La Sellette

Chroniques de la violence judiciaire

  • Vote des prisonnier•e•s & bloc bourgeois – Comparution immédiate en visio – Constructions du « plan Prison » & résistances – L’envolée
    https://lenvolee.net/bloc-bourgeois-vote-des-prisonniers

    https://lenvolee.net/wp-content/uploads/2022/04/lenvolee-22-04-15-1.mp3

    Retour sur l’ambiance des #élections et le premier tour : les prisonnier•e•s qui ont voté l’ont fait pour Mélenchon alors que les uniformes ont voté fasciste en majorité.

    Retour sur une comparution immédiate avec les potes de @la_sellette La Sellette : le prévenu était âgé de plus de 80 balais, était en fauteuil roulant, en curatelle renforcée… Et en préventive : sa comparution avait lieu en visioconférence.

    Le fameux « plan prison » (+15 000 places en 2027) est en route : construction de taules à Muret, Entraigues et le SAS (« structure d’accompagnement vers la sortie ») de Noisy le grand. Christine nous raconte comment s’organise la lutte contre la #prison d’Entraigues.

    Discussion sur le 2ème tour, où est en lice le bloc bourgeois à deux faces : une partie est clairement fasciste, une autre libérale-autoritaire. Quoiqu’il en soit c’est le même mouvement pour préserver les profits des plus riches… Et toujours enfermer les pauvres.

    "Monsieur ne fait pas pitié, il fait peur !" Chronique d’audience à Toulouse, salle des comparutions immédiates, avril 2022.
    https://lasellette.org/monsieur-ne-fait-pas-pitie-il-fait-peur

  • Chronique radio de janvier 2022 : demander un délai pour préparer sa défense et se retrouver en prison

    https://lasellette.org/chronique-radio-de-janvier-2022-demander-un-delai-pour-preparer-sa-defen

    En comparution immédiate, la première question posée à la personne poursuivie est la suivante : « Voulez-vous être jugée tout de suite ou sollicitez-vous un délai pour préparer votre défense ? »
    Mais si elle demande un renvoi, une autre question va se poser : sera-t-elle laissée libre jusqu’à l’audience ou sera-t-elle placée en détention provisoire ?
    La loi encadre normalement cette pratique : un⋅e prévenu⋅e ne peut être mis⋅e en détention provisoire que si c’est le seul et unique moyen d’éviter le renouvellement de l’infraction et de s’assurer qu’il ou elle viendra à son procès.
    Dans les faits, quand la personne à un casier judiciaire, ou bien qu’elle n’a pas de travail, pas de foyer ou pas de papiers, elle sera envoyée en détention provisoire. Pour le dire autrement, les prévenu⋅es de compa qui demandent un renvoi iront préparer leur défense en prison.

    #détention_provisoire #prison #justice #comparutions_immédiates

  • Trois chroniques radio à écouter sur LaSellette.org :

    Novembre 2021 : « l’enquête sociale rapide » en comparution immédiate
    Ce mois-ci, on parle de l’enquête sociale rapide, c’est-à-dire l’entretien avec le ou la prévenue, qui est mené avant l’audience aux geôles du palais de Justice. Cet entretien dure une vingtaine de minutes et porte sur l’état civil, le logement, la famille, le travail, la santé. Les informations une fois vérifiées, ce rapport est transmis au tribunal.
    Ces enquêtes ont pour objectif affiché de permettre aux juges de personnaliser la peine et, si possible, de réduire le nombre et la durée des placements en détention en fournissant des informations fiables au tribunal.
    Dans les faits, ça ne marche si bien : la plupart du temps, les magistrats se contentent de lire distraitement – quand ils la lisent – une enquête faite à la va-vite.
    Pire, pour la plupart des prévenu⋅es de comparution immédiate – qui n’ont pas de travail et/ou pas de logement –, ces enquêtes ne font que dessiner un profil que les magistrats jugeront inquiétant : ce fameux mécanisme d’individualisation des peines conduira seulement à légitimer une répression plus sévère.

    https://lasellette.org/chronique-radio-de-novembre-2021-lenquete-sociale-rapide-en-compa

    Octobre 2021 : refus de test PCR, du CRA à la prison
    Après la lecture de « Pourquoi avoir refusé de faire ce test ? », on discute de la création d’une nouvelle infraction : le refus de test PCR avant expulsion.

    https://lasellette.org/chronique-radio-diffusee-dans-lemission-de-lenvolee-octobre-2021

    Septembre 2021 : les interprètes en audience
    La présence d’un interprète est un doit pour le ou la prévenue, qui doit pouvoir comprendre et être comprise, ça semble être la moindre des choses.
    Dans les faits, on voit que c’est un peu plus compliqué que ça : il n’est pas rare qu’en comparution immédiate, on assiste à des audiences où la personne ne comprend manifestement que très peu ce qu’il se passe et les questions qu’on lui pose. Comment est-ce qu’on en arrive là ?

    https://lasellette.org/chronique-radio-de-septembre-2021

  • Interprètes : un droit fondamental malmené par la comparution immédiate

    Tout au long de la procédure pénale, la personne mise en cause peut être assistée par un⋅e interprète. Un tel droit relève à priori du bon sens : la personne confrontée à la justice doit comprendre ce qu’il se passe pour pouvoir se défendre, de la même manière que la justice doit comprendre les réponses qui lui sont données. Pourtant ce droit – considéré par la loi comme indispensable à un procès équitable – est dans la pratique bien mal respecté.

    C’est souvent l’officier de police judiciaire en charge de la garde à vue qui apprécie le niveau de compréhension de la langue de la personne mise en cause. Or, si l’article préliminaire du code de procédure pénale prévoit que la personne suspectée qui ne comprend pas la langue française a droit à un⋅e interprète, dans les faits, une autre question préside au choix de requérir ou non cette assistance : la personne comprend-t-elle suffisamment le français pour qu’on puisse s’en passer ? […]
    C’est aussi le policier qui choisira l’interprète. Il existe une liste agréée par la Cour d’appel, mais la loi permet en fait au policier de désigner toute personne qu’il estime compétente. Alors pourquoi pas un ami ? un proche ? Plusieurs interprètes témoignent d’ailleurs du fait que certains de leurs collègues en garde à vue se comportent plus en auxiliaire de police qu’autre chose, dissuadant la personne de prendre un avocat, lui conseillant d’avouer… A noter que cet interprète choisi par la police sera souvent, à Toulouse en tout cas, le même qu’à l’audience.
    Le rythme imposé par la procédure de comparution immédiate peut mettre à mal les droits de la défense. En effet, l’interprète est convoqué au début de l’audience. Or les dossiers avec interprète sont prévus pour passer en premier, tout simplement parce qu’ils sont payés à l’heure. Seulement voilà, si l’interprète n’arrive qu’au moment où son affaire passe, on ne voit pas à quel moment il pourra accompagner l’avocat de la défense aux geôles du palais pour traduire l’entretien du prévenu avec son avocat.
    Alors, il y a parfois moyen de s’arranger avec l’huissier pour que le dossier ne soit pas évoqué en premier, mais ça bouleverse l’ordre du tribunal et crée des tensions. Dès fois aussi, malheureusement, l’avocat de le défense ne verra que des avantages à passer en premier et renoncera lui même à cet entretien.
    Et si l’interprète ne vient pas ? Un⋅e autre devrait être appelé⋅e ou l’affaire renvoyée. Pourtant un travail d’observation mené à la Cour d’appel de Paris en 2008 relevait que certaines audiences ont été maintenues, les magistrats estimant finalement que le prévenu comprenait « suffisamment » le français.
    Était-ce le cas ? Ou s’agissait-il surtout de ne pas plus retarder une organisation déjà engorgée ? Il aurait fallu en appeler un⋅e en urgence et l’attendre, parfois longtemps.

    #justice #comparution_immédiate #interprètes

    https://lasellette.org/les-interpretes

  • LA CGLPL publie aujourd’hui les recommandations en urgence concernant la prison de Toulouse-Seysses.
    Accablant.

    La deuxième visite du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, réalisée du 31 mai au 11 juin 2021 par onze contrôleurs, a donné lieu au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves qui permettent de considérer que les conditions de vie des personnes détenues au sein de cet établissement sont indignes :

    une surpopulation dramatiquement élevée : au moment du contrôle, le quartier maison d’arrêt des hommes hébergeait 898 détenus pour 482 places (186% d’occupation) et le quartier maison d’arrêt des femmes hébergeait 58 détenues pour 40 places (145% d’occupation). Dans ces quartiers, 173 hommes et 5 femmes dormaient sur un matelas posé au sol. Le quartier des arrivants n’est pas épargné puisqu’il comptait 11 matelas au sol au premier jour du contrôle. Il y a près de 200 matelas au sol au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, un peu moins du quart du nombre de matelas au sol pour l’ensemble des établissements pénitentiaires en France.
    Un espace personnel d’1,28 m2 en cellule pour beaucoup : quasiment toutes les cellules des quartiers maison d’arrêt sont doublées voire triplées. En déduisant l’espace sanitaire et l’emprise des meubles en cellule, les contrôleurs ont observé que les détenus disposaient d’1,28 m2 à 4,41 m2 d’espace personnel selon la taille des cellules et de l’occupation par deux ou trois personnes.
    La présence de nombreux nuisibles et une hygiène déplorable dans des locaux en mauvais état : les contrôleurs ont constaté la présence de cafards et punaises dans les espaces communs et les cellules ; des rats courent dans des espaces de promenade jonchés de détritus. La dégradation des locaux, préoccupante pour un établissement ouvert en 2003, est aggravée par la surpopulation. Les cellules sont pour la majorité en mauvais état et les détenus n’ont aucune intimité car les cloisons des sanitaires sont toutes cassées.
    Un temps excessif passé en cellule : très peu de personnes accèdent à une activité, qu’il s’agisse de formation ou de travail et les activités sportives et socioculturelles n’ont pas repris depuis mars 2020, à l’exception de quelques heures de sport. La plupart des détenus restent ainsi en cellule et bénéficient au mieux d’une promenade par jour. Le temps passé en cellule avoisine donc pour beaucoup les 22 heures par jour.

    En outre, l’intégrité physique des personnes détenues n’est pas assurée du fait d’un climat de violences permanent et de conditions d’accès aux soins très dégradées.

    De nombreux détenus ont témoigné d’un climat de violence généralisé, en cellule et dans les cours de promenade où les agressions sont fréquentes et où les surveillants n’entrent pas. Par crainte des agressions, de nombreuses personnes ne sortent plus de leur cellule. La surpopulation et l’inactivité forcée des détenus entraînent d’inévitables tensions : en 2020, l’établissement décomptait 64 agressions physiques de personnes détenues sur surveillants. L’exercice du métier de surveillant dans ces conditions est d’une évidente difficulté. Les contrôleurs ont également recueilli des témoignages nombreux et concordants de personnes détenues dénonçant des recours excessifs à la force et des violences (verbales et physiques) de la part de surveillants. L’ambiance en détention est délétère. La direction de l’établissement s’y rend trop rarement et n’y est pas identifiée, n’effectuant qu’exceptionnellement des entretiens avec les détenus.

    L’accès aux soins des personnes détenues n’est pas assuré. Lors du contrôle, l’établissement disposait d’un seul véhicule par jour pour les extractions médicales, ce qui entraîne des retards de soins. Le taux d’annulation des extractions varie entre 51 % et 56 %. En tout, ce sont plus de 65% des besoins qui ne sont pas satisfaits faute de moyen de transport. Le départ de praticiens spécialistes intervenant dans l’établissement et n’ayant pas été remplacés n’a pu être compensé par des consultations à l’hôpital faute d’extraction possible. Le nombre de consultations spécialisées a chuté de plus de 70% en dix ans nonobstant une augmentation de 20% des consultations au sein de l’unité sanitaire. Ce mode de fonctionnement dégradé induit pour les patients des conséquences potentiellement graves, mais aussi une lassitude des équipes médicales et soignantes. Le CHU de Toulouse ne semble pas en avoir pris toute la mesure des risques graves que cette situation fait courir aux patients. Cet établissement, pourtant pilote depuis de nombreuses années en matière de télémédecine, n’a pas cherché à la mettre en place au bénéfice des détenus alors que la mobilisation de ces moyens technologiques permettrait notamment de pallier certaines des insuffisances observées.

    Le centre pénitentiaire de Toulouse Seysses doit faire l’objet, d’une part, de mesures urgentes concernant la surpopulation pénale, la rénovation des cellules, la désinfection, l’accès aux soins somatiques et d’autre part, d’une reprise en mains du fonctionnement de l’établissement, notamment pour faire cesser le climat de violence ainsi que de garantir au personnel des conditions normales d’exercice de sa mission et aux détenus le respect de leur dignité, de leur intégrité physique et de leurs droits fondamentaux.

    https://www.cglpl.fr/2021/recommandations-en-urgence-relatives-au-centre-penitentiaire-de-toulouse-seyss
    https://lasellette.org

    #justice #prisons

  • Histoire des comparution immédiates (2) : généralisation.
    https://lasellette.org/histoire-des-comparutions-immediates-2-generalisation
    En 1977, l’année où il devient garde des Sceaux, Alain Peyrefitte coécrit un rapport qui dresse un portrait outrageusement sombre de la société française de l’époque :

    Longtemps tenue en marge, la violence s’est installée au cœur de la Cité. Pas encore en maîtresse, mais ce temps peut venir. Si rien n’est fait pour répondre à l’interpellation qu’elle nous adresse, ce temps viendra sans doute… Un sentiment d’insécurité générale est apparu, qui lui-même peut engendrer la violence, dans une société où la règle du droit n’entraîne plus un consensus général, et où certains sont tentés de se faire justice eux-mêmes.

    Cet inquiétant diagnostic va tout naturellement le conduire à élaborer un projet de loi répressif, connu sous le nom de « Sécurité et liberté ». Lors de sa présentation devant l’Assemblée nationale, il utilisera d’ailleurs une expression nébuleuse, qui a connu depuis une belle postérité :

    On a souvent opposé au cours des dernières semaines ces deux notions de sécurité et de liberté. Certains feignent de penser que tout renforcement de la sécurité se fait aux dépens de la liberté et qu’en revanche il faut se résoudre à payer toute extension des libertés individuelles par une croissance de l’insécurité. Dieu merci, il n’en est rien ! Le gouvernement ne vous propose pas de résoudre la quadrature du cercle. Liberté et sécurité sont solidaires : voilà le vrai. La sécurité est la première des libertés.

    #justice #comparution_immédiate

  • Histoire des comparutions immédiates (1) : les origines.
    https://lasellette.org/comparutions-immediates-les-origines
    « Cette loi est faite pour ceux à l’égard desquels il n’y a aucune discussion possible, c’est-à-dire pour cette écume de la population qu’on ramasse sur la voie publique qui peut j’en conviens encombrer les parquets et les cabinets des juges d’instruction, mais qui aussi, tout le monde le reconnaîtra avec moi, est digne de très peu d’intérêt. »
    #justice #comparution_immédiate

    • La cavalerie judiciaire*
      https://blog.monolecte.fr/2010/10/04/la-cavalerie-judiciaire

      Chaque année, ce sont 14 000 personnes qui sont déférées à la P12 pour être jugées dans la journée, dont un tiers sont des récidivistes légaux, c’est-à-dire ceux qui ont déjà été condamnés pour les mêmes faits dans les cinq dernières années, ceux pour lesquels a été taillée sur mesure la fameuse loi du 10 août 2007 instaurant les peines planchers. Les peines planchers ou l’idée que l’on va guérir les récidivistes en tapant chaque fois un peu plus durement sur eux. Alors que, déjà, le régime des comparutions immédiates a la main incroyablement lourde pour les petits larcins, alors que, déjà, cette justice en temps réel ressemble à s’y méprendre à une justice expéditive pour ne pas dire sommaire.

  • Chronique de comparution immédiate : dix minutes
    https://lasellette.org/dix-minutes

    Toulouse, chambre des comparutions immédiates, octobre 2020

    Un Tunisien à peine majeur comparaît dans le box. Au cours d’un contrôle d’identité, les policiers se rendent compte qu’il est sous le coup d’une interdiction du territoire national de cinq ans. Il aurait dû être expulsé à la suite de son passage au centre de rétention administrative.

    La présidente lit d’une voix morne son casier judiciaire : trois mois de prison pour vente de stupéfiants ; vol aggravé ; violence à l’entrée d’un local administratif. Pour le reste – sa vie, ses projets, la personne qu’il est, toutes ces choses paraît-il nécessaires à la personnalisation de la peine –, on saura seulement qu’il travaille au noir dans le bâtiment et qu’il vit en squat. L’enquête de personnalité « ne révèle pas grand-chose », pour ne pas dire rien.

    L’interprète traduit les explications du prévenu – elles sont fort brèves : à sa sortie de prison, le confinement l’a empêché d’organiser son départ. Par sa voix, il supplie la présidente de lui accorder les deux jours dont il a besoin pour récupérer son passeport et préparer son retour en Tunisie. Dans un dernier effort pour faire comprendre sa situation, il conclut lui-même en français : « Ça fait trois jours que je n’ai pas mangé. » La présidente note, placide : « Il a reconnu, donc. »

    Le procureur demande six mois de prison avec maintien en détention.

    La défense non plus n’a pas envie d’y passer la nuit : elle se borne à signaler qu’« il ne faut pas ajouter de la misère à une situation déjà misérable » et s’en remet platement au tribunal « pour ne pas alourdir outre mesure le casier de ce garçon ».

    Les juges délibèrent en un éclair : cinq mois de prison et maintien en détention. Rondement menée, l’audience a duré dix minutes : deux minutes par mois de prison.

    #justice #comparution_immédiate