compartiments d’individus S (suspectés), I (infectés) et R (retirés) sont définies par un taux d’infection et un taux de rémission, décrivant l’évolution de l’épidémie dans le temps au sein d’une population passant d’un état de crise à un état stable.
    Si on s’en tient à la forme simple, au début d’une épidémie (abstraite de dynamique démographique), on a dans la population complète N = S + I + R, l’approximation S(0) ≈ N ; tous les individus ou presque sont suspects. Pour atteindre la stabilité, le nombre de suspects doit donc décroître et le nombre de retirés croître de manière à infléchir le compartiment des infectés. Cette modélisation classique de l’épidémiologie est basée sur l’hypothèse que l’épidémie se terminera par l’équilibration du compartiment des retirés et le tarissement du compartiment des suspects et des infectés.
    En circonscrivant donc le compartiment des suspects aux non-vaccinés, en retirant d’office les vaccinés et en sous-évaluant les infectés par un manque de dépistage, il est probable qu’on se laisse surprendre par une vague devenue imprévisible. Si bien que pour désamorcer toute critique, le pouvoir politique change de discours. On parle déjà en Allemagne d’une « pandémie des non-vaccinés[6] » ; en Autriche, on ordonne de confiner les non-vaccinés[7]. À la première réduction de la pandémie à un phénomène épidémique nationale s’ajoute une seconde réduction du compartiment des suspects aux seuls non-vaccinés.
    Ainsi, alors même que les modèles épidémiologiques sont de moins en moins accrédités[8], il semble que leur structure fasse la part belle à une gestion politique des compartiments. Et si la vaccination permet en principe d’obvier la catégorie « infecté », la tant espérée immunité collective semble s’éloigner en raison de la baisse progressive de l’efficacité vaccinale[9]. La piqûre de rappel permettra-t-elle d’éviter une nouvelle fois la crise des hôpitaux ? Doit-on s’attendre au retour périodique de la crise ? Quoi qu’il en soit, le report de la date d’application du pass sanitaire à l’été 2022 s’annonce d’ores et déjà comme le prélude d’une géométrisation indéfinie des compartiments et de nos droits.
    La réduction des comportements
    Cette nouvelle forme de gouvernance, qui s’adjoint à l’usage du nudge, des influenceurs, des messages publicitaires, à la distanciation et à l’aménagement de l’espace-temps physique de nos activités engendre un réductionnisme physicaliste et probabilitaire des mécanismes comportementaux. L’autonomie du sujet semble irrémédiablement compromise. Au croisement des sciences cognitives et de l’épidémiologie, on évalue la probabilité d’apparition des bonnes conduites. La politique sanitaire devient alors le corrélat d’un conditionnement opérant par lequel s’efface la part raisonnable du jugement. De toute évidence, la rationalité se doit d’être instrumentalisée dans l’intérêt général. Et pour cela, il faut anticiper les conduites.
    Si on se réfère, pour illustrer cette nouvelle conception de l’agent, au modèle CovidSim de Ferguson et son équipe[10] (qui a guidé les gouvernements européens vers la mise en place du confinement général), on voit que la stabilisation de l’épidémie tient à l’évaluation et au contrôle stochastique de deux forces physiques[11]. Le comportement collectif varie ainsi selon la densité de population sous la forme d’une force communautaire (community force), propageant le virus par l’effet d’une action de masse, alors que le comportement individuel suit une force d’infection (infectivity force) variable selon l’âge des individus. Cette dernière permet d’évaluer le hasard de l’infection par le calibrage de la fréquence des rencontres des agents au domicile, à l’école, au travail et dans la société en général.
    Cette modélisation individu-centrée suppose la poursuite d’un équilibre stable entre des agents rationnels au moyen d’une physique des rapports sociaux allié à un calibrage stochastique des déplacements. Aussi spectaculaire que cela puisse paraître, l’échec de ce modèle met en exergue une erreur manifeste concernant la pensée humaine qui relève du réductionnisme. Toute considération pour l’altérité et la singularité des individus a disparu. Il s’agit bien d’une psychologie sans sujet et d’une sociologie sans socius. En effaçant le vécu des agents, pour ne s’intéresser qu’aux forces physiques qui conditionnent leurs activités et à la probabilité de leurs mouvements, la modélisation engendre un réductionnisme qui rend paradoxalement l’épidémie imprévisible.
    L’altérité au principe de la différence entre les décisions et les actions des individus n’est dès lors plus compréhensible. Comme l’indique à ce propos Simon Cauchemez, modélisateur à l’Institut Pasteur, « le problème est moins le virus lui-même que la prise en compte des comportements dans nos modèles[12] ». Il est évident que la complexité de l’individuation psychologique et sociale ne peut pas être comprise dans une telle modélisation. Aussi, la mise à l’écart, quasi-systématique, des sciences humaines et sociales dans la prise de décision sanitaire aura conduit au réductionnisme le plus creux : l’agent est réduit à un corps brut qui laisse prise à une brutalisation de ses facultés mentales.
    Transformer le laboratoire comportemental en laboratoire éthique
    Notre société ressemble de plus en plus à un laboratoire comportemental où s’inventent de nouvelles méthodes de contrôle social. Couplé à nos activités quotidiennes les plus banales, le contrôle opère ainsi selon une suite d’états discrets dans les bars, les restaurants, les salles de concert, les bureaux, les gares, les aéroports comme les hôpitaux, pour mieux nous orienter l’air de rien. En couplant nos appareils connectés à la synergie de nos vies, l’outil numérique s’élude et avec lui notre autonomie s’efface. En se confondant avec le choix social, le pass sanitaire est devenu peu à peu imperceptible, abstrait de toute contrainte.
    L’acceptation des normes par l’oubli relatif de l’outil confère à la conscience de l’utilisateur la satisfaction du choix social consenti. Lorsque le fonctionnement s’efface et qu’il se connecte parfaitement à l’agencement du monde, il se naturalise, comme si tout allait de soi. La synergie s’établit ainsi dans l’occultation des fonctions techniques du contrôle. En paramétrant les comportements, ces outils ouvrent une nouvelle voie pour l’application des politiques publiques. Le gouvernement pense alors parvenir à tout normaliser par un devenir imperceptible du contrôle, instrumentalisant le choix social du vivre-ensemble.
    Alors que la crise sanitaire aurait pu changer la société en laboratoire éthique, où la réflexion collective inventerait de nouvelles manières de considérer l’action juste, elle l’a réduit à un dispositif technologique aliénant. Et bien que la gestion de crise d’une pandémie engage une gestion statistique, administrative et sécuritaire, force est de constater que le comportement individuel et la coopération sociale échappent à cette circonscription des pouvoirs publics. L’ethos manque à toute modélisation comme, à toutes les mesures engagées par la santé publique. De sorte que c’est dans la part d’inconnu propre à l’autonomie et l’altérité que se joue la concrétisation de notre vivre-ensemble. La santé publique, si elle veut de nouveau tendre à une pérennisation de bonnes pratiques, doit reprendre contact avec sa perspective émancipatrice et sortir de l’illusion techniciste du contrôle.
    L’éthique doit, en ce sens, à nouveau tenir une place déterminante dans l’efficacité et la bonne application des normes. En les adaptant avec la réalité du terrain et au vécu des individus, la santé publique peut encore offrir à la société une perspective respectueuse de la personne et de ses droits. En favorisant les capabilités au principe de l’autonomisation individuelle et collective, il s’agit de valoriser la part de raison humaine qui échappe à tout modèle prédictif. Aussi un certain écart, voire un conflit, prend forme en silence au sein de la société civile entre la politique sanitaire fixe et impérative, et l’éthique sociale en adaptation permanente et libre.
    C’est, me semble-t-il, dans cet écart, qui entraîne nécessairement des conflits de valeurs, que naissent de nouveaux enjeux de société sur la manière la plus juste d’agir dans un monde en proie au risque indéfini de la ruine collective. La visée éthique de la santé publique doit participer à nouveau au renversement des valeurs qui se joue actuellement face à l’axiologie surannée d’une société réfractaire au progrès de la raison. C’est dans les lignes de fuite de ce système que se construit la part de raison qui échappe à la raison d’État.
    Mathieu Corteel
    Philosophe et historien des sciences, Chercheur associé à Sciences Po et à Harvard

    #Multitudes, #autonomie, #discernement, #covid