Pierre Coutil

de celles et ceux qui marchent avec… (enfin qu’essayent).

  • “Moi, je ne veux pas que…” (Séance d’écriture-flash n°5, CM2)

    Consigne : Je vais taper dans les mains une fois et vous devrez faire silence. Mes instructions seront écrites au tableau et vous n’aurez aucune autre indication. Impossible de me poser des questions, impossible d’en discuter avec vos camarades, le silence doit être complet. Lorsque je frapperai par deux fois dans mes mains, cette contrainte sera levée. Des questions ?
    – Prenez une feuille de classeur et un crayon.
    – Écrivez votre prénom.
    – Écrivez une phrase ou un court texte commençant par « Moi, je ne veux pas que… ».
    – Je chronomètre 3 minutes à l’horloge et je relève les feuilles.

    Productions des élèves (1er jet, orthographe et syntaxe corrigées par moi)

    – Moi, je ne veux pas que la Terre ne soit pas respectée.
    – Moi, je ne veux pas qu’il m’arrive un truc de grave, par exemple une maladie. Et pareil pour ma famille. Mon frère a peut-être une maladie grave qui peut le faire décéder.
    – Moi, je ne veux pas qu’au collège on me rackette, ou rester seule, ou ne pas être dans la même classe que mes amis ou qu’on m’insulte. Mais d’un autre côté, j’ai hâte d’y aller.
    – Moi, je ne veux pas qu’un jour, plus tard, je dorme le soir d’Halloween, et que je voie une ombre. Je me dis « Non, c’est Maman », et là je crie. Je regarde : la charogne a un couteau et il dit "je vais te tuer". Et le 2ème jour, je dors et un voleur vole ma tête.
    – Moi, je ne veux pas que quelqu’un ne me respecte pas, m’insulte, ne m’écoute pas.
    – Moi, je ne veux pas que la pluie revienne car j’en ai marre.
    – Moi, je ne veux pas redoubler.
    – Moi, je ne veux pas qu’on me tape, qu’on m’insulte, qu’on m’embête, et aussi je ne veux pas aller au collège parce que je ne reverrai plus mes amies et mes meilleures amies. Et j’ai aussi un peu peur pour le collège.
    – Moi, je ne veux pas que ma famille déménage loin d’ici, à Auch.
    – Moi, je ne veux pas que cette année on n’aille pas en voyage. On est allé à Paris et Clermont-Ferrand. Cette année, je voudrais bien aller à Lyon et à Marseille : là-bas, c’est grand et en plus il y a des métros et des trams. Je voudrais même vivre à Lyon.
    – Moi, je ne veux pas aller à l’école le vendredi parce qu’il fait trop chaud. Mais aussi je ne veux pas y aller le lundi parce qu’il fait trop froid.
    – Moi, je ne veux pas ne plus avoir d’amies, qu’on ne me respecte plus et surtout qu’au collège je perde et n’aie plus d’amies.
    – Moi, je ne veux pas qu’on me tape à l’école ou en dehors parce que je n’aime pas. Et si quelqu’un me tape à l’école, je courre pour le dire à la maîtresse pour qu’elle le punisse. Si moi je le fais, il va me taper.
    – Moi, je ne veux pas que mon père aille à Toulouse avec ma famille.
    – Moi, je ne veux pas qu’on fasse du Picot tous les jours ! Le matin, le midi et le soir ! D’accord ?
    – Moi, je ne veux pas qu’on me maltraite. Moi, je ne veux pas que je rate la section football.
    – Moi, je ne veux pas avoir qu’un chien, mais aussi un chat.

    #école #témoignage #production_d'écrits #CM2

  • Le Parcoursup des filles
    http://www.laviedesidees.fr/Le-Parcoursup-des-filles.html

    La plateforme Parcoursup régule désormais l’orientation vers les études supérieures. Loin d’être uniforme, ce dispositif va produire des effets d’exclusion sur les publics les plus sensibles aux verdicts scolaires : les filles, et plus encore celles issues de milieux populaires.

    #Essais

    / #genre, université, #classes_populaires

    #université

    • La loi ORE institutionnalise l’autocensure. Or ce mécanisme touche inégalement les filles et les garçons. Il s’agit de montrer ici comment les bachelières et les étudiantes, bien que meilleures scolairement (1), formulent toutefois des vœux d’orientation souvent plus modestes que leurs homologues masculins (2) en raison d’aspirations qui reflètent une socialisation genrée différenciée, notamment au sein de l’institution scolaire (3). En augmentant le poids de l’institution scolaire dans les décisions d’orientation et en imposant aux candidats qu’ils construisent une orientation « raisonnée » ou « réfléchie », la loi ORE est susceptible d’accroître encore ces mécanismes d’autocensure.

  • Parcours complexe de supériorité - Le Monolecte
    https://blog.monolecte.fr/2018/05/29/parcours-complexe-de-superiorite

    La neutralité de la machine n’est que celle que l’on veut bien lui accorder. La machine ne fait que le boulot pour laquelle elle a été programmée et le fait suivant les critères et les barèmes qu’on lui a assignés. De ce point de vue là, la machine n’est pas si neutre que cela, elle agit en fonction des intentions de ceux qui se cachent derrière.

    En résumé, une machine qui trie en fonction des aptitudes à faire du vélo ne pourra en aucun cas être bienveillante pour les poissons. Sa seule neutralité, en fait, c’est de servir de paravent à l’humain ou au groupe d’humain qui a décidé délibérément d’exclure les poissons de la compétition.

    #parcoursup #éducation #école #domination #inégalité #surnuméraires

  • « Parcoursup laisse explicitement un “système” administrer, classer, ordonner les rêves d’une génération » (Cécile Van de Velde, LeMonde.fr)
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/30/parcoursup-laisse-explicitement-un-systeme-administrer-classer-ordonner-les-

    Dans la procédure elle-même, dans son autorité et sa technicité, il manque un respect fondamental de la liberté et du potentiel de chacun, qui se trouve au contraire réduit de façon opaque à un passé scolaire et bien souvent à un territoire d’origine, déplore la sociologue Cécile Van de Velde dans une tribune au « Monde ».
    […]
    Même si le système de gestion était « parfait », la question est de savoir si nous trouvons normal que des individus aient explicitement leurs aspirations menacées voire oblitérées par une autorité centrale, allouant les places et les avenirs.
    Nous sommes en train de soumettre les jeunes Français à une expérimentation incertaine, qui plus est à grande échelle, tout en trahissant notre propre promesse sociale d’une université ouverte. Or, sans être idéales, les expériences des autres pays nous montrent qu’il peut en être autrement.

    #éducation #orientation #sélection #concurrence #études_supérieures

    • Parcoursup pose, de façon limpide, la question de la place relative de l’« être » et du « système » dans notre société. A l’heure où les consciences s’aiguisent contre certaines dérives de la gestion de masse des données personnelles (big data, Facebook, intelligence artificielle…), nous sommes paradoxalement en train d’expérimenter une allocation automatisée des places et des chemins de vie.

      La question n’est point ici de trancher le débat sur la sélection universitaire, mais de constater que, dans son opérationnalisation même, Parcoursup pose désormais une question philosophique plus large et fondamentale : celle de ces « petits aménagements », anodins en apparence, destinés à une « gestion optimale » des ressources, mais qui touchent en réalité de façon profonde les fondements mêmes de nos libertés individuelles et de notre démocratie. Cette même démarche pourrait concerner demain l’allocation des soins ou le placement des individus en recherche d’emploi par exemple.

      Car de façon concrète, Parcoursup c’est laisser explicitement un « système » administrer, classer, ordonner les rêves d’une génération. C’est laisser symboliquement une organisation centralisée trier les choix et les possibles d’un individu.

      Colère des jeunes

      Dans la procédure elle-même, dans son autorité et sa technicité, il manque un respect fondamental et affiché de la liberté et du potentiel de chacun, qui se trouve ici au contraire réduit de façon opaque à un passé scolaire et bien souvent à un territoire d’origine.

      Ce dispositif ne fera qu’augmenter la colère sourde des jeunes contre un « système » qui leur fait mal, dans un contexte français où cette période post-bac constitue justement un moment charnière de la vie d’une génération : plus qu’ailleurs, elle est considérée comme déterminante et décisive pour tout l’avenir professionnel de l’individu, et génère du stress personnel, familial et social.

      LE CRITÈRE D’OPTIMALITÉ RECHERCHÉ EST DE MAXIMISER LE NOMBRE DE PERSONNES INSCRITES, ET NON PAS LA SATISFACTION RÉELLE DES ÉTUDIANTS

      Même si le système de gestion était « parfait », la question est de savoir si nous trouvons normal que des individus aient explicitement leurs aspirations menacées voire oblitérées par une autorité centrale, allouant les places et les avenirs.

      Nous sommes en train de soumettre les jeunes Français à une expérimentation incertaine, qui plus est à grande échelle, tout en trahissant notre propre promesse sociale d’une université ouverte. Or, sans être idéales, les expériences des autres pays nous montrent qu’il peut en être autrement.

      Pas moins cruel que le tirage au sort

      Parcoursup nous place devant une dérive techniciste de la recherche de l’optimalité. On nous propose une rencontre des attentes et des places, mais le « contrat » est en réalité bien asymétrique : le mode opératoire interdit l’expression même des préférences individuelles et met à plat dix choix, alors même que les universités doivent classer chacune des candidatures.

      Le critère d’optimalité recherché est de maximiser le nombre de personnes inscrites, et non pas la satisfaction réelle des étudiants : sans classement des vœux, celle-ci ne peut être prise en compte dans la procédure. Comment défendre un système si implacable dans un monde où la communication directe d’institution à individu est devenue si aisée ?

      Ce dispositif, même s’il promeut dans l’absolu une meilleure allocation des places, n’est symboliquement pas moins cruel que le tirage au sort. De plus, une telle organisation ne donne pas les garanties de protection du règlement européen sur la protection des données (RGDP), entré en vigueur le 25 mai, quant à l’acceptation libre du service ou des traitements automatisés.

      Une entrave de plus

      Parcoursup constitue en quelque sorte une mauvaise réponse technique à l’enjeu réel du manque de ressources universitaires. Il ne fera pas l’économie d’un vrai débat sur ce que nous voulons vraiment pour nos universités, et quelle que soit la réponse politique donnée à la question de la sélection, à une prise en compte plus humanisée des aspirations des jeunes adultes.

      Parcoursup, c’est aussi une entrave de plus posée dans l’espace des possibles de ces jeunes générations, déjà touchées par des perspectives assombries. Que dire par exemple des lycéens initialement en difficulté, mais qui se sont révélés ensuite d’excellents étudiants à l’université ? Dans Parcoursup, ils n’auront sans doute pas cette seconde chance, et cela ne fera que renforcer le déterminisme français classant les individus en fonction de la réussite scolaire initiale.

      Les sociétés de demain devraient plutôt refuser de réduire systématiquement les individus à leur seul parcours antérieur, et soutenir le droit à un nouveau départ. Cette « petite réduction » de la liberté de choix est en réalité une brèche majeure dans nos valeurs et notre culture, ainsi que dans le contrat social et générationnel. Pouvons-nous nous satisfaire d’un système dont nous ne voudrions ni pour nous-mêmes ni pour nos enfants ?

  • Laïcité : des enseignants victimes de la traitrise et de la lâcheté ? (Jean-Michel Zakhartchouk, Enseigner au XXI siècle)
    http://blog.educpros.fr/Jean-Michel-Zakhartchouk/2018/05/15/laicite-des-enseignants-victimes-de-la-traitrise-et-de-la-lachete

    L’auteur du blog, très ‘modéré’ habituellement dans son positionnement politique, critique le hors-série de #CharlieHebdo intitulé “Profs, les sacrifiés de la laïcité” (https://abo.charliehebdo.fr/boutique/horsseries/#modal-product687805) :

    Je ne nie pas certains phénomènes relatés dans ce numéro. Les dispenses abusives de piscine, ça existe, mais faire croire que les enseignants n’essaient pas de lutter contre ces phénomènes est vraiment à mille lieues de la réalité majoritaire (voir page 14 par exemple, un des nombreux témoignages qui mettent en cause les « collègues »). Ce que je conteste, c’est l’unilatéralisme, les effets d’accumulation et le refus de prendre en compte d’autres réalités.
    […]
    Car le professeur qui proteste contre cette idée, que défend-il ? Qu’il faudrait dire aux élèves que la science est supérieure à la religion ? C’est transformer dès lors la laicité en une machine de guerre anti-religieuse. Personne ne peut détruire l’idée qu’il y a un « dessein intelligent », mais personne ne peut établir de preuves divines dans la complexité de l’univers. Le tout est de bien séparer croyances (qui touchent au « pourquoi » métaphysique) et faits et explications scientifiques (où on est dans le comment). C’est bien le sens de la phrase : « éviter la confrontation ou la comparaison du discours religieux et du savoir scientifique » Quelques lignes plus haut, il est bien dit par ailleurs que « tout texte, toute œuvre peut être soumis(e) à l’examen et au débat », qu’il ne faut en aucun cas accepter intolérance et violence de la part des élèves ; tout cela dans l’esprit de la charte de la Laicité que le dossier semble considérée comme un texte hypocrite et dérisoire.
    […]
    Ce qui semble valorisé quand même dans ce dossier, c’est l’intransigeance qui seule serait payante : pas de mères voilées dans les sorties, pas de compromis concernant les absences lors des fêtes religieuses, pas de prise en compte de la part de provocation adolescente dans certains propos, et même pour l’un des témoins, approbation de la suppression des menus de substitution, tant pis si on est d’accord avec le FN. Il y a les « bons », victimes innocentes parce que défenseurs de la laïcité et en face les « méchants » qui tolèrent, qui justifient tout au nom des « arrangements », qui pactisent avec l’ennemi. Comme si les choses n’étaient pas plus compliquées, comme si un des objectifs que l’on doit rechercher, c’est que la laïcité, cette si précieuse laïcité (dont personne n’a le monopole), apparaisse comme libératrice et pas du tout comme une ennemie des religions.
    Jamais dans le dossier ne nous sont présentées des manifestations de rejet de la religion musulmane, le racisme semble absent, les discriminations inexistantes. Comme si cela ne nourrissait pas la propagande islamiste qui a tout intérêt à présenter la laïcité comme une machine de guerre antireligieuse. […]

    À noter que pour critiquer Charlie-Hebdo, il semble qu’il faut en passer par un gros paragraphe de précautions diverses et de justifications préliminaires. La phrase « journal, qu’on a parfaitement le droit de critiquer, lui qui, à juste titre, a toujours combattu les sacralisations et doit donc l’appliquer à son propre cas » est particulièrement révélatrice du caractère sacré de cet hebdomadaire aujourd’hui…

    À noter aussi, un nouveau guide de la laïcité à l’école paraît aujourd’hui écrit par le nouveau “Conseil des sages de la laïcité” instauré par l’actuel ministre :
    – Un nouveau guide offensif de la laïcité pour les établissements scolaires
    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/05/30/01016-20180530ARTFIG00045-un-nouveau-guide-offensif-de-la-laicite-pour-les-

    #éducation #laïcité #islamophobie

  • Premier et second degrés : La crise du recrutement ne s’arrange pas (LeCaféPédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/05/18052018Article636622268535065854.aspx

    Les premiers résultats des admissibles aux concours externe de professeur des écoles et au capes externe laissent présager que la crise du recrutement dont souffre l’Education nationale se prolonge. En ce qui concerne le premier degré, les premiers résultats sont sans appel. Les résultats des épreuves d’admissibilité disent dès maintenant que dans les académies de Créteil et Versailles on n’aura pas un nombre d’enseignants permettant de couvrir le nombre de postes offerts. Le déficit final pourrait être de 700 postes. Dans le second degré, malgré la forte réduction du nombre de postes proposés cette année, les résultats de l’admissibilité annoncent près de 400 postes non couverts en lettres (modernes et surtout classiques), allemand et maths.

    #éducation #enseignant·e·s #salarié·e·s #recrutement #attractivité_du_métier #manque_de_profs

  • Le jeune président de la Start-up Nation était en fait un vieux con comme les autres (Olivier Ertzscheid, affordance.info)
    http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2018/05/jeune-president-vieux-con.html

    La logique du truc m’est apparue.

    J’ai compris que le projet politique de notre jeune président était de semer une graine : celle de l’humiliation quotidienne, celle de l’intranquillité permanente qui fait grandir la résignation qui, à son tour, façonnera le corps et l’âme de la chair à Managers dont a besoin le patronat. Et puis bien sûr, la graine de la concurrence. Toujours mettre les gens en concurrence.

    #éducation #université #sélection #éducation_supérieure #lycée #secondaire #humiliation #jeunesse #concurrence

    Pour en savoir plus sur #Parcoursup : https://seenthis.net/messages/696583

  • Que reproche-t-on a Parcoursup ?

    Les éléments contestés sont notamment :
    – Le fait que les formations choisissent dorénavant les étudiants et non plus les étudiant·e·s qui choisissent leur formation. C’est donc l’introduction officielle de la sélection à l’Université.
    – Le fait que les critères de sélection propres à chaque formation sont opaques et éventuellement problématiques éthiquement.
    – Le fait que les étudiant·e·s ne peuvent plus hiérarchiser leurs choix comme dans #APB, ce qui généralise l’incertitude y compris stratégiques même pour les élèves ayant eu des réponses positives mais pas à la formation qui a leur préférence.
    – Le manque de moyens des formations pour réellement étudier les différents éléments du dossier, notamment les informations qualitatives (lettre de motivation, fiche avenir).
    – Le fait que les éléments du dossier dépendent du lycée, voire des enseignant·e·s, du type de notation. L’évaluation sur laquelle est basée la sélection est donc en partie arbitraire et le baccalauréat, évaluation nationale, intervient après le classement algorithmique des candidat·e·s.
    – Les dysfonctionnements induits comme la tentation pour certaines formations moins prisées de pratiquer l’overbooking.
    – Le fait que le réel problème, “l’insuffisance de places et de moyens”, disparait des analyses médiatiques et du traitement politique alors même que le boom démographique des générations 2000 était (pré)visible depuis au moins leur arrivée en petite section de maternelle, il y a 15 ans…

    Comment les élèves ont été classés dans Parcoursup (Faïza Zerouala, Médiapart)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220518/comment-les-eleves-ont-ete-classes-dans-parcoursup

    Si le ministère a rendu public l’algorithme de classement, les critères utilisés en amont dans les universités pour ordonner les dossiers restent opaques.

    Parcoursup, une certaine vision de la société (Louise Tourret, Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/162111/parcoursup-certaine-vision-societe

    L’ancien algorithme attribuait les places en fonction du classement des élèves et des places disponibles. Tout le monde n’était pas content, des élèves étaient en attente au moment de passer le bac ; il y a eu des tirages au sort pour certaines filières. Les mécontents et mécontentes étaient minoritaires, mais ce choix de sélection, avec le hasard comme juge de paix, a largement scandalisé.
    Le nouveau système met tous les acteurs dans une logique totalement différente.
    […]
    Du côté des universités, Parcoursup instaure, en creux, une sorte de sélection en obligeant les facs à regarder qui s’inscrit dans leurs cursus. Sans beaucoup de moyen et sans beaucoup de transparence parfois, celles-ci ont mis en place leur propre système de classement.
    […]
    Parcoursup n’est finalement qu’un avater de la numérisation de notre société. Tout était censé être plus simple mais tout est plus compliqué pour les individus, vous, moi, nos enfants. Il faut se conformer à un mode d’organisation numérique et s’y adapter en étant non pas plus réflexif mais plus connecté, et surtout, plus patient. Parcoursup est pleinement un outil contemporain : c’est nous qui nous adaptons à la « machine » au système, et devons en fluidifier le fonctionnement.
    […]
    En organisant ainsi l’orientation et donc la vie des élèves, l’institution prend une énorme responsabilité. Et en montant au front pour défendre leur plateforme, les ministres Vidal et Blanquer ont surtout défendu une vision du monde, une manière d’organiser la vie et l’avenir.

    #éducation #post-bac #Parcoursup #orientation #éducation_supérieure #algorithme #sélection

    • En guise de complément, il y a d’autres éléments problématiques :

      – Le moins évident, mais le plus criant, et qui commence à se faire sentir dans les lycées et aussi dans les écoles, c’est la gestion « à l’élève près » : on ferme des classes ou des sections une année parce qu’il manque des élèves, on ne permet plus les dédoublements. Lorsque les effectifs augmentent, bizarrement, les « structures » qui, il y a quelques années encore, évoluaient aussi dans ce sens-là, sont bloquées, et on dit aux établissements : « débrouillez-vous avec les moyens qu’on vous a donnés ».

      Au lycée, il y a deux types de filières : les filières « contingentées » (on dit « sélectives » dans parcoursup, mais c’est la même chose : cela concerne des filières très demandées ou où la partie technique/pratique nécessite de limiter le nombre d’élèves sur des TP), et les filières non contingentées, où un établissement est supposé accueillir tout le monde. Jusqu’à présent, si un établissement avait soudain une forte demande dans une filière non contingentée, on ouvrait une classe (mon établissement a ainsi régulièrement oscillé entre une et deux 1ères scientifiques). Le cas s’est produit plus récemment pour la filière littéraire, et on nous a mis face au dilemme suivant : accepter d’avoir 40 élèves dans une classe, ou refuser des élèves motivé.e.s par des options proposées exclusivement dans notre lycée (mais pas contingentées).
      C’est visiblement la même logique qui domine désormais à l’université, où un effectif maximal est prévu partout, alors qu’avant, on créait des groupes de TD en plus (avec les moyens qui allaient avec).

      – Dans les deux cas, on nous sort l’argument de « la fluidité des parcours », on nous explique que l’élève doit choisir un projet en adéquation avec ses capacités, au risque d’échouer. Quand je vois comme il est parfois difficile, en 2nde, de savoir ce que va donner la scolarité d’un(e) élève en première, et à quel point la motivation et le plaisir qu’il/elle aura à venir au lycée le matin sont déterminants, je m’interroge sur les critères des résultats scolaires, majoritairement retenus dans parcoursup, pour classer les candidat.e.s, faute de moyens humains pour lire et étudier les éléments qualitatifs (lettre de motivation, fiche avenir...) comme tu le disais.

      La « fluidité des parcours », c’est un joli mot qui recouvre en réalité une violence inouïe qui est qu’on case les élèves/étudiant.e.s plus hésitant.e.s ou qui ont eu le malheur de vouloir se réorienter non pas où ils/elles veulent aller, mais là où il reste de la place. C’est l’élève qui doit être fluide... Ce sera aussi le cas avec Parcoursup et la fameuse commission supposée en bout de course proposer aux candidat.e.s qui n’ont eu que des « non » des places là où il en restera.

      – cela nous amène au troisième point de friction de parcoursup, que tu évoques ci-dessus : APB avait beaucoup de défauts, et le tirage au sort n’était pas une solution acceptable pour les filières en tension. Mais l’algorithme qui soutenait le tout reposait sur le principe de l’amélioration maximale du vœu obtenu par rapport au classement établi par les candidat.e.s. Parcoursup ne fonctionne plus ainsi et ça va conduire à énormément d’orientations par défaut : https://zestedesavoir.com/billets/2527/reflexions-sur-parcoursup
      Certes, on se félicite au ministère que 458 376 candidat.e.s aient reçu au moins un « oui » parmi leurs vœux. Dans la plupart des cas, il s’agit de vœux par défaut. On peut s’en convaincre en voyant que 3 jours après le début de la moulinette seuls 82 377 élèves ont accepté une proposition. Dans le même temps, on a 30 000 jeunes sur le carreau (entre les « non » partout et celles et ceux qui ont déjà démissionné de la passerelle : futur.e.s services civiques, ou cadeau pour toutes les formations privées hors de prix).

      – L’autre aberration, qui existait déjà avec APB, est que les candidats sont classé.es par « groupes » dans l’application. Pour avoir été aussi en commission de classement, cela signifie qu’on choisit les critères de sélection selon les groupes (par exemple, la filière d’origine). Si on a 24 places à attribuer pour une classe de BTS, on va par exemple classer les candidats en trois groupes (terminale générale et technologique, terminale bac pro, « autres ») et déterminer combien d’élèves on prendra dans chaque catégorie. Dans « autres », on va à la fois avoir des profils « fantaisistes », mais également des profils d’élèves très motivé.es, qui ont parfois fait une année d’étude dans le supérieur, ou qui se réorientent de façon pertinente. Sauf qu’on ne sait lesquel.les veulent véritablement venir dans la formation. Alors on limite le nombre de candidat.es qu’on accepte et qui viennent du groupe « autres ». Il n’y a qu’à lire les témoignages sur le Hashtag #parcoursup de twitter pour comprendre comment on interdit à cette génération le droit à l’erreur.

      – ça panique sévèrement dans les lycées. Les jeunes sont plongé.es dans une angoisse pas possible juste avant le bac, sont souvent déçu.es, découragé.es. Ils et elles ont bien compris qu’on n’avait pas lu leurs belles lettres qu’il avait fallu pourtant écrire, en pesant chaque mot à cause de la limite de 1500 caractères. Beaucoup commencent à parler de redoubler pour pouvoir avoir mieux. Sauf que, cf premier élément évoqué ci-dessus, on ne pourra pas reprendre tout le monde.

      – Enfin la dimension perverse du système est de dire en temps réel, jour après jour, à celles et ceux qui sont sur liste d’attente, combien de candidat.e.s il reste devant eux. Présenté comme un dispositif transparent et humain, cela induit le sentiment d’être mis en concurrence les un.e.s avec les autres, et augmente pour les candidat.e.s loin dans les listes d’attente le sentiment d’être nul.le. Encore une fois, les réactions sur Twitter sont éloquentes, avec les références grinçantes à Hunger Games, les propositions de désistement moyennant finance (sur le ton de l’humour, mais tout de même...). Finalement, c’est une guerre des nerfs qui est en train de se jouer, pour savoir qui renoncera en premier à ses vœux.

    • L’analyse d’une sociologue https://www.lesinrocks.com/2018/05/24/actualite/parcoursup-nest-pas-seulement-dans-la-selection-mais-dans-lexclusion-111

      Ce système a-t-il des effets – dissuasifs ou incitatifs – sur les vœux formulés par les lycéens, sur les filières qu’ils choisissent ?

      Oui, c’est quelque chose qui a été anticipé par de nombreux sociologues qui travaillent sur les trajectoires scolaires et la construction des choix d’orientation, notamment à l’entrée dans l’enseignement supérieur. On sait déjà qu’il y a beaucoup de mécanismes d’auto-élimination et d’autocensure, notamment chez les filles et les élèves issus de milieux populaires. Même si nous ne disposons pas encore des données, on peut faire l’hypothèse que le système Parcoursup a tendance à accroître ces phénomènes. Quand vous devez justifier vos choix par des lettres de motivation – même si elles ne sont pas lues –, vous devez vous sentir légitimes. Le système APB permettait à des élèves un peu plus faibles en termes scolaires de tenter des filières, et il y avait plus de choix possibles : là il n’y en a plus que dix. Les sociologues Milan Bouchet-Vala et Marie-Paule Couto ont ainsi observé qu’avec Parcoursup, il y a moins de vœux formulés dans les licences publiques d’université, et plus de vœux dans les filières sélectives, type BTS, notamment dans des académies comme Créteil, où les élèves sont plus défavorisés. Cela semble dire que ces élèves ne se sentent pas légitimes à aller à l’université, et qu’ils ne formulent même pas de vœux dans ces filières.

    • Pendant ce temps-là, au rectorat de Créteil, on recrute du #contractuel pour les commissions académiques supposées aider les candidats recalés par Parcoursup. Les CO-PSY, en train de disparaître, apprécieront. Puisqu’on vous dit que tout avait été prévu ! D’après le tableau de bord de ce matin, on a en tout environ 60 000 candidats sur le carreau (en comptant seulement les démissionnaires et les refusés partout), dont 24 076 refusés. 6 284 candidats ont déjà saisi les fameuses commissions académiques. https://biep-recrute.talent-soft.com/offre-de-emploi/imprimer-fiche-emploi-gestionnaire-des-commissions-academi

  • Dans les collèges et les lycées, tenue correcte exigée... surtout pour les filles (France Inter)
    https://www.franceinter.fr/societe/dans-les-colleges-et-les-lycees-tenue-correcte-exigee-surtout-pour-les-f

    Pour franchir les portes des collèges et lycées, c’est tenue correcte exigée, une règle inscrite dans le règlement intérieur des établissements. Mais filles et garçons ne sont pas égaux face aux codes vestimentaires, une inégalité que les adolescents dénoncent sur les réseaux sociaux où les témoignages pullulent.

    #éducation #secondaire #collège #lycée #règlement_intérieur #code_vestimentaire #égalité_filles_garçons #genre #sexisme #répression #corps

  • Obligation de neutralité : le professeur, un fonctionnaire comme un autre ? (Jean-Pierre Veran, Le Club de Mediapart)
    https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/300418/obligation-de-neutralite-le-professeur-un-fonctionnaire-comme-un-aut

    On observe donc que, la loi du 20 avril 2016 a explicité pour tous les fonctionnaires, y compris les professeurs, une obligation de neutralité jusqu’ici formellement absente de leur statut, même si le principe de neutralité du service public, appliqué à ses usagers comme à ses agents, peut être considéré comme une conséquence de l’égalité devant la loi posée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. On peut considérer que cette loi clarifie utilement des obligations qui conduisent notamment chaque professeur à distinguer sa liberté d’expression personnelle en tant que citoyen de son obligation de neutralité en situation professionnelle. On observera également qu’elle ne mentionne aucunement le devoir de réserve, qui reste une construction jurisprudentielle et non une disposition statutaire explicite, dont l’usage par les tribunaux relève à chaque fois d’une analyse fine de la situation.

    #éducation #enseignant·e·s #salarié·e·s #fonctionnaire #obligation_de_neutralité #principe_de_neutralité #liberté_d'expression #service_public #devoir_de_réserve

  • Jardin d’enfants séparé filles et garçons : polémique (Madmoizelle)
    http://www.madmoizelle.com/jardin-enfants-genre-filles-garcons-915965

    Un jardin d’enfants genré qui sépare filles et garçons

    C’est à Puteaux, en Île-de-France, que ce jardin d’enfants a vu le jour.

    D’un côté, des jeux roses, avec une fresque représentant une couronne et deux baguettes magiques.

    De l’autre, des jeux bleus (détail pas si anodin, le toboggan est ici plus haut !), avec une fresque représentant deux chevaliers à l’orée d’une joute.

    #éducation #enfance #espace_public #genre #sexisme #stéréotypes

  • Santé : faut-il vraiment regarder dans les culottes des enfants tous les ans ? (L’Obs)
    https://www.nouvelobs.com/rue89/nos-vies-intimes/20180426.OBS5782/sante-faut-il-vraiment-regarder-dans-les-culottes-des-enfants-tous-les-an

    Les organes génitaux des enfants doivent être examinés tous les ans, de 1 à 18 ans. C’est ce que disent les nouveaux carnets de santé.

    #enfance #santé #médecine #consentement

  • « Certains médias parlent de l’école sans la connaître » (Danièle Manesse, VousNousIls)
    http://www.vousnousils.fr/2018/04/25/certains-medias-parlent-de-lecole-sans-la-connaitre-613817

    Professeure travaillant sur les questions liées à l’école, Danièle Manesse a vu le traitement médiatique de l’actualité éducative se dégrader au cours de sa carrière.
    […]
    « [Les médias] jouent un rôle très important, qui n’a fait que s’accroître, car l’école est devenue de plus en plus un lieu conflictuel, en partie à cause de la montée du chômage. L’école est embarquée dans des évolutions sociales qui la dépassent et donnent lieu à différentes analyses, évidemment. Il y a des manières différentes de parler de l’école, avec notamment une dramatisation considérable de la part de certains médias ! J’ai travaillé pendant 40 ans en banlieue populaire et ce qui me frappe, c’est la désinformation, la manière dont certains médias parlent de l’école sans la connaître.
    […]
    On est également stupéfait du désordre dans l’information sur certains thèmes. Par exemple, concernant la langue et son enseignement, il y a eu trois moments de passion médiatique sur l’enseignement du français l’année dernière où il s’est dit parfois n’importe quoi : l’une contre des rectifications orthographiques mineures vieilles de 25 ans, l’autre sur le mot “prédicat” dans les programmes et une campagne sur l’écriture inclusive…Dans chacune, l’école est impliquée voire mise en cause.
    […]
    La dramatisation résulte de l’ignorance de ce métier. Je trouve très important, pour parler de l’école, de prendre le temps de le connaître et d’aller sur place à la rencontre des profs. Il ne suffit pas de poser quelques questions par téléphone à un proviseur pour comprendre le fonctionnement d’un établissement.
    Il y a de moins en moins de reportages sur le terrain, et aujourd’hui, il y a trop de hâte dans l’information. »

    #éducation #médias #métier #dramatisation

  • Calcul et lecture : le ministre de l’Éducation fait la leçon aux instituteurs (Le Parisien)
    http://www.leparisien.fr/societe/calcul-et-lecture-le-ministre-de-l-education-fait-la-lecon-aux-instituteu

    [À l’intention des enseignant·e·s], le ministre de l’Éducation nationale publie au « Bulletin officiel » quatre circulaires, qui détaillent avec une minutie rare, sinon inédite, des « recommandations » sur la meilleure manière d’inculquer aux écoliers les bases du calcul, de la résolution de problèmes mathématiques, de la lecture et de la grammaire. Des milliers de livrets sur « l’apprentissage de la lecture au CP », de 130 pages chacun, sont aussi partis du ministère. Destination de ce petit livre orange : le casier des maîtres et maîtresses, dans toutes les écoles de France.

    Les documents sont téléchargeables sur le site du Ministère :
    “4 priorités pour renforcer la maîtrise des fondamentaux”
    http://www.education.gouv.fr/cid129644/4-priorites-pour-renforcer-la-maitrise-des-fondamentaux.html

    De nouvelles recommandations pédagogiques viennent en appui des programmes scolaires pour faciliter l’apprentissage des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, respecter autrui. Quatre recommandations pédagogiques et un guide « Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP » ont été transmis, le 26 avril 2018, aux professeurs des écoles et des collèges afin d’amener tous les élèves à la réussite scolaire.

    Cette démarche interroge :
    – Le contenu de ces documents est plus idéologique que pédagogique, sa médiatisation a été orchestrée autour du concept fantasmé du #retour (de la dictée, du calcul mental, de la grammaire). Le fondement scientifique de ces documents est adossé au nouveau Conseil scientifique de l’éducation nationale, créé à sa main par le Ministre, très orienté "#neurosciences" et dont les partis pris idéologiques et scientifiques sont contestés [1].
    – La démarche est maltraitante pour les enseignant·e·s qui semblent rappelé·e·s à l’ordre, être incompétent·e·s et ignorant·e·s sur leur cœur de métier. Une fois encore le Ministère semble considérer que rien ne se fait dans les classes et que tout est à remettre en ordre de marche : enseignant·e·s, pratiques, méthodes. C’est une spécificité récurrente du Ministère de l’Éducation.
    – La démarche est profondément macronnienne : démagogique, idéologique, verticale. Démagogique car il s’agit de jouer les usagers contre les enseignant·e·s en laissant croire que la méthode globale a encore cours, ou que la dictée ou la calcul mental ont disparu, ce qui est faux. Idéologique car ces textes participent d’une standardisation des méthodes sur le modèle anglo-saxon : taylorisation des apprentissages dans les écoles publiques, innovation dans les écoles (alternatives ou différentes) privées. Verticale : le retour de Jean-Michel Blanquer au Ministère a sonné le retour des années Darcos, de la caporalisation, de la verticalité du management et de l’extrême personnalisation puisque fait rarissime le ministre signe lui-même ces textes, circulaires et livre.
    – Cette agitation fait l’impasse sur l’essentiel. Tous les rapports de ces dernières années, issus du ministère (y compris ceux commandés récemment par ce ministre) ou d’une expertise internationale, pointent la faiblesse de la formation, initiale et continue, des enseignant·e·s français·e·s. Or la divulgation de la Vérité Révélée du Grand Timonier de l’éducation via son petit livre orange semble être la seule ambition gouvernementale en terme de formation des enseignant·e·s, là où un plan ambitieux de formation en lien avec la recherche, appuyé sur l’échange de pratiques et nourri d’expérimentations et d’innovations serait l’urgence.

    Les réactions n’ont donc pas tardé :

    Les circulaires Blanquer, « une négation totale de l’expertise des professeurs » (Francette Popineau - SNUipp/FSU, Libération)
    http://www.liberation.fr/france/2018/04/26/les-circulaires-blanquer-une-negation-totale-de-l-expertise-des-professeu

    Ce qui nous inquiète aussi est que, depuis le début, ce ministre laisse croire que la question de la réussite scolaire est attachée à une méthode. Ce discours extrêmement simpliste ne dit rien de toute la complexité du métier. […] Il y a surtout une négation totale de l’expertise des professeurs. On recrute des gens à bac + 5 et on leur donne une notice de montage. […] M. Blanquer sert à l’opinion publique des discours extrêmement simplistes, des leurres, qui mettent en difficulté les enseignants et les familles. […] Il fait l’inverse de ce que font les pays qui réussissent, qui mettent beaucoup de confiance dans le travail enseignant.

    De la « liberté pédagogique » à la sauce Blanquer… (Alain Refalo, blog)
    https://alainrefalo.blog/2018/04/27/de-la-liberte-pedagogique-a-la-sauce-blanquer

    J’ajoute que sans confiance et sans preuve de confiance vis-à-vis des enseignants du primaire, le ministre ne peut que susciter à nouveau découragement et désarroi. Las de tous ces changements au gré des ministres qui passent, épuisés par des conditions de travail de plus en plus stressantes, les enseignants du primaire n’accepteront pas que la nation continue à les mépriser et les déconsidérer éternellement. Ils ne le méritent pas. Ils demandent aujourd’hui tout simplement le respect et la considération, ce qui passe aussi par la revalorisation de leur métier, de leur formation comme de leur salaire.

    L’école est en danger d’implosion. Alors on attend du ministre, non pas des phrases démagogiques et assassines, mais de l’écoute et des décisions qui donnent du sens et des perspectives novatrices et positives pour construire une école plus juste, plus coopérative et si possible plus efficace.

    Jean-Michel Blanquer : plus que jamais, populiste et autoritariste (Paul Devin, Le Club de Mediapart)
    https://blogs.mediapart.fr/paul-devin/blog/260418/jean-michel-blanquer-plus-que-jamais-populiste-et-autoritariste

    L’idéologie simplificatrice, le discours populiste, l’autoritarisme … tous les ingrédients d’une politique qui tente désespérément de cacher son incapacité à faire preuve de la détermination budgétaire nécessaire pour améliorer l’école et lui permettre d’atteindre ses objectifs de démocratisation de la réussite scolaire.

    Orange is the new populisme Monsieur le Ministre (800 000 Feignasses)
    https://800000feignasses.com/orange-is-the-new-populisme-monsieur-le-ministre

    Un petit livre orange qui fait passer les enseignants pour des incompétents, ne sachant même pas quelle réglure choisir pour l’apprentissage de l’écriture, par exemple. Un petit livre orange qui fait passer les enseignants pour des paresseux qui en font le minimum, refusant de se remettre en question. Un petit livre orange qui fait passer les enseignants pour des idiots pratiquant, sans même s’en rendre compte, une méthode de travail menant inéluctablement leurs élèves à l’échec. […] Ce petit livre orange (et surtout toute la communication qui l’entoure) n’est pas destinée aux enseignants. Elle n’est pas destinée à faire avancer les choses ou à apporter de l’aide. Elle est destinée aux parents inquiets et à tous ceux qui pensent que l’école n’est plus ce qu’elle était. Elle est destinée à apporter une solution simpliste à un problème complexe. Un problème sociétal mêlant, bien entendu, des problèmes scolaires, mais également la grande pauvreté, l’urbanisme et la ghettoïsation, l’accès à la culture, les problèmes d’éducation, les nouvelles technologies, l’individualisme forcené… Et qu’importe si pour cela il vous faut discréditer l’éducation nationale, participant ainsi à la destruction du lien entre cette institution et le public.

    Un témoignage assez représentatif d’une enseignante (Charivari, Facebook)
    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=2062803910711349&id=1610357745955970

    Les profs en ont assez de ces changements de cap, de ces ministres tonitruants qui ferment nos classes, alourdissent les programmes, suppriment les RASED, diminuent les heures/jours de classe tout en réclamant de meilleurs résultats. […]
    Or les programmes 2008, ils ont été appliqués de 2008 à 2015. Des bons programmes de droite, avec beaucoup de calcul, beaucoup de lecture, et la même aversion pour la vilaine méthode globale-beurk.
    À l’époque, comme aujourd’hui, on nous avait promis que grâce à ces bonnes vieilles recettes qui avaient fait leurs preuves, le niveau allait monter.
    Cela n’a pas été le cas du tout. Au contraire, tout le monde s’affole aujourd’hui à cause d’une dégringolade jamais vue jusque-là dans les classements internationaux.
    […]
    En attendant, les profs ne seront pas mieux formés, pas mieux encadrés… et une classe ferme dans mon école rurale alors que les effectifs n’y baissent pas.

    Enfin pour une lecture critique des conceptions du ministre sur la lecture et l’étude de la langue, on pourra jeter un œil sur :
    La liberté pédagogique n’est plus ? (Catherine Chabrun, blog)
    http://www.catchabrun.com/2018/04/la-liberte-pedagogique-n-est-plus.html

    #éducation #école #primaire #apprentissages_fondamentaux #MEN #injonctions #agitation_médiatique #polémiques_stériles

    [1] cf. http://seenthis.net/messages/658626, http://seenthis.net/messages/659075, http://seenthis.net/messages/670344

  • Education à la sexualité : « De “ça”, on ne parle pas… à moins d’être mariée ! » (Le Monde)
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/04/25/education-a-la-sexualite-de-ca-on-ne-parle-pas-a-moins-d-etre-mariee_5290298

    Dans les collèges et les lycées, des séances avec conseillers familiaux et infirmières scolaires tentent de casser les stéréotypes sexistes et de lever les nombreux tabous.

    #éducation #secondaire #éducation_sexuelle #éducation_à_la_sexualité #sexisme #stéréotypes_de_genre

  • Les enseignants entre métier et profession : une identité introuvable ? (Éduveille)
    https://eduveille.hypotheses.org/9239

    Le « monde enseignant » est en effet un objet de fantasme social et politique de longue date. Les « profs » peuvent être tour à tour des professionnels de « vocation » à qui l’on confie ses enfants, des agents du service public en premier ligne pour défendre les valeurs républicaines, des fonctionnaires maltraités et injustement reconnus ou au contraire trop à l’abri de toute critique derrière leurs syndicats corporatistes, des professions libérales rétives au changement ou des cadres faisant preuve d’innovation et de créativité, etc.

    Malgré cette diversité des « missions » ou des « fonctions », l’illusion d’une certaine unité du monde enseignant perdure largement dans les représentations, en décalage avec les analyses et les études qui soulignent les segmentations voire les fractures de ce groupe social.

    Par ailleurs le métier enseignant est loin d’être autonome et bien clôturé au regard de ses conditions d’accès (une grande partie des enseignants n’est pas passée par les concours censés organiser son recrutement) comme de ses savoirs de référence ou de son positionnement au sein de l’Etat et de la société, et l’on doute aujourd’hui encore qu’il obéisse aux critères de maîtrise d’un savoir expert l’autorisant à affirmer un pouvoir social à l’instar de la profession médicale.

    Au sein même du monde enseignant, la caractérisation de la « professionalité » est loin d’être consensuelle, et les définitions de la « compétence » se concurrencent. Malgré la production de nombreux et récents référentiels de compétences, ce qui fait aujourd’hui un « bon enseignant » n’est pas évident. Selon les personnes et les contextes, la référence principale sera plutôt la maitrise disciplinaire, la gestion de la classe, l’ingénierie pédagogique, l’engagement collectif, la maitrise didactique…

    En matière de politique publique, il n’y a pas non plus de référentiels univoque : parfois, la figure implicite de l’enseignant qui transpire des circulaires et des grands discours ministériels est celle du professionnel agile, inventif, qui innove et ré-invente chaque jour de nouveaux chemins pour faire apprendre. D’autres fois, c’est celle de l’agent public qui a besoin d’être strictement contrôlé, à qui il faut rappeler quelles sont les méthodes pédagogiques efficaces, quels sont les manuels utiliser, les gestes légitimes.

    Ce modèle de référence peu stabilisé a des implications très concrètes dans le domaine de la formation des enseignants, des modes de régulation imaginés pour l’activité pédagogique, de l’évaluation des carrières, du cadrage des contextes de travail, etc.

    Selon les contours privilégiés, sa prescription peut donner une place différente à la question des programmes et du curriculum, du pilotage par les résultats ou les standards, des évaluations du système éducatif, du mode de diffusion ou de mutualisation des pratiques…Il explique aussi peut-être la perte d’attractivité de la profession enseignante et des niveaux importants de sortie du métier, particulièrement chez les jeunes enseignants.

    #éducation #enseignant·e·s #vocation #métier #compétences #professionalité #référentiels #identité

  • Claire, prof à bout dans le 94 : « Si rien ne change, je démissionne » (L’Obs)
    https://www.nouvelobs.com/rue89/notre-epoque/20180427.OBS5850/claire-prof-a-bout-dans-le-94-si-rien-ne-change-je-demissionne.html

    Claire aime son métier, mais elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour l’exercer correctement. Au point d’envisager de tout plaquer.

    #éducation #école #enseignant·e·s #REP #burn_out #violences #manque_de_moyens

  • Vendre ses cours pour un prof, est-ce légal ? (Ouest France)
    https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-vendre-ses-cours-pour-un-prof-est-ce-legal-5727193

    Dix euros le cours de 90 pages. C’est ce que propose un professeur, à la faculté de droit de Rennes 1. A priori, rien d’illégal.
    […]
    Aux étudiants, l’enseignant a toujours précisé que l’achat du dossier était « facultatif ». Sur les polycopiés, il est d’ailleurs souligné qu’il « s’agit d’un simple instrument pédagogique ».
    Pourtant, ces documents seraient indispensables pour beaucoup d’élèves. Les étudiants insistent tous sur « des cours désordonnés », qui nécessitent l’achat du dossier « beaucoup plus clair et complet que l’oral »

    #éducation #université #marchandisation

  • Faut-il détruire les écoles de commerce ? (Martin Parker, Slate.fr)
    http://www.slate.fr/story/161002/detruire-ecoles-commerce

    D’après The Guardian, la grande majorité des critiques envers ces écoles [de commerce] viennent de l’intérieur, surtout en Amérique du Nord : des enseignants –toutefois pas aussi radicaux que Martin Parker– pensent que ces établissements sont rongés par de nombreux maux : corruption ambiante, mauvais enseignements et un sentiment d’invicibilité de la part des étudiants qui pensent qu’il suffit de payer pour avoir un diplôme.
    […]
    Selon lui, une restructuration de l’enseignement du management, du monde des affaires et des marchés est nécessaire : exit l’apprentissage des modèles de stratégies de leadership transformationnel et des lois d’imposition dans le but d’y échapper plus tard.

    #éducation #supérieur #école_de_commerce

  • Exemples d’obstacles à la mise en œuvre de séquences “Égalité filles-garçons” en classe (Notes personnelles)

    Obstacles cités par des enseignant·e·s lors d’un stage syndical sur cette thématique (avril 2018).

    Obstacles liés à l’Institution
    – Le sexisme au sein de l’institution.
    – Le manque de temps par rapport aux programmes.

    Obstacles liés aux familles
    – Craintes des réactions des parents (cf. cas médiatisés liés à Vigigender ou davantage aux JRE qui ont mené des campagnes de diffamation).

    Obstacles liés aux élèves
    – Se sentir démuni face à non-mixité des groupes (notamment du fait des adolescent·e·s).
    – Les élèves anticipent les attendus et formulent un discours consensuel mou (ex : « tout le monde est pareil ») qui ne correspond pas à la réalité des relations observée ou vécue.
    – Comment gérer la réaction des garçons qui se sentent menacés par les activités proposées sur ces thèmes ?
    – Que faire face au poids des stéréotypes dans la tête des élèves, comment être efficace ? avoir un effet sensible ?
    – Comment réagir face aux discours portés par les filles encore plus stéréotypés (selon enseignant·e·s notamment issu·e·s du second degré dans les quartiers populaires), avec une surenchère machiste dans les interventions des filles.

    Obstacles liés aux collègues
    – Le manque de travail ou de volonté des équipes voire l’immobilisme ou le déni des collègues.
    – L’isolement lorsqu’on commence à travailler ces thématiques.
    – Le sexisme au sein des équipes de collègues.

    Obstacles liés à la posture enseignante à construire
    – Comment (ré)agir comme éducateur ? (sans être choqué·e ou avoir envie de répondre comme personne ou comme militant·e.)
    – Déconnexion des activités proposées de la réalité vécue par les élèves.
    – Comment construire un discours éducatif, proposer des activités éducatives ?

    Obstacles liés à soi-même
    – C’est un sujet qui interroge l’intime et révèle son propre chemin de conscientisation : quel est son propre positionnement sur ces sujets en tant qu’adulte, que femme/homme/autre, trans- ou cis-genre, etc ?
    – Comment prendre en compte notre inconscient : comment prendre conscience de nos propres attitudes, postures, réactions différenciées ou stéréotypées ? Comment s’en rendre compte ? Se voir faire ?
    – Comment travailler sur les activités/postures enseignantes inconscientes ou non pensées qui tendent à catégoriser les élèves selon filles/garçons.

    #éducation #pédagogie #formation #enseignant·e·s #genre #égalité_filles_garçons #sexisme #obstacles

  • La Parabole des Polygones - un essai jouable sur la forme que prend une société (Vi Hart, Nicky Case, Guillaume Ardaud)
    http://gardaud.github.io/polygons

    C’est l’histoire de comment des choix qui ne font de mal à personne peuvent créer un monde qui fait du mal à tous.

    Ces mignonnes créatures sont 50% Triangles, 50% Carrés, et 100% légèrement “formistes”.

    #éducation #logiciel_libre #jeu_éducatif #racisme #discrimination

  • Quels obstacles pour éduquer aux questions liées aux genres ?

    [Avertissement : J’ai écrit ce 1er jet pour une intervention pour laquelle on m’a sollicité, à partir d’idées qui me trottaient dans la tête depuis quelques mois/années. Je suis autodidacte sur ces questions, incertain de mon lexique : il doit y avoir des inexactitudes, des erreurs et/ou des âneries dans ce texte. Je suis donc preneur de retours soit ci-dessous en commentaire soit en MP à <cqma[arobase]clinamen.net>. Merci à vous tou.te.s.]

    Les derniers mois ont montré l’importance et l’actualité des combats féministes et anti-sexistes. Il me semble néanmoins que dans les nombreux débats qui ont eu lieu la question de l’éducation, et notamment de la prise en charge de ces questions par l’institution scolaire n’a pas réellement émergée.
    Il faut dire que depuis l’expérience des “ABCD de l’Égalité” à l’initiative du Ministère du Droits des femmes et de celui de l’Éducation Nationale (https://fr.wikipedia.org/wiki/ABCD_de_l%27%C3%A9galit%C3%A9) en 2013-2014, le sujet est redevenu invisible au sein de l’Institution, même si « l’égalité Filles-Garçons » a bien été intégrée de l’école primaire au lycée au sein des programmes d’Éducation Morale et Civique (EMC).

    Pourtant, le sujet n’a pas au sein de la formation initiale ou continue, au sein des projets soutenus par l’Institution, ou développés par les équipes enseignantes, la place qu’il mérite. On peut même craindre, ici et là, que les projets ayant survécus aux “ABCD de l’Égalité” persistent sous le signe d’une consensuelle « égalité Filles-Garçons » qui énonce et n’interroge rien, voire dans les pires des cas comme instrumentalisation de valeurs érigées uniquement pour stigmatiser certaines minorités, à l’instar de la Laïcité.

    Les initiatives qui s’appliquent à réellement déconstruire les stéréotypes de genre, à interroger le rapport d’oppression qu’ils soutiennent, à viser une réelle émancipation des filles et des garçons restent rares.
    Certes les enseignant.e.s sont à l’image du corps social : rétif au concept de « genre » pour certain.e.s, peu conscientisé.e.s au-delà de la consensuelle « égalité formelle », etc. Mais une partie des enseignant.e.s plus au fait de ces questions ne franchissent pas le pas ou avec beaucoup de précautions.

    Essayons donc d’éclaircir certains des points qui peuvent faire obstacle à l’appropriation de ces questions par des enseignant.e.s pourtant motivé.e.s.

    1. Recherche scientifique et didactique

    Les gender studies se sont largement développées et même dans une certaine mesure popularisées. Mais pour que des recherches théoriques puissent irriguer l’enseignement, il faut qu’un travail didactique soit mis en œuvre. Didactique c’est-à-dire traduire une discipline en un chemin d’enseignement progressif qui tienne compte des compétences et de la maturité des enfants et qui organise l’apprentissage des notions sous-tendant ce domaine de connaissance. Or, ce travail didactique est me semble-t-il balbutiant et les points d’appuis pour les enseignants restent trop lacunaires.

    1.a. La question du développement de l’enfant

    Comme pour la structuration de l’espace et du temps, l’enfant construit son rapport à l’identité sexuelle et/ou de genre au cours d’une lente maturation passant par différentes phases entre le nourrisson et l’adolescent.e tardif.ve. Il convient d’avoir conscience du développement de l’enfant dans ce domaine pour construire des séances adaptées à la maturité de l’élève, sans ignorer par exemple les représentations qui feraient obstacles.
    Je n’ai trouvé d’éléments qui éclairent ce lien entre développement de l’enfant et apprentissage que dans un ouvrage d’Anne Dafflon Novelle [1]. En tout cas, il n’y a à ma connaissance aucun texte de référence institutionnel ou pédagogique permettant aux enseignant.e.s d’avancer avec confiance sur un chemin balisé.

    1.b. Quelle progression dans les notions

    De manière similaire et en lien avec le point précédent, il n’y a pas de texte de référence permettant aux enseignant.e.s d’organiser les apprentissages et d’articuler les principales notions de ce domaine d’apprentissage de la maternelle au lycée, contrairement à la géométrie par exemple dont on peut suivre la progressivité et la complexification de l’apprentissage dans les programmes officiels.
    Dans d’autres domaines, en effet, il y a eu de nombreuses réflexions de didacticien.ne.s et de chercheur.euses sur les chemins d’apprentissage impliquant parfois des simplifications (erronées au sens strict) mais qui seront reprises, complétées, voire contredites ultérieurement.
    L’enseignant.e désireux.se de se lancer sur ces sujets est condamné.e à expérimenter au risque d’emprunter des chemins contreproductifs.

    1.c Exemple de difficultés rencontrées

    (i) Il peut paraître pertinent avec des élèves de cycle 1&2 de travailler, par exemple avec l’album “Mademoiselle Zazi a-t-elle un zizi” de Thierry Lenain, sur le fait que la seule différence entre filles et garçons est anatomique (les filles ont une zézette et les garçon un zizi), ce qui permet de remettre en cause la représentation identitaire par la seule possession (ou pas) d’un zizi, les filles, par défaut, sans-zizi, étant reléguée à des êtres de seconde zone. Pourtant, cette représentation est une simplification et fait l’impasse sur tout un tas de questions que les gender studies ont pu faire émerger. Ainsi, un livre récent sur la sexualité [2] dénombre au moins trois sexes : le sexe génétique, le sexe anatomique et le sexe psychologique. Comment l’enseignant.e peut-il progresser à hauteur d’eélève vers une complexification des notions sans risquer de s’appuyer sur des simplifications stigmatisantes ?

    (ii) Il peut paraître intéressant de travailler au cycle 2 à partir de l’album “Jérome par cœur” de Thomas Scotto. Selon son auteur, il s’agit d’une amitié masculine mais racontée en reprenant les stéréotypes des amitiés féminines, ce qui peut être un bon support pour tous les stéréotypes de l’amitié « entre-filles » ou « entre-garçons » et une porte d’entrée vers des réflexions sur ce qu’est la virilité. C’est un sujet important qui trouve des prolongements à l’adolescence sur la construction de l’identité sexuelle et/ou de genre dans les bandes-de-filles et les bandes-de-garçons. Néanmoins, ce livre a été dénoncé par des associations réactionnaires comme faisant l’apologie de l’homosexualité. Cette question peut d’ailleurs être soulevée en classe par les élèves. Dans les deux cas, il y a compétition entre deux notions qui se nourrissent l’une l’autre : les stéréotypes de genre et les stéréotypes sur l’homosexualité. Vous cherchez à déconstruire les stéréotypes de genre dans les relations amicales, et voilà que les stéréotypes se retrouvent renforcés par l’explication que si ces deux garçons se comportent « comme des gonzesses », c’est bien parce qu’ils « sont pédés », et non pas parce que les garçons peuvent aussi se comporter ainsi. Nous retrouvons le même glissement lorsqu’une compagnie de théâtre adapte l’album “Péronnille, la chevalière” de Marie Darrieussecq et modifie la fin en faisant tomber Péronille amoureuse de la Princesse. L’album est un album féministe, anti-sexiste, un anti-conte classique, où les stéréotypes sexistes des contes traditionnels sont inversés grâce à un personnage principal féminin qui traverse les diverses épreuves traditionnelles pour au final préférer son indépendance au mariage d’avec le Prince. C’est donc un support riche pour travailler les stéréotypes de genre, notamment ceux véhiculés par la littérature classique. L’adaptation théâtrale, elle, fait le choix de présenter la chevalière comme attirée par les filles, car elle préfère à la fin le mariage avec la Princesse à son indépendance. Au risque que le comportement, reçu comme atypique, de la chevalière soit réduit à cette simple explication, elle se conduit comme un « garçon manqué » non pas parce que les filles peuvent aussi être chevalière, mais parce que c’est une « gouine ».
    Ainsi, il semble que le travail de déconstruction des stéréotypes de genre et celui sur l’approche de l’homosexualité puissent se parasiter, voire créer des dynamiques contre-productives renforçant paradoxalement les naturalisations et les stéréotypes. Par exemple autour de la virilité : si tu es un « garçon sensible » alors tu es un « pédé » et inversement si tu es homosexuel alors tu es efféminé.

    Il apparaît donc que l’articulation des sujets et des notions abordées doit être pensée et anticipée au risque d’être contre-productif. Mais les réflexions et les textes ressources permettant de construire une démarche pédagogique cohérente et efficace sont rares ou inexistants.

    2. Une posture d’enseignant.e à inventer : entre appréhensions et prosélytisme

    Il est malaisé pour les enseignant.e.s de se lancer dans l’éducation aux questions liées au genre par peur des réactions des collègues, de l’Institution, des familles, des élèves.

    2.a. À la recherche d’un consensus dans l’équipe pédagogique

    L’interprétation de la consensuelle notion d’égalité filles-garçons repose sur tout un implicite de représentations et de chemin de conscientisation chez les adultes. Les rares formations qui se sont déroulées lors du lancement des “ABCD de l’Égalité” ont montré que la question du genre nécessitait non seulement l’appropriation de concepts restés en partie confidentiels, mais aussi un travail de conscientisation, mais aussi encore souvent un travail de conviction. Si certaines questions profitent d’un consensus de façade (la question salariale, la question du respect), tou.te.s les collègues ne sont pas persuadé.e.s qu’il est important de remettre en cause les stéréotypes (ne serait-ce que parce que certain.e.s collègues sont des hommes…). Certaines discussions peuvent même devenir très tendues lorsqu’il s’agit de définir ce qu’est un stéréotype même pour ce qui est des jouets, des activités sportives, couleurs et habitudes vestimentaires. Les arguments qui tendent à naturaliser des habitudes, attitudes, postures acquises et construites socialement reviennent vite.
    Par ailleurs, personne ne vous suivra ou presque si vous quittez les rivages consensuels du « respect » pour aborder ceux de l’identité de genre ou de l’homosexualité, notamment en primaire.

    Il y a donc un besoin de formation aux apports récents (ou pas) de la recherche à mener auprès des enseignant.es. Et elle reste extrêmement marginale, la formation continue ayant par ailleurs disparue ou presque quelqu’en soit le sujet.

    2.b Une institution en appui ?

    Du point de vue des Instructions Officielles, les questions abordées sont transdisciplinaires : SVT pour tout ce qui est connaissance de son corps et éducation sexuelle, EMC pour tout ce qui est égalité, vivre ensemble, respect, harcèlement et maltraitance…

    L’égalité filles-garçons semble sortir renforcée des dernières évolutions des textes officiels. Absente de ceux-ci avant les années 2000, il fallait s’appuyer uniquement sur l’aspect « reproduction » en primaire ou « éducation à la sexualité » au secondaire, des programmes scolaires. Nous pouvons, aujourd’hui, nous référer à une série de textes :
    – Le BO HS n°10 du 2 novembre 2000, intitulé “À l’école, au collège et au lycée : De la mixité à l’égalité”.
    – la Circulaire n°2007-011 du 09.01.2007 et son paragraphe 3.2 intitulé “L’égalité des filles et des garçons dans le système éducatif”
    – La convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, signée pour la période 2013-2018 par six ministères, dont les chantiers prioritaires sont : (i) acquérir et transmettre une culture de l’égalité entre les sexes ; (ii) renforcer l’éducation au respect mutuel et à l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes ; (iii) s’engager pour une plus grande mixité des filières de formation et à tous les niveaux d’étude.
    – L’expérimentation des “ABCD de l’Égalité” qui découle directement de la convention mentionnée précédemment et qui a mobilisé les différents services du Ministère de l’Éducation Nationale, chacun développant des pôles ressources plus ou moins pertinentes. Voir par exemple, le dossier du site Éduscol “Les enjeux de l’égalité filles-garçons”.
    – Les nouveaux programmes de 2015 et 2016 qui intègrent dans les programmes d’Éducation Morale et Civique (EMC) l’item de l’égalité filles-garçons.

    Donc, il semble qu’en 15 ans le ministère ait construit le cadre officiel pour aborder ces questions en classe. Sauf que depuis le désastre politico-médiatique des “ABCD de l’Égalité”, le mot genre est tabou à l’Éducation Nationale, les projets sur ces thématiques ne sont ni soutenus ni développés, et que loin de l’ambition des questions de genre les programmes se sont réduits à des notions consensuelles.
    Dans les faits, la hiérarchie verra dans toute action sur les questions de genre, une volonté militante à la marge des textes et une source de problème avec les familles et donc avec sa propre hiérarchie.

    2.c Une source de conflit avec les familles ?

    Lors des “ABCD de l’Égalité”, les réactions les plus virulentes étaient l’œuvre d’une minorité (doublement structurée autour de Vigigender, émanation de La Manif pour tous, et des Journées du Retrait de l’École (JRE), plutôt lié aux milieux de l’islam radical). Néanmoins, les controverses de ces dernières années du Mariage pour Tous aux “ABCD de l’Égalité”, en passant par les polémiques autour de la “théorie du genre” ou de la notion de harcèlement montre que si la conscientisation progresse, de larges pans de la société restent cependant pour le moins rétifs à ces sujets et à une approche émancipatrice.
    Par conséquent, inévitablement, pour une partie des familles, la mise en place de séances sur ces thématiques sera source de défiance ou de conflits.

    Cela nécessite donc en amont une réflexion sur la communication avec les familles, sur la définition et présentation du projet, pour laquelle les enseignant.e.s ne sont ni formé.e.s, ni aidé.e.s. Une fois encore les ressources font défaut et expérimenter peut être hasardeux…

    2.d Un conflit de loyauté pour les élèves ?

    Nous commençons à être sensibilisé.e.s à la question du conflit de loyauté dans lequel se trouve un enfant lorsque les valeurs, les attendus de l’école le mettent en conflit à ceux de sa famille. Le conflit de loyauté est en fait plus vaste car au-delà du conflit des valeurs, il interroge aussi ce dont l’élève pense être autoriser à se saisir à l’école sans trahir son milieu, sa famille.

    Inutile de préciser que comme ces questions ne relèvent pas d’un consensus social, les élèves seront vite pris dans des conflits de loyauté dès qu’ils auront l’impression que leurs valeurs ou celles de leur famille sont remises en question, ou simplement que les postures et attitudes des adultes référents sont critiquées (ex : question des tâches ménagères ou de l’orientation professionnelle). J’ai pu observer lors d’interventions maladroites sur ces sujets que des prises de paroles, sincères mais prosélytes, pouvaient être particulièrement contre-productives dès lors qu’elles étaient ressenties comme jugeantes ou stigmatisantes, aboutissant à des fermetures, raidissements voire à l’exacerbation des propos des élèves.

    Il me semble ici que nous devons interroger notre pratique d’éducateur.trices, abandonner une posture morale ou prosélyte pour une approche philosophique et scientifique avec les élèves en privilégiant l’ouverture sur la différence des ressentis, pratiques, représentations et l’émergence du doute en confrontant des conceptions à des raisonnements ou des éléments factuels et/ou scientifiques. Rester à hauteur d’enfants, faire émerger les différences de conception au sein du groupe classe, leur renvoyer leurs questionnements, rentrer dans des discussions philosophiques ou appliquer des raisonnements scientifiques ou logiques permettant de réfuter en appui sur leur vécu certaines représentations, reste, selon mon expérience, le plus efficace.

    Sur ce sujet encore les ressources pédagogiques font défaut, celles mises à disposition par le Ministère à l’époque des “ABCD de l’Égalité” n’étaient d’ailleurs pas très convaincantes illustrant le manque de maturité du sujet. Ces dernières années des supports pédagogiques ont été proposés par des associations citoyennes ou d’éducation populaire mais tout cela reste insuffisant. Ici encore, et notamment sur la question des pratiques et des postures, la question de la formation est cruciale.

    [1] DAFFLON NOVELLE Anne, “Identité sexuée : construction et processus” in Filles-garçons Socialisation différenciée ?, DAFFLON NOVELLE Anne (dir.), Presses Universitaires de Grenoble, 2006.
    [2] BROCHMANN Nina, STØKKEN DAHL, “Les joies d’en bas”, éditions Actes Sud, 2017.

  • Le Café Pédagogique Mensuel - EDITION ACTUALITES
    http://www.cafepeda.net/181_actu.htm#a1

    Éditorial : Blanquer : Fin de l’état de grâceMoins d’un an après l’arrivée au ministère de JM Blanquer, un tournant vient d’être pris. Après des mois d’opinion semble-t-il très favorable, le ministre semble ne récolter que de l’opposition chez les professionnels de l’éducation comme le montrent pas moins de trois études récentes. L’état de grâce qui a suivi l’élection présidentielle et les premières mesures, semble terminé. L’ascension politique de JM Blanquer continue. Mais son programme éducatif se heurte à une opposition à la fois large et déterminée. Pour JM Blanquer, les temps difficiles rue de Grenelle arrivent alors que l’oasis de la rue de Varenne est encore loin.

    #Blanquer #éducnat #éducation

    cc @heautontimoroumenos

  • “Ce que j’aime en moi…” (Séance d’écriture-flash n°4, CM2)

    Consigne : Je vais taper dans les mains une fois et vous devrez faire silence. Mes instructions seront écrites au tableau et vous n’aurez aucune autre indication. Impossible de me poser des questions, impossible d’en discuter avec vos camarades, le silence doit être complet. Lorsque je frapperai par deux fois dans mes mains, cette contrainte sera levée. Des questions ?
    – Prenez une feuille de classeur et un crayon.
    – Écrivez votre prénom.
    – Écrivez une phrase ou un court texte commençant par « Ce que j’aime en moi… ».
    – Je chronomètre 3 minutes à l’horloge et je relève les feuilles.

    Productions des élèves (1er jet, orthographe corrigée par moi)

    – Ce que j’aime en moi c’est que je suis amoureuse, que j’ai de la chance, que j’ai des amis. Des fois, moi, je regarde Parodie Bros des Youtubers. J’en dis une comme je vais me doucher et il n’y a plus d’eau chaude et d’autres comme j’aime ma maman, mon papa, mon frère, mes tontons, mes taties. Je suis comme je suis. À mes yeux, je suis précieuse.
    – Ce que j’aime en moi c’est mon côté râleuse et que je suis curieuse.
    – Ce que j’aime en moi c’est ma bonne humeur.
    – Ce que j’aime en moi c’est m’amuser et faire la folle chez moi. Et j’aime aussi tricher au Uno quand je joue avec ma sœur chez moi et si elle gagne, je dis qu’elle a triché. Et j’aime beaucoup ma famille et m’amuser le plus que je peux.
    – Ce que j’aime en moi c’est que je fais des sorties avec ma famille, que je travaille, qu’on s’amuse avec ma sœur ou mon frère, et que je reste en sécurité avec ma famille.
    – Ce que j’aime en moi c’est que je ne mens pas et que je râle pour énerver mes frères. Je suis sure de moi et curieuse.
    – Ce que j’aime en moi c’est mon chien, mon père, ma mère, ma sœur, mon frère, mes mamies, mes papis, mes amies, ma meilleure amie, mes cousines, mes cousins, mes tontons et mes taties ! Enfin toutes ma famille et mes amies.
    – Ce que j’aime en moi c’est mon intelligence, ma joie, mon côté râleuse et boudeuse. Je suis gentille avec les gens qui m’entoure, aussi ce que j’aime en moi c’est que j’aime aller à l’école pour me faire des amis et découvrir plein de chose. Mais surtout ce que j’aime en moi c’est que j’aide mes parents.
    – Ce que j’aime en moi c’est que je me fais confiance et que je me sens protégé avec ma famille.
    – Ce que j’aime en moi c’est mon caractère, mon visage, mes cheveux et aussi que je suis poli.
    – Ce que j’aime en moi c’est mon courage et que j’ai des principes et des valeurs.
    – Ce que j’aime en moi c’est ma vie.
    – Ce que j’aime en moi c’est que je sais me battre et je fais des superbes dessins.
    – Ce que j’aime en moi c’est que je suis gentil et que je ne fais pas mon beau.
    – Ce que j’aime en moi c’est le livre de mon cœur, ouvert quand je suis joyeux, fermé quand je suis en colère, l’histoire de ma vie.
    – Ce que j’aime en moi c’est que je suis joyeuse, j’ai des amies, j’ai ma famille. J’aime aussi aller en vacances avec ma famille et mes amies, j’aime partager des moments avec eux.
    – Ce que j’aime en moi c’est aller à la plage avec ma famille et mes grands-parents et mes cousins et cousines.
    – Ce que j’aime en moi c’est le courage. Ce que j’aime en moi c’est la réalité et la vérité. Ce que j’aime en moi c’est la nature. Ce que j’aime en moi c’est la colère. Ce que j’aime en moi c’est ma famille.
    – Ce que j’aime en moi c’est que je suis courageux, intelligent, sérieux quand quelqu’un me donne un travail et aussi ma personnalité et puis ma famille.

    #école #témoignage #production_d'écrits #CM2 #identité #image_de_soi

  • Pronote, Sconet...Quels sont les effets pervers des logiciels de vie scolaire ? (20 minutes)
    https://www.20minutes.fr/societe/2246675-20180404-pronote-sconet-effets-pervers-logiciels-vie-scolaire

    Les parents ne sont pas tous connectés à ces plateformes, ce qui crée une inégalité dans l’accès à l’information.
    A contrario, certains parents les consultent beaucoup. Au risque de focaliser encore plus sur les notes de leurs enfants.
    Les élèves en difficultés peuvent être démotivés par la manière dont ces logiciels soulignent leur positionnement par rapport au reste de la classe

    #éducation #ENT #TICE #NTIC #relations_école_famille