• De l’essentialisme stratégique

    " Il est un concept de Gayatri #Spivak qui a suscité nombre de débats au sein des études postcoloniales aussi bien que chez les féministes. C’est celui d’essentialisme stratégique. La critique de l’essentialisme est omniprésente dans les pensées critiques contemporaines. Cette critique soutient que toutes les identités, qu’elles soient de genre, de classe ou ethniques, sont socialement construites, et par conséquent contingentes. Elles ne renvoient en d’autres termes à rien d’objectif ou de substantiel. Le concept d’essentialisme stratégique est dérivé de cette critique. Il s’accorde avec le fait qu’il n’existe pas d’essences dans le monde social. Il attire cependant l’attention sur le fait que, dans la vie quotidienne et dans les luttes sociales, les individus se réfèrent fréquemment à de telles essences, à tel point que celles-ci semblent difficiles à faire disparaître. Par exemple, la catégorie de « femme » mise en circulation par le féminisme classique a généré de l’exclusion, en ceci qu’elle a parfois conduit le mouvement féministe à se désolidariser d’autres secteurs opprimés. C’est l’objet de la critique que formule Judith Butler à son endroit. Cette catégorie a toutefois également permis aux femmes de se mobiliser en tant que femmes, c’est-à-dire de se sentir appartenir à un groupe dominé et d’œuvrer en faveur de son émancipation. Le concept d’essentialisme stratégique soutient que la fixation provisoire d’une essence dont on sait qu’elle est artificielle peut dans certains cas être stratégiquement utile. Autrement dit, l’anti-essentialisme ne peut être que théorique : s’il prend effet dans la pratique, il tend à paralyser l’action, car toute action suppose la formation de collectifs, et les collectifs tendent à « essentialiser » leurs identités. La notion d’essentialisme stratégique a été soumise à critique, et G. Spivak a elle-même pris ses distances par rapport à elle. Tout essentialisme, fût-il stratégique, implique une séparation entre ceux qui y sont inclus et ceux qui en sont exclus. Or, dans un contexte marqué par le thème du « choc des civilisations » et le (supposé) retour des communautarismes, ou en tout cas par la promotion de ces thèmes par les mouvements néoconservateurs, laisser entendre depuis la gauche que certaines formes d’essentialisme seraient légitimes est problématique. Pour autant, il faut reconnaître que G. Spivak a le mérite d’avoir posé un problème réel. La plupart des critiques contemporains de l’essentialisme (qu’ils relèvent du féminisme ou non), la question des conditions pratiques d’émergence de l’action collective est absente. Est en particulier absente la question de savoir comment agir collectivement sans se doter d’une identité collective minimale, reconnue par tous (partisans et adversaires) et constituant le socle programmatique et stratégique du groupe militant. De toute évidence, la notion d’essentialisme stratégique ne consistait pas pour G. Spivak à donner carte blanche à toutes les pulsions essentialistes imaginables. Même si elle ne le formule pas en ces termes, le problème n’est en définitive pas tant de savoir s’il faut ou non congédier les essences que d’opposer de bonnes essences à de mauvaises...."

    http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=108#chapitre5

    #postcolonial_studies.
    #Essentialisme
    #Minorité
    #Lutte

  • Enjeux et défis de l’intersectionnalité. Entretien avec Sirma Bilge | Contretemps
    http://www.contretemps.eu/fr/interventions/enjeux-d%C3%A9fis-lintersectionnalit%C3%A9-entretien-sirma-bilge

    Sirma Bilge est l’auteur de Communalisations ethniques post-migratoires : le cas des « Turcs » de Montréal. Elle a codirigé deux numéros thématiques de Journal of Intercultural Studies sur « Women, Intersectionality and Diasporas » (2010) et « The New Politics of Racialized Sexualities » (à paraître en mai 2012). Elle a aussi publié plusieurs articles dans les revues scientifiques. Professeure agrégée au département de sociologie de l’université de Montréal, et fondatrice-directrice du pôle de recherche « Intersectionnalité » (aujourd’hui défunt) au sein du Centre d’études ethniques des universitaires montréalaises (CEETUM), ses présents travaux portent sur les intersections des formations sociales de race, d’ethnicité, de genre et sexualités et de classe et s’efforcent d’examiner comment les notions d’identité et d’altérité nationales/ethniques/raciales s’articulent par le truchement des normativités de genre et de sexualité. Plus largement, ils visent à saisir l’imbrication des politiques de genre, de sexualité et de race dans le contexte des nationalismes contemporains « occidentaux » (dont le terrain spécifique est la société québécoise) à partir de l’angle d’approche critique de gouvernementalité racialisée et orientaliste qui se trouve au cœur de la construction de la modernité occidentale. Ce faisant, ils problématisent les déploiements contemporains des politiques de genre et sexualités et des mouvements féministes et LGBTIQ pour patrouiller sur les frontières matérielles et symboliques des nations occidentales.

    #intersectionnalité

  • " C’est le premier à avoir parlé du « syndrome de Quirra », en 2000. Il n’est actuellement plus libre de s’exprimer, vu son nouvel emploi. Il replace la problématique des bases militaires dans son contexte historique. Il s’agit d’une île qui s’est toujours battue contre « les envahisseurs », car convoitée pour son lieu stratégique. Sa culture est empreinte de la notion de « défense ». il prétend que la Sardaigne à été laissé volontairement « pauvre » par l’état italien, pour en assujettir les habitants, qui ont accepté les militaires , considérés comme porteurs de bien être et sécurité. "

    http://www.mir-irg.org/index.php?option=com_content&view=article&id=69:-sardaigne-la-poubelle-du-c

    • ’ Avant d’être employés contre « l’ennemi », les stratégies et les armements de guerre son testés systématiquement au cœur des pays « amis ». Sans consulter la population locale. La démocratie, une valeur à géométrie variable à l’ombre des bases de l’Otan et des États-Unis ? En Sardaigne, la région la plus militarisée d’Italie, des décennies de guerre virtuelle aux effets fort réels ont fini par excéder les habitant-e-s. En première ligne, les femmes disent : « Basta ! ». « La douce pente de la vallée, la richesse des formations rocheuses, les anfractuosités de la côte, la couleur de la mer, la végétation composée de lentisque, genévrier, olivâtre... », ainsi débute l’expertise des terres des grands-mères de Gisella Mulas, expropriées à la fin des années 50 à Teulada, sur la côte sud-occidentale de la Sardaigne, pour l’installation d’un polygone de l’OTAN. Elles n’étaient pas les seules : 7.200 hectares furent soustraits aux propriétaires locaux. Des femmes surtout, car les terres côtières étaient souvent leur héritage. ’

      Planète femmes
      SARDAIGNE
      Rompre les fronts
      Clara Magazine, Mars 2005

      http://www.youtube.com/watch?v=LHP34vahRaI

  • De l’alternative infernale

    « Par « alternatives infernales », nous entendons un ensemble de situations formulées et agencées de sorte qu’elles ne laissent d’autres choix que la résignation, car toute alternative se trouve immédiatement taxée de démagogie : « Certains affirment que nous pourrions faire cela, mais regardez ce qu’ils vous cachent, regardez ce qui arrivera si vous les suivez. »

    Ce qui est affirmé par toute alternative infernale, c’est la mort du choix politique, du droit de penser collectivement l’avenir. Avec la mondialisation, nous sommes en régime de gouvernance, où il s’agit de mener un troupeau sans le faire paniquer, mais sous l’impératif : « Nous ne devons plus rêver. » Affirmer qu’il est possible de faire autrement, ce serait se laisser abuser par des rêves démagogues. On dira par exemple : « Ceux qui critiquent le libre-échange ne vous disent pas que les conséquences de mesures protectionnistes seront l’isolement total et l’arrêt cauchemardesque de tout échange avec les autres pays. Si vous voulez que notre pays reste ouvert, il faut accepter le libre-échange et donc les sacrifices que demande la compétitivité. » Or, le protectionnisme n’a jamais signifié la fin des échanges. De la même manière, lorsqu’on critique l’innovation comme synonyme de progrès, on entend souvent : « Renoncer à l’innovation, c’est faire le choix d’une société frileuse, qui refuse l’avenir ; nous ne pouvons plus revenir en arrière, nous devons nous adapter et faire confiance. » Cet opérateur rhétorique, ce « nous-ne-pouvons-plus », a précisément vocation à faire taire ceux qui disent « mais-qu’êtes-vous-en-train-de-faire ? ». Nous devons faire confiance, car nous n’avons pas d’autre choix.

    Le problème, c’est que ça marche. Quand on entend un politicien énoncer cela, on n’entend malheureusement derrière lui ni mugissement de rires ni concert de ricanements. Reconnaître ces types de discours et se protéger de leur emprise, voilà qui ferait partie d’une culture de la sorcellerie. S’en protéger, c’est aussi savoir en rire, ricaner, avoir sur soi des boîtes à rire qui meuglent – faire d’abord preuve d’irrespect.

    Or l’énonciateur de ce type de discours ne peut pas être réduit à un vendu, un corrompu, un bankster, etc. Le problème est plus compliqué, en ce sens que ceux qui annoncent une alternative infernale se trouvent eux-mêmes séparés de leur puissance d’agir et de penser. Ils ne savent réellement pas comment faire autrement. C’est pourquoi j’ose penser que la dérision et la compassion sont plus efficaces que la dénonciation. Celle-ci peut renforcer leur sentiment d’héroïsme responsable face à des accusations injustes. Il s’agit plutôt de les démoraliser, de leur faire abandonner leur rôle de berger moralisateur et pédagogue – voire d’exiger d’eux qu’ils partagent avec nous ce qui les réduit à l’impuissance, au lieu de relayer des mensonges lénifiants. S’ils prétendent lutter, qu’ils nous donnent des nouvelles du front, qu’ils nous expliquent ce à quoi ils se heurtent, qu’ils nomment les « sorciers » et la manière dont ils agissent – bref qu’ils cessent de collaborer sous prétexte que sans eux ce serait pire. »

    Isabelle Stengers

    http://jefklak.org/?p=1711

    #Alternative #infernale
    #Stengers
    #Capitalisme

  • « Nous découvrons ainsi que dans la France actuelle « immigration » est devenu par excellence le nom de la #race, nom nouveau mais fonctionnellement équivalent à l’appellation ancienne, de même qu’« immigrés » est la principale caractéristique permettant de ranger des individus clans une typologie raciste. C’est le lieu de se souvenir que le #racisme colonial avait déjà, typiquement, conféré une fonction essentielle à la casuistique de l’unité et de la différenciation, non seulement dans son discours spontané mais dans ses institutions et dans ses pratiques de gouvernement : forgeant l’étonnante catégorie générale de I’« indigène », et multipliant en même temps les subdivisions « ethniques » (à l’origine de la notion même d’ethnie) au sein de ce melting pot, au moyen de critères pseudo-historiques, prétendument univoques, permettant de fonder des hiérarchies et des discriminations (« Tonkinois » et « Annamites », « Arabes » et « Berbères », etc.). Le nazisme a fait de même, divisant les sous-hommes en « juifs » et « Slaves » ; voire subdivisant ceux-ci, et reportant sur la population allemande elle-même le délire des typologies généalogiques.

    Les effets induits par la formation d’une catégorie générique de l’#immigration ne s’arrêtent pas là. Elle tend à englober des individus de nationalité française qui se trouvent alors cantonnés ou rejetés dans un statut plus ou moins honteux d’extériorité, dans le moment même où le discours nationaliste proclame l’unité indivisible des populations historiquement rassemblées clans le cadre d’un même État : c’est le cas, en pratique, des Antillais noirs, et bien entendu de nombre de Français « d’origine étrangère », en dépit de la naturalisation ou de la naissance sur le sol français qui leur confère la nationalité française. On aboutit ainsi à des contradictions entre la pratique et la théorie dont certaines pourraient paraître réjouissantes. Un Kanak indépendantiste en Nouvelle-Calédonie est théoriquement un citoyen français qui porte atteinte à l’intégrité de « son pays », mais un Kanak en « métropole », indépendantiste ou non, n’est jamais qu’un immigré noir. Quand un député libéral (de droite) a exprimé l’opinion que l’immigration était « une chance pour la France », il s’est vu affubler du sobriquet qui se voulait injurieux de « Stasibaou » !

    Le phénomène le plus significatif à cet égard est l’obstination avec laquelle l’opinion conservatrice (il serait bien hasardeux d’en assigner les limites) désigne comme « deuxième génération immigrée » ou « immigrés de la deuxième génération » les enfants d’Algériens nés en France et s’interroge sans fin sur leur « possibilité d’intégration » à la société française dont ils font déjà partie (en confondant systématiquement la notion d’intégration, c’est-à-dire d’appartenance à un ensemble historique et social de fait, avec celle d’une conformation à un « type national » mythique, censée garantir par avance contre toute conflictualité). »

    [Etienne #Balibar, "Les Identité ambigues"]

    #Race
    #Racisme

  • A lire absolument : "La haine de la religion. Comment l’athéisme est devenu l’opium du peuple de gauche", de Pierre Tevanian
    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_haine_de_la_religion-9782707175908.html

    « Le NPA devrait relire Marx : la religion, c’est l’opium du peuple. » C’est ce qu’ont répété sur toutes les antennes de grands révolutionnaires tels que Michel Onfray, Aurélie Filipetti, Laurent Fabius ou Nadine Morano lorsque, en 2010, le Nouveau parti anticapitaliste a eu le front de présenter aux élections régionales une candidate qui portait un foulard : Ilham Moussaïd (une affaire qui a été ravageuse en interne).

    Dans ce livre, Pierre Tevanian a décidé de les prendre au mot : il a relu ce que disent de la religion Marx, mais aussi Engels ou Trotski. Et le résultat est… édifiant.

    En résumé : « Marx [dans « La Question juive », notamment] refuse l’inversion qui fait de l’arrachement à la religion la condition préalable de l’émancipation politique. A ses yeux, c’est au contraire l’émancipation politique qui constitue un préalable, trouvant son nécessaire prolongement dans une transformation socio-économique au terme de laquelle la religion est censée dépérir d’elle-même. L’émancipation politique ne saurait de ce fait être conditionnée par quoi que ce soit, et notamment pas par des gages de bonne conduite de la part de la minorité reléguée. »

    Sur Engels :

    « Engels ironisera à son tour, pour les mêmes raisons, sur l’idéalisme de ceux qu’il nomme les “extrémistes” de l’irréligion, qui entendent “abroger Dieu par décret” et “transformer les gens en athées par ordre du Grand Mufti”, alors que les occasions ne manquent pas d’apprendre (…) “que les persécutions sont le meilleur moyen de donner de la force à des convictions impopulaires”. Pour reprendre les termes de Marx, puisque la croyance religieuse durera aussi longtemps que durera la “situation” de misère et le “besoin” de croire qu’elle produit, il ne reste aux prêcheurs d’athéisme qu’un seul moyen de convertir sans délais : la force. »

    Tevanian remarque que, certes, la religion peut être vécue soit comme un moyen d’émancipation, soit, de façon moins sympathique, comme « une stratégie de distinction [c’est moi qui détiens la vérité] et un instrument de domination ». Mais que l’athéisme aussi…

    Chez Maxime Rodinson, il trouve ces lignes formidables : « Dans une société non socialiste, mettre au premier plan la lutte anti-religieuse serait une erreur idéaliste et petite-bourgeoise capitale. La lutte sociale doit être menée sur le terrain des clivages de classe de l’infrastructure, sur le terrain des camps qui délimitent les classes économiques et leurs options politiques et sociales, non sur le terrain fantasmagorique de l’idéologie qui établit de faux clivages mystifiés. »

    Commentaire de l’auteur : « Spéciale dédicace à Michel Onfray – et à toute l’équipe de “Charlie Hebdo”. »

    Il pose cette question des plus pertinentes : « Qui est le plus mal barré, entre un athée idéaliste de type Michel Onfray, qui croit en la puissance des maximes d’Epicure pour libérer l’humanité de ses souffrances – dans le cadre d’une économie de marché jamais remise en cause – et qui pense qu’il suffit de renier saint Paul pour se débarrasser de l’oppression patriarcale, et des théologiens chrétiens ou musulmans qui mobilisent activement les instruments méthodologiques de Marx ou d’Ibn Khaldoun pour analyser les structures sociales ? »

    Au passage, au moment où le verdict sur l’affaire de la crèche Baby Loup, en plus de susciter des commentaires aux relents bien dégueulasses
    (https://twitter.com/Zepapou/status/314079131757322240),
    relance le « catéchisme anti-voile » et les discours sur le foulard forcément symbole-de-soumission, Tevanian rappelle ce témoignage de Hanane dans « Les filles voilées parlent » : « Je porte le voile par soumission à un Dieu – et cette soumission-là, je l’assume totalement – mais cela veut dire aussi que je ne suis soumise à personne d’autre. Même pas à mes parents : je les respecte, mais je ne leur suis pas soumise. Elle est là, ma force : je me donne à un Dieu, et ce Dieu me promet de me protéger et me défendre. Alors ceux qui veulent me dicter ma conduite, je les emmerde. »

    (Sur ce livre, voir : http://www.peripheries.net/article318.html)

    Tout ça est imparable, mais le plus déprimant, c’est que ça ne servira probablement à rien. De l’extrême gauche à l’extrême droite, dans un contexte de crise économique mondiale, de découragement et de renoncement politique, c’est la logique du bouc émissaire qui est à l’œuvre. Il FAUT construire le musulman comme l’ennemi numéro un, et cette nécessité balaie tout sur son passage, à commencer par la raison – comme le montre l’ardeur à changer la loi quand elle empêche d’exclure et de stigmatiser, y compris en allant contre toutes les conventions européennes et internationales (lire le billet d’Alain Gresh, « Sus à l’islam ! Ils ne se fatiguent jamais... », sur son blog Nouvelles d’Orient :
    http://blog.mondediplo.net/2013-03-24-Sus-a-l-islam-Ils-ne-se-fatiguent-jamais).
    A partir de là, tenter de parler à la raison est probablement inutile. Que ces gens
    (http://www.marianne.net/Signataires-de-l-appel-pour-une-loi-sur-les-signes-religieux_a227577.html)
    ne voient pas ce qu’ils sont en train de faire est stupéfiant, mais démontre qu’on n’a pas réellement tiré les leçons historiques de ce genre d’engrenages. On tente de réfuter leurs discours parce qu’on ne peut pas faire autrement, et parce que les « faux clivages mystifiés » font des victimes bien réelles, mais… sans trop d’illusions.

    Voir l’intro du livre sur Les mots sont importants :
    http://lmsi.net/La-haine-de-la-religion

    #religion #islamophobie #politique

  • Fascinnant et angoissant objet filmique non identifié d’ #Arnaud_Des_Pallières « Disneyland, mon vieux pays natal »
    http://www.youtube.com/watch?v=76U5DTEwltk

    Le film est une commande d’arte pour la série Voyage, Voyage. Arnaud des Pallières a pu tourner le film qu’il souhaitait, malgré le regard intransigeant de Disney. La société, à l’idée de 45 minutes consacrées à son site sur une chaîne à laquelle ils n’ont habituellement aucun accès, accepte le projet du cinéaste. Des Pallières, malin, demande à Disney de dresser une liste de tout ce qu’il souhaitent interdire dans le film. Méthode qui lui permet de réaliser l’œuvre qu’il entend, sans subir une censure après coup. Le résultat est prodigieux. Arnaud des Pallières réalise son film en DV, triture les images, les sons, transformant son film en un voyage expérimental au cœur du monde Disney. Un monde effrayant, triste et morbide. Lorsque des Pallières monte en boucle la courte image d’un Mickey embrassant un enfant, il nous fait ressentir une sorte de folie, d’existence vide et répétitive qui décrit à la perfection ce monde factice. Ces parades, ces déguisements, ces jeux provoquent paradoxalement une impression de tristesse tenace, comme lorsque l’on assiste à un spectacle de clown. Les enfants sont sommés de s’amuser dans cet univers spécialement fabriqué à cet effet. Mais pourquoi s’amuser à ce moment précis ? Comment soutenir la pression des parents inquiets à l’idée que leurs chères têtes blondes n’éprouvent pas un plaisir à la mesure de leur attente ? Il y’a une sorte de suspens qui se crée, d’angoisse latente qui transforme Disneyland en cauchemar. Des Pallières veut réinjecter de la réalité dans ce monde factice, cette entreprise qui s’est réappropriée les grands contes européens pour les transformer en histoires inoffensives, bien éloignées de leurs premières vertus qui étaient d’aider les enfants à grandir. Disney prend en otage ces personnages, ainsi que les enfants qu’il souhaiterait voir à jamais prisonniers de ce monde idyllique. Martin Wheeler (collaborateur attitré d’Arnaud des Pallières, tout comme le chef opérateur de Godard Julien Hirsch et le mixeur Jean-Pierre Laforce qui, chacun, participent pleinement à la création des œuvres du cinéaste) compose une bande sonore étrange, décalée, qui accentue l’angoisse du film, son aspect hypnotique et cauchemardesque.

    #Documentaire #Expérimental #Cinéma #Fable #Société_du_spectacle #Vidéo

  • http://www.annamedia.org/#!echappe-belle/cocm

    Echappées belles

    Annamédia - Par Lalla Kowska Régnier

    Bonjour Lalla Kowska, vous étiez très agacée il y a quelques mois par le mot d’ordre de l’Existrans « des papiers si je veux quand je veux », nous avons eu envie de revenir avec vous sur cet épisode.

    Bonjour, et merci de la parole.
    Oui ce slogan, en plus du pied de nez à la lutte des sans papiers, a été comme un crachat aux visages de toutes celles et de tous ceux qui subissent la précarité sociale, affective, sanitaire. Précarité qui résulte de la clandestinité dans laquelle sont forcées les personnes trans en attente de changement d’état civil. Alors que cette sous citoyenneté acculent des personnes au suicide, je trouvais ça indigne d’en faire le dildo politique d’une communauté queer qui par ailleurs exclut les personnes transexuées.

  • Immigration « illégale »

    https://dl.dropbox.com/s/ds1c0ulo262u640/immigration%20illegale.JPG

    Quel dommage, le Monde quand même !

    Depuis quand l’immigration est illégale ? Elle est un droit fondamental comme le rappelle la charte universelle des droits humains.

    Les mots sont importants, que Vals utilise le terme "illégal", on s’y attend, le monsieur est dans son rôle, mais que les journalistes du Monde répètent bêtement ce que disent les ministres... (deux fois dans les titres de ce numéro)

  • Souvenirs : Tai-Luc : Manuel de politique punk (Leçon 1/2)

    Cet homme n’est pas seulement le chanteur de La Souris Déglinguée, le seul groupe (avec les Wampas) survivant de la grosse époque du rock alternatif français, c’est aussi un type avec un parcours et une construction politique qui pètent la gueule aux clichés. Tai-Luc était vietnamien jusqu’à sa majorité mais n’est pas forcément anticolonialiste. Son grand-père était conseiller municipal communiste mais lui est anticommuniste.


    http://www.theground.fr/component/content/article/3-icones/272-tai-luc-manuel-politique-punk-lecon-1-la-souris-deglinguee-lsd.html

    Taï-Luc à propos de la fête de l’huma : _« Je n’ai pas besoin de m’y produire. Je dirais même que la fête de l’Huma, au regard de ce qu’elle représente depuis quelques années, ne se distingue guère des Solidays ou des Vieilles Charrues. Rien qu’une vitrine du show business français ou international. »

    - Aha :)

    #lsd #apolitique #pas_apolitique #punk_français #rock'n'roll

    lu sur facedebique (par @A.K.) :

    Tai Luc a écrit de très beaux textes ça c’est certain. Cependant, derrière les explications sociologiques de la raya, quand on revient à un certain pragmatisme, LSD est un groupe apolitique, que ça n’a jamais dérangé d’avoir des fan d’extrême droite et qui ne s’est volontairement jamais placé, à une époque ou il y aurait pourtant eu bien des raisons de le faire. Finalement ils ne sont pas très loin des Forbans. Ces derniers ont joué pour le FN, eux pour les Bad Gones. La logique reste la même. Enfin, pourquoi passer du temps a vouloir décortiquer ce que pense le chanteur en matière de politique alors qu’ils ont toujours hurlé leur rejet de cette dernière ? On ne prend pas autant de pincettes avec d’autres, pourquoi le faire avec eux ?

  • Pères Vietnamiens… Enfants de Công Binh / France Inter

    http://www.franceinter.fr/emission-un-temps-de-pauchon-peres-vietnamiens-enfants-de-cong-binh

    Bah j’ai encore appris un truc cette semaine...

    Monsieur Kiem Nguyen-Van, 93 ans aujourd’hui, n’a raconté que très récemment à sa fille les conditions de son départ du Vietnam, colonie française à l’époque.
    Cet homme discret a longtemps tu son histoire, celle qu’il partage avec des milliers de compagnons indochinois réquisitionnés avant la défaite de 1940, de gré ou de force, comme « ouvriers soldats » par la France occupée. Encadrés par des officiers et des fonctionnaires coloniaux, ces « Công Binh » ont fourni pendant l’occupation une main d’œuvre à bon prix.

  • Le siècle de Hobsbawm , par Enzo Traverso (2009)

    http://www.revuedeslivres.fr/le-siecle-de-hobsbawm-par-enzo-traverso-2

    Le « long XIXe siècle » peint par Hobsbawm est le théâtre d’une transformation du monde dont l’Europe, grâce à l’essor de l’impérialisme, a été le centre et le moteur à la fois. Tous les courants politiques s’identifient à sa mission civilisatrice, incarnée par une race et une culture « supérieures ». L’idée de progrès – un progrès moral et matériel illustré par les conquêtes de la science, l’augmentation incessante de la production et l’essor des chemins de fer qui relient toutes les grandes métropoles du continent, ainsi que les deux côtes américaines – devient une croyance inébranlable, non plus inscrite dans les potentialités de la raison, mais portée par les forces objectives et irrésistibles de la société. Les pages les plus puissantes de L’Âge des extrêmes sont celles du premier chapitre, où Hobsbawm décrit l’ouverture du XXe siècle dans un climat apocalyptique qui renverse littéralement toutes les certitudes d’une ère antérieure de paix et de prospérité. Le nouveau siècle commence comme une « ère de la catastrophe » (1914-1945) encadrée par deux guerres totales destructrices et meurtrières : trois décennies pendant lesquelles l’Europe assiste à l’effondrement de son économie et de ses institutions politiques. Défié par la révolution bolchevique, le capitalisme semble avoir fait son temps, tandis que les institutions libérales apparaissent comme les vestiges d’un âge révolu lorsqu’elles se décomposent, parfois sans offrir la moindre résistance, face à l’essor des fascismes et des dictatures militaires en Italie, Allemagne, Autriche, Portugal, Espagne et dans plusieurs pays d’Europe centrale. Le progrès s’est révélé illusoire et l’Europe a cessé d’être le centre du monde. La Société des Nations, son nouveau gérant, est immobile et impuissante. Face à ces trois décennies cataclysmiques, celles d’après-guerre – « l’âge d’or » (1945-1973) et « la débâcle » (1973-1991) – semblent deux moments distincts d’une seule et même époque qui coïncide avec l’histoire de la guerre froide. L’« âge d’or » est celui des Trente Glorieuses, avec la diffusion du fordisme, l’élargissement de la consommation de masse et l’avènement d’une prospérité généralisée apparemment inépuisable. La « débâcle » (landslide) commence avec la crise du pétrole de 1973 qui met fin au boom économique et se prolonge par une longue onde récessive. À l’Est, elle s’annonce par la guerre d’Afghanistan (1978) qui amorce la crise du système soviétique et l’accompagne jusqu’à sa décomposition. La « débâcle » fait suite à la décolonisation – entre l’indépendance de l’Inde (1947) et la guerre du Vietnam (1960-1975) – pendant laquelle l’essor des mouvements de libération nationale et des révolutions anti-impérialistes se mêle au conflit entre les grandes puissances.

    Eurocentrisme

    La périodisation proposée par Hobsbawm fait la force de sa tétralogie et, en même temps, en indique les limites. Le tome consacré aux « révolutions bourgeoises » évoque à peine les guerres de libération dans l’Amérique latine des années 1820, tandis que les suivants décrivent la guerre civile américaine, mais ne s’attardent que superficiellement sur la révolte des Taiping, le plus vaste mouvement social du XIXe siècle, qui a profondément secoué la Chine entre 1851 et 1864. C’est précisément le dernier volume qui, en restituant le profil d’un siècle mondialisé, montre le caractère problématique de l’eurocentrisme, ou tout au moins de l’occidentalo-centrisme, qui inspire l’oeuvre dans son ensemble. Les découpages historiques choisis par Hobsbawm ne sont pas généralisables. Est-il légitime de considérer 1789 ou 1914 comme des grands tournants pour l’histoire de l’Afrique ? Le congrès de Berlin (1884) et les années de la décolonisation (1960) seraient à coup sûr des clivages plus pertinents. Vues d’Asie, les grandes ruptures du XXe siècle – l’indépendance de l’Inde (1947), la Révolution chinoise (1949), la guerre de Corée (1950-1953), la guerre du Vietnam (1960-1975) – ne coïncident pas forcément avec celles de l’histoire européenne. La Révolution chinoise de 1949 a transformé en profondeur les structures sociales et les conditions de vie d’une portion d’humanité bien plus vaste que l’Europe, mais les décennies comprises entre 1945 et 1973 – marquées par la guerre civile, le « Grand bond en avant » et la Révolution culturelle – n’ont pas été un « âge d’or » pour les habitants de cet immense pays. Pendant cette période, les Vietnamiens et les Cambodgiens ont subi des bombardements plus étendus que ceux qui ont dévasté l’Europe pendant la seconde guerre mondiale, les Coréens ont connu les affres d’une guerre civile et de deux dictatures militaires, tandis que les Indonésiens ont subi un coup d’État anticommuniste aux dimensions littéralement exterminatrices (500 000 victimes). Seul le Japon vécut une époque de liberté et de prospérité comparable à l’« âge d’or » du monde occidental. L’Amérique latine, quant à elle, a certes subi l’impact de 1789 – Toussaint Louverture et Simon Bolivar en ont été les fils dans le continent – mais elle est restée en dehors des guerres mondiales du XXe siècle. Elle a connu deux grandes révolutions – la mexicaine (1910-1917) et la cubaine (1959) – et son ère de la catastrophe se situe plutôt entre le début des années 1970 et la fin des années 1980, lorsque le continent est dominé par des dictatures militaires sanglantes, non plus populistes et desarrollistas(développementiste), mais néolibérales et terriblement répressives.

    Bien qu’il récuse toute attitude condescendante et ethnocentrique à l’égard des pays « retardataires et pauvres », Hobsbawm postule leur subalternité comme un truisme qui évoque par moments la thèse classique d’Engels (d’origine hégélienne) sur les « peuples sans histoire 11 ». À ses yeux, ces pays ont connu une dynamique « dérivée, non originale ». Leur histoire se réduirait essentiellement aux tentatives de leurs élites « pour imiter le modèle dont l’Occident fut le pionnier », c’est-à-dire le développement industriel et technico-scientifique, « dans une variante capitaliste ou socialiste » (p. 266). Avec un argument similaire, Hobsbawm semble justifier le culte de la personnalité instauré par Staline en URSS, en le considérant bien adapté à une population paysanne dont la mentalité correspondait à celle des plèbes occidentales du XIe siècle (p. 504). Ces passages relativisent considérablement la portée des révolutions coloniales qu’il décrit comme des ruptures éphémères et limitées. Au fond, L’Âge des extrêmes ne perçoit pas dans la révolte des peuples colonisés et leur transformation en sujet politique sur la scène mondiale un aspect central de l’histoire du XXe siècle.

    Ce constat renvoie à l’écart souligné plus haut entre deux Hobsbawm : d’une part l’historien social qui s’intéresse à ceux « d’en bas » en restituant leur voix et, de l’autre, l’auteur des grandes synthèses historiques où les classes subalternes redeviennent une masse anonyme. L’auteur de L’Âge des extrêmes est pourtant le même qui a écrit Les Primitifs de la révolte(1959) et Bandits (1969), pour lequel l’acquisition d’une conscience politique chez les paysans du monde colonial « a fait de notre siècle le plus révolutionnaire de l’histoire12 ». Les représentants des subaltern studies, notamment Ranajit Guha, ont reproché à leur collègue britannique de considérer les luttes paysannes comme essentiellement « prépolitiques » à cause de leur caractère « improvisé, archaïque et spontané », et d’être incapable d’en saisir la dimension profondément politique, quoiqu’irréductible aux codes idéologiques du monde occidental13. Cette critique vaut certes davantage pour sa tétralogie que pour ses études d’histoire sociale. Selon Edward Said, cette représentation des sociétés non occidentales comme lieux d’une histoire « dérivée, non originale », est un « point aveugle » (blindspot) tout à fait surprenant chez un chercheur qui s’est distingué pour avoir critiqué l’eurocentrisme de l’historiographie traditionnelle et étudié les « traditions inventées14 ».

    Dans une réponse à ses critiques, Hobsbawm a reconnu l’approche eurocentrique de son livre, tout en affirmant que sa tentative de « représenter un siècle compliqué » n’est pas incompatible avec d’autres interprétations et d’autres découpages historiques15. Les exemples ne manquent pas. En 1994, Giovanni Arrighi publiait The Long Twentieth Century, un ouvrage qui, s’inspirant à la fois de Marx et Braudel, propose une nouvelle périodisation de l’histoire du capitalisme. Il repère quatre siècles « longs » s’étalant sur six cents ans et correspondant à différents « cycles systémiques d’accumulation », bien que susceptibles de se superposer les uns aux autres : un siècle génois (1340-1630), un siècle hollandais (1560-1780), un siècle britannique (1740-1930) et, enfin, un siècle américain (1870-1990). Amorcé au lendemain de la guerre civile, ce dernier connaît son essor avec l’industrialisation du Nouveau Monde et s’essouffle autour des années 1980, lorsque le fordisme est remplacé par une économie globalisée et financiarisée. Selon Arrighi, nous sommes entrés aujourd’hui dans un XXIe siècle « chinois », c’est-à-dire dans un nouveau cycle systémique d’accumulation dont le centre de gravité se situe tendanciellement en Extrême-Orient.

    Michael Hardt et Toni Negri, quant à eux, théorisent l’avènement de l’« Empire » : un nouveau système de pouvoir sans centre territorial, qualitativement différent des anciens impérialismes fondés sur l’expansionnisme des États au-delà de leurs frontières. Alors que l’impérialisme classique s’enracinait dans un capitalisme fordiste (la production industrielle) et prônait des formes de domination de type disciplinaire (la prison, le camp, l’usine), l’Empire développe des réseaux de communication auxquels correspond une « société de contrôle », c’est-à-dire une forme de « biopouvoir », au sens foucaldien, parfaitement compatible avec l’idéologie des droits de l’Homme et les formes extérieures de la démocratie représentative. Reste à savoir si cet « Empire » est une tendance ou un système déjà consolidé qui aurait fait des États nationaux des pièces de musée. Plusieurs auteurs semblent en douter et le débat est loin d’être tranché16. Dans son dernier ouvrage, L’Empire, la démocratie, le terrorisme, Hobsbawm revient sur l’histoire des empires pour conclure que leur âge est définitivement révolu. Les États-Unis disposent d’une force militaire écrasante, mais ne sont pas en mesure d’imposer leur domination sur le reste de la planète. Ils ne représentent pas le noyau d’un nouvel ordre mondial comparable à la Pax Britannica du XIXe siècle, et nous sommes entrés dans « une forme profondément instable de désordre global aussi bien à l’échelle international qu’à l’intérieur des États 17 ».

    Adoptant une perspective contemporaine, le XXe siècle pourrait aussi apparaître comme un « siècle-monde ». L’historien italien Marcello Flores en date le début en 1900, année qui marque symboliquement une triple mutation. À Vienne, Freud publie L’Interprétation des rêves, ouvrage inaugural de la psychanalyse : à l’aube du capitalisme fordiste, le monde bourgeois opère un repli vers son intériorité analogue à l’« ascèse intramondaine » que, selon Weber, la Réforme protestante avait mise au service du capitalisme naissant. En Afrique du Sud, la guerre des Boers engendre les premières formes de camps de concentration, avec barbelés et baraques pour l’internement des civils. Ce dispositif d’organisation et de gestion de la violence va projeter son ombre sur tout le XXe siècle. En Chine, finalement, la révolte des Boxers est matée par la première intervention internationale des grandes puissances coalisées (Allemagne, Grande-Bretagne, France, Italie, Autriche-Hongrie, Russie, États-Unis et Japon). Bien d’autres expéditions (punitives, « humanitaires », « pacificatrices », etc.) suivront. Selon Flores, le XXe siècle est l’âge de l’occidentalisme, qui voit l’extension à l’échelle planétaire du système de valeurs, des codes culturels et des modèles de vie occidentaux. De ce point de vue, le XXe siècle n’est pas mort, même s’il est confronté aujourd’hui à de nouveaux défis.

    Dans un passage saisissant de L’Âge des extrêmes, Hobsbawm écrit que, pour 80 % de l’humanité, le Moyen Âge s’arrêta subitement dans les années 1950 (p. 380). Depuis ce tournant, nous vivons dans un monde où le développement des moyens de communication a éliminé les distances, l’agriculture n’est plus la source principale des richesses et la majorité de la population est désormais urbanisée. Cela constitue une véritable révolution, écrit-il, qui a soudainement clôturé dix mille ans d’histoire : le cycle ouvert avec l’avènement de l’agriculture sédentaire18. Si l’on traduit cette remarque en termes historiographiques, cela signifie que, en choisissant l’histoire de la consommation au lieu de l’histoire politique comme ligne de partage fondamentale, le XXe siècle pourrait prendre une coloration bien différente. Entre 1910 et 1950, les conditions de vie des Européens demeurèrent substantiellement inchangées. La grande majorité d’entre eux vivait dans des habitations qui ne disposaient pas de salle de bain et dépensait la plupart de ses revenus pour se nourrir. En 1970, en revanche, il était devenu normal de vivre dans un appartement doté de chauffage central, du téléphone, d’un frigo, d’une machine à laver et d’une télévision, sans oublier une voiture dans le garage (ce qui constituait le lot commun des ouvriers des usines Ford de Detroit dès les années 193019). Bref, d’autres découpages historiques sont possibles. Cela ne remet pas en cause la perspective choisie par Hobsbawm, mais indique que sa périodisation n’a rien de normatif.

    #Hobsbawm
    #histoire
    #19e_siècle
    #20e_siècle

    • Oui, avec Hobsbawm, nous ne sommes plus dans un monde où « le capitalisme » se serait installé et imposé une fois pour toutes. Il n’a jamais cessé d’évoluer et de se métamorphoser, au gré (à la fois cause et conséquence) des rapports de force les + divers et des conjonctures politiques. Cela rend très compliquée, peut-être insoluble, la question classique des « phases » du capitalisme (combien y en a-t-il ? ; où commencent-elles et où s’arrêtent-elles ?). Tout devient instable, multidimensionnel, et Traverso montre très très bien qu’on ne peut plus les distinguer de la question des lignes d’évolution historiques du 20e siècle en général.

  • Trente années de crimes policiers par Jacques Colin
    http://cqfd-journal.org/Trente-annees-de-crimes-policiers

    Jamais la police n’a autant tué que ces dernières années. Entre 1977 et 1987, on comptait 6 morts par an. Ce chiffre est passé à 8 (1987-1997) puis à 10 (1997-2001), jusqu’à atteindre désormais une moyenne de 12 morts par an ! Au cours des trois dernières décennies, quelque 300 jeunes sont tombés sous les balles des unités de choc de la police nationale. Trois livres récents décortiquent cette violence industrielle. Le premier, La Domination policière (éditions La Fabrique) signé du sociologue Mathieu Rigouste, énonce que la violence n’est pas accidentelle, qu’elle est rationnellement produite par l’État pour maintenir les pauvres à leur place, et qu’elle est rentable puisque le modèle français de « maintien de l’ordre » s’exporte. Le deuxième, Rengainez, on arrive ! (Libertalia), rédigé par Mogniss H. Abdallah, fondateur de l’agence IM’media, est une chronique passionnée de trente années de résistances aux violences racistes et sécuritaires ; ce récit rappelle que toute lutte a une mémoire qui doit être transmise pour construire les mobilisations futures. Enfin, Je n’aime pas la police de mon pays (Libertalia) de Maurice Rajsfus retrace l’histoire du bulletin mensuel Que fait la police ? et démontre que l’alternance politique ne change rien à la violence exponentielle des flics. Au fait, qu’est devenu le slogan des années 1990 : « Dissolution immédiate des Brigades anti-criminalité ! » ? Après plus d’une décennie ultra-sécuritaire, il serait bon de le remettre au goût du jour.

  • Is Marxism Facing a Rebirth? | The Sunday Edition with Michael Enright | CBC Radio / tjs via @opironet
    http://www.cbc.ca/thesundayedition/shows/2013/02/24/is-marxism-facing-a-rebirth

    Avec :
    – Bhaskar Sunkara, “the founding editor of Jacobin magazine, one of the freshest voices of Marxism to appear in a long time. Jacobin was launched in 2010 when Mr. Sunkara was all of 21 years old.”

    De Jacobin mag, il était question dans Courrier cette semaine :

    – Ursula Huws, “professor of labour and global issues at the University of Hertfordshire in England - where The Communist Manifesto was first published. She is the author of The Making of a Cybertariat: Virtual Work in a Real World .”

    #marx de la matière pour #cognitariat ? cc @prac_6 @shaber33

  • « La France Orange mécanique » : un flagrant délire sécuritaire | Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/france/190213/la-france-orange-mecanique-un-flagrant-delire-securitaire

    Construit sur le mode d’un compte à rebours vers une « explosion » finale, La France Orange mécanique n’aborde son réel sujet que dans les derniers chapitres : si la délinquance explose en France, c’est, selon l’auteur, du fait de la « mondialisation », entendez de l’immigration. Le procédé est assez habile. Assommé sous une avalanche de chiffres et 45 pages d’affilée de faits divers relevés dans la presse locale, le lecteur non averti s’engouffre dans l’explication « culturelle » offerte par Laurent Obertone.

    #chiffres #violence #propagande et #paywall

  • #Linkfluence : les experts du Web 13.0 et de l’#extrémisme
    http://reflets.info/linkfluence-les-experts-du-web-13-0-et-de-lextremisme

    Imaginez une petite dizaine de personnes qui décident de mettre en commun une énorme partie de leur temps libre pour réfléchir, écrire et publier 1260 articles en deux ans. Ils passent aussi un temps certain à préparer des émissions de radio sur des sujets un peu ardus. Leurs articles et leurs émissions de radio vont [...]

    #A_la_Une #Revue_de_Web #Technos #Charlatans #featured #Francetvinfo #Reflets #Rorschach #Xavier_Bouvet

    • Aaaahhh, l’analyse des sphères d’influence, les cartographies de mouvements sociaux par ordinateurs, quelle blague. On peut y appliquer n’importe quel sens depuis la masse informe extraite du web pourvu que ça se vende, quitte à supposer n’importe quoi.
      Qui sont les complotistes, qui sont les manipulateurs ?
      Tu rajoutes une surcouche et tu as le nom des acteurs de ces supposés mouvements, chut, secret défense, le croisement des #données_personnelles est interdit mais #PRISM s’en fout, il a découpé la démocratie en infusions homéopathiques.
      Il faut justifier la surveillance des uns et des autres pour les quelques sachets qui restent à acheter et si ce n’est pas ton ADN qu’y en est extrait, ce seront tes données biométriques, ou tes traces sur la toile ou tes vidéos dans la rue, sinon ce sera ton réseau et les réseaux de tes amis et les réseaux de tes ennemis. La dichotomie des imbéciles veille à ordonner le monde. Et tu n’auras plus besoin de ton cerveau, il suffira de lancer le programme pour que l’ordinateur t’explique ce que tu devais penser à ce moment là.
      Ca se vend bien l’anticipation sur le marché militaire les infos qui font croire qu’on peut hiérarchiser le web par un algorithme et le diriger, ça se vend aux dictateurs, aux marchands d’armes, à tous ceux qui veulent plomber le monde et asseoir leur pouvoir.
      Ils sont tombés sur une manne, nous sommes les fractales zoomables.

      http://www.lesechos.fr/07/04/2011/LesEchos/20907-135-ECH_linkfluence-leve-2-millions-d-euros.htm

  • Quartiers nord en résistance par Gilles Lucas
    http://cqfd-journal.org/Quartiers-nord-en-resistance

    Quand les opérations de concertation menées par les pouvoirs publics ne débouchent sur rien d’autre que des relogements forcés, certains habitants de ces cités, partiellement dégradées mais totalement vivantes, au nord de la ville de Marseille, se rebiffent. Leurs exigences ? Vivre dignement là où ils ont construit leurs existences. Ni plus ni moins.

    « Dans le cadre de la rénovation du quartier de la Savine, la communauté urbaine, où je suis élue, prévoyait la préservation des collines. Or, j’ai pu constater sur le plan local d’urbanisme qu’une partie de la zone jouxtant le haut du quartier rénové pourrait être destinée à devenir une carrière », explique, calmement et au milieu du brouhaha, Joëlle Boulay, adjointe à l’urbanisme à la mairie des 15e et 16e arrondissements de Marseille. Le silence se fait d’un coup dans cette salle du groupe scolaire de la Savine. La petite cinquantaine de personnes ayant fait le déplacement ce 15 novembre était conviée à un de ces « ateliers de concertation » organisés par l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), prétendant faire le lien entre, d’une part, les décideurs rassemblant des bailleurs sociaux, un représentant du préfet et le chef de projet urbain, et, d’autre part, des habitants et commerçants de la cité. Car, ce quartier, accroché aux pentes occidentales du massif de l’Étoile, est inscrit dans le vaste programme de l’ANRU, qui, sur la ville de Marseille, a pour objectif de réhabiliter, rénover, ou reconstruire, selon les cas, quatorze cités composées principalement de logements sociaux.

    L’ensemble de bâtiments de la Savine, construit telle une forteresse en 1973 et accessible par une seule route, comptait initialement trente cinq immeubles. En 1993, six d’entre eux sont détruits. Cinq nouvelles démolitions sont réalisées en 2003 au moment même où le plan global Rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo, alors ministre du Travail, de la Cohésion sociale et du Logement, est annoncé. En 2009, la découverte d’amiante dans les cloisons des appartements contraint à l’arrêt des travaux entrepris. Dès lors, il n’est plus question de réhabilitation des habitats existants, mais d’une démolition de la cité suivie d’une reconstruction selon de nouveaux plans destinés à « désenclaver le quartier et à y favoriser la mixité sociale », selon les dires des décideurs.

  • http://www.atlantico.fr/decryptage/comment-fin-modernite-mene-droit-utopie-totalitaire-retour-livre-choc-shmu. Dans cette nouvelle théologie, l’adoration de l’Autre s’incarne dans sa figure doloriste qu’est l’islam, décrété religion de paix et d’amour et que le post-modernisme considère comme faisant partie « par principe et pour l’éternité, des victimes de l’humanité souffrante » (p.74). Dénué de rapport avec la réalité politique et avec les rapports de force qui en découlent, le post-modernisme adore cette altérité sans réciprocité : cette morale ne s’applique qu’à l’Occident sommé d’accueillir l’humanité entière là où l’islam chasse l’infidèle de ses terres. Par une curieuse asymétrie, il en résulte « la célébration du sujet non occidental. Un nationalisme ethnocentrique à l’envers » (p.88).

  • QUEL USAGE POLITIQUE DE LA NUDITÉ ?
    http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=377 (modifié)

    le langage du corps, du sexe, est, plus encore que les autres, piégé par le système marchand. À l’heure d’Internet et de sa profusion pornographique, et du déferlement obscène de la publicité, bien malin, bien maline, qui prétend jouer des stimuli et des refoulements sexuels sans s’emmêler les muqueuses et les neurones. Croyant choquer le bourgeois (et quel intérêt ?), on lui parle publiquement un langage qu’il parle couramment en privé et/ou dont il fait déjà commerce.

    Énergie juvénile et courage physique ne suffisent pas à élaborer une pensée critique. La presse n’est ni une entité neutre ni un levier sans maître qu’il suffirait d’utiliser habilement pour faire passer son message. Et pas non plus une institution de service public ayant vocation à enregistrer et à confirmer la bonne volonté démocratique des « indigné(e)s ». Plus vite on s’en aperçoit, moins on commet d’erreurs contre son propre camp, avec ou sans maillot.

    #nu #activisme #corps #féminisme #femen #pussy_riot

  • Radical Geography Fieldwork : Pornification, pinkification, violence and gender inequality « #GuerrillaGeographyDay >>> Gender Representation – Feb 7th

    En effet assez radical...

    http://guerrillageographyday.com/2013/01/27/acting-on-gender-inequality

    January 27, 2013 By Daniel @RavenEllison

    Pornification, pinkification, violence against women, gender pay gaps and gender inequality issues are constantly in the news even if they’re not as popular as [shocking graph alert] Tom Cruise. Many of the inequalities that exist between male, female and transgendered people are hidden behind closed doors, inside accounting systems or within widely accepted, yet repressive everyday language. Gender inequalities can be both highly and intentionally visible, but unless we learn to think critically about what we see they too can pass us by and we become part of the passive system of tolerance for one of the greatest injustices the human race as ever inflicted upon itself.

    http://www.flickr.com/photos/craftivist-collective/5690936543

    Flickr

    Guerrilla Geography Day on February 7th focuses on the theme of gender inequality and representation. Taking part consists of three steps./

    #cartographie-radicale #géographie-radicale

  • La plus grande offensive contre les droits sociaux menée depuis la seconde guerre mondiale à l’échelle européenne | Eric Toussaint (CADTM)
    http://cadtm.org/La-plus-grande-offensive-contre

    De manière régulière, les grands médias abordent les questions d’un possible éclatement de la zone euro, de l’échec des politiques d’austérité en matière de relance économique, des tensions entre Berlin et Paris, entre Londres et les membres de la zone euro, des contradictions au sein du conseil de la BCE, des énormes difficultés pour trouver un accord sur le budget de l’UE, des crispations de certains gouvernements européens à l’égard du FMI à propos du dosage de l’austérité. Tout cela est vrai, mais il ne faut surtout pas oublier un point fondamental : la capacité de gouvernants, qui se sont mis docilement au service des intérêts des grandes entreprises privées, de gérer une situation de crise, voire de chaos, pour agir dans le sens demandé par ces grandes entreprises. Source : CADTM

  • Les résultats « dérangeants » de Graph Search, le nouvel outil de recherche sur Facebook | Rézonances
    http://rezonances.blog.lemonde.fr/2013/01/23/les-resultats-derangeants-de-graph-search-le-nouvel-outil-de

    Si vous souhaitez par exemple savoir « qui sont les hommes musulmans habitant à Téhéran intéressés par les hommes », et leur lieu de travail : c’est a priori possible. Si vous voulez trouver une liste de « mères de personnes catholiques habitant en Italie et aimant la marque Durex » : il y a des noms.
    Si vous désirez faire le point sur les « entreprises qui emploient des personnes ayant indiqué sur Facebook qu’elles ’aimaient’ le racisme » : la liste existe.

    #FaceBook #Graph_Search