hubertguillaud

Journaliste et rédacteur en chef de http://www.internetactu.net - aka @iactu -, le média de la Fondation internet nouvelle génération http://www.fing.org

  • Je suis toujours frappé de constater combien les services publics sont peu démocratiques. Les usagers n’y sont pas représentés. Ils ne décident rien des choses qui les concernent. Ils ne contrôlent pas non plus l’impact des actions engagées par l’administration.

    Pourquoi les services publics sont-ils si peu démocratiques ? Pourquoi devraient-ils le devenir ? Voilà les questions auxquelles tente de répondre le professeur de droit, Thomas Perroud dans son livre, "Services publics et communs : à la recherche du service public coopératif". Dans le pays "le plus animé par l’idée d’égalité, le rapport à la puissance publique est probablement le plus inégalitaire dans son vécu", explique-t-il, dans un livre qui vise à remobiliser les citoyens afin qu’ils arrêtent de se prêter aux consultations pour les convier à réclamer le pouvoir, seul à même de limiter l’arbitraire administratif et politique. Les défis qui sont devant nous, à savoir ceux du climat et de l’opacité du calcul, nécessitent plus que jamais de trouver des pratiques permettant de modifier la relation administrative. Il nous faut passer des services publics aux communs, et pour y parvenir, il faut faire une place inédite aux usagers.

    Le principe démocratique devrait toujours être un objectif de service public, rappelle le professeur de droit. « L’intérêt central du commun est non seulement d’apprendre la démocratie et l’égalité, mais aussi d’apprendre à l’individu à orienter son comportement par des motifs alignés sur l’intérêt général ». C’est par la démocratie qu’on apprend à prendre soin des autres, à tenir compte des autres. C’est par la démocratie qu’on apprend la démocratie.
    https://hubertguillaud.wordpress.com/2023/10/10/cest-encore-loin-les-communs

  • Le numérique tient-il plus d’une barrière, d’une possible nouvelle frontière dans la mondialisation ou au contraire, est-elle l’interface, le liant d’une nouvelle géopolitique dont les frontières se recomposeraient en dehors de toute géographie ? C’est la question que pose Ophélie Coelho dans son livre « Géopolitique du numérique ». Pour elle, le numérique est une couche supplémentaire de puissance et de rivalités, entre Etats, mais aussi entre Etats et multinationales. Il est à la fois l’outil d’affrontement des différents blocs du monde contemporain et le coeur de la domination.

    La grande question de cette géopolitique, c’est surtout la montée d’un pouvoir privé qui vient renforcer plus que perturber les équilibres géopolitiques en cours. Le numérique nous confronte à une puissance impériale inédite qui fait émerger un nouveau pouvoir au sein des blocs géopolitiques, un pouvoir particulièrement hégémonique et monopolistique... Une forme de privatisation du pouvoir, un colonialisme technique qui déstabilise la démocratie libérale elle-même, comme s’en inquiète Anu Bradford dans son livre, « Digital Empires ». Et qui pose la question de la régulation de ce qui apparaît comme un nouvel impérialisme. #numérique #géopolitique #régulation #impérialisme

    https://hubertguillaud.wordpress.com/2023/10/30/de-limperialisme-numerique

  • Ouvrir le code des #algorithmes ? — Oui, mais… (1/2)
    https://framablog.org/2023/05/15/ouvrir-le-code-des-algorithmes-oui-mais-1-2

    Voici le premier des deux articles qu’Hubert #Guillaud nous fait le plaisir de partager. Sans s’arrêter à la surface de l’actualité, il aborde la #transparence du code des algorithmes, qui entraîne un grand nombre de questions épineuses sur lesquelles il … Lire la suite­­

    #Enjeux_du_numérique #amplification #Documentation #données #interdiction #Kayser-Bril #minimisation #Narayan #Nicholas #recherche #Twitter

  • Politique de l’absurde
    https://laviedesidees.fr/Politique-de-l-absurde

    La dématérialisation de l’accès aux #droits_sociaux, loin de réduire le non-recours, ne fait qu’accentuer la fracture #numérique. Si cette politique peut paraître absurde, elle est parfaitement délibérée. Depuis une dizaine d’années, dans les CAF (Caisse d’allocations familiales) ou les MSA (Mutualité sociale agricole), il faut faire usage des outils numériques pour accéder à ses droits. Qu’il s’agisse de solliciter un rendez-vous, d’obtenir son test d’éligibilité ou encore d’envoyer les pièces justificatives (...) #Essais

    / Société, #inégalités, pauvreté, revenu de solidarité active (RSA), numérique, droits sociaux, (...)

    #Société #pauvreté #revenu_de_solidarité_active_RSA_ #administration
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20230502_rsa.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20230502_rsa.pdf

    • la mise en œuvre des réformes est toujours prévue avec son taux de #non-recours, ainsi anticipé dans les lignes budgétaires.

      (...) Ces éléments conduisent à pointer les limites conceptuelles de la notion de non-recours, dont la construction même ne permet pas de prendre en compte les déterminants sociaux de l’accès aux droits. Pour réencastrer le problème dans les dynamiques sociales complexes qui le structure, il paraît important de se tenir à distance des pièges à penser qui se forment autour de l’appréhension de la pauvreté et qui réduisent le regard porté sur celles et ceux qui y sont confrontés. Demander le RSA ne requiert pas seulement un ensemble de compétences (numérique, administrative, de mobilité ...) qui permettent ou non de décider de faire valoir son droit. Demander le RSA c’est, plus largement, un parcours qui s’inscrit dans des rapports à l’État qui se constituent sur le temps long, au fil de biographies plus ou moins marquées par les violences qu’exercent les administrations, et qui s’intensifient à mesure que l’on descend dans la hiérarchie sociale.

      (...) Outre l’aggravation des situations de pauvreté de ces personnes et les difficultés sociales qui naissent de ces situations (en termes d’accès aux soins ou encore au logement), un des effets de ces parcours heurtés d’accès aux droits concerne le rapport au politique (Deville, 2022). Que voit-on et que pense-t-on de l’État quand il n’est plus là ? Ce qu’on voit, c’est que l’État s’occupe des « autres », cette figure située juste en-dessous de soi et qui se matérialise régulièrement sous les traits racisés du profiteur d’aide sociale. En l’absence de trace matérielle des pouvoirs publics, la cause retenue aux problèmes rencontrés se mue en mise en concurrence des malheurs, renforçant ainsi les divisions internes aux classes populaires et faisant naître un ressentiment suffisamment grand pour soutenir les votes d’extrême droite.

      #CAF #MSA #dématérialisation #pauvres #RSA #APL #contrôle

  • « Pays-Bas, un empire logistique au coeur de l’Europe » : https://cairn.info/revue-du-crieur-2023-1-page-60.htm
    Excellent papier du dernier numéro de la Revue du Crieur qui montre comment le hub logistique néerlandais a construit des espaces dérogatoires aux droits pour exploiter des milliers de migrants provenant de toute l’Europe. Ces zones franches optimisent la déréglementation et l’exploitation, générant une zone de non-droit, où, des horaires de travail aux logements, toute l’existence des petites mains de la logistique mondiale dépend d’une poignée d’employeurs et de logiciels. L’article évoque notamment Isabel, le logiciel de l’entreprise bol.com qui assure la mise à disposition de la main d’oeuvre, en intégrant statut d’emploi, productivité, gérant plannings et menaces... optimisant les RH à « l’affaiblissement de la capacité de négociation du flexworker ». Une technique qui n’est pas sans rappeler Orion, le logiciel qui optimise les primes pour les faire disparaitre... https://www.monde-diplomatique.fr/2022/12/DERKAOUI/65381

    Les boucles de rétroaction de l’injustice sont déjà en place. Demain, attendez-vous à ce qui est testé et mis en place à l’encontre des migrants qui font tourner nos usines logistiques s’élargisse à tous les autres travailleurs. #travail #RH #migrants

  • La détention provisoire, creuset des #inégalités | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/observatoire-international-des-prisons-section-francaise/blog/160223/la-detention-provisoire-creuset-des-inegalites?at_medium=custom3&at_

    Cela dit, d’autres critères peuvent se superposer à celui des garanties de représentation. L’existence plus courante d’un casier judiciaire chargé[4], souvent liée à une délinquance de survie et une focalisation des moyens et de l’activité policière sur certains types d’illégalismes, conduit ainsi les juges à retenir également plus fréquemment pour ces catégories de personnes le critère du risque de renouvellement de l’infraction.

    Or, toutes choses égales par ailleurs, le fait d’avoir été incarcéré avant jugement multiplie par huit la probabilité d’une condamnation à un emprisonnement ferme, les magistrats des juridictions de jugement ayant tendance à «  confirmer les décisions d’incarcération prises en amont, à ‘‘couvrir ’’ les périodes de détention avant jugement  », soulignent encore les auteurs. Mais ces «  logiques  » pénales n’expliquent pas tout : même sans être passées par la case prison avant leur jugement, les personnes sans domicile fixe ont deux fois plus de probabilités que les autres d’être condamnées à une peine ferme.

  • « Le management actuel tend à formater les salariés pour en faire des individus sans ancrage, sans passé, qu’on peut déplacer à sa guise »
    https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2023/02/19/le-management-actuel-tend-a-formater-les-salaries-pour-en-faire-des-individu

    Cela fait partie de ce qu’on appelle « la comédie du travail ». On installe les salariés dans un décor, comme des figurants dans un film. Ils se retrouvent dans un cadre irréel, qui n’est ni chez eux ni un lieu de travail défini. Dans un bureau où on se rend quotidiennement, on se crée des repères, on est dans un cadre qui raconte une histoire. En allant travailler chez des gens qu’on ne connaît pas, en changeant d’endroit en permanence, le travail devient déréalisé.

    • « On change les salariés de décor pour que rien ne change »

      Aurélie Jeantet, sociologue, autrice des Emotions au travail (CNRS, 2018), analyse l’engouement des entreprises de réunir leurs salariés dans des lieux atypiques.

      Comment expliquer que des entreprises préfèrent se réunir dans des appartements plutôt que dans des bureaux ?

      Cela fait partie de ce qu’on appelle « la comédie du travail ». On installe les salariés dans un décor, comme des figurants dans un film. Ils se retrouvent dans un cadre irréel, qui n’est ni chez eux ni un lieu de travail défini. Dans un bureau où on se rend quotidiennement, on se crée des repères, on est dans un cadre qui raconte une histoire. En allant travailler chez des gens qu’on ne connaît pas, en changeant d’endroit en permanence, le travail devient déréalisé.

      Certaines plates-formes veulent même mettre en place des partenariats avec des marques d’ameublement ou d’électroménager. Que vous inspirent ces synergies ?

      Ces marques correspondent aux standards du beau, du bon goût, celui des classes supérieures urbaines. C’est une manière de faire rêver le salarié, de lui faire miroiter la réussite sociale qui l’attend s’il satisfait sa hiérarchie. Plutôt que de l’emmener dans un hôtel, un espace qui renvoie à l’évasion hors de chez soi, on le transporte au contraire dans un univers domestique fantasmé, comme si on voulait modeler à la fois sa vie professionnelle et sa vie privée.

      Cette dimension irréelle fait-elle partie d’une stratégie de management ?

      Oui, tout à fait. Le management actuel tend à formater les salariés pour en faire des individus sans ancrage, sans passé, qu’on peut déplacer à sa guise. Toutes les études sur le « flex office » (le fait de ne pas avoir de bureau fixe dans l’entreprise) ont montré que l’instabilité nuisait au bien-être au travail. Elle empêche aussi la construction d’une vraie culture d’entreprise, l’établissement de solidarités. Même si la routine peut paraître ennuyeuse, elle aide aussi à travailler et à créer des liens avec les autres.

      Pourtant, les activités ludiques sont censées renforcer le lien entre les salariés. C’est le concept du « team building », en vogue dans les entreprises…

      Cette pratique pose question dès lors qu’elle revêt un caractère obligatoire. Les salariés ont-ils le choix de faire un escape game ou de travailler au bord d’une piscine ? Ce peut être extrêmement mal vu de le refuser. En les installant dans des décors agréables, on leur fait un cadeau qu’ils n’ont pas demandé. C’est la logique de « parce que tu le vaux bien ». Or, comme on le sait, tout cadeau entraîne une obligation vis-à-vis de celui qui vous l’offre. Dans un superbe loft avec vue sur tout Paris, il serait déplacé d’être de mauvaise humeur ou de manifester son mécontentement, comme on pourrait le faire au bureau. Ce décor artificiel, censé être chaleureux et cosy, contribue à la normalisation émotionnelle des comportements. C’est le as if management , le management du « comme si ». On fait comme si tout allait bien, comme si on était une bande de copains qui se faisait une bouffe… On n’a pas d’autre choix que d’être de bonne humeur et d’arborer le smile, qui est l’expression prescrite en entreprise.

      La comédie du travail n’a-t-elle pas toujours existé, même au bureau ?

      Bien sûr. Dans un open space , on peut faire semblant d’être concentré, on joue le jeu du présentéisme, alors qu’on regarde les photos de ses amis sur les réseaux sociaux… Mais au moins, on est dans un lieu consacré au travail, dans lequel certains écarts peuvent être tacitement admis. En travaillant dans un salon ou une péniche, on fait comme si on était dans un jeu, ce qui est faux : le travail n’est pas un jeu entre amis. C’est un univers soumis à des hiérarchies et des pressions bien réelles. Finalement, on change les salariés de décor pour que rien ne change, pour contourner les véritables enjeux. Enfoncé dans un canapé avec un chat sur ses genoux, on est moins susceptible de créer des problèmes à sa hiérarchie.

  • Faillites d’entreprises : une lanceuse d’alerte dénonce le scandale des milliards envolés
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/20/faillites-d-entreprises-une-lanceuse-d-alerte-denonce-le-scandale-des-millia

    Elle ne s’imaginait certes pas un destin de lanceuse d’alerte. Houria Aouimeur, 53 ans, a toujours préféré la discrétion, à l’image de son parcours, dans l’ombre du patronat. Elle ne pensait pas, non plus, avoir un jour besoin d’une sécurité rapprochée, ni devoir s’épancher devant des enquêteurs pour révéler les secrets d’un système où les milliards d’euros coulent à flots, dans une certaine opacité. Houria Aouimeur n’envisageait pas, enfin, se trouver en position d’être licenciée pour faute lourde, quatre ans après son arrivée à la tête de la délégation Unédic-AGS.

    (...) Fin 2018, cette juriste de formation décroche un poste enviable : directrice nationale de l’Agence de garantie des salaires, l’AGS, un mécanisme méconnu qui permet aux employés des nombreuses entreprises françaises placées chaque année en redressement judiciaire (42 000 en 2022) de continuer à percevoir leur rémunération. Les sommes brassées par cet amortisseur social sont colossales. Financée par les cotisations patronales, l’AGS a versé, sur les treize dernières années, 24 milliards d’euros.

    Précision essentielle : l’AGS n’est pas directement en contact avec les salariés. Ce sont les 300 mandataires judiciaires répertoriés en France – accompagnés d’une cohorte d’avocats, d’experts et de conseils en tout genre – qui touchent les fonds, qu’ils sont ensuite chargés de redistribuer aux salariés. Le « marché » des entreprises défaillantes est, selon la formule de Mme Aouimeur, « un gigantesque fromage ». Qui attise les convoitises. Au point, assure-t-elle en substance, d’être le théâtre de nombreuses dérives.

    Courriers anonymes

    Peu après la nomination de Mme Aouimeur, la Cour des comptes relève, dans un rapport de février 2019, des « ambiguïtés » dans le régime de garantie des salaires et une « forte dépendance » vis-à-vis des mandataires judiciaires. A la même période, Houria Aouimeur prend connaissance d’un audit qu’elle avait commandé, dès sa prise de fonctions, au cabinet EY. En effet, se souvient-elle, « assez vite, les premiers bruits de malversations » lui étaient parvenus.
     
    Le rapport d’EY conforte ses soupçons. Elle s’en ouvre auprès du Medef, instance suprême qui chapeaute tout le système. Son président, Geoffroy Roux de Bézieux, le confirme au Monde : « Houria nous avait contactés pour nous dire, “j’ai découvert un certain nombre d’affaires”, et je lui avais donné tout mon soutien pour démêler tout ça. Donc elle a commandé un premier rapport chez EY, qui mettait au jour le fait que l’ancien directeur avait monté un petit système de corruption. Et commençaient aussi à tourner quelques soupçons sur des administrateurs ou mandataires judiciaires. » En conséquence, en mars 2019, l’AGS et le Medef déposent une plainte, notamment pour « vol, corruption, prise illégale d’intérêts ».
    Le Monde a pu consulter le rapport EY, intitulé « projet Albatros », ainsi que la plainte. Trois personnes sont directement mises en cause : le prédécesseur de Mme Aouimeur à la tête de l’AGS, Thierry Météyé, l’ex-responsable de son service juridique, Béatrice Veyssière, et l’avocate parisienne Valérie Dutreuilh.

    (...) Dès février 2019, elle a déposé une plainte dans laquelle elle dénonce « des corruptions dont se serait rendu coupable [son] prédécesseur en labélisant des mandataires judiciaires (…) ce qui leur donne droit aux versements automatiques des salaires, sans vérification a priori de la réalité de l’existence des entreprises et de leurs salariés ».
    En clair, des mandataires indélicats, destinataires des fonds que leur confie l’AGS et qu’ils sont censés reverser aux salariés, les garderaient pour eux. Elle poursuit : « J’ai alors compris qu’il y avait un lien [avec ses ennuis] car nous étions en train de découvrir beaucoup d’actes qu’on peut considérer comme de la malversation et de la corruption. »

    https://justpaste.it/aoiba

    #entreprises #faillites #patronat #Unedic #corruption

    • Qui veut la peau de la lanceuse d’alerte du patronat ?

      Houria Aouimeur a dénoncé des détournements de fonds de très grande ampleur au sein de l’organisme patronal qu’elle dirige, la délégation Unédic-AGS. Plusieurs milliards d’euros se seraient envolés. Depuis, elle vit dans la peur : menaces, harcèlements, filatures…

      Par Matthieu Aron publié le 20 février 2023 à 12h03
      https://www.nouvelobs.com/justice/20230220.OBS69795/qui-veut-la-peau-de-la-lanceuse-d-alerte-du-patronat.html

      Ce 13 juillet 2019, un soleil radieux éclaire Paris. Houria Aouimeur est à la fête. La jeune femme brune, entourée de sa famille et de ses amis, apparaît tout sourire sur les photos prises à la mairie du 18e arrondissement. Pourtant, sur les mêmes clichés, juste derrière elle, figure une ombre. Un homme en noir. C’est l’un de ses gardes du corps qui la suit depuis plus de six mois, à tout instant, dans tous ses déplacements… même sur les lieux de son mariage. La vie d’Houria Aouimeur a basculé dix mois plus tôt. Quand le Medef, dont Geoffroy Roux De Bezieux vient alors de prendre la tête, a proposé un job à haut risque à cette juriste expérimentée travaillant pour l’organisation patronale depuis 2012, d’abord en tant que directrice des affaires sociales, puis comme directrice générale de sa branche conseil : aller faire le ménage au sein de la DUA, la « délégation Unédic-AGS ».

      Inconnu du grand public, cet organisme patronal remplit pourtant une mission essentielle : grâce à une cotisation d’environ 1,5 milliard d’euros par an, il permet de rémunérer les salariés au moment où leur société est placée en liquidation judiciaire. De 2012 à 2022, plus de 2 millions d’employés dans 240 000 entreprises en faillite ont ainsi pu bénéficier de ce fonds de garantie pour un montant total de 18 milliards d’euros. Or, au fil du temps, la DUA est devenue une véritable pétaudière : management opaque, factures exorbitantes, contrôles quasi inexistants…
      Des pertes annuelles de « 1,5 milliard d’e
      uros »

      Las, le nettoyage a viré au polar. Et la vie d’Houria Aouimeur au cauchemar. Malgré les menaces, les intimidations, les filatures, la directrice générale dénonce depuis quatre ans des détournements de très grande ampleur au préjudice du fonds de garantie. Les pertes se chiffreraient en milliards d’euros. Ses révélations ont provoqué un tremblement de terre au sein du monde patronal. Une volonté de transparence qu’elle paye très cher. Ces derniers mois, l’Unédic a déclenché plusieurs procédures contre elle et envisage même désormais de la licencier. La directrice, épuisée, est aujourd’hui en arrêt maladie.

      Les secrets que la lanceuse d’alerte tente de mettre au jour sont-ils à ce point dérangeants ? A-t-elle ouvert une boîte de Pandore que l’Unédic, comme le Medef, qui doit choisir dans quelques mois son nouveau président, préféreraient voir refermer au plus vite ? Ses avocats William Bourdon et Jérôme Karsenti, qui viennent de saisir la justice pour harcèlement moral, en sont convaincus : « On veut la bâillonner », disent-ils. « Les représailles dont je suis la victime, comme le sont également les membres de mon équipe de direction, ne sont qu’un contre-feu mis en place par ceux qui craignent l’émergence de la vérité », confie la directrice générale de la DUA.

      Dès sa prise de fonction fin 2018, Houria Aouimeur lance un audit. Elle met le doigt sur des prestations juridiques et de communication surfacturées, porte plainte au nom de la DUA contre les agissements de son prédécesseur, Thierry Météyé, resté en poste durant 37,5 ans (en novembre 2021, sollicité par « le Monde », ce dernier soutenait que toutes les allégations contre lui étaient infondées). A l’époque, le Medef et l’Unédic s’associent aux poursuites engagées. Mais la directrice générale ne s’arrête pas là. Avec l’appui d’un cabinet comptable indépendant, mois après mois, elle met au jour des malversations d’une tout autre ampleur.

      Rien que sur la période 2013-2018, des dizaines, voire des centaines, de millions d’euros auraient disparu. Du moins à en croire une seconde plainte déposée le 15 octobre 2019 qui va jusqu’à évoquer des pertes annuelles de « 1,5 milliard d’euros ». Dans ce document, la DUA pointe principalement la responsabilité de nombreux mandataires judiciaires. Ces professionnels, chargés de gérer la liquidation des entreprises en faillite, se voient accusés d’avoir conservé dans leurs études une partie des avances destinées aux salariés. Une instruction est alors ouverte pour « faux et abus de confiance ». Elle est confiée au juge d’instruction parisien Vincent Lemonier.
      Serrure forcée, lettre anonyme…

      Seulement, plus Houria Aouimeur progresse dans ses découvertes, plus elle est l’objet de menaces et moins elle est soutenue par son organisme de tutelle. Les premières intimidations qu’elle a subies remontent au 4 janvier 2019. La serrure de sa porte d’entrée est forcée, son nom arraché sur sa boîte aux lettres. Puis, moins d’un mois plus tard, le 26 janvier, elle reçoit, via un pseudo sur Facebook, une photo plutôt menaçante. Celle de trois hommes tatoués, torse nu, les mains sur les oreilles, les yeux et la bouche, qui lui intiment de « ne pas voir, de ne pas entendre et de ne rien dire ». Deux jours après, le 28 janvier à midi, sa femme de ménage, présente dans son appartement parisien, sent une forte odeur venant du palier, s’écrie « c’est quoi, ça ? », ouvre la porte, entend du bruit dans le couloir et découvre que la porte d’entrée vient d’être taguée avec une bombe de peinture noire.

      Enfin, le 31 janvier, une lettre anonyme parvient au président de l’Unédic. Son scripteur prête à Houria Aouimeur une fausse relation intime avec l’un de ses subordonnés, trois photos truquées sont jointes. Dans le même temps, toujours en janvier 2019, un huissier de justice qui a mis sous scellés du matériel informatique de la DUA lance une alerte. Il dit redouter « un cambriolage » et recommande au plus vite « l’achat d’un coffre-fort ». Peu de temps après, « des visiteurs se sont introduits de nuit dans nos locaux. Ils ont tenté de forcer le bureau de la comptable », se souvient Jacques Savoie, à l’époque adjoint à la directrice de la DUA.

      Surtout, à partir de début février 2019, la directrice constate que des individus, très souvent les mêmes, sont positionnés le matin devant son domicile. Ces hommes la suivent, parfois jusqu’à son travail, et demeurent sous les fenêtres de son bureau. Sans se cacher, juste pour l’intimider. Plusieurs de ses collaborateurs observent des agissements identiques. Ainsi, Jean-Paul Toselli, le référent informatique à la DUA, se rappelle fort bien avoir vu « un motard se stationner le matin, plusieurs fois par semaine, devant l’entrée du siège ». « Et il ne venait que lorsque Houria Aouimeur était présente au bureau », ajoute-t-il. Le Medef, dans un premier temps, décide de placer la directrice sous protection rapprochée 24 heures sur 24. Elle ne se déplace plus seule, n’emprunte plus sa voiture. Et sera même contrainte de déménager.
      Dérives des liquidateurs et mandataires judiciaires

      Ces menaces apparaissent au moment où Houria Aouimeur remet sérieusement en cause certaines pratiques des liquidateurs et mandataires judiciaires. A commencer par un privilège dont disposent près de la moitié des études : elles sont « labellisées », ce qui leur offre la possibilité de recevoir très rapidement des avances (souvent de plusieurs millions d’euros), sans qu’aucun contrôle préalable ne soit réalisé sur leur professionnalisme. D’autres ont pris la fâcheuse habitude de commencer par se rémunérer sur les fonds patronaux, avant de payer les salariés, ce qui est contraire à la loi.

      Plus préoccupant encore, des mandataires, après avoir liquidé les actifs des sociétés qu’ils gèrent (vente des locaux, du stock, des machines), ne restituent en moyenne que 30 % de l’argent avancé. Il y a aussi ceux qui n’hésitent pas à gonfler artificiellement dans leur comptabilité les sommes qu’ils doivent retourner à la DUA, pour éviter d’avoir à rembourser les autres débiteurs. Sans compter les mandataires qui ne clôturent jamais leurs dossiers. Or, au bout de dix ans, les études n’ont plus à justifier le non-remboursement des sommes avancées par le fonds de garantie. Ces non-restitutions représentent à elles seules la bagatelle de 550 millions d’euros entre 2013 et 2018.

      Au total, sur la même période, selon les calculs faits par Advolis, le cabinet comptable mandaté par Houria Aouimeur, les pertes se chiffrent à plus de 7 milliards. Un gouffre. Bien évidemment, ces chiffres sont à relativiser. En cas de faillite, il est logique qu’une entreprise, même en vendant ses actifs, ne puisse pas rembourser l’intégralité de ses dettes. D’où la création d’un mécanisme de solidarité. Il n’empêche : l’écart entre l’argent avancé par la DUA et les sommes qui lui sont réellement restituées demeure colossal.

      Au regard de cet enjeu financier et de la destination des fonds qui demeure à ce jour en grande partie mystérieuse, on imagine aisément que l’opération « mains propres » lancée par la nouvelle directrice a suscité un déchaînement de réactions. Les mandataires et administrateurs judiciaires crient au scandale. Leur représentant de l’époque, Christophe Thévenot, alors président de leur Conseil national (CNAJMJ), dénonce vertement dans un courrier envoyé dès juin 2019 des accusations « scandaleuses, ignominieuses et indignes », un climat de « suspicion généralisée » et une campagne de communication « agressive et hostile ».

      Dans les congrès organisés par la profession, le nom d’Houria Aouimeur est hué. La directrice se fait traiter de « folle » et de « délirante ». Encore aujourd’hui, la profession refuse de voir ses pratiques professionnelles remises en cause. Dans un communiqué daté du 9 février 2023, les mandataires démentent toujours aussi fermement « avoir conservé l’argent destiné à indemniser les salariés » et considèrent que les plaintes déposées contre eux sont « dénuées de fondement ».
      Un risque pèse « sur son intégrité physique »

      Houria Aouimeur, elle, après avoir connu une période de tranquillité durant la pandémie de Covid-19 – les intimidations ont cessé pendant cette période –, se retrouve de nouveau au cœur de la tempête à partir de juin 2020. Les allées et venues suspectes reprennent devant son domicile, puis, dans la nuit du 26 juin 2020, les locaux de la DUA, dorénavant équipés d’un système de vidéo, sont de nouveau « visités ». Sequentys, une société de sécurité privé, est appelée en renfort.

      Dans un rapport daté du 4 octobre 2021, ses enquêteurs relatent une très longue liste d’incidents. Le 23 juin 2021, Houria Aouimeur est interpellée brusquement dans un restaurant. Quinze jours plus tard, les détectives de Sequantys notent que « trois individus organisés dans un périmètre de triangulation » se sont placés « en observation » devant l’appartement de la directrice. Au moment où celle-ci sort dans la rue, l’un d’entre eux « vient à son contact, puis la regarde fixement à travers la vitre du taxi » dans lequel elle a juste le temps de s’engouffrer. Entre juillet et août 2021, à quatre reprises, et sans raison, souligne encore le rapport, « une alarme se déclenche à son domicile ». Son fils « est accosté dans la rue ». Enfin, sa résidence secondaire fait aussi l’objet d’une visite nocturne « sans que rien ne soit dérobé ».

      Dans son document final, la société privée de sécurité recommande à la directrice de « limiter dorénavant ses déplacements piétons », d’utiliser « systématiquement des taxis », de « sécuriser ses transmissions » et de conserver « secret » son agenda. Car, écrivent-ils, un risque pèse « sur son intégrité physique ». Son existence tourne au cauchemar.
      Etrange concordance des dates

      Mais le pire est peut-être encore à venir. Début décembre 2022, Houria Aouimeur découvre que son propre supérieur hiérarchique, Christophe Valentie, le directeur général de l’Unédic, a déclenché une enquête à son encontre par l’intermédiaire d’un cabinet externe, Monceau Experts. Lequel a passé au peigne fin ses frais professionnels : frais de bouche, d’hébergement, de taxis, d’essence. Tandis qu’elle s’émeut de cette procédure, elle se voit contrainte de se justifier dans un délai de 48 heures, par le biais de mails comminatoires : « Je te rappelle que je suis ton supérieur, lui écrit, le vendredi 9 décembre 2022, Christophe Valentie, ton attitude te place dans une situation d’insubordination. Si mes demandes ne sont pas satisfaites lundi, j’en tirerai toutes les conséquences. »

      Houria Aouimeur fournit alors les documents réclamés. « Ils attestent que les frais professionnels sont 40 % moins élevés sous sa direction que sous celle de son prédécesseur », assure son avocat William Bourdon. Depuis janvier, un nouvel audit a encore été demandé. « Alors qu’Houria Aouimeur œuvre pour le bien public, on pinaille sur des notes de taxis qu’elle a été obligés d’utiliser pour sa protection, tempête l’avocat. Clairement, on veut la faire taire. »

      Dans la plainte qu’il a déposée pour « harcèlement moral », William Bourdon souligne par ailleurs une étrange concordance des dates. Sa cliente s’est retrouvée ciblée par sa direction juste après avoir détaillé le 26 octobre 2022, pour la première fois, l’ensemble des malversations qu’elle avait découvertes au juge d’instruction qui l’avait convoquée. Une série d’« infractions financières », peut-on lire dans la plainte, « susceptibles d’être imputées à des responsables de premier plan de différentes institutions ».

      Pour sa part, Christophe Valentie n’a pas souhaité répondre à « l’Obs » et l’Unédic affirme dans un communiqué que le dossier judiciaire à l’instruction et les « graves manquements aux règles en vigueur » imputables à la directrice générale de la DUA sont deux affaires distinctes. L’organisation met en garde contre tout « amalgame ». De son côté, le Medef ne souhaite pas davantage s’exprimer. Houria Aouimeur, elle, en a été réduite à demander l’aide de la Défenseure des Droits. L’institution qui en France a pour mission d’assurer la protection des lanceurs d’alerte contre toutes les formes de représailles.

  • L’utilisation de l’IA en santé est problématique du fait des biais qu’elle colporte… provenant des données partielles et peu représentatives de la diversité des populations avec lesquelles les systèmes d’IA en santé sont entraînés explique une tribune publiée dans Wired : https://wired.com/.../bias-statistics-artificial...

    Des oxymètres qui surestiment le taux d’oxygène dans le sang des personnes à la peau foncé, aux systèmes de détection des cancers du poumon ou de la peau, moins précis pour les noirs… Aux maladies cardiaques moins diagnostiquées chez les femmes. Les biais des sont innombrables.

    Face à ces constats, nombreux travaillent à rendre les algorithmes plus équitables, en améliorant la représentativité des données. Mais cette amélioration de la représentativité des données est bien souvent mathématique, plus qu’elle ne consiste à apporter de nouvelles données… Il est probable que cela ne suffise pas estiment les chercheurs Sandra Wachter, Brent Mittelstadt et Chris Russell dans leur tribune. Trop souvent, la prise en compte d’une meilleure équité algorithmique consiste à réduire les écarts de performance ou de résultats entre les groupes démographiques. Ce qui concrètement se fait en ajustant les performances pour les groupes les moins performants puis en dégradant les performances pour les groupes les plus performants. Pour le cancer du poumon, la moindre performance peut provenir du fait que le système a été formé sur des données provenant surtout de patients blancs, ou que les dossiers de santé des patients noirs sont de qualité inférieure, ou des inégalités sociales de l’accès aux soins. Au final, améliorer l’équité consiste à alors à élever le score des patients faiblement représentés ou à les surveiller avec plus de fréquence et d’attention, en régularisant les dépistages. Mais on comprend que ce changement n’améliore pas la précision. Le risque est que « le nombre de personnes faussement identifiées comme étant à risque de cancer augmente et la précision globale du système diminue. » Ce qui pose la question de savoir quel est le point d’équilibre entre le nombre de rappels et la précision ?

    L’autre solution consiste à réduire les performances sur les patients blancs pour faire que les systèmes aient des taux de rappels et de précisions égaux pour les deux groupes. On comprend très vite les limites dans le cas de la détection du cancer. Pourtant, c’est là la solution mathématiquement optimale pour améliorer l’équité. Dans la réalité, les algos d’équité peuvent se comporter d’une manière + radicale et imprévisible. Une étude sur les algorithmes de vision par ordinateur https://openaccess.thecvf.com/.../Zietlow_Leveling_Down... - montrait qu’améliorer l’équité nuisait à tous les groupes en diminuant le rappel et la précision.

    Or la baisse des résultats des groupes les plus performants n’améliore en rien celle des groupes les moins performants. « Ce n’est pas le destin inévitable de l’équité algorithmique ; c’est plutôt le résultat d’avoir emprunté la voie de la moindre résistance mathématique », assènent les 3 chercheurs. Bien sûr, ils invitent à améliorer l’équité par un nivellement par le haut. Le défi pour l’avenir de l’équité dans l’IA est de créer des systèmes équitables sur le fond, et pas seulement équitables sur le plan procédural par le biais d’un nivellement par le bas.
    « La mise à niveau est un défi plus complexe : elle doit être associée à des étapes actives pour éliminer les causes réelles des biais dans les systèmes d’IA. Les solutions techniques ne sont souvent qu’un pansement pour faire face à un système en panne. L’amélioration de l’accès aux soins de santé, la conservation d’ensembles de données plus diversifiés et le développement d’outils qui ciblent spécifiquement les problèmes rencontrés par les communautés historiquement défavorisées peuvent aider à faire de l’équité une réalité. »

    « C’est un défi beaucoup plus complexe que de simplement peaufiner un système pour rendre deux nombres égaux entre les groupes. Cela peut nécessiter non seulement d’importantes innovations technologiques et méthodologiques, y compris une refonte complète des systèmes d’IA mais également des changements sociaux substantiels dans des domaines tels que l’accès aux soins de santé et les dépenses. »

    Les chercheurs invitent à passer de l’équité mathématique dans l’IA à l’IA équitable… A améliorer les données et pas seulement à les corriger. #intelligenceartificielle #équité

  • Dans un livre lourd, épais et gris, en forme de pierre tombale, Julian Bleecker, Nick Foster, Fabien Girardin et Nicolas Nova signent The Manual of Design Fiction (Near Future Laboratory, 2022), une somme – superbe ! – qui hésite entre l’histoire et l’épitaphe du Design Fiction. Cette rétrospective évoque les travaux les plus remarquables qui ont rythmé son déploiement tout en pointant quelques-unes de ses limites de cette forme d’innovation par le design.

    Rappelons donc que le design fiction consiste à créer des prototypes plausibles pour mieux évoquer et interroger les conséquences de nos choix à venir. C’est une sorte d’objet prospectif (sans être une preuve de concept), un “un moyen de développer une compréhension plus profonde d’un monde en mutation”. Une proposition pour interroger le monde, à l’image de l’affiche pour drone perdu… qui rappelle que même dans la modernité, celle-ci continuera à dysfonctionner comme aujourd’hui. Il a pour mission de montrer ce qu’on ne voit pas au premier abord. Il consiste, comme disait l’auteur de SF (et grand complice de la bande du NFL) Bruce Sterling dans Objets bavards à faire de la science-fiction avec des prototypes, pour tenter, par des objets, d’avoir le même impact que la SF a eu sur la production de connaissance. Et avec eux, à questionner, par l’humour, l’ironie et la satire, les promesses de la technique, comme pour la faire redescendre sur terre.

    Derrière le manuel pour apprendre à utiliser la fiction par le design, pourtant, pointe une forme de nostalgie. A l’heure où le futur est produit dans des tableurs Excel, des slides, des rapports de tendance, des scénarios, selon des méthodes analytiques et linéaires, le design est de plus en plus convoqué pour rendre ces scénarios plus productifs. Bleecker, Nova, Girardin et Foster paraissent alors comme les derniers représentants d’une méthode vertueuse, généreuse, qui ne visait pas son instrumentalisation, mais souhaitait donner à lire autrement d’autres rapports au monde. Des outils pour chercher des solutions parmi d’autres. C’est en cela que le livre ressemble finalement à un tombeau, une dernière célébration enthousiaste d’un design fiction originel qui est certainement en train de disparaître, assimilé par les méthodes marketing, vidé de ses questionnements sociaux et politiques. Le Manuel semble finalement un appel pour revenir à un Design Fiction originel, avant qu’il ne disparaisse. Une célébration à regrets.

    Les 4 amis défendent un design fiction qui interroge et questionne plus qu’il ne solutionne... Mais ils nous montrent peut-être, dans cette célébration, qu’à une époque où les réponses sont déjà là, formuler des questions semble être devenu un non enjeu. Peut-être parce que quand les réponses sont là, l’enjeu n’est pas d’améliorer les questions, mais de définir des limites.

    Plus de détails par là => https://hubertguillaud.wordpress.com/2023/02/20/tombeau-pour-le-design-fiction #design

  • Banques, gouvernements, employeurs, commerçants, réseaux sociaux… Tout le monde aujourd’hui produit des profils pour prédire des comportements. Le problème, c’est que ces prédictions ne sont ni précises, ni justes, ni efficaces.

    Pour les chercheurs Arvind Narayanan, Angelina Wang, Sayash Kapoor et Solon Barocas ces « optimisations prédictives » échouent le plus souvent, expliquent-ils dans une très intéressante méta-étude : https://predictive-optimization.cs.princeton.edu

    Le problème, c’est que, de la prédiction du risque criminel à la prédiction à l’embauche (les chercheurs en ont travaillé sur une cinquantaine de systèmes prédictifs - https://docs.google.com/.../1eOIKLbT7sCIe0OMHiA6V.../edit... et cherchent à en recenser d’autres…), ces prédictions prolifèrent.

    Or, elles présentent toutes des défauts structurels, expliquent-ils en pointant 7 limites :
    – De bonnes prédictions ne conduisent pas à de bonnes décisions ;
    – La mesure rate souvent sa cible ;
    – Les données d’entraînement correspondent rarement aux périmètres de déploiements ;
    – Les impacts sociaux des systèmes ne sont pas prévisibles ;
    – Les performances différentes des groupes ne peuvent pas être corrigées par des interventions algorithmiques ;
    – La contestabilité est rendue difficile ;
    – L’optimisation prédictive ne tient pas compte des comportements stratégiques.

    Ces défauts n’ont pas de correctifs techniques. « L’optimisation prédictive échoue selon ses propres conditions ». Si chaque défaut est problématique, l’ensemble devrait nous conduire à remettre sérieusement en cause les applications prédictives.

    Les chercheurs appuis leurs constats en produisant 27 questions pour contester les systèmes de ce type : https://predictive-optimization.cs.princeton.edu/rubric.pdf

    Par exemple, l’intervention affecte-t-elle les résultats prédits, et peuvent-ils déclencher une prophétie auto-réalisatrice ? Par exemple, des montants de caution plus élevés sont fixés en raison d’une prédiction de récidive peut augmenter la probabilité de récidive.
    Les prédictions optimales individuellement conduisent-elles à une intervention globalement optimale ? L’embauche individuelle de bons vendeurs ne prédit pas la qualité de leur capacité à travailler ensemble et peut produire une baisse globale des ventes.

    L’intervention crée-t-elle une boucle de rétroaction ? Rejeter un crédit en fonction du score de la personne a tendance à diminuer encore le score !

    Les individus peuvent-ils accéder ou contester les données qu’un modèle utilise à leur sujet ? Les privilégiés qui comprennent le fonctionnement du système décisionnel ont-ils un avantage ? Quelle est la gravité des conséquences d’une mauvaise catégorisation ? ...

    Enfin, bien souvent la prédiction privilégie un critère ou un objectif sur tous les autres et au détriment des autres. Par exemple, la sélection des meilleurs élèves au détriment de leur diversité ou de leur motivation.

    Bref, les optimisations prédictives construisent un optimalité de façade. La prédiction est surtout enfermée dans la prédiction de sa propre réussite sans apporter de preuves que ce n’est pas au détriment de la justice comme de l’équité ! #prédiction #calcul #limites

  • Retour sur la 4 séance du cycle "Dématérialiser pour mieux régner" du Mouton Numérique. Au programme : regarder au-delà des services publics français, pour voir comment d’autres, en Europe, portent la lutte contre les algorithmes de contrôle et de profilage de l’action sociale. L’occasion de questionner, avec les allemands d’Algorithm Watch ou des associations néerlandaises et polonaises, les limites de leurs actions.

    On y apprend que la contestation prend du beaucoup temps et coûte de l’argent. On y apprend que partout, les systèmes se déploient et s’intensifient. On y questionne les limites de la contestation. La contestation est-elle le levier pour généraliser les systèmes ou les défaire ? La contestation vise-t-elle a améliorer des systèmes partout déficients ou faire reculer la surveillance ?

    “Il faut retourner l’éclairage intégral que les agences braquent sur les citoyens pour tout connaître d’eux, sur les agences elles-mêmes pour obtenir d’elles la même transparence que celle qu’elles demandent aux allocataires”.

    La suite, c’est par là =>
    https://hubertguillaud.wordpress.com/2023/02/04/a-quoi-servent-les-luttes-contre-la-numerisation #dématérialisation #contrôle #technoluttes

  • Ce que la surveillance change au travail : https://hubertguillaud.wordpress.com/2023/01/30/ce-que-la-surveillance-change-au-travail

    Retour sur le livre que la sociologue américaine, Karen Levy consacre aux routiers et à la transformation de leur métier par la surveillance numérique : Data Driven. L’occasion de saisir comment la surveillance change le travail, en concentrant responsabilités et injonctions contradictoires sur le dernier maillon de la chaîne logistique ! La technique est convoquée pour réduire le fossé entre la loi et la pratique, mais en réalité, elle déplace cet écart et met la pression sur les ouvriers spécialisés du système, en rendant certaines règles plus strictes à briser que d’autres. Cette surveillance ne s’intéresse pas aux conditions de travail, mais vise seulement à aligner les travailleurs aux objectifs des entreprises. Car derrière la régulation qui impose l’outil, ce sont les entreprises qui ont profité du déploiement de ces nouveaux outils qui transforment la gestion à distance des employés. Les nouvelles données sont très vites rendues productives. Le micro-management par les capteurs est viscéralement agressif. Il déplace le conflit entre le travailleur et son patron sur celui entre la machine et le travailleur, au détriment des luttes collectives comme des protections légales. C’est désormais au seul routier d’assumer les contradictions que la société lui impose. #travail #surveillance

  • Data & Society — Amazon’s Trickle-Down Monopoly (report by Moira Weigel)
    https://datasociety.net/library/amazons-trickle-down-monopoly

    This report highlights how Amazon’s scale has also given rise to new kinds of small businesses — ones optimized for #Amazon. Industry analysts estimate that, in 2021, there were more than 6 million unique sellers active on Amazon and that at least 2,000 new sellers opened accounts every day. To these sellers, Amazon holds forth the possibility of a trickle-down monopoly. But to seize the opportunities of Amazon’s global expansion involves considerable vulnerability. To succeed, 3P sellers must behave like miniature Amazons — without access to the capital that Amazon commands, insight into much of the company’s data, or the ability to make claims when they suffer harm.

  • Our digital public squares aren’t so healthy. Can we fix that ? | Salon.com
    https://www.salon.com/2023/01/28/our-digital-public-squares-arent-so-healthy-can-we-fix-that

    Despite living in a hyper-connected world, rates of loneliness and depression are higher than ever. We know a great deal about how to design our physical spaces to encourage community connections – libraries, town parks, and adult education centers – but we are just scratching the surface in figuring out how to strengthen social connections and build civic engagement in our online spaces. Can we translate these real world designs into our online platforms to bolster our communities and our democracy?

    Digital pioneers are demonstrating the value that online spaces can provide in fostering community and social cohesion. Some of these groups are not new, like Black Twitter, but are finding ways to survive, and even thrive, within larger toxic social media platforms. Others, like gift sharing communities, are working out exit strategies from traditional social media sites because they have found these structures are overly focused on profit over public interest. Still other pioneers are growing their own platforms to ensure a design that emphasizes local community values.

    Ethan Zuckerman, from the Institute for Digital Public Infrastructure, points out that in addressing issues of misinformation and vitriol online we may be too focused on trying to fix our old social media platforms. Instead, we should focus on creating new spaces that have explicit civic goals and are designed for equity and social cohesion. Real-world communities need to be involved in intentionally designing their own local digital public spaces rather than leaving this work to global tech companies.

    People have found ways to thrive on Black Twitter, but being on Twitter is not without its challenges. Platformed racism is the result of a design ethos in Silicon Valley that applauds a hands-off philosophy to support innovation and growth. Outsiders sometimes jump on Black Twitter hashtags and post racist comments and there are reports of police gathering information from Black Twitter. Trolls, cancel culture, and harassment can make Twitter a traumatizing place for many people. Algorithms designed to drive engagement end up promoting offensive content. Community guidelines addressing negative behavior are under-enforced and with Elon Musk’s tenure the hands-off philosophy has shot through the roof and further escalated vitriol and misinformation on the platform.

    Twitter’s design encourages simplicity, impulsivity and incivility. It cues emotional thinking rather than encouraging us to analyze content or re-consider making a post. But, despite its design flaws, small private groups have also emerged on Twitter and have been able to thrive by blocking trolls and curating feeds to minimize the toxicity that is built into the platform. Private student groups on Twitter, such as those that started among friends who attended Historically Black Colleges and Universities (HBCU), continue after graduation to provide community and networking. Both the larger Black Twitter public space and the small private groups provide members with valuable support and shared experiences, despite the design of Twitter, not because of it.

    The Buy Nothing Project is an early model of how to build a value-based platform with a hyper-local focus. Their biggest challenge has been trying to promote values from within a system that runs counter to those values. The design of Facebook actively encourages people to stay online and join more groups. Many Facebook private groups are wonderful — groups that support cancer patients, new Moms, church youth groups — but the platform’s focus on growth and keeping people online, rather than fostering better social cohesion and improving our offline lives, sets the wrong tone.

    Buy Nothing has now created its own app to better foster community as it transitions off of Facebook. They have found that size matters and small is better in order to limit posting and emphasize real world connections. Size also impacted feelings of safety as real-life local connections became more difficult when local groups got too big. The infrastructure of Facebook made it difficult to limit group size and to draw flexible boundaries around neighborhoods to connect diverse groups while keeping it local.

    Tiens, Front Porch (Vermont) me fait penser aux raisons du succès de Biblio-fr dans les années 1990-2000

    Facebook is opaque about how it addresses harmful content and how its algorithms are designed. Content is posted immediately. With 4.75 billion posts shared daily it is impossible to track and remove users who are engaged in selling drugs, child pornography, and spreading misinformation. On Front Porch, posts are first reviewed by paid human moderators and then posted. If someone behaves badly, such as writing insults about a neighbor, that person is contacted and the guidelines are explained: Neighbors can disagree with something someone has posted and voice their opinion, but personal attacks are not allowed. The design of Front Porch prevents illegal activities from being posted. It may be that what works for many towns across Vermont may not be the best design for those in Nevada or New York City, but this type of locally based platform could be modified to accommodate different community values.

    Third places are places outside of our homes and workplaces that provide essential neutral places where we can relax, interact with friends and strangers and enjoy ourselves. Ray Oldenburg first described third places decades ago, at a time when people were moving to the suburbs and third places were disappearing. These informal community gathering places provide a sense of belonging and connection that can strengthen community ties. Libraries, gyms, and cafes can be accessible to everyone and conversation and community building, rather than solely pursuing commerce, are top priorities.

    Sociologist Eric Klinenberg’s book Palaces for the People, traces the importance of public squares throughout history. These “palaces” can offer neutral spaces where everyone is welcome. Klinenberg argues that the future of democratic society rests on developing shared values and shared spaces. These spaces provide connections where people can linger and make friends across group lines and are intentionally designed to promote socialization and connection.

    Tech companies maintain that they cannot moderate online communities because that would jeopardize our right to free speech and because there is simply too much content flying across these networks to track. Both these issues are false flags. We now know that the core infrastructure of these platforms is intentionally designed to amplify vitriol and misinformation because this increases engagement, keeps us online longer, and provides tech companies with billions of dollars from ad revenue. It doesn’t have to be this way.

    #Espaces_publics #Médias_sociaux #relations #Bien_être

  • “Quand on voit le niveau de dysfonctionnement de l’automatisation actuelle, on n’a pas envie de voir ce que donnera plus d’automatisation encore !” “Mais pourquoi font-ils ça ?” C’est la grande question ou le cri du coeur qui vient naturellement à qui comprend le délire du contrôle social automatisé que pratique la CAF. C’est la question à laquelle ont tenté de répondre la Quadrature, Changer de Cap et le sociologue Vincent Dubois à l’invitation du Mouton Numérique pour la 3e édition du cycle de rencontres Dématérialiser pour mieux régner. C’est à lire par ici : https://hubertguillaud.wordpress.com/2023/01/20/le-controle-social-automatise-dans-la-plus-grande-opacite #dematerialisation #caf #quadrature #controlesocial

    • L’efficacité de ces échanges [de #données] a considérablement progressé avec la possibilité de croiser les NIR, le numéro de sécurité sociale des usagers (et Dubois de rappeler pour l’anecdote que la possibilité de ce croisement a été rendue possible par un amendement du député du parti communiste, Jean-Pierre Brard en 1995, qui voulait que l’administration l’utilise pour lutter contre la fraude fiscale). A la fin des années 70, lors du scandale Safari, la menace était que toutes les données soient concentrées en un seul endroit. Mais cela ne s’est pas passé ainsi. “C’est le croisement de données qui s’est imposé, avec des données qui sont bien plus importantes, volumineuses et précises qu’elles ne l’étaient en 1978”. Le second type de contrôle qui existe, c’est le contrôle sur pièces, à la demande des agents. Le 3e, c’est le contrôle sur place, l’enquête à domicile, qui mobilise des techniques quasi policières, voir plus intrusives que les enquêtes policières, puisque les agents de la CAF ont le droit de s’introduire au domicile, de procéder à des enquêtes de voisinage, procèdent à un interrogatoire des administrés…

      .... les aides sociales sont de plus en plus conditionnées. Dans les années 90, une volonté de restriction des droits pour limiter les dépenses publiques s’est mise en place, qui est allée de pair avec la diabolisation des personnes qui perçoivent des aides. Les algorithmes sont le reflet de ces politiques.

      .... La CAF procède à 31,6 millions de contrôles automatisés par an pour 13 millions d’allocataires !

      ... Le contrôle automatisé est donc massif et induit une suspension des droits qui peut durer des mois. [oui, oui, et oui, je sors d’en prendre, avec rétablissement des droits coupés. on ne s’en sort que si on n’est pas désocialisé, avec capacité d’emprunt, voir l’article !]

      .... le #non_recours risque surtout d’être la pilule pour faire accepter le scoring.

      par ailleurs dire

      l’allocataire n’est pas au courant du passage d’un contrôleur et si l’allocataire n’était pas à son domicile, la CAF considère que le contrôle a été refusé !

      me parait faux, en théorie (loi) les allocataires doivent être prévenus (en général un mot dans la boite aux lettres physique annonçant le passage de l’agent de contrôle)

      merci pour ce(s) cr @hubertguillaud !

      #toctoc

      #visites_domiciliaires #allocataires #RSA #APL #CSS #santé #revenu #datamining #statisitiques_préventives #score_de_risques #scoring #guerre_aux_pauvres

  • Comment l’État expulse de plus en plus les pauvres | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/190123/comment-l-etat-expulse-de-plus-en-plus-les-pauvres
    https://www.mediapart.fr/etmagine/og/journal/files/2023/01/19/20230119-img-comment-letat-expulse-les-pauvres.jpg
    #logement #police #violence #domination #justice #propriété

    Il révèle aussi que 17 000 familles par an étaient mises à la rue par les forces de l’ordre avant la crise sanitaire et que certaines catégories de la population sont plus vulnérables comme les résidents de foyers de travailleurs migrants, exclus du droit commun, qui ont treize fois plus de risques d’être mis à la rue.

    Le sociologue explique que l’État expulse davantage non pas parce que les personnes s’appauvrissent mais parce que les autorités choisissent de réprimer les plus endettés. Une situation que risque d’aggraver le projet de loi dite « anti-squat » qui sera débattue au Sénat le 31 janvier après avoir été voté à l’Assemblée en décembre. Entretien.

  • Pesticide use around world almost doubles since 1990, report finds
    https://www.theguardian.com/environment/2022/oct/18/pesticide-use-around-world-almost-doubles-since-1990-report-finds

    Global #pesticide use has soared by 80% since 1990, with the world market set to hit $130bn next year, according to a new Pesticide Atlas.

    But pesticides are also responsible for an estimated 11,000 human fatalities and the poisoning of 385 million people every year, the report finds.

    [...] A quarter of all pesticides are sold in the #EU, which is also the world’s top exporter of crop protection products. However, EU laws currently allow the export of toxic weedkillers banned on the continent to developing countries with weaker regulations.

    [...] Of the 385m pesticide poisoning cases logged in the atlas, 255m were in Asia and more than 100m in Africa, but just 1.6m were in Europe.

    https://www.pan-europe.info/EU-Pesticide-Atlas-2022

  • Pourquoi le camion Tesla ne convainc pas certains chauffeurs
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/camion-tesla-jouet-pour-riche

    Les premières livraisons de ce poids lourd de 37 tonnes au design futuriste ont commencé en décembre, cinq ans et quelques de retard sur le calendrier après sa présentation en 2017. Le véhicule a pour ambition d’être le « futur du transport routier » . Durant sa présentation, Elon Musk et son ingénieur Dan Priestly ont insisté sur le fait qu’il avait été « construit autour du conducteur » grâce notamment à sa cabine spacieuse. Mais cet argument est loin de convaincre Tomasz Oryński.
    Espace inutile

    À ses yeux, son design n’aide au contraire en rien les routiers dans leur quotidien. Il prend notamment l’exemple du siège conducteur placé au centre de la cabine, et donc loin des portes et des fenêtres. Cette position est censée donner une meilleure visibilité au chauffeur sur la route. Mais pour Tomasz Oryński, elle risque de le gêner pour payer un péage, sortir du véhicule. « Les portes de la cabine sont à l’arrière. On entre, on accroche son manteau, puis on doit faire quelques pas pour s’asseoir derrière le volant. Cela signifie que vous gaspillez l’espace de la cabine pour un couloir, en fait. Vous ne pouvez pas y placer un lit pour que le conducteur puisse se reposer, car il y a des portes à cet endroit », poursuit-il. 

    Le chauffeur évoque également les tablettes tactiles qui servent d’écrans de contrôle. Il a eu l’occasion de tester ce type de système dans d’autres modèles et estime que le tout écran entrave l’attention du conducteur sur la route. « Il faut un bouton physique que l’on peut actionner sans avoir à quitter les yeux de la route. » Le design des rétroviseurs lui semble également peu fonctionnel. Ceux-ci sont très éloignés des fenêtres, rendant leur nettoyage plus compliqué. 
    800 km d’autonomie, mais pour quoi faire ?

    Par ailleurs, le journaliste minimise la hype autour de ce semi-remorque censé permettre à l’industrie de se décarboner. Il estime que le Tesla Semi n’est pas si novateur. « L’industrie du camion roule déjà à l’électrique depuis des années. Des constructeurs qui savent comment construire un camion proposent déjà de très bons produits : Volvo FM Electric et Mercedes e-Actros », avance-t-il. Le secteur est toutefois loin d’avoir fait sa transition énergétique. En 2021, le diesel alimentait toujours 95,8 % des camions immatriculés dans l’Union européenne, contre 19,6 % des voitures neuves particulières. 

    En revanche, le Tesla Semi se distingue de la concurrence par son autonomie : il est capable de rouler 800 km non stop. Mais là encore, notre twitto s’interroge sur l’intérêt de cette autonomie prolongée. « Personne n’a vraiment besoin d’un camion qui peut rouler non-stop pendant 10 heures. Les conducteurs ont besoin de repos, de pauses toilettes pour le déjeuner… »

    Le thread de Tomasz Oryński n’est évidemment qu’un témoignage, qui plus est par un chauffeur qui n’a pas encore eu l’occasion de tester le véhicule. Mais sa publication, aimée par près de 11 000 personnes et retweetée plus de 3 000 fois, est approuvée par d’autres chauffeurs routiers. Elle illustre bien la façon dont certaines innovations ont pour ambition de transformer une industrie à coups de tech, en semblant ignorer les besoins de ses utilisateurs.

    #Tesla #Camion #UX

    • Conclusion

      Pour près d’un demi-million d’euros, soit l’équivalent de 12 années de doctorat ou d’un gros projet ANR, McKinsey a fournit un document à la Direction interministérielle de la transformation publique qui s’appuie notamment sur les travaux d’un think tank libertarien proche de l’alt-right et qui milite ouvertement pour la privatisation de l’enseignement public. Parmi les très nombreux copier-collers depuis l’OCDE, le graphique sur lequel s’appuie la preuve d’efficacité des primes au mérite pour les enseignants fait l’objet d’une interprétation manipulatoire, pouvant être vérifiée en quelques minutes simplement en discutant sur Twitter.

      En réalité, les données sous-jacente au graphique permettent soit de ne rien conclure quant à l’efficacité de ces primes au mérite, soit au contraire de conclure que les primes au mérites ne sont pas nécessairement utilisées par les systèmes éducatifs les plus performants, ce qui est l’exact inverse des préconisation des auteurs du documents.

      et un peu avant :

      Les mauvais esprits avancent que cette promotion [par #McKinsey des primes au mérite pour les enseignants] était une commande du ministère, à laquelle le cabinet conseil ne faisait que répondre, quitte à manipuler les informations disponibles pour donner un fond de rationalité à l’idéologie du gouvernement.

      Jean-Michel #Blanquer appliquait d’ailleurs les recommandations du dossier, deux ans avant de l’avoir commandé.

  • La vraie vie d’un faussaire - CQFD, mensuel de critique et d’expérimentation sociales
    https://cqfd-journal.org/La-vraie-vie-d-un-faussaire


    C’est une interview de 2009, mais terriblement d’actualité.

    Les documents officiels sont devenus de plus en plus complexes. Au moment de la création de la nouvelle carte d’identité informatisée, il avait été question de laisser « une porte ouverte » pour permettre des falsifications au cas où… Ce débat a été clos tout comme l’ont été ces portes qui permettraient de sauver des vies.

    Adolfo : Même si les techniques se sont développées, les faux existeront toujours. On le voit aujourd’hui sur Internet, ceux qui se font piquer leur compte bancaire, ceux qui font des fausses cartes pour sortir l’argent des banques… A priori, tout est toujours possible. Il ne faut pas oublier que ce que quelqu’un a fait, quelqu’un d’autre peut toujours le refaire. Depuis que j’ai arrêté cette activité de falsification, à la fin de l’année 1971, les difficultés sont allées en augmentant. Aujourd’hui, mon savoir est dépassé. Dans mon travail, à l’époque, je savais faire et je voyais aussi toutes les difficultés augmenter au fur et à mesure. Je cherchais, on trouvait une solution. Il y avait tel ou tel carton, tel filigrane positif, tel encre luminescente ou phosphorescente et ainsi de suite. C’était l’escalade continue des difficultés et des réponses à ces difficultés. Je suis resté curieux. Mais je ne suis plus le spécialiste !

    Cependant, aujourd’hui, avec toutes les techniques de numérisation, de puces électroniques, de biométries, d’empreintes génétiques et de fichage, je pense qu’il n’y a aucun espoir pour les gens qui ont besoin de papiers pour survivre. Il reste bien sûr des solutions étroites, comme le doublage, reprendre l’identité de quelqu’un existant, mais c’est d’une très grande fragilité. Aujourd’hui, les Juifs, Algériens, Grecs, Africains, Sud-Américains, etc., que j’ai aidés, seraient condamnés, car les faux papiers ne peuvent plus se fabriquer « avec les moyens du bord », comme je faisais à l’époque. Seuls de gros laboratoires, avec de gros moyens, financés par les mafias ou les services secrets, peuvent les réaliser. Ce n’est plus le même monde.

    Le seul espoir, c’est que nous prenions conscience que nous sommes en train de marcher à grands pas vers des dictatures.