• L’adversité peut révéler des choses impensées, peut révéler notre hiérarchie de priorités. Enfermer les étrangers ou étrangères est donc très haut dans celles de l’État3.
    Pour la rétention on voit même davantage. Depuis longtemps des associations dénoncent son détournement de fait : elle est devenue une prison pour innocents. L’épidémie le révèle platement : alors que les expulsions sont quasi impossibles —il n’y a plus d’avions—, l’État, qui a fermé tous ses services administratifs relatifs aux étrangers, continue de les pourchasser policièrement4, et les enfermer quand les juges autorisent (et même s’assied sur une décision quand elle va dans l’autre sens !). Mieux encore : après contamination de 6 policiers à Vincennes, cela l’a contraint à faire cesser le service de 51 policiers pour les confiner par sécurité. Mais il continue, mobilisant donc d’autres personnels pour les remplacer. Cela coûte absurdement, à un moment où l’État doit faire face à une montagne de dépenses.
    La rétention est donc un moyen de montrer qui a le pouvoir sur le corps de qui : un exercice de pouvoir violent sur le corps des indésirables. Et vu comme l’État s’acharne, c’est très essentiel pour lui.

    http://cerclesdesilence-alsace.blogspot.com/2020/04/la-retention-en-temps-depidemie-drame.html

  • Le système du porte-à-porte a été couronné de succès au Venezuela. C’est une méthode qui s’appuie sur ce qui avait déjà été construit en termes de santé et d’organisation populaire, renforcée par l’arrivée d’apports médicaux de pays tels que la Chine, la Russie, Cuba, ainsi que d’agences internationales comme la Croix-Rouge et l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), le bras régional de l’OMS.

    Sa mise en œuvre a permis de combattre le coronavirus, un dépistage dans chaque foyer pour le détecter précocement et éviter les complications chez les patients, couper les chaînes de transmission, empêcher son expansion — qui peut être très rapide, comme cela a été montré dans d’autres pays, l’Italie et l’Espagne par exemple.

    C’est en partie pour cette raison que la courbe reste plate au Venezuela. Le rôle joué par l’aide cubaine est central, tout autant qu’il l’a été dans la construction d’une partie du système de santé dès le début de la révolution bolivarienne. Les médecins sont là, tous les jours, dans les collines, en blouse blanche, avec leurs masques, qui vont porte après porte, posent des questions, donnent des conseils, contribuant ainsi à la lutte contre la pandémie.

    https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/04/20/covid-19-le-modele-venezuelien-occulte-par-les-medias

  • https://mrap.fr/fermeture-des-cra-en-temps-de-confinement

    Les informations et témoignages recueillis depuis lors sur la situation dans les CRA montrent que le Conseil d’État a entériné le principe d’une « protection au rabais pour les étranger.es »5. Les retenu·es aux CRA de Oissel et du Mesnil Amelot, les représentant·es des associations intervenant au CRA de Vincennes ou de soutien aux personnes qui y sont retenues, les député·es et élu·es qui ont visité les CRA de Cornebarrieu et du Mesnil-Amelot,6 tous et toutes apportent un démenti formel aux assurances du ministre et établissent clairement :

    que les retenu·es sont maintenu·es dans une promiscuité et dans des conditions d’hygiène déplorables, incompatibles avec les recommandations de distanciation sociale et de protection individuelle ;
    que les mesures sanitaires de prévention contre la diffusion du Covid-19 ne sont pas et ne peuvent pas être mises en place compte tenu de la configuration des lieux et des modalités de fonctionnement des centres ;
    que ni les retenu·es, ni les personnels de service, ni les effectifs de police ne sont doté·es de masques et de produits désinfectants ;
    que la mise en danger de contamination de l’ensemble des personnes présentes est permanente ;
    que plusieurs cas de contamination au Covid 19 ont au demeurant été confirmés, notamment de trois personnes retenues au CRA de Vincennes, dont une depuis le 7 mars.

    C’est ce qu’a déjà admis, le 15 avril, le juge des référés du tribunal administratif de Paris en estimant que « le préfet de police (…) entretient le foyer de contamination qui a été récemment identifié au sein de ce centre, et méconnaît de ce fait les impératifs de santé publique qui s’imposent à lui en vertu de l’état de catastrophe sanitaire mettant en péril la santé de la population ».

  • « Il y a plein de masques qui moisissent sur les quais ». Entretien avec deux ouvriers de la logistique pharmaceutique
    https://acta.zone/il-y-a-plein-de-masques-qui-moisissent-sur-les-quais

    Alors que les patrons de la pharmaceutique fanfaronnent sur leur participation à l’ « effort de guerre », la réalité est tout autre dans les entrepôts du secteur. Dans cet entretien, deux ouvriers syndicalistes du groupe EHDH – leader européen de la logistique pharmaceutique – décrivent les véritables lignes de front, entre des directions dans le déni et des salariés qui cherchent à se protéger et à protéger les autres. Ils reviennent aussi sur la casse sociale qui touche le secteur depuis des années et sur les failles d’un système logistique qui repose massivement sur la sous-traitance. Source : ACTA

  • La pollution liée aux épandages grandit, aggravant l’épidémie de Covid-19
    https://reporterre.net/Les-episodes-de-pollution-lies-aux-epandages-se-succedent-les-appels-a-r

    Le même jour, la directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et responsable de l’équipe épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires (Épar) Isabella Annesi-Maesano indiquait à Reporterre que les premiers foyers de l’épidémie de Covid-19 correspondaient à des zones particulièrement polluées de Chine, d’Iran et d’Italie. « La pollution atmosphérique est irritante et abîme les muqueuses des voies aériennes. En réaction, ces dernières décompensent, deviennent plus perméables et les agents pathogènes les pénètrent plus facilement. C’est valable pour le SARS-CoV-2, mais pas seulement : quand l’environnement est très pollué, les gens attrapent plus facilement un rhume ou commencent une pollinose, a-t-elle expliqué au quotidien de l’écologie. Par ailleurs, les particules fines franchissent la barrière des alvéoles pulmonaires, rejoignent la circulation sanguine et s’attaquent à tous les organes, provoquant une inflammation systémique [et] de de nombreux problèmes respiratoires mais aussi cardiovasculaires, neurologiques, et métaboliques : [AVC|Accident vasculaire cérébral], diabète, obésité... (…) Une fois que les gens sont malades, la pollution aggrave encore leur pathologie et les rend vulnérables aux infections comme le SARS-CoV-2. Enfin, nombre de ces pathologies environnementales sont traitées avec des médicaments de type anti-inflammatoires et cortisone, qui peuvent aggraver l’infection Covid-19. »

    #pollution #covid19 #écologie #épandage #santé environnementale

  • Mort d’un philosophe communiste aux temps du choléra néolibéral. Hommage à Lucien Sève | Isabelle Garo
    https://www.contretemps.eu/hommage-lucien-seve

    Lucien Sève, philosophe et militant communiste, est décédé le 23 mars 2020 à l’âge de 93 ans. Lucien était un ami proche depuis plus de 30 ans. La lecture de ses livres puis nos rencontres régulières ont joué un rôle déterminant dans ma vie. Au fil de nos accords et de nos désaccords, il fut toujours un interlocuteur bienveillant et intransigeant, sans jamais cesser d’être un homme généreux, brillant et drôle, d’une humanité exceptionnelle. Ce texte, écrit dans la tristesse et la colère, n’a d’autre prétention que d’être un hommage et une invitation à lire ou à relire son œuvre, insuffisamment connue et discutée. Source : (...)

  • « De nombreux patients ne seront plus soignés » : le désarroi des hôpitaux psychiatriques face au coronavirus

    Le secteur de la santé mentale s’organise comme il peut, dans l’urgence, afin de maintenir les soins pour les cas les plus difficiles et éviter la propagation du Covid-19 au sein des établissements.

    Par Catherine Vincent

    Pas de masques, nulle part ou presque. Pas même au Groupe hospitalier universitaire (GHU) psychiatrie et neurosciences de Paris, qui regroupe les hôpitaux Sainte-Anne, Maison-Blanche et Perray-Vaucluse – soit 70 000 patients par an et un millier de lits. « Dans la distribution, nous avons tout simplement été oubliés par les autorités sanitaires, constate le docteur Raphaël Gaillard, chef de pôle à l’hôpital Sainte-Anne. Comme si la psychiatrie était une spécialité accessoire, un luxe que l’on peut se permettre en temps de paix. » Dans le secteur de la santé mentale, parent pauvre d’un système hospitalier lui-même dégradé, la crise sanitaire actuelle suscite les pires inquiétudes. Pour les soignants, et plus encore pour les malades.

    Partout, que ce soit dans les services de psychiatrie des hôpitaux généraux ou dans les établissements psychiatriques de secteur, le confinement en vigueur depuis le 17 mars entraîne les mêmes réorganisations. Avec deux objectifs : éviter au maximum le rapprochement des personnes et libérer des lits. La sortie des patients dont l’état est jugé satisfaisant est accélérée, la plupart des consultations reportées ou effectuées par téléphone. « J’avais entre 70 et 100 patients à voir dans les trois prochaines semaines, j’ai demandé à seulement deux d’entre eux de venir », précise Matthieu Gasnier, du service de psychiatrie de l’Hôtel-Dieu (Paris). On s’adapte dans l’urgence. Et non, parfois, sans une certaine amertume.

    « Une médecine humanitaire, en plus difficile »
    Janine Carrasco travaille à l’hôpital psychiatrique Etienne-Gourmelen, à Quimper (Finistère). Si le centre médico-psychologique (CMP) y est resté ouvert, les structures ambulatoires, elles, ont fermé. Dans cet important établissement (1 000 salariés, 250 lits), une partie des personnels a été réaffectée pour renforcer les structures d’accueil des patients atteints du Covid-19. « En prévision de l’absentéisme des collègues qui vont tomber malades, ils ont déjà fermé les structures de jour qui assurent les urgences. De nombreuses personnes ne seront plus soignées. Une fois de plus, c’est la psychiatrie qui doit diminuer la voilure », déplore cette éducatrice spécialisée.

    Familière des missions de Médecins sans frontières, avec qui elle a longtemps travaillé, la pédopsychiatre Marie Rose Moro, qui dirige la maison des adolescents de l’hôpital Cochin, à Paris, évoque quant à elle « une médecine humanitaire, en plus difficile, car [ils n’ont] jamais connu ça ici ». En quelques jours, tout a dû être réorganisé : plus de visites des parents et des enseignants, activités de groupe réduites à l’extrême, mesures d’hygiène draconiennes. « On recentre tout sur l’essentiel pour pouvoir soigner ceux qui vont le plus mal. »

    Globalement, la vingtaine d’adolescents hospitalisés dans cet établissement réagissent plutôt bien au confinement et à la réduction des visites. « Ils comprennent ce qui se passe, et le fait d’avoir des consignes claires – se tenir à un mètre les uns des autres, ne pas se toucher – les aide à contrôler leurs angoisses internes. Mais cela peut aussi précipiter leur décompensation. Il y a quelques jours, deux jeunes se sont mis à délirer. »

    « Montée des tensions et de l’angoisse »
    Comprendre ce qui se passe : un luxe que tous les malades psychiatriques ne peuvent pas s’offrir. Sarah Iribarnegaray, psychiatre à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, à Paris, travaille dans l’unité des patients difficiles. « Pour beaucoup d’entre eux, délirants ou très déprimés, l’épidémie est très loin de leurs préoccupations. Ce qui les touche directement, c’est l’absence de visites et la suppression des permissions de sortie », relate-t-elle.

    « Pour les patients les plus fragiles ou les plus difficiles, le confinement risque, sur la durée, de faire monter les tensions et l’angoisse », renchérit Marie-Victoire Ducasse. A l’hôpital Sainte-Anne où exerce cette jeune psychiatre, les malades mangent désormais en chambre et non plus dans la salle commune. L’accès au parc est fermé. La salle de télé, en revanche, est restée accessible. « Certains patients comprennent qu’il faut faire respecter les gestes barrières, mais pour ceux qui sont très désorganisés, c’est compliqué, reconnaît-elle. On ne va pas non plus les enfermer 24 heures sur 24 dans leur chambre, ça n’a aucun sens. »

    Pour la plupart des psychiatres, les bouleversements qu’entraîne la gestion de l’épidémie laissent craindre deux types de risques. Le premier concerne le suivi et la qualité des soins, critère particulièrement essentiel pour ces populations au psychisme fragilisé. « Les consultations par téléphone, pour le moment, se passent plutôt bien, constate Raphaël Gaillard. Mais pour combien de temps ? L’expérience que nous avons tirée de l’explosion de l’usine AZF, à Toulouse, en 2001, qui avait soufflé un hôpital psychiatrique situé juste à côté, c’est que, dans les situations aiguës, nos patients se comportent plutôt de façon remarquable. Mais il y a forcément un effet rebond. »

    « Un afflux de patients »
    Déjà, la tension se fait sentir pour certains d’entre eux. « Toutes les structures extra-hospitalières ferment, et nous assistons à un afflux de patients isolés, qui pètent les plombs. Les schizophrènes paranoïdes notamment, qui ont tendance à se sentir persécutés », constate Delphine Rousseau, psychologue à l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard (Bondy, Seine-Saint-Denis) et dans le service addictologie du Centre hospitalier intercommunal André-Grégoire de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Privés de leurs recours habituels, les plus vulnérables, ceux qui sont à la rue ou zonent de place en place, risquent fort d’atterrir aux urgences psychiatriques.

    Deuxième crainte grandissante des psychiatres : la propagation du coronavirus au sein d’un établissement. Aucun foyer de contamination n’a pour le moment été déclaré, mais la perspective est plausible, et très inquiétante. « On sait que certains malades voient leurs familles et que les familles véhiculent le virus. Nous allons avoir des malades Covid +, et il sera particulièrement difficile de les prendre en charge, prévoit le docteur Norbert Skurnik, psychiatre hospitalier et président du comité d’éthique du GHU de Paris, qui rappelle que, « lorsqu’un schizophrène délirant a un infarctus, c’est déjà l’abomination pour trouver des soins ».

    Que fera-t-on de ces malades contagieux, s’ils sont en détresse vitale ? Il n’y a pas de service de réanimation dans les hôpitaux psychiatriques. « On est en train de chercher des solutions un peu partout. Mais on n’a aucune directive, aucune consigne claire, se désole le docteur Skurnik. C’est le far west. »

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/25/les-hopitaux-psychiatriques-en-plein-desarroi-face-au-coronavirus_6034308_32

    #santé #santé_mentale #psychiatrie #far_west_néolibéral #maladie #coronavirus #covid19 #HP

  • Pandémie à l’EHPAD : dis-moi la couleur de ta blouse, je te dirai le goût de ton malaise | Chloé Leprince
    https://www.franceculture.fr/societe/pandemie-a-lehpad-dis-moi-la-couleur-de-ta-blouse-je-te-dirai-le-gout-

    Elles font tourner la gériatrie en France, et écopent aujourd’hui dans les maisons de retraite, face à la vague de Covid-19. Le virus met en lumière la trajectoire des aides-soignantes, qui depuis près de 20 ans ans empilent dans l’ombre arrêts maladie et troubles musculo-squelettiques. Source : France Culture

  • Didier Sicard : « Il est urgent d’enquêter sur l’origine animale de l’épidémie de Covid-19 »
    https://www.franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemi

    D’un côté, déforestation massive et trafic d’animaux sauvages. De l’autre, désintérêt et financement anémique des recherches sur les virus hébergés par ces mêmes animaux… Tableau flippant d’un cocktail explosif par un spécialiste des maladies infectieuses
    #coronavirus

    • #animaux #animaux_sauvages #déforestation

      #Rony_Brauman en parle un peu :

      Le point commun du Covid, du Sras, du Mers et d’Ebola est que ces maladies sont le fruit d’un passage de la #barrière_virale_d'espèces entre les #animaux et les hommes. L’extension des certaines mégapoles entraîne une interpénétration entre #ville et #forêts : c’est le cas d’Ebola, qui trouve son origine dans la présence des #chauves-souris en ville et qui mangeaient par des humains. Mais ce paramètre, s’il faut avoir à l’esprit, est à manier avec une certaine retenue. Car il s’agit d’une constance dans l’histoire des épidémies : la plupart, à commencer par la #peste, sont liées à ce franchissement. L’homme vit dans la compagnie des animaux depuis le néolithique, notre existence est rendue possible par cette coexistence. Mais la peste avait été importée par la puce du rat qui était disséminé sur les bateaux et les caravanes ; pour le corona, ce sont les #avions qui ont fait ce travail. La spécificité du Covid-19, c’est sa vitesse de #diffusion. Le professeur Sansonnetti, infectiologue et professeur au Collège de France, parle d’une « maladie de l’#anthropocène » : en superposant la carte de l’extension du virus et celle des déplacements aériens, il montre que les deux se recouvrent parfaitement.

      https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200327.OBS26690/rony-brauman-repond-a-macron-la-metaphore-de-la-guerre-sert-a-disqualifie

      Et #Sansonetti dans sa conférence :
      https://seenthis.net/messages/834008

    • L’indifférence aux #marchés d’#animaux sauvages dans le monde est dramatique. On dit que ces marchés rapportent autant d’argent que le marché de la #drogue.

      [...]

      on sait que ces #épidémies vont recommencer dans les années à venir de façon répétée si on n’interdit pas définitivement le #trafic d’animaux sauvages. Cela devrait être criminalisé comme une vente de cocaïne à l’air libre. Il faudrait punir ce #crime de prison. Je pense aussi à ces élevages de poulet ou de porc en batterie que l’on trouve en #Chine. Ils donnent chaque année de nouvelles crises grippales à partir de virus d’origine aviaire. Rassembler comme cela des animaux, ce n’est pas sérieux.

      [...]

      C’est comme si l’art vétérinaire et l’art médical humain n’avaient aucun rapport. L’origine de l’épidémie devrait être l’objet d’une mobilisation internationale majeure.

    • animaux sauvages ou non (poissons oiseaux mamifères) avec les parasites et les insectes par les déjections alvines à ciel ouvert ou en bout de canal , le cycle de contamination n’est jamais simple

    • Les pangolins, les mammifères les plus braconnés au monde, ont été identifiés comme des porteurs du coronavirus.
      https://www.nationalgeographic.fr/animaux/2020/03/les-pangolins-sont-bien-porteurs-de-souches-de-coronavirus

      Bien que le commerce international des huit espèces connues de #pangolins soit strictement interdit, ceux-ci restent les mammifères les plus braconnés au monde. Les écailles de milliers de pangolins sont chaque année passées en contrebande en Chine à des fins médicinales. Leur viande est par ailleurs considérée comme un mets délicat par certaines franges des populations chinoise et vietnamienne. Étant donné que les coronavirus peuvent être transmis par certains fluides corporels, les matières fécales et la viande, le commerce de pangolins vivants à des fins alimentaires est plus préoccupant pour la propagation de la maladie que celui des écailles.

    • Ban wildlife markets to avert pandemics, says UN biodiversity chief

      Warning comes as destruction of nature increasingly seen as key driver of zoonotic diseases.

      The United Nations’ biodiversity chief has called for a global ban on wildlife markets – such as the one in Wuhan, China, believed to be the starting point of the coronavirus outbreak – to prevent future pandemics.

      Elizabeth Maruma Mrema, the acting executive secretary of the UN Convention on Biological Diversity, said countries should move to prevent future pandemics by banning “wet markets” that sell live and dead animals for human consumption, but cautioned against unintended consequences.

      China has issued a temporary ban on wildlife markets where animals such as civets, live wolf pups and pangolins are kept alive in small cages while on sale, often in filthy conditions where they incubate diseases that can then spill into human populations. Many scientists have urged Beijing to make the ban permanent.
      Using the examples of Ebola in west-central Africa and the Nipah virus in east Asia, Mrema said there were clear links between the destruction of nature and new human illnesses, but cautioned against a reactionary approach to the ongoing Covid-19 pandemic.

      “The message we are getting is if we don’t take care of nature, it will take care of us,” she told the Guardian.

      “It would be good to ban the live animal markets as China has done and some countries. But we should also remember you have communities, particularly from low-income rural areas, particularly in Africa, which are dependent on wild animals to sustain the livelihoods of millions of people.

      “So unless we get alternatives for these communities, there might be a danger of opening up illegal trade in wild animals which currently is already leading us to the brink of extinction for some species.

      “We need to look at how we balance that and really close the hole of illegal trade in the future.”

      As the coronavirus has spread around the world, there has been increased focus on how humanity’s destruction of nature creates conditions for new zoonotic illness to spread.

      Jinfeng Zhou, secretary general of the China Biodiversity Conservation and Green Development Foundation, called on authorities to make the ban on wildlife markets permanent, warning diseases such as Covid-19 would appear again.

      “I agree there should be a global ban on wet markets, which will help a lot on wildlife conservation and protection of ourselves from improper contacts with wildlife,” Zhou said. “More than 70% of human diseases are from wildlife and many species are endangered by eating them.”

      Mrema said she was optimistic that the world would take the consequences of the destruction of the natural world more seriously in the wake of the Covid-19 outbreak when countries returned to negotiate the post-2020 framework for biodiversity, billed as the Paris agreement for nature.

      “Preserving intact ecosystems and biodiversity will help us reduce the prevalence of some of these diseases. So the way we farm, the way we use the soils, the way we protect coastal ecosystems and the way we treat our forests will either wreck the future or help us live longer,” she said.

      “We know in the late 1990s in Malaysia with the outbreak of Nipah virus, it is believed that the virus was a result of forest fires, deforestation and drought which had caused fruit bats, the natural carriers of the virus, to move from the forests into the peat farms. It infected the farmers, which infected other humans and that led to the spread of disease.

      “Biodiversity loss is becoming a big driver in the emergence of some of these viruses. Large-scale deforestation, habitat degradation and fragmentation, agriculture intensification, our food system, trade in species and plants, anthropogenic climate change – all these are drivers of biodiversity loss and also drivers of new diseases. Two thirds of emerging infections and diseases now come from wildlife.”

      In February, delegates from more than 140 countries met in Rome to respond for the first time to a draft 20-point agreement to halt and reverse biodiversity loss, including proposals to protect almost a third of the world’s oceans and land and reduce pollution from plastic waste and excess nutrients by 50%.

      A major summit to sign the agreement in October was scheduled in the Chinese city of Kunming but has been postponed because of the coronavirus outbreak.

      https://www.theguardian.com/world/2020/apr/06/ban-live-animal-markets-pandemics-un-biodiversity-chief-age-of-extincti

      #animaux_sauvages

  • Coronavirus. Un hélicoptère de nuit pour faire respecter le confinement en Loire-Atlantique
    https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-un-helicoptere-de-nuit-pour-faire-respecter-le-confinement-

    À l’aide de ses caméras infrarouges, l’hélicoptère de la gendarmerie a pour mission de repérer, de nuit, les contrevenants au confinement. Un dispositif a été mis en place au nord de Nantes. Trois jeunes gens, voitures garées, alcoolisés, ont été verbalisés à Sucé-sur-Erdre. Il y avait le drone de la gendarmerie, sorti des cartons pour identifier, depuis les airs, les personnes qui ne respectent pas le confinement. Il y a aussi l’hélicoptère de la gendarmerie, venu de Rennes, qui survole de nuit (...)

    #aérien #CCTV #température #vidéo-surveillance #santé #surveillance

    ##santé

    • CONFINEMENT & DÉLIRE TOTALITAIRE : UN HÉLICOPTÈRE NOCTURNE AVEC VISION INFRAROUGE À NANTES

      3 jeunes verbalisés. Les autorités mettent des moyens illimités pour surveiller la population

      Il n’y a pas de masques ni de tests dans les hôpitaux pour faire face à la pandémie, mais les autorités déploient des moyens gigantesques pour surveiller et réprimer. Des drones sont utilisés dans de nombreuses villes pour traquer les personnes qui sortent de chez elles, et les menacer avec des hauts parleurs. Des scènes qu’on croirait sorties d’un mauvais film de science fiction.

      Une étape supplémentaire est franchie localement. En plus du drone qui survole Nantes en journée, un hélicoptère sillonne le ciel de la métropole la nuit ! Ouest-France explique qu’un « hélicoptère de la gendarmerie, venu de Rennes, vole au dessus de Nantes pour repérer les contrevenants croyant passer inaperçus dans le noir. » Surveillance totale, 24H/24.

      Le journal ajoute : « la noirceur de la nuit n’est pas un obstacle. Les caméras infrarouges de l’appareil sont capables de deviner à des centaines de mètres la présence d’êtres humains ou d’animaux. Autre avantage pour les forces de l’ordre : de là où il est, l’hélico ne peut être ni vu, ni entendu, par les personnes au sol. »

      Des moyens technologiques de pointe, dignes de l’antiterrorisme, ou plus récemment utilisés pour surveiller les frontières, sont à présent déployés contre la population pour lui imposer un confinement de plus en plus absurde. Dans la nuit de vendredi à samedi, l’hélicoptère a repéré « trois jeunes gens, à bord de deux véhicules garés à Sucé-sur-Erdre », au nord de Nantes. La terrible menace a immédiatement été neutralisée avec des amendes. Le patron du MEDEF et les habitants des beaux quartiers qui violent le confinement subiront-ils de tels dispositifs ?

      Pour rappel, une seule heure de vol d’un hélicoptère coûte entre 3 et 6000 euros. Pour fliquer 3 jeunes donc. L’hôpital est exsangue, mais tous les moyens sont bons pour la répression.

      La pandémie est décidément l’occasion pour les autorités de tester in vivo leurs innovations de contrôle. Le monde de l’après-confinement s’annonce encore plus sombre que celui qui précédait la crise.
      L’une des personnes contrôlées, un travailleur de Sucé-sur-Erdre, nous a envoyé son témoignage. Le contrôle a été particulièrement violent. Le voici :

      « Nous somme collègues, travaillant en tant que paysagistes. Après notre travail nous nous sommes rejoint pour boire un coup ensemble. Vers 22H nous avons vu un hélicoptère avec des lumières verte , bleue et rouge au dessus de nous.

      20 minutes plus tard, 5 voitures de gendarmerie arrive avec au minimum 15 gendarmes. Nous avons été pointés directement à l’arme à feu avec mains sur la tête. Avec des paroles de gendarmes qui resteront dans nos têtes : « si tu bouge je te fracasse au sol », etc …

      Nous leurs avons dit directement que nous étions pas des personnes dangereuse, il n’y aurait aucun gestes brusque. Mais même après 30 minutes passées avec eux, on devait justifier nos gestes . Les mains sur la portière pendant qu’il fouillait notre voiture.

      Nous avons été très correct avec eux. J’ai subi une fouille intégrale en étant obligé de baisser mon pantalon ainsi que mon caleçon pour leur prouver qu’on ne cachait rien. L’interpellation a duré 1H30 en nous demandant d’ouvrir chaque partie de notre voiture. Quand tu entends les gendarmes te dire « oui c’est à cause de personnes comme vous que des gens meurent » alors que la plupart n’avaient aucun gant ni masque et qu’on se faisait crier dessus à 30 centimètres …

      Au final il nous ont verbalisé, et nous ont laissé tous les 3 à l’endroit de l’interpellation. Est-ce nécessaire tout cela ? Moi et mon collègue travaillons tout les jours, même depuis le confinement .

      On ne comprend pas en quoi on ne respecte pas le confinement en buvant quelque bières avec mon collègue alors que l’on se croise tous les jours, on se dit bonjour tous les jours. »

      Se faire pointer par des gendarmes avec des armes avec mains sur la tête . Est-ce normal ?

      https://www.nantes-revoltee.com/confinement-delire-totalitaire-un-helicoptere-nocturne-avec-vision-

  • D’où viennent les coronavirus ?

    Contre les pandémies, l’écologie

    Sonia Shah - Le Monde diplomatique

    Même au XXIe siècle, les vieux remèdes apparaissent aux yeux des autorités chinoises comme le meilleur moyen de lutter contre l’épidémie due au coronavirus. Des centaines de millions de personnes subiraient des restrictions dans leurs déplacements. N’est-il pas temps de se demander pourquoi les pandémies se succèdent à un rythme de plus en plus soutenu ?

    Serait-ce un pangolin ? Une chauve-souris ? Ou même un serpent, comme on a pu l’entendre un temps avant que cela ne soit démenti ? C’est à qui sera le premier à incriminer l’animal sauvage à l’origine de ce coronavirus, officiellement appelé Covid-19, dont le piège s’est refermé sur plusieurs centaines de millions de personnes, placées en quarantaine ou retranchées derrière des cordons sanitaires en Chine et dans d’autres pays. S’il est primordial d’élucider ce mystère, de telles spéculations nous empêchent de voir que notre vulnérabilité croissante face aux pandémies a une cause plus profonde : la destruction accélérée des habitats.

    Depuis 1940, des centaines de microbes pathogènes sont apparus ou réapparus dans des régions où, parfois, ils n’avaient jamais été observés auparavant. C’est le cas du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), d’Ebola en Afrique de l’Ouest, ou encore de Zika sur le continent américain. La majorité d’entre eux (60 %) sont d’origine animale. Certains proviennent d’animaux domestiques ou d’élevage, mais la plupart (plus des deux tiers) sont issus d’animaux sauvages.

    Or ces derniers n’y sont pour rien. En dépit des articles qui, photographies à l’appui, désignent la faune sauvage comme le point de départ d’épidémies dévastatrices (1), il est faux de croire que ces animaux sont particulièrement infestés d’agents pathogènes mortels prêts à nous contaminer. En réalité, la plus grande partie de leurs microbes vivent en eux sans leur faire aucun mal. Le problème est ailleurs : avec la déforestation, l’urbanisation et l’industrialisation effrénées, nous avons offert à ces microbes des moyens d’arriver jusqu’au corps humain et de s’adapter.

    La destruction des habitats menace d’extinction quantité d’espèces (2), parmi lesquelles des plantes médicinales et des animaux sur lesquels notre pharmacopée a toujours reposé. Quant à celles qui survivent, elles n’ont d’autre choix que de se rabattre sur les portions d’habitat réduites que leur laissent les implantations humaines. Il en résulte une probabilité accrue de contacts proches et répétés avec l’homme, lesquels permettent aux microbes de passer dans notre corps, où, de bénins, ils deviennent des agents pathogènes meurtriers.

    Ebola l’illustre bien. Une étude menée en 2017 a révélé que les apparitions du virus, dont la source a été localisée chez diverses espèces de chauves-souris, sont plus fréquentes dans les zones d’Afrique centrale et de l’Ouest qui ont récemment subi des déforestations. Lorsqu’on abat leurs forêts, on contraint les chauves-souris à aller se percher sur les arbres de nos jardins et de nos fermes. Dès lors, il est facile d’imaginer la suite : un humain ingère de la salive de chauve-souris en mordant dans un fruit qui en est couvert, ou, en tentant de chasser et de tuer cette visiteuse importune, s’expose aux microbes qui ont trouvé refuge dans ses tissus. C’est ainsi qu’une multitude de virus dont les chauves-souris sont porteuses, mais qui restent chez elles inoffensifs, parviennent à pénétrer des populations humaines — citons par exemple Ebola, mais aussi Nipah (notamment en Malaisie ou au Bangladesh) ou Marburg (singulièrement en Afrique de l’Est). Ce phénomène est qualifié de « passage de la barrière d’espèce ». Pour peu qu’il se produise fréquemment, il peut permettre aux microbes issus des animaux de s’adapter à nos organismes et d’évoluer au point de devenir pathogènes.

    Il en va de même des maladies transmises par les moustiques, puisque un lien a été établi entre la survenue d’épidémies et la déforestation (3) — à ceci près qu’il s’agit moins ici de la perte des habitats que de leur transformation. Avec les arbres disparaissent la couche de feuilles mortes et les racines. L’eau et les sédiments ruissellent plus facilement sur ce sol dépouillé et désormais baigné de soleil, formant des flaques favorables à la reproduction des moustiques porteurs du paludisme. Selon une étude menée dans douze pays, les espèces de moustiques vecteurs d’agents pathogènes humains sont deux fois plus nombreuses dans les zones déboisées que dans les forêts restées intactes.

    Dangers de l’élevage industriel

    La destruction des habitats agit également en modifiant les effectifs de diverses espèces, ce qui peut accroître le risque de propagation d’un agent pathogène. Un exemple : le virus du Nil occidental, transporté par les oiseaux migrateurs. En Amérique du Nord, les populations d’oiseaux ont chuté de plus de 25 % ces cinquante dernières années sous l’effet de la perte des habitats et d’autres destructions (4). Mais toutes les espèces ne sont pas touchées de la même façon. Des oiseaux dits spécialistes (d’un habitat), comme les pics et les rallidés, ont été frappés plus durement que des généralistes comme les rouges-gorges et les corbeaux. Si les premiers sont de piètres vecteurs du virus du Nil occidental, les seconds, eux, en sont d’excellents. D’où une forte présence du virus parmi les oiseaux domestiques de la région, et une probabilité croissante de voir un moustique piquer un oiseau infecté, puis un humain (5).

    Même phénomène s’agissant des maladies véhiculées par les tiques. En grignotant petit à petit les forêts du Nord-Est américain, le développement urbain chasse des animaux comme les opossums, qui contribuent à réguler les populations de tiques, tout en laissant prospérer des espèces bien moins efficaces sur ce plan, comme la souris à pattes blanches et le cerf. Résultat : les maladies transmises par les tiques se répandent plus facilement. Parmi elles, la maladie de Lyme, qui a fait sa première apparition aux États-Unis en 1975. Au cours des vingt dernières années, sept nouveaux agents pathogènes portés par les tiques ont été identifiés (6).

    Les risques d’émergence de maladies ne sont pas accentués seulement par la perte des habitats, mais aussi par la façon dont on les remplace. Pour assouvir son appétit carnivore, l’homme a rasé une surface équivalant à celle du continent africain (7) afin de nourrir et d’élever des bêtes destinées à l’abattage. Certaines d’entre elles empruntent ensuite les voies du commerce illégal ou sont vendues sur des marchés d’animaux vivants (wet markets). Là, des espèces qui ne se seraient sans doute jamais croisées dans la nature se retrouvent encagées côte à côte, et les microbes peuvent allègrement passer de l’une à l’autre. Ce type de développement, qui a déjà engendré en 2002-2003 le coronavirus responsable de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), est peut-être à l’origine du coronavirus inconnu qui nous assiège aujourd’hui.

    Mais bien plus nombreux sont les animaux qui évoluent au sein de notre système d’élevage industriel. Des centaines de milliers de bêtes entassées les unes sur les autres en attendant d’être conduites à l’abattoir : voilà des conditions idéales pour que les microbes se muent en agents pathogènes mortels. Par exemple, les virus de la grippe aviaire, hébergés par le gibier d’eau, font des ravages dans les fermes remplies de poulets en captivité, où ils mutent et deviennent plus virulents — un processus si prévisible qu’il peut être reproduit en laboratoire. L’une de leurs souches, le H5N1, est transmissible à l’homme et tue plus de la moitié des individus infectés. En 2014, en Amérique du Nord, il a fallu abattre des dizaines de millions de volailles pour enrayer la propagation d’une autre de ces souches (8).

    Les montagnes de déjections produites par notre bétail offrent aux microbes d’origine animale d’autres occasions d’infecter les populations. Comme il y a infiniment plus de déchets que ne peuvent en absorber les terres agricoles sous forme d’engrais, ils finissent souvent par être stockés dans des fosses non étanches — un havre rêvé pour la bactérie Escherichia coli. Plus de la moitié des animaux enfermés dans les parcs d’engraissement américains en sont porteurs, mais elle y demeure inoffensive (9). Chez les humains, en revanche, E. coli provoque des diarrhées sanglantes, de la fièvre, et peut entraîner des insuffisances rénales aiguës. Et comme il n’est pas rare que les déjections animales se déversent dans notre eau potable et nos aliments, 90 000 Américains sont contaminés chaque année.

    Bien que ce phénomène de mutation des microbes animaux en agents pathogènes humains s’accélère, il n’est pas nouveau. Son apparition date de la révolution néolithique, quand l’être humain a commencé à détruire les habitats sauvages pour étendre les terres cultivées et à domestiquer les animaux pour en faire des bêtes de somme. En échange, les animaux nous ont offert quelques cadeaux empoisonnés : nous devons la rougeole et la tuberculose aux vaches, la coqueluche aux cochons, la grippe aux canards.

    Le processus s’est poursuivi pendant l’expansion coloniale européenne. Au Congo, les voies ferrées et les villes construites par les colons belges ont permis à un lentivirus hébergé par les macaques de la région de parfaire son adaptation au corps humain. Au Bengale, les Britanniques ont empiété sur l’immense zone humide des Sundarbans pour développer la riziculture, exposant les habitants aux bactéries aquatiques présentes dans ces eaux saumâtres. Les pandémies causées par ces intrusions coloniales restent d’actualité. Le lentivirus du macaque est devenu le VIH. La bactérie aquatique des Sundarbans, désormais connue sous le nom de choléra, a déjà provoqué sept pandémies à ce jour, l’épidémie la plus récente étant survenue en Haïti.

    Heureusement, dans la mesure où nous n’avons pas été des victimes passives de ce processus, nous pouvons aussi faire beaucoup pour réduire les risques d’émergence de ces microbes. Nous pouvons protéger les habitats sauvages pour faire en sorte que les animaux gardent leurs microbes au lieu de nous les transmettre, comme s’y efforce notamment le mouvement One Health (10).

    Nous pouvons mettre en place une surveillance étroite des milieux dans lesquels les microbes des animaux sont le plus susceptibles de se muer en agents pathogènes humains, en tentant d’éliminer ceux qui montrent des velléités d’adaptation à notre organisme avant qu’ils ne déclenchent des épidémies. C’est précisément ce à quoi s’attellent depuis dix ans les chercheurs du programme Predict, financé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid). Ils ont déjà identifié plus de neuf cents nouveaux virus liés à l’extension de l’empreinte humaine sur la planète, parmi lesquels des souches jusqu’alors inconnues de coronavirus comparables à celui du SRAS (11).

    Aujourd’hui, une nouvelle pandémie nous guette, et pas seulement à cause du Covid-19. Aux États-Unis, les efforts de l’administration Trump pour affranchir les industries extractives et l’ensemble des activités industrielles de toute réglementation ne pourront manquer d’aggraver la perte des habitats, favorisant le transfert microbien des animaux aux humains. Dans le même temps, le gouvernement américain compromet nos chances de repérer le prochain microbe avant qu’il ne se propage : en octobre 2019, il a décidé de mettre un terme au programme Predict. Enfin, début février 2020, il a annoncé sa volonté de réduire de 53 % sa contribution au budget de l’Organisation mondiale de la santé.

    Comme l’a déclaré l’épidémiologiste Larry Brilliant, « les émergences de virus sont inévitables, pas les épidémies ». Toutefois, nous ne serons épargnés par ces dernières qu’à condition de mettre autant de détermination à changer de politique que nous en avons mis à perturber la nature et la vie animale.

    Sonia Shah
    Journaliste. Auteure de Pandemic : Tracking Contagions, From Cholera to Ebola and Beyond, Sarah Crichton Books, New York, 2016, et de The Next Great Migration : The Beauty and Terror of Life on the Move, Bloomsbury Publishing, Londres, à paraître en juin 2020. Ce texte a été publié dans The Nation.
    (1) Kai Kupferschmidt, « This bat species may be the source of the Ebola epidemic that killed more than 11,000 people in West Africa », Science Magazine, Washington, DC - Cambridge, 24 janvier 2019.

    (2) Jonathan Watts, « Habitat loss threatens all our futures, world leaders warned », The Guardian, Londres, 17 novembre 2018.

    (3) Katarina Zimmer, « Deforestation tied to changes in disease dynamics », The Scientist, New York, 29 janvier 2019.

    (4) Carl Zimmer, « Birds are vanishing from North America », The New York Times, 19 septembre 2019.

    (5) BirdLife International, « Diversity of birds buffer against West Nile virus », ScienceDaily, 6 mars 2009.

    (6) « Lyme and other tickborne diseases increasing », Centers for Disease Control and Prevention, 22 avril 2019.

    (7) George Monbiot, « There’s a population crisis all right. But probably not the one you think », The Guardian, 19 novembre 2015.

    (8) « What you get when you mix chickens, China and climate change », The New York Times, 5 février 2016. En France, la grippe aviaire a touché les élevages durant l’hiver 2015-2016, et le ministère de l’agriculture estime qu’un risque existe cet hiver pour les volatiles en provenance de Pologne.

    (9) Cristina Venegas-Vargas et al., « Factors associated with Shiga toxin-producing Escherichia coli shedding by dairy and beef cattle », Applied and Environmental Microbiology, vol. 82, n° 16, Washington, DC, août 2016.

    (10) Predict Consortium, « One Health in action », EcoHealth Alliance, New York, octobre 2016.

    (11) « What we’ve found », One Health Institute.

    https://www.monde-diplomatique.fr/2020/03/SHAH/61547

    #coronavirus #écologie #habitat #extinction #ebola #santé #pandémie #déchets #sras #écosystème

    • Merci beaucoup pour celle leçon d’#écologie ! Je voulais acheter ce numéro du Diplo, on est le 16. Il est plus que temps.

      Sur l’élevage, oui mais je vois des végans commencer à sortir leur propagande : il s’agit de faire attention à l’état de santé global de notre environnement, pas de faire la même merde en végétal. Parce que l’agriculture sans animaux, donc pas bio, elle est basée sur des intrants chimiques et fout en l’air les sols et la microfaune, un autre équilibre à préserver.

    • @kassem: merci! je mets le texte en texte intégral:

      The Ecology of Disease
      By Jim Robbins
      July 14, 2012

      THERE’S a term biologists and economists use these days — ecosystem services — which refers to the many ways nature supports the human endeavor. Forests filter the water we drink, for example, and birds and bees pollinate crops, both of which have substantial economic as well as biological value.

      If we fail to understand and take care of the natural world, it can cause a breakdown of these systems and come back to haunt us in ways we know little about. A critical example is a developing model of infectious disease that shows that most epidemics — AIDS, Ebola, West Nile, SARS, Lyme disease and hundreds more that have occurred over the last several decades — don’t just happen. They are a result of things people do to nature.

      Disease, it turns out, is largely an environmental issue. Sixty percent of emerging infectious diseases that affect humans are zoonotic — they originate in animals. And more than two-thirds of those originate in wildlife.

      Teams of veterinarians and conservation biologists are in the midst of a global effort with medical doctors and epidemiologists to understand the “ecology of disease.” It is part of a project called Predict, which is financed by the United States Agency for International Development. Experts are trying to figure out, based on how people alter the landscape — with a new farm or road, for example — where the next diseases are likely to spill over into humans and how to spot them when they do emerge, before they can spread. They are gathering blood, saliva and other samples from high-risk wildlife species to create a library of viruses so that if one does infect humans, it can be more quickly identified. And they are studying ways of managing forests, wildlife and livestock to prevent diseases from leaving the woods and becoming the next pandemic.

      It isn’t only a public health issue, but an economic one. The World Bank has estimated that a severe influenza pandemic, for example, could cost the world economy $3 trillion.

      The problem is exacerbated by how livestock are kept in poor countries, which can magnify diseases borne by wild animals. A study released earlier this month by the International Livestock Research Institute found that more than two million people a year are killed by diseases that spread to humans from wild and domestic animals.

      The Nipah virus in South Asia, and the closely related Hendra virus in Australia, both in the genus of henipah viruses, are the most urgent examples of how disrupting an ecosystem can cause disease. The viruses originated with flying foxes, Pteropus vampyrus, also known as fruit bats. They are messy eaters, no small matter in this scenario. They often hang upside down, looking like Dracula wrapped tightly in their membranous wings, and eat fruit by masticating the pulp and then spitting out the juices and seeds.

      The bats have evolved with henipah over millions of years, and because of this co-evolution, they experience little more from it than the fruit bat equivalent of a cold. But once the virus breaks out of the bats and into species that haven’t evolved with it, a horror show can occur, as one did in 1999 in rural Malaysia. It is likely that a bat dropped a piece of chewed fruit into a piggery in a forest. The pigs became infected with the virus, and amplified it, and it jumped to humans. It was startling in its lethality. Out of 276 people infected in Malaysia, 106 died, and many others suffered permanent and crippling neurological disorders. There is no cure or vaccine. Since then there have been 12 smaller outbreaks in South Asia.

      In Australia, where four people and dozens of horses have died of Hendra, the scenario was different: suburbanization lured infected bats that were once forest-dwellers into backyards and pastures. If a henipah virus evolves to be transmitted readily through casual contact, the concern is that it could leave the jungle and spread throughout Asia or the world. “Nipah is spilling over, and we are observing these small clusters of cases — and it’s a matter of time that the right strain will come along and efficiently spread among people,” says Jonathan Epstein, a veterinarian with EcoHealth Alliance, a New York-based organization that studies the ecological causes of disease.

      That’s why experts say it’s critical to understand underlying causes. “Any emerging disease in the last 30 or 40 years has come about as a result of encroachment into wild lands and changes in demography,” says Peter Daszak, a disease ecologist and the president of EcoHealth.

      Emerging infectious diseases are either new types of pathogens or old ones that have mutated to become novel, as the flu does every year. AIDS, for example, crossed into humans from chimpanzees in the 1920s when bush-meat hunters in Africa killed and butchered them.

      Diseases have always come out of the woods and wildlife and found their way into human populations — the plague and malaria are two examples. But emerging diseases have quadrupled in the last half-century, experts say, largely because of increasing human encroachment into habitat, especially in disease “hot spots” around the globe, mostly in tropical regions. And with modern air travel and a robust market in wildlife trafficking, the potential for a serious outbreak in large population centers is enormous.

      The key to forecasting and preventing the next pandemic, experts say, is understanding what they call the “protective effects” of nature intact. In the Amazon, for example, one study showed an increase in deforestation by some 4 percent increased the incidence of malaria by nearly 50 percent, because mosquitoes, which transmit the disease, thrive in the right mix of sunlight and water in recently deforested areas. Developing the forest in the wrong way can be like opening Pandora’s box. These are the kinds of connections the new teams are unraveling.

      Public health experts have begun to factor ecology into their models. Australia, for example, has just announced a multimillion-dollar effort to understand the ecology of the Hendra virus and bats.

      IT’S not just the invasion of intact tropical landscapes that can cause disease. The West Nile virus came to the United States from Africa but spread here because one of its favored hosts is the American robin, which thrives in a world of lawns and agricultural fields. And mosquitoes, which spread the disease, find robins especially appealing. “The virus has had an important impact on human health in the United States because it took advantage of species that do well around people,” says Marm Kilpatrick, a biologist at the University of California, Santa Cruz. The pivotal role of the robin in West Nile has earned it the title “super spreader.”

      And Lyme disease, the East Coast scourge, is very much a product of human changes to the environment: the reduction and fragmentation of large contiguous forests. Development chased off predators — wolves, foxes, owls and hawks. That has resulted in a fivefold increase in white-footed mice, which are great “reservoirs” for the Lyme bacteria, probably because they have poor immune systems. And they are terrible groomers. When possums or gray squirrels groom, they remove 90 percent of the larval ticks that spread the disease, while mice kill just half. “So mice are producing huge numbers of infected nymphs,” says the Lyme disease researcher Richard Ostfeld.

      “When we do things in an ecosystem that erode biodiversity — we chop forests into bits or replace habitat with agricultural fields — we tend to get rid of species that serve a protective role,” Dr. Ostfeld told me. “There are a few species that are reservoirs and a lot of species that are not. The ones we encourage are the ones that play reservoir roles.”

      Dr. Ostfeld has seen two emerging diseases — babesiosis and anaplasmosis — that affect humans in the ticks he studies, and he has raised the alarm about the possibility of their spread.

      The best way to prevent the next outbreak in humans, specialists say, is with what they call the One Health Initiative — a worldwide program, involving more than 600 scientists and other professionals, that advances the idea that human, animal and ecological health are inextricably linked and need to be studied and managed holistically.

      “It’s not about keeping pristine forest pristine and free of people,” says Simon Anthony, a molecular virologist at the Center for Infection and Immunity at Columbia University’s Mailman School of Public Health. “It’s learning how to do things sustainably. If you can get a handle on what it is that drives the emergence of a disease, then you can learn to modify environments sustainably.”

      The scope of the problem is huge and complex. Just an estimated 1 percent of wildlife viruses are known. Another major factor is the immunology of wildlife, a science in its infancy. Raina K. Plowright, a biologist at Pennsylvania State University who studies the ecology of disease, found that outbreaks of the Hendra virus in flying foxes in rural areas were rare but were much higher in urban and suburban animals. She hypothesizes that urbanized bats are sedentary and miss the frequent exposure to the virus they used to get in the wild, which kept the infection at low levels. That means more bats — whether from poor nutrition, loss of habitat or other factors — become infected and shed more of the virus into backyards.

      THE fate of the next pandemic may be riding on the work of Predict. EcoHealth and its partners — the University of California at Davis, the Wildlife Conservation Society, the Smithsonian Institution and Global Viral Forecasting — are looking at wildlife-borne viruses across the tropics, building a virus library. Most of the work focuses on primates, rats and bats, which are most likely to carry diseases that affect people.

      Most critically, Predict researchers are watching the interface where deadly viruses are known to exist and where people are breaking open the forest, as they are along the new highway from the Atlantic to the Pacific across the Andes in Brazil and Peru. “By mapping encroachment into the forest you can predict where the next disease could emerge,” Dr. Daszak, EcoHealth’s president, says. “So we’re going to the edge of villages, we’re going to places where mines have just opened up, areas where new roads are being built. We are going to talk to people who live within these zones and saying, ‘what you are doing is potentially a risk.’ ”

      It might mean talking to people about how they butcher and eat bush meat or to those who are building a feed lot in bat habitat. In Bangladesh, where Nipah broke out several times, the disease was traced to bats that were raiding containers that collected date palm sap, which people drank. The disease source was eliminated by placing bamboo screens (which cost 8 cents each) over the collectors.

      EcoHealth also scans luggage and packages at airports, looking for imported wildlife likely to be carrying deadly viruses. And they have a program called PetWatch to warn consumers about exotic pets that are pulled out of the forest in disease hot spots and shipped to market.

      All in all, the knowledge gained in the last couple of years about emerging diseases should allow us to sleep a little easier, says Dr. Epstein, the EcoHealth veterinarian. “For the first time,” he said, “there is a coordinated effort in 20 countries to develop an early warning system for emerging zoonotic outbreaks.”

      Correction: July 22, 2012
      An earlier version of this article described imprecisely the affiliation of Simon Anthony, a molecular virologist. While he works with EcoHealth, an organization of scientists devoted to wildlife conservation, his primary affiliation is as a postdoctoral research fellow at the Center for Infection and Immunity at Columbia University’s Mailman School of Public Health.

  • * lettre au président de la République - Annie Ernaux

    Monsieur le Président,

    « Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la banderole d’une manif en novembre dernier -L’état compte ses sous, on comptera les morts - résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux, tout ce jargon technocratique dépourvu de chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle.

    Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde dont l’épidémie révèle les inégalités criantes, Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et « rien ne vaut la vie » - chanson, encore, d’Alain Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale.

    Annie Ernaux

    #ernaux #covid

  • *J’ai la rage !
    Par Claude Baniam, psychologue à l’hôpital de Mulhouse

    « Je suis en colère et j’ai la rage, quand ils défilent dans les médias, montrent leur trogne à la télévision, font entendre leur voix parfaitement maîtrisée à la radio, livrent leur discours dans les journaux. Toujours pour nous parler d’une situation dont ils sont un facteur aggravant, toujours pour pérorer sur la citoyenneté, sur le risque de récession, sur les responsabilités des habitants, des adversaires politiques, des étrangers… Jamais pour nous présenter leurs excuses, implorer notre pardon, alors même qu’ils sont en partie responsables de ce que nous vivons.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car en tant que psychologue dans l’hôpital le plus touché, celui de Mulhouse, je vois toute la journée des dizaines de personnes arriver en urgence dans nos locaux, et je sais que pour une bonne partie d’entre elles, elles n’en ressortiront pas vivantes, souriantes, insouciantes, comme ce pouvait être le cas il y a encore deux semaines.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car je sais que ces personnes, ces êtres vivants, ces frères et sœurs, pères et mères, fils et filles, grands-pères et grands-mères, mourront seules dans un service dépassé, malgré les courageux efforts des soignants ; seules, sans le regard ou la main de ceux et celles qui les aiment, et qu’ils aiment.

    Je suis en colère et j’ai la rage, devant cette situation folle qui veut que nous laissions nos aînés, nos anciens, ceux et celles qui ont permis que notre présent ne soit pas un enfer, ceux et celles qui détiennent un savoir et une sagesse que nul autre n’a ; que nous les laissions donc mourir par grappes dans des maisons qui n’ont de retraite que le nom, faute de pouvoir sauver tout le monde, disent-ils.

    Le deuil impossible des familles

    Je suis en colère et j’ai la rage, en pensant à toutes ces familles qui vivront avec la terrible douleur d’un deuil impossible, d’un adieu impossible, d’une justice impossible. Ces familles auxquelles on ne donne pas accès à leur proche, ces familles qui appellent sans cesse les services pour avoir des nouvelles, et auxquelles aucun soignant ne peut répondre, trop occupé à tenter une intervention de la dernière chance. Ces familles qui sont ou pourraient être la nôtre…

    Je suis en colère et j’ai la rage, quand je vois mes collègues soignants se battre, tous les jours, toutes les minutes, pour tenter d’apporter de l’aide à toutes les personnes qui se retrouvent en détresse respiratoire, y perdre une énergie folle, mais y retourner, tous les jours, toutes les minutes. Je suis en colère et j’ai la rage, devant les conditions de travail de mes collègues brancardiers, ASH, secrétaires, aides-soignants, infirmiers, médecins, psychologues, assistants sociaux, kinés, ergothérapeutes, cadres, psychomotriciens, éducateurs, logisticiens, professionnels de la sécurité… car nous manquons de tout, et pourtant, il faut aller au charbon.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car, lorsque je me rends à mon travail, et lorsque j’en pars, je croise en quelques minutes trois ou quatre véhicules d’urgence, transportant une personne pleine de l’espoir d’être sauvée… Comment ne pas avoir confiance dans nos hôpitaux ? Ils sont à la pointe, ils sont parfaitement en état de fonctionner, de protéger, de guérir… et pourtant, combien de ces ambulances mènent leur passager vers leur dernier lieu ? Combien de ces patients refranchiront la porte sains et saufs ?

    Je suis en colère et j’ai la rage, car cela fait des années que nous crions notre inquiétude, notre incompréhension, notre dégoût, notre mécontentement, devant les politiques de santé menées par les différents gouvernements, qui ont pensé que l’hôpital était une entreprise comme une autre, que la santé pouvait être un bien spéculatif, que l’économie devait l’emporter sur le soin, que nos vies avaient une valeur marchande.

    Je suis en colère et j’ai la rage quand je constate que nos services d’urgences demandent de l’aide depuis si longtemps, quand je pense que les personnes qui arrivent avec le Samu posent leur regard (souvent le dernier sur l’extérieur) sur ces banderoles disant « URGENCES EN GRÈVE », qu’elles se trouvent face à des médecins traitants à la retraite du fait du départ des urgentistes, ces spécialistes de l’urgence qui seraient tant nécessaires en ces jours sombres…

    De l’exploitation des étudiants infirmiers

    Je suis en colère et j’ai la rage devant la manière dont on exploite nos étudiants en soins infirmiers ou aides-soignants, qui se retrouvent à faire des travaux d’une dureté que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi, qui, a à peine 20 ans, doivent mettre les corps de nos morts dans des sacs mortuaires, sans préparation, sans soutien, sans qu’ils et elles aient pu se dire volontaires. Pourquoi demander ? Cela fait partie de leur formation, voyons ! Et ils devraient s’estimer heureux, ils reçoivent une gratification de quelques centaines d’euros, vu qu’ils interviennent en tant que stagiaires.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car la situation actuelle est le fruit de ces politiques, de ces fermetures de lits comme ils aiment le dire, oubliant que sur ces lits, il y avait des humains qui en avaient besoin, de ces putains de lits ! De ces suppressions de postes, parce qu’un infirmier, c’est cher, ça prend de la place sur le budget prévisionnel ; de ces externalisations de tous les métiers du soin, puisqu’un ASH en moins dans les chiffres du nombre de fonctionnaires, c’est toujours un fonctionnaire en moins dont ils peuvent s’enorgueillir.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car celles et ceux qui sont au boulot tous les jours, malgré la peur ancrée au ventre, peur d’être infecté, peur de transmettre le virus aux proches, peur de le refiler aux autres patients, peur de voir un collègue sur le lit de la chambre 10 ; celles-ci et ceux-là se sont fait cracher dessus pendant des années dans les discours politiques, se sont retrouvés privés de leur dignité lorsqu’on leur demandait d’enchaîner à deux professionnels tous les soins d’un service en quelques minutes, bousculés dans leur éthique et leur déontologie professionnelle par les demandes contradictoires et folles de l’administration. Et aujourd’hui, ce sont ces personnes qui prennent leur voiture, leur vélo, leurs pieds, tous les jours pour travailler malgré le risque continu d’être frappées par le virus, alors que ceux qui les ont malmenés sont tranquillement installés chez eux ou dans leur appartement de fonction.

    Je suis en colère et j’ai la rage, parce qu’aujourd’hui, mon hôpital fait face à une crise sans précédent, tandis que celles et ceux qui l’ont vidé de ses forces sont loin. Parce que mon hôpital a été pris pour un putain de tremplin pour des directeurs aussi éphémères qu’incompétents qui ne visaient que la direction d’un CHU et qui sont passés par Mulhouse histoire de prouver qu’ils savaient mener une politique d’austérité bête et méchante… Parce que mon hôpital a été la cible d’injonctions insensées au nom d’une obscure certification, pour laquelle il semblait bien plus important de montrer une traçabilité sans faille plutôt qu’une qualité de soin humain.

    Parce qu’en gros, mon hôpital ne fut rien de plus qu’un cobaye pour des administrateurs dont seule l’autovalorisation égoïste avait de l’importance. Parce qu’au-delà de mon hôpital, ce sont les personnes qui y sont accueillies qui ont été considérées comme des valeurs négligeables, des chiffres parmi d’autres, des variables sur la ligne recettes/dépenses. Parce que dans l’esprit bêtement comptable de la direction générale de l’organisation des soins, patients et soignants sont tous dans le même panier d’un lean management des plus écœurants…

    Les premiers de cordée et leur respirateur

    Je suis en colère et j’ai la rage, quand je me souviens des premiers de cordée censés tenir notre pays, censés être le fer de lance de notre pays, censés nous amener, nous, petites gens, vers des sommets ; et que ce sont ces petites gens, ces caissières de supermarché, ces éboueurs dans nos rues, ces ASH dans nos hôpitaux, ces agriculteurs dans les champs, ces manutentionnaires amazone, ces routiers dans leurs camions, ces secrétaires à l’accueil des institutions, et bien d’autres, qui permettent aux habitants de continuer de vivre, de se nourrir, de s’informer, d’éviter d’autres épidémies… Pendant que les premiers de cordée lorgnent leur respirateur artificiel personnel, le prospectus de la clinique hi-tech dernier cri qui les sauvera au cas où, regardent les fluctuations de la Bourse comme d’autres comptent les cadavres dans leur service.

    Je suis en colère et j’ai la rage envers ces hommes et ces femmes politiques qui n’ont eu de cesse de détruire notre système social et de santé, qui n’ont eu de cesse de nous expliquer qu’il fallait faire un effort collectif pour atteindre le sacro-saint équilibre budgétaire (à quel prix ?) ; que « les métiers du soin, c’est du sacrifice, de la vocation »… Ces politiques qui aujourd’hui osent nous dire que ce n’est pas le temps des récriminations et des accusations, mais celui de l’union sacrée et de l’apaisement… Sérieux ? Vous croyez vraiment que nous allons oublier qui nous a mis dans cette situation ? Que nous allons oublier qui a vidé les stocks de masques, de tests, de lunettes de sécurité, de solutions hydroalcooliques, de surchaussures, de blouses, de gants, de charlottes, de respirateurs (de putain de respirateurs tellement primordiaux aujourd’hui) ? Que nous allons oublier qui nous a dit de ne pas nous inquiéter, que ce n’était qu’une grippe, que ça ne passerait jamais en France, qu’il ne servait à rien de se protéger, que même pour les professionnels, les masques, c’était too much ?

    Que nous allons oublier l’indifférence et le mépris pour ce qui se passait chez nos sœurs et nos frères chinois, chez nos sœurs et nos frères iraniens, chez nos sœurs et nos frères italiens, et ce qui se passera sous peu chez nos sœurs et nos frères du continent africain et chez nos sœurs et nos frères latino-américains ? Nous n’oublierons pas ! Tenez-le-vous pour dit…

    Je suis en colère et j’ai la rage, car je vis depuis une semaine avec cette satanée boule dans la gorge, cette envie de me prostrer, de pleurer toutes les larmes de mon corps, quand j’écoute la détresse et la souffrance de mes collègues, quand ils et elles me parlent du fait de ne pas pouvoir embrasser leurs enfants parce que personne ne peut être sûr de ne pas ramener le virus, lorsque s’expriment les moments de craquage dans la voiture avant et après la journée de travail, quand je pense aux ravages à venir, psychiquement parlant, lorsque tout ça sera derrière nous, et qu’il y aura le temps de penser…

    L’actu Libé, tous les matins.

    Je suis en colère et j’ai la rage, mais surtout un désespoir profond, une tristesse infinie…

    Je suis en colère et j’ai la rage, et je ne peux pas les laisser sortir pour le moment. Elles se tapissent au fond de mon âme, me consumant à petit feu. Mais sous peu, une fois que ce sera calme, je les laisserai jaillir, cette colère et cette rage, comme tous ceux et toutes celles qui les ont enfouies. Et croyez-moi, ce moment viendra. Elles flamberont, et nous exigerons justice, nous demanderons des comptes à tous ceux qui nous ont conduits dans ce mur terrible. Sans violence. A quoi bon ? Non, avec une humanité et une sagesse dont ils sont dépourvus. Entendez-vous cette petite musique ? Celle qui se murmure tout bas mais qui monte en puissance ? Ce refrain des Fugees : « Ready or not, here I come ! You can hide ! Gonna find you and take it slowly ! » Nous arrivons… »

    http://www.frontsyndical-classe.org/2020/03/un-psychologue-de-l-hopital-de-mulhouse-j-ai-la-rage.html

  • Pourquoi j’applaudis pas les soignants ?

    Parce que je suis dans la famille d’un soignant. Parce que je sais depuis des années que les conditions se durcissent à l’hôpital jusqu’à bientôt un point de rupture, comme tous les services publics qu’on laisse se faire démolir pareil, consciencieusement et méticuleusement. Parmi ceux qui applaudissent, combien étaient présents aux manifestations pour aider les soignants ? Combien ont réfléchis à ce qu’ils votaient les jours de scrutin ?
    C’est sûrement l’ultime ironie de notre société du spectacle, d’applaudir quand la séance est finie.
    Je crains que mes deux enfants doivent vous supporter longtemps, vous, vos applaudissements et votre spectacle.

    Parce que je suis dans la famille d’un soignant, qui sera donc très probablement et très bientôt touché par le virus, et du coup nos enfants et moi avec.
    J’espère que les (ir)responsables politiques qui auront survécus au virus ne survivront pas à la honte, que j’imagine foudroyante. Pourtant je n’ai pas la conviction qu’ils connaîtront un quelconque sentiment de culpabilité. Il faudra les juger. Et les condamner.
    Pour la casse des services publics. Sont-ils élus pour saccager ce qu’on a de collectif et de commun ?
    Pas de stock de masque ? Pourquoi ? Parce que l’hôpital est dirigé par des « managers » ?
    C’est tout le système managérial qu’il faut condamner, et juger les gens qui l’appliquent. Ils sont dangereux.

    Bon. Et maintenant que les premiers soignants commencent à mourir, vous applaudissez encore ?

    Je n’ai aucune perspective positive pour l’humanité depuis déjà bien longtemps. J’ai 50 ans.
    Je suis né avec le premier choc pétrolier et les premières vagues de chômage. Je ne connais que la soi-disant « crise », qui est en fait le système lui-même, on l’a compris. Le capitalisme ne m’a pas laissé de sentiment d’avenir radieux, de futur meilleur. C’est même juste de pire en pire. Une catastrophe continuelle.
    Passer mon temps avec mes enfants est ce que j’ai de plus important à faire avant le virus.
    Je suis dans la famille d’un soignant et on va ensemble essayer de sauver des vies. De tenir le moral le plus haut qu’on peut.
    Pour et grâce aux enfants.
    Et surtout contre ce système. Je suis contre ce système. J’aurai vécu obscur et contre ce système.

    Et j’applaudis pas.