la voie du jaguar

informations et correspondance pour l’autonomie individuelle et collective

  • 17 avril 2021
    Nouvel appel à agir contre la réintoxication du monde

    Agir 17

    https://lavoiedujaguar.net/17-avril-2021-Nouvel-appel-a-agir-contre-la-reintoxication-du-monde

    Après les vagues d’actions des 17 juin et 17 novembre 2020, une constellation de syndicalistes, paysan·ne·s, ZAD, associations, territoires en luttes, espaces autogérés, coopératives ont décidé d’un appel commun pour le 17 avril 2021. Plus d’une centaine de collectifs des quatre coins du pays sont ainsi déjà engagés dans une nouvelle vague d’actions, blocages, rassemblements et occupations contre des lieux de production, chantiers, projets et infrastructures toxiques. Voici leur appel et la liste des premiers signataires.

    En mai dernier, à la sortie du premier confinement, alors que la machine économique et productiviste se réemballait de plus belle, un appel à agir contre la réintoxication du monde a été lancé et suivi par des dizaines de groupes à travers le pays. Le 17 juin, plus de 70 actions, occupations, blocages se sont déployés simultanément. Depuis, des collectifs se sont constitués, des résistances, un temps en pause, se sont réveillées, des projets destructeurs ont été arrêtés. Cette journée a matérialisé un rebond des luttes de terrain face à l’expansion dramatique de la crise écologique et au cynisme patent de « nos dirigeants ». De nouveau le 17 novembre dernier, malgré les obstacles et interdictions, des mobilisations aux quatre coins du pays sont parvenues à percer les murs du confinement.

    Une constellation de collectifs impliqués dans la « dynamique des 17 », réunie le 20 janvier dernier, a décidé d’un appel commun à une nouvelle journée d’actions le samedi 17 avril. (...)

    #appel #agir #réintoxication #confinement #collectifs #constellation #luttes #résistance #mobilisation

  • Basculements
    Mondes émergents, possibles désirables

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/Basculements-Mondes-emergents-possibles-desirables

    Dénonçant la notion d’effondrement, qui dépolitise les enjeux en postulant une trajectoire unique et comme jouée d’avance, Jérôme Baschet, qui a enseigné à l’Universidad Autonoma de Chiapas, à San Cristóbal de Las Casas, propose celle de « basculements » qui fait place, au contraire, à l’imprévisibilité croissante de notre temps et au rôle central de la mobilisation politique. Alors qu’« un microscopique fragment de l’à peine-vivant » a provoqué « la paralysie d’une machinerie aussi ample et ramifiée que l’économie mondiale », supposant la reproduction d’autres crises systémiques du capitalisme, il esquisse plusieurs scénarios, dont celui d’une ouverture des possibles qui nous engagerait vers des manières de vivre échappant aux logiques du système-monde capitaliste.

    Il tente, tout d’abord, de cerner les tendances principales que la crise du coronavirus a pu induire, amplifier ou affecter significativement : accélération de la numérisation généralisée ; modification des équilibres géostratégiques, confirmant l’effritement de l’hégémonie états-unienne et la montée en puissance de la Chine ; reconfiguration des circuits de la globalisation, notamment avec un mouvement de relocalisations productives dans un souci de souveraineté plutôt que dans une perspective écologique ; interventionnisme accru de l’État dont on attend une réponse face à la pandémie, que l’on critique ses manquements ou l’excès des mesures d’exception. Toutefois, ce serait une erreur de postuler une « opposition diamétrale » entre néolibéralisme et État, puisque le premier a toujours eu besoin du second pour assurer sa bonne régulation, l’État étant appelé à la rescousse pour socialiser les pertes et se désengageant à nouveau pour permettre la privatisation des bénéfices. (...)

    #Jérôme_Baschet #capitalisme #économie #globalisation #néolibéralisme #État #pandémie #crise #effondrement #modèle_chinois #Frédéric_Lordon #Murray_Bookchin #Erik_Olin_Wright #expérience_zapatiste #Gilets_jaunes #stratégies #rupture

  • Une ZAD au « cœur de la bête »

    Anselm Jappe

    https://lavoiedujaguar.net/Une-ZAD-au-coeur-de-la-bete

    Malgré tout, quelque chose s’est amélioré dans la vie sociale et politique au cours des dernières décennies. Ceux qui veulent vraiment changer les choses ont définitivement abandonné l’illusion qu’on puisse obtenir des résultats sérieux en participant aux élections, aux gouvernements, aux commissions éthiques, aux conventions citoyennes, aux pétitions. Même lorsque des partis écologistes ou de la gauche « radicale » ont participé, où que ce soit dans le monde, à des gouvernements, ils n’ont réalisé pratiquement aucune avancée sur le plan social ou écologique.

    Tandis que tout semble bloqué face aux « majorités silencieuses » toujours d’accord avec les gouvernants, on a assisté à une floraison d’actes pratiques : empêcher une détérioration du monde, pour petite que soit l’échelle, a des effets réels. Et dans ce domaine, le taux de réussite semble nettement à la hausse : rien que pour parler de la France, les luttes ont fini par gagner à Notre-Dame-des-Landes, à Center Parcs, en ce qui concerne le nouveau terminal de Roissy, le Triangle de Gonesse près de Paris (Europacity), le barrage de Siven, les entrepôts d’Amazon, etc. Souvent c’étaient des ZAD (« zones à défendre ») prolongées qui ont empêché la réalisation de ces « grands projets inutiles ». Et ce qui est peut-être encore plus remarquable est la peur qui s’est visiblement emparée des « décideurs » et « aménageurs » : de nombreux projets sont abandonnés même avant le début d’une ZAD ou d’autres formes de militantisme sur le terrain, c’est-à-dire après les premières contestations. D’autres projets ne sont même plus conçus : il y a un moratoire de fait sur la construction de nouvelles autoroutes et de nouvelles centrales nucléaires. Le « progrès » et la « modernisation » commencent à avoir du plomb dans les ailes. (...)

    #Anselm_Jappe #ZAD #Suisse #béton #Lafarge #extractivisme

  • Agressions et détentions arbitraires
    à l’encontre de membres du Congrès national indigène
    à Ocosingo dans le Chiapas

    CNI

    https://lavoiedujaguar.net/Agressions-et-detentions-arbitraires-a-l-encontre-de-membres-du-Cong

    Nous, compañeros en résistance José Espinoza Gómez, José Alfredo Espinoza Pérez, Juan Espinoza Pérez, Mario Espinoza Pérez, Carlos Hernandez Méndez, Juan Ramon Gutiérrez Espinoza et Miguel Espinoza Hernández, habitants des rancherías Jolmuc’ulha et Taquinton, qui appartiennent à l’ejido Peña Limonar, dans la municipalité d’Ocosingo, au Chiapas, et membres du Congrès national indigène, dénonçons énergiquement la détention arbitraire et injuste de nos compañeros Fernando Espinoza Pérez et Baldemar Espinoza Pérez, injustement emprisonnés dans le centre de détention 16 d’Ocosingo, où ils ont été emmenés par les autorités de l’ejido, suite aux événements qui ont eu lieu le 10 février de cette année.

    (...) Cet acte qui viole totalement les droits humains, n’est pas un fait isolé, c’est la conséquence d’une constante et ininterrompue guerre de basse intensité contre les communautés en résistance qui s’opère depuis 1994. Car cette agression s’inscrit dans une série de violations des droits humains, d’emprisonnements injustes, d’attaques armées contre nos maisons, de tailles illégales d’arbres, de vols de bois, d’incursions armées contre nos travailleurs, soutenues par les agissements et la protection des autorités ejidales. Depuis plus de dix ans, ces agressions ont bouleversé la paix et la vie collective communautaire, elles reflètent de manière évidente une exacerbation des conflits et des hostilités à l’encontre des communautés zapatistes et du Congrès national indigène et visent à nous déposséder de notre territoire. (...)

    #Mexique #Chiapas #conflits #territoire #résistance

  • Réponses de Jacques Philipponneau au questionnaire
    de La Décroissance envoyées le 12 février 2021
    et refusées par son comité de rédaction

    https://lavoiedujaguar.net/Reponses-de-Jacques-Philipponneau-au-questionnaire-de-La-Decroissanc

    (...) La domination est devenue ouvertement catastrophiste et, par la force des choses, elle doit intégrer le réformisme écologique dans cette sur-bureaucratisation du monde seule à même de gérer, dans cette société, les catastrophes qu’elle produit.

    Cet écologisme de caserne, normatif et culpabilisant, dernier avatar du péché chrétien (les indulgences pontificales du bilan carbone, le flygskam — la honte de prendre l’avion du luthérianisme nordique —, la niaiserie antispéciste anglo-saxonne) qui n’attaque jamais frontalement l’État ni le capitalisme, mais seulement leurs « dévoiements » ou leurs « excès », remplace la vieille social-démocratie morte à la tâche dans sa fonction intégrative à la société telle qu’elle est.

    La crise sanitaire actuelle (quelle que soit son origine et la gravité qu’on lui accorde) a contraint la domination à afficher son programme. Sa conception de la vie.

    Elle se résume à celle-ci : le mode de vie industriel n’est pas négociable et les représentations catastrophistes, si complaisamment diffusées depuis une dizaine d’années, ne sont pas conçues pour y faire renoncer mais pour faire accepter les restrictions et aménagements qui permettront de le perpétuer. En gros, faire régresser la liberté humaine à sa seule fonction animale de « conserver l’espèce », la « vie nue » réduite à sa seule réalité biologique : l’exemple le plus trivialement actuel en est le lâche soulagement devant une vaccination — de fait obligatoire — permettant de retrouver la vie « normale ». (...)

    #Philipponneau #fantasmes #domination #sujets_automates #États #capitalisme #techno-science #réformisme_écologique #résistance_active

  • Lettre d’un chanteur occitan aux militants décoloniaux
    Et nous là-dedans ?

    Laurent Cavalié

    https://lavoiedujaguar.net/Lettre-d-un-chanteur-occitan-aux-militants-decoloniaux-Et-nous-la-de

    Avons-nous une place dans la sphère décoloniale ? Nous ne sommes ni « racisé·e·s », ni « non blancs », ni « noirs », ni « blacks », ni « indigènes », mais je veux vous exprimer pourquoi j’ai besoin de me rapprocher des combats décoloniaux. Je veux vous exprimer les siècles de mépris vis-à-vis de notre langue qui n’est pas le français, de notre accent qui n’est pas celui des dominants économiques et médiatiques, de notre absence des plateaux de théâtre, des médias, du cinéma. Je veux vous exprimer la fatigue de devoir encore et toujours justifier de l’universalité de notre propos.

    Je veux vous dire qu’en même temps que la France colonisait le monde et mettait en place l’esclavage, elle opérait à l’intérieur de l’Hexagone une vaste opération de colonisation des consciences, pour anéantir la diversité linguistique, pour empêcher les enfants de parler la langue de leurs parents, pour nous faire admettre qu’il n’y avait qu’une seule langue du progrès et que c’était le français, et par là même pour nous faire croire qu’il n’y avait qu’une seule voie possible, celle du progrès. Tous les moyens étaient bons pour glorifier l’idée de la grandeur universelle de la France et du français, y compris ceux du révisionnisme historique. Y compris ceux des sévices corporels pour les enfants, ceux de l’humiliation et du mépris.

    La question du mépris des cultures populaires de la France, et de la pensée colonialiste de l’État français en direction des cultures particulières de l’intérieur — j’aurais pu oser l’expression cultures autochtones — ne peut pas être écartée d’un revers de manche, au prétexte que nous n’aurions pas été colonisés au sens où cela s’entend le plus couramment, c’est-à-dire par les armes, génocide et esclavage à l’appui. (...)

    #colonialisme #monde_occitan #cultures #France #mépris #dépossession #réinventer

  • Notes anthropologiques (LV)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-LV

    Notes sur la pensée comme aliénation

    Au début, avec l’émergence d’un peuple dominant qui va constituer l’aristocratie sociale, la pratique du don reste importante et forme encore le fondement de la vie en commun, son esprit. Cet aspect, je dois dire, ne ressort pas de l’étude des historiens, nous le retrouvons parfois au cinéma, dans les récits de voyage ou d’exploration, nous en faisons aussi l’expérience si nous nous donnons l’occasion de nous immerger dans d’autres civilisations que la nôtre. Il faut croire que les historiens ne vont pas au cinéma, ne lisent pas des récits de voyage et ne font pas d’autres expériences de vie que celle que leur impose leur civilisation. Il me semble que l’idéologie tient une place trop envahissante chez eux et qu’ils délaissent, pour des préjugés tenaces, l’ouverture sur le réel et sa diversité que leur propose encore le monde. C’est bien sur une conception grandiose du don, le don cérémoniel d’hospitalité, que repose le prestige de la classe dominante dans notre antiquité, mais le don sous une forme moins grandiloquente et ostentatoire n’a sans doute pas disparu de la vie sociale de la population et constitue encore l’esprit des échanges que les habitants ont entre eux.

    Pourtant cette pratique va se trouver chevauchée par une pratique tout autre, celle du marchand. Nous nous trouvons dans une société partagée entre l’esprit sous son aspect subjectif reposant sur le don et l’esprit sous son aspect que je qualifierai d’objectif lié à l’intérêt de l’individu, représenté par le marchand. (...)

    #pensée #aliénation #peuple #aristocratie #marchands #Antiquité #Sparte #monnaie #Lycurgue #Corinthe #Athènes #Solon #négoce #enrichissement #subjectivité #dette #bourgeoisie

  • Commune(s) 1870-1871

    Jérôme Quaretti

    https://lavoiedujaguar.net/Commune-s-1870-1871

    https://faisonsvivrelacommune.org/communes-1870-1871-une-traversee-des-mondes-du-xixe-siecle

    Quentin Deluermoz
    Commune(s) 1870-1871. Une traversée des mondes au XIXe siècle

    Rares sont les ouvrages qui apportent à ce point un renouveau historiographique autour de la Commune ! Après Jacques Rougerie, Jeanne Gaillard, Robert Tombs (et quelques autres), ou encore les trois grands colloques français organisés depuis 1996, Quentin Deluermoz propose du nouveau sur le mouvement communaliste de 1870-1871 en nous offrant un tour du monde de l’événement qui dura non pas 80 mais 72 jours…

    Le contenu de son livre est parfaitement résumé dans son titre Commune(s) 1870-1871 avec le « s » du pluriel entre parenthèses qui évoque non seulement la Commune de Paris et les communes de province, mais aussi la pluralité de leurs descriptions, de leurs perceptions et de leurs interprétations contemporaines puis postérieures (versaillaises, libérales, impérialistes, marxistes, libertaires, etc.). Et c’est précisément ce à quoi s’attelle l’auteur. Pour les « grandes » communes de province, il ne s’attarde que sur les incontournables communes « emboîtées » de Lyon, déjà connues, et délaisse (de mon point de vue à tort) celles non moins intéressantes de Marseille et de Narbonne pour évoquer pertinemment celle d’Alger, pour étudier — avec malice — celle de Thiers (la ville !), mais aussi pour s’attarder avec moins d’intérêt pour son sujet sur les événements de la Martinique…

    Le sous-titre, « Une traversée des mondes au XIXe siècle », précise que cette étude est aussi une géographie historique (...)

    #Commune #Paris #mondes #géographie_historique #Quentin_Deluermoz #États-Unis #Amérique_latine #Espagne #micro-histoire #mouvement_communaliste #Marcel_Detienne #révolution

  • Solidarité avec Rosa Nera
    « Un air souffle et nous appelle à sortir de la tempête de ce monde »

    Marios Panierakis

    https://lavoiedujaguar.net/Solidarite-avec-Rosa-Nera-Un-air-souffle-et-nous-appelle-a-sortir-de

    Depuis seize ans, nous vivons un phénomène d’une rare beauté dans la ville de La Canée, en Grèce. Une « rose noire » grimpe à travers les fissures de la ville à la recherche d’un soleil différent, d’une façon différente de vivre. Quelle chose simple ! Quelle chose révolutionnaire ! La recherche collective de divers modes de sociabilité, de différentes façons de se lier — de différentes manières de faire les choses — brise l’emprise de l’argent et ouvre un champ de possibilités pour notre vie. En même temps, elle souligne la nécessité de se débarrasser de la farce que nous vivons, elle souligne la possibilité de changer le monde.

    Ça semble un fait simple. Mais ce mouvement de refus et de créativité enflamme nos espoirs — qui n’ont rien à voir avec l’espoir de l’État — de vivre dans un monde d’égalité, de liberté, de solidarité (de soutien mutuel) et de dignité. Nos yeux brillent, chaque fois que nous rencontrons cette rose. Comme si nous tombions amoureux ! Encore et encore. Et à juste titre, l’odeur des roses a la capacité de parfumer un monde différent ou plutôt « un monde où tiennent de nombreux mondes ». L’osmose de ces mondes ne nous montre qu’une image des mondes que nous pouvons créer. Oui ! Nous tombons amoureux et nous offrons à nos compañeras les sourires les plus généreux qui traversent le ciel de nos pensées, des sourires capables de briser la misère de la normalité.

    La création de ces mondes dans les fissures de la « normalité » nous conduit au conflit dialectique avec cette notion. Une discussion que le monde de l’argent a déjà perdue. Il n’est donc pas étonnant qu’elle recoure à la violence. Nous continuerons à mettre des roses dans les canons de ses « armes ». En affirmant fièrement que nous n’avons pas notre place dans leur « normalité », nous ne tenons pas dans leurs définitions. (...)

    #RosaNera #Grèce #solidarité

  • L’Amassada
    Appel à soutenir les inculpé·e·s

    L’Amassada

    https://lavoiedujaguar.net/L-Amassada-Appel-a-soutenir-les-inculpe-e-s

    Le 16 février 2021 seront jugé·e·s en appel quatre opposant·e·s prélevé·e·s parmi une centaine, lors de la manifestation du 12 octobre 2019 contre le projet de mégatransformateur de Saint-Victor-et-Melvieu, dans le sud de l’Aveyron. Le hameau de l’Amassada qui depuis cinq ans occupait le futur site, venait d’être expulsé et rasé le 8 octobre 2019. Force était resté à la loi selon le commentaire de la préfète. Il se trouve que cette loi est celle de l’empire industriel de l’énergie qui sous couvert de transition écologique perpétue le massacre…

    Lors de la première audience, le 11 mars 2020, nous avions fait une demande en nullité pour de nombreux vices de procédure d’enquêtes et de convocations (grosso modo les gendarmes plaignants se sont auditionnés entre eux). Le tribunal de Rodez a rejeté les demandes en nullité et condamné les prévenu·e·s à cinq à huit mois de prison avec sursis, assorti de 100 euros d’indemnité pour chacun des gendarmes au titre de préjudice moral. Par contre le tribunal a débouté RTE (Réseau de transport d’électricité) pour sa demande de préjudice matériel.

    La séquence en cours (Covid) a rendu aveuglant le diagnostic de la mise à sac du monde, la marchandisation du vivant, et son contrôle par la logique sécuritaire. (...)

    #Amassada #Aveyron #solidarité

  • Tournée pour la vie et l’espoir

    Raúl Zibechi

    https://lavoiedujaguar.net/Tournee-pour-la-vie-et-l-espoir

    Dans tous les recoins du monde, ceux d’en haut perpètrent un génocide silencieux des peuples originaires et noirs, des paysans et des pauvres de la ville et de la campagne.

    L’armée turque envahit le nord de la Syrie, rasant les villages et villes kurdes. Le gouvernement israélien ne vaccine pas la population palestinienne. À Manaus, en Amazonie brésilienne, des milliers de personnes meurent dans des hôpitaux saturés. En seulement trois semaines de 2021 se sont déjà produits en Colombie six massacres, qui ont fait plus de quinze morts.

    Les féminicides se sont multipliés pendant la pandémie, comme une part indissociable du génocide contre celles et ceux d’en bas.

    Au Chiapas, les bandes paramilitaires attaquent à coups de feu les communautés de Moisés Gandhi. Le scénario est toujours le même : des paramilitaires, comme l’Orcao (Organisation régionale des caféiculteurs d’Ocosingo), qui sont assistés par l’armée, attaquent les bases de soutien zapatistes ; le gouvernement fédéral et celui de l’État gardent le silence, autrement dit, consentent. Les médias et les partis politiques se taisent, autrement dit consentent.

    Dans les périphéries urbaines et les zones rurales reculées d’Amérique latine, non seulement on ne parle pas de vaccins, mais on ne dispose pas d’infrastructures hospitalières, de médecins ou d’infirmières en nombre suffisant. (...)

    #Amérique_latine #Mexique #EZLN #Europe #expédition #coordonner #apprentissage

  • Paradoxes et apories de la pandémie

    Louis de Colmar

    https://lavoiedujaguar.net/Paradoxes-et-apories-de-la-pandemie

    La société moderne, aujourd’hui, se caractérise par un double échec : elle a détruit la dimension collective, « holiste », du vivre-ensemble qui a marqué l’ensemble des civilisations précédentes, et elle a rendu patent l’échec de l’individualisme asocial qui avait marqué l’utopie de son développement jusqu’à la fin du XXe siècle.

    Le cœur de la conscience sociétale repose en grande partie sur une sorte de consensus informulé, sur des concepts et des notions largement en deçà de la conscience, sur une résonance sans mots, sans mots véritablement adéquats… Il y a des périodes de la vie des sociétés où cette conscience sociétale, mouvante, dynamique, trouve des expressions et des formulations plus ou moins largement et explicitement partagées ; il en est d’autres, comme la nôtre, où les mots peinent à rendre compte de la réalité ressentie. Il est des périodes où les mots et les discours tournent littéralement à vide et donnent seulement l’impression de brasser du vent.

    Dans le contexte de l’idéologie dominante, la solitude, la pauvreté relationnelle sont pour l’essentiel la résultante de l’exclusion des circuits économiques. Un des rares « mérites » de la crise sanitaire est sans doute de permettre de préciser ce mécanisme (...)

    #pandémie #société #conscience #solitude #crise #économie #politique #désocialisation #Covid #Gilets_jaunes #distanciation #confinement #syndémie

  • Prise de parole d’ex-occupant·e·s de Roybon
    le 17 janvier 2021 sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

    https://lavoiedujaguar.net/Prise-de-parole-d-ex-occupant-e-s-de-Roybon-le-17-janvier-2021-sur-l

    17 janvier 2021, ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

    Il était une fois une forêt, ses arbres, ses champignons, ses hôtes, quelque part entre le Vercors et les plaines du Bas-Dauphiné. On la dit forêt des « Chambarans », ce qui pourrait vouloir dire quelque chose comme : les champs bons à rien. Une terre humide, froide, et vallonnée.

    Une forêt comme tant d’autres, dont certains ont voulu pousser l’histoire vers le bling-bling de l’argent qui rentre dans les caisses et du soleil qui tape sur les parois de verre d’une piscine sous serre tropicale. La fameuse bulle tropicale des Center Parcs de Pierre & Vacances.

    Un centre de loisirs parmi tant d’autres. Et pourtant celui-ci ne se fera pas. On a fait voler en éclats cette bulle qui voulait nous en mettre plein la vue. Envolés, les rêves de billets verts, tandis que coule, rattrapé par les marécages dans lequel il s’est embourbé, ce projet verdâtre d’hypocrisie.

    Juillet 2020 : Pierre & Vacances abandonne son projet. La compagnie jette la pierre aux zadistes et aux associations de recours juridiques. Un pavé pour tous ceux qu’on a jetés en pensant à eux !

    On l’a balayée, leur bubulle artificielle, par la force d’un souffle qui a tant gonflé nos poumons qu’il a menacé de les faire éclater, eux aussi. (...)

    #CenterParcs #Roybon #ZAD #Notre-Dame-des-Landes #forêt #résister

  • L’Évasion d’un guérillero
    Écrire la violence

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/L-Evasion-d-un-guerillero-Ecrire-la-violence

    Militant de l’Armée populaire révolutionnaire (EPR), Andrés Tzompaxtle Tecpile, dit Rafael, est enlevé, détenu et torturé par l’armée mexicaine en 1996. Par un récit polyphonique, fruit d’un long travail d’enquête de terrain, le journaliste américain John Gibler dévoile la stratégie contre-insurrectionnelle de l’État mexicain. Il interroge également le processus d’écriture, les rapports de celle-ci avec une supposée objectivité, avec les partis pris, la violence qu’elle impose en voulant témoigner. Adaptant un mot d’ordre zapatiste, il défend la forme d’un écrit qui écoute (escribir escuchando). « Ce livre cherche à utiliser une arme coloniale, l’écriture, pour combattre la violence coloniale. »

    S’appuyant essentiellement sur trente heures d’entretien avec Andrés Tzompaxtle Tecpile, mais aussi sur les témoignages des journalistes qui ont assisté à son enlèvement, d’une travailleuse sociale et d’une avocate, membres d’une association de défense des droits de l’homme, sur les articles de presse parus au sujet de cette affaire, il livre un récit polyphonique, notamment de la détention, des séances de torture infligées pendant quatre mois, et de son incroyable évasion, objet de beaucoup de suspicions. Son enfance dans une communauté indigène nahua de la Sierra de Zongolica (Veracruz) est aussi racontée, imprégnée d’un permanent sentiment d’injustice qui le pousse à rejoindre la guérilla. « La violence à la fois ontologique et corporelle de l’invasion est gravée dans ce que nous appelons aujourd’hui l’État, le droit, l’économie. On perpétue le massacre du massacré en se justifiant par cette chose qu’on appelle le droit. » (...)

    #Mexique #guérilla #John_Gibler #écriture #écoute #violence #torture #guerre_sale #droit #État

  • La Grande Transformation (XIV)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-XIV

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation (fin)

    « Nous ne pouvons réaliser la liberté que nous cherchons à moins de comprendre ce que signifie véritablement la liberté dans une société complexe », écrit Karl Polanyi dans la conclusion de son livre La Grande Transformation. Dans une société complexe marquée par la séparation entre ceux qui se sont approprié la pensée dans sa vocation sociale et la population qui, dépossédée de la pensée de son activité, est contrainte au travail, l’unité nouvelle de la société complexe est apportée par l’aliénation de la pensée. J’ignore si notre époque marque un terme à ce lent procès du travail de l’aliénation de la pensée au sein de la société occidentale, chrétienne et marchande, commencé vers le VIIe siècle avant notre ère, apportant ainsi une unité factice sous la forme d’un simulacre de vie sociale ; ce qui est, nous devons en convenir, le propre de l’aliénation. Que signifie véritablement la liberté dans une société complexe ? Suppose-t-elle la liberté dans l’aliénation et c’est la conclusion à laquelle est arrivé Karl Polanyi, semble-t-il, dans la mesure où la question de l’aliénation paraît lui échapper ? Ou bien marque-t-elle la fin de l’aliénation ?

    Tant que l’on n’appréhende pas l’unité nouvelle d’une société complexe sous l’angle de l’aliénation de la pensée, il n’est pas aisé de dire ce que serait cette liberté souhaitée par l’auteur ou par les partisans d’un nouveau monde. Dans sa conclusion, Karl Polanyi, revient à cette question de liberté pour découvrir, occultée par le marché, la société (...)

    #Karl_Polanyi #aliénation #société #marché #appartenance #Mexique #Indiens #monde_bourgeois

  • Déclaration de la Cinquième Assemblée conjointe
    du Congrès national indigène et du Conseil indigène de gouvernement

    CNI

    https://lavoiedujaguar.net/Declaration-de-la-Cinquieme-Assemblee-conjointe-du-Congres-national-

    Frères et sœurs du monde entier, nous vous saluons, nous qui conformons le Congrès national indigène. Nous sommes des peuples et des communautés qui habitaient déjà nos terres et nos territoires avant l’imposition de ce qu’on appelle l’État mexicain, nous avons non seulement notre propre langue et notre façon de nous habiller, mais aussi une forme de gouvernement, une façon de voir, de comprendre et de vivre le monde différente de celle du monde capitaliste, qui voit tout comme une marchandise. Nous sommes des peuples qui aiment la terre, les montagnes, les eaux, les collines, les oiseaux et tous les êtres vivants qui habitent notre mère la terre. Pour nous la vie est sacrée, nous la vénérons. Au cours des ans, les donneurs d’ordres, ceux qui ont pour but de dominer et d’exploiter, ont voulu en finir avec nous, détruire notre culture et notre territoire. Nous sommes une histoire de dépossession, de résistance et de rébellion, et aujourd’hui, après plus de cinq cents ans de conquête et de guerre, nous sommes en danger d’extinction, avec le monde entier.

    Frères et sœurs zapatistes, frères et sœurs aîné·e·s, comme toujours vos paroles et vos initiatives créent une lumière d’espoir et un chemin pour nos peuples. Les mégaprojets, les sociétés transnationales, le crime organisé en coordination avec le gouvernement nous envahissent toujours plus pour exploiter et détruire notre territoire, pour détruire la vie. Les paroles mensongères de López Obrador et sa soi-disant Quatrième Transformation cherchent à créer un mur qui cache la guerre qui fait rage contre les peuples (...)

    #Mexique #peuples_originaires #résistance #mégaprojets #zapatistes #capitalisme #assemblée #accords

  • Une contestation non violente est-elle suffisante ?

    Günther Anders

    https://lavoiedujaguar.net/Une-contestation-non-violente-est-elle-suffisante

    Le niveau prérévolutionnaire de notre lutte contre les préparatifs de l’anéantissement total, celui qui ne consistait qu’en actes factices, sentimentaux et symboliques, appartient désormais au passé. Aller au-delà de ce niveau de violence — ou plutôt de non-violence — est certes en contradiction avec tous les principes et tabous auxquels nous n’avons cessé ou, du moins, je n’ai cessé pour ma part de me tenir depuis la Première Guerre mondiale et que je considérais même à vrai dire comme inviolables ; cela me met d’ailleurs dans un état que je n’ai aucune envie de décrire.

    Mais lorsqu’un des maîtres du monde croit pouvoir amuser son auditoire, comme c’est arrivé il y a peu, en annonçant avec un grand sourire qu’il va donner l’ordre de bombarder l’URSS, et que son public, en entendant cette sinistre plaisanterie, se prend comme un seul homme d’affection pour lui, il est de notre devoir d’adopter un comportement nouveau et de nous interdire dorénavant toute politesse et toute retenue : car il n’y a pas de danger plus sérieux que l’absence de sérieux chez les tout-puissants.

    Rester aujourd’hui mesuré et civilisé serait non seulement faire preuve de nonchalance mais ce serait aussi une marque de lâcheté, cela reviendrait à trahir les générations futures. Contre les monstres menaçants qui, tandis que les forêts disparaissent, s’élèvent dans le ciel pour, demain, faire de la terre un enfer, une « résistance non violente » n’a aucun effet ; ce n’est ni par des discours ou des prières, ni par des grèves de la faim et moins encore par des flatteries que nous les chasserons. (...)

    #Günther_Anders #non-violence #anéantissement #maîtres_du_monde #lâcheté #monstres #morale #armes #tuer #tabou #effroi #douleur #détermination

  • Contrôle et surveillance en temps de pandémie

    https://lavoiedujaguar.net/Controle-et-surveillance-en-temps-de-pandemie

    https://contrepoints.media/fr/posts/controle-et-surveillance-en-temps-de-pandemie

    La pandémie a révélé les conséquences d’années de coupes budgétaires des gouvernements et de politiques favorisant la privatisation graduelle de nos systèmes publics de santé, au profit d’une vision mettant de l’avant la rentabilité économique de la santé.

    Pour faire face à la pandémie de la Covid-19, au lieu de proposer des investissements dans nos services publics, de nombreux États ont opté massivement pour l’implantation de mesures répressives, telles que le confinement strict et le couvre-feu, et d’une panoplie de mesures de contrôle et de surveillance.

    L’urgence et le climat de peur servent à forcer le consensus et à fabriquer le consentement de la population aux diverses mesures mises de l’avant pour nous sortir de la crise sanitaire. Nous acceptons jour après jour la mise en place de mesures de contrôle social qui, il y a à peine quelques mois, auraient été impensables. Le traitement médiatique de la pandémie n’est pas étranger à l’acceptation sociale des changements drastiques qui nous sont imposés.

    Ainsi, la majorité des États se tournent vers le privé pour nous offrir des solutions technologiques. (...)

    #pandémie #contrôle #surveillance #intelligence_artificielle #Montréal #Davos

  • Contre le virus capitaliste et sa société désolante

    Nedjib Sidi Moussa

    https://lavoiedujaguar.net/Contre-le-virus-capitaliste-et-sa-societe-desolante

    Les gardiens de l’ordre capitaliste martèlent à l’unisson qu’« il y aura un avant et un après cette épidémie ». Or, rien ne garantit un futur préférable à la situation qui prévalait pour la majorité de la population laborieuse avant l’apparition du Covid-19.

    La crise multidimensionnelle dans laquelle nous ont plongés les irresponsables gouvernementaux rappelle, s’il en était encore besoin, que la bourgeoisie et son État ne se contentent pas de reprendre d’une main ce qu’ils prétendent donner de l’autre.

    « Quoi qu’il en coûte », le pouvoir cherche en effet à protéger les intérêts des patrons au détriment de la santé des exploités. « Nous sommes en guerre », certes. Sauf que le conflit ne se cantonne pas au domaine sanitaire : il est éminemment politique et social.

    Quand, avec un cynisme certain, une porte-parole salue les salariés qui vont travailler « la boule au ventre », il s’agit surtout de refuser l’exercice du droit de retrait pour ceux dont les employeurs feraient respecter les fumeuses « mesures barrières ». (...)

    #capitalisme #virus #exploitation #bourgeoisie #État #Thanatos

  • Lettre à Piero… d’ici et d’ailleurs

    Jacques Philipponneau

    https://lavoiedujaguar.net/Lettre-a-Piero-d-ici-et-d-ailleurs

    Mon cher Piero, je reprends cette lettre abandonnée depuis plus de deux mois car le naufrage a pris une tournure grandiose après ce torpillage viral inattendu, loin de la légèreté de mes derniers propos. On s’abstiendra du « je vous l’avais bien dit » si courant, puisque tant de voix l’avaient clamé de diverses manières et depuis si longtemps. Et l’on s’évitera ainsi l’odieux de la vanité prémonitoire devant les immenses souffrances qui ne font que commencer.

    Laissons aussi de côté ce que tout le monde croit savoir maintenant sur la responsabilité systémique d’un mode de production invasif dans l’origine et la diffusion fulgurante de ce virus ou sur l’incapacité générale des États à faire face à leurs Frankenstein, échappés d’une forêt ou d’un laboratoire : si vous avez aimé les virus tropicaux, vous adorerez ceux de la fonte du permafrost.

    Et c’est désormais tout un chacun sur cette planète qui vit ou meurt au croisement d’insondables mystères. Les insinuations simultanées des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France au début avril sur la dissimulation chinoise quant à l’origine du virus peuvent très bien être un leurre servant à les dédouaner de leur propre gestion catastrophique de l’épidémie. (...)

    #Syrie #Rojava #PKK #Öcalan #Bachar_el-Assad #Italie #terrorisme #Gilets_jaunes #Macron #Warren_Buffet #aliénation #Australie #effondrement #Alexandre_Grothendieck #collapsologie #État #catastrophe #pandémie #capitalisme #bureaucratie #surveillance_numérique #police #Agamben #économie #Byung-Chul_Han

  • L’Œil de l’État
    Moderniser, uniformiser, détruire

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/L-OEil-de-l-Etat-Moderniser-uniformiser-detruire

    Dans son soucis d’accroître la lisibilité et la simplification de manière à faciliter la levée de l’impôt, la conscription et la prévention des révoltes, l’État, dans l’Europe du début de l’ère moderne, s’est appliqué « à rationaliser et standardiser ce qui n’était auparavant qu’une sorte de hiéroglyphe social » (la langue, les noms de famille, les unités de mesure, les villes et les transports, les propriétés, les registres de population et les cadastres, etc.). James C. Scott étudie les logiques bureaucratiques et scientifiques de projets « haut-modernistes » choisis parmi un vaste champ d’exemple de cette « ingénierie sociale », de la foresterie scientifique à l’urbanisme planifié de Le Corbusier, en passant par la planification autoritaire en Tanzanie et la collectivisation de l’agriculture soviétique. Tous ont échoué. À l’encontre de ces « approches autoritaires centralisées et surplombantes », il défend le rôle de formes de savoirs pratiques qu’il nomme « mētis ».

    Il présente l’invention de la sylviculture en Prusse et Saxe à la fin du XVIIIe siècle, « comme métaphore de formes de savoir et de manipulation caractéristiques d’institutions puissantes et aux intérêts bien définis, parmi lesquelles les bureaucraties d’État et les grandes entreprises commerciales sont peut-être les exemples les plus significatifs ». En réduisant la forêt à son rendement des recettes de bois pouvant être extraites chaque année, était occulté tout ce qui ne rapportait pas un revenu : le feuillage employé comme fourrage, les fruits, les branches utilisées pour fabriquer des pieux, par exemple, ou les brindilles pour allumer le feu, l’écorce ou les racines utilisées pour préparer des médicaments, la sève qui servait à fabriquer de la résine, etc., mais aussi la flore et la faune, et toutes les interactions humaines avec la forêt (chasse, cueillette, fabrication du charbon de bois, rituel magique, refuge…). (...)

    #James_Scott #État #haut-modernisme #forêt #cadastre #Le_Corbusier #ville #urbanisme #Lewis_Mumford #Taylor #rationalisation #Brasilia #Chandigarh #Jane_Jacobs #Lénine #avant-garde #planification #Rosa_Luxemburg #Staline #agriculture #mètis

  • La Grande Transformation (XIII)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/La-Grande-Transformation-XIII

    Aperçus critiques sur le livre de Karl Polanyi
    La Grande Transformation
    (à suivre)

    La question sociale que traite Karl Polanyi se trouve dans l’effectivité d’une pensée (appelons-la la pensée de l’État) qui, sous la forme objective qu’elle a prise (c’est l’argent), met l’humain (la subjectivité ou la vie sociale) à son service. Notre pensée de l’échange s’est à ce point libérée de notre subjectivité sur laquelle reposait jusqu’à présent notre vie sociale qu’elle nous domine entièrement. Elle nous a réduits à n’être plus qu’une pure apparence de l’humain. C’est de la science-fiction : l’homme entièrement au service de sa propre pensée, pensée qui lui a échappé et qui le domine. Notre réalité n’est plus qu’une apparence de l’être ; et cette pensée de l’échange portée par l’argent, dans sa machinerie qui nous échappe totalement, s’acharne à détruire notre apparence de réalité. Nous disons qu’elle détruit la nature alors que c’est bien nous comme pure apparence de l’humain qu’elle réduit et détruit sans relâche. Nous connaissons dans notre chair et dans nos os, dans les profondeurs les plus intimes de notre être le paradoxe que représente la pensée comme aliénation de la pensée.

    Les gouvernements cherchent à résoudre ce paradoxe qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer en maintenant la société, qui repose sur le don, dans la totale dépendance de ce qui lui est contraire, l’activité marchande. J’écrivais que l’emploi de la monnaie efface l’aspect social de l’échange ainsi que l’engagement de chacun des partenaires dans cet échange. La monnaie dédouane l’échange, elle le désamorce de sa charge subjective liée à la recherche d’une reconnaissance sociale. La monnaie et son emploi sont à mettre en relation avec une tournure d’esprit particulière chez les deux protagonistes de la transaction : ne pas donner à la transaction un caractère social, ne pas chercher à lui donner une impossible publicité. (...)

    #échange #argent #aliénation #économie #État #Karl_Polanyi #Louise_Michel #Madeleine_Biardeau #hindouisme #résistance_indienne #insurrection_zapatiste #Notre-Dame-des-Landes

  • Production

    Jean Robert

    https://lavoiedujaguar.net/Production

    Don Bartolo habite une masure derrière ma maison. Comme beaucoup d’autres personnes déplacées, c’est un intrus, un « envahisseur » ou un « parachutiste », comme on dit au Mexique. Avec du carton, des bouts de plastique et de la tôle ondulée, il a édifié une cabane dans un terrain au propriétaire absent. S’il a de la chance, un jour il construira en dur et couronnera les murs d’un toit d’amiante-ciment ou de tôle. Derrière sa demeure, il y a un terrain vague que son propriétaire lui permet de cultiver. Don Bartolo y a établi une milpa : un champ de maïs ensemencé juste au début de la saison des pluies afin qu’il puisse donner une récolte sans irrigation. Dans la perspective de l’homme moderne, l’action de Bartolo peut paraître profondément anachronique.

    Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Mexique, comme le reste du « Tiers-Monde », fut envahi par l’idée du développement. La popularité de ce concept doit beaucoup au président Harry Truman, qui en fit l’axe politique de son discours de prise de pouvoir en 1949. Selon Truman, la politique du développement consiste à « appuyer tous les peuples libres dans leurs efforts pour augmenter la production d’aliments, de textiles pour l’habillement et de matériaux de construction de maisons, ainsi que celle de nouvelles forces motrices pour alléger leur effort physique ». Il ajoutait que « la clé du développement est la croissance de la production et la clé de celle-ci, l’application ample et vigoureuse des connaissances scientifiques et techniques ».

    #Jean_Robert #Mexique #milpa #développement #production #Kant #Goethe #Defoe #Adam_Smith #valeur #Ricardo #rareté #Marx #économie #progrès #destructivité #croissance #Keynes #maïs

  • La Première Internationale
    Entretien avec Mathieu Léonard

    https://lavoiedujaguar.net/La-Premiere-Internationale-Entretien-avec-Mathieu-Leonard

    L’Émancipation des travailleurs. Une histoire de la Première Internationale
    Mathieu Léonard (éditions La Fabrique, 2011)

    (...) Seize ans avant la création de l’Internationale, il y a l’échec de 1848. Répression de masse, exil… Il y a dans l’air l’idée d’un crépuscule des révolutions au XIXe siècle, même si la Commune semblera contredire cette impression. Nombreux sont ceux qui en viennent à penser qu’il faut passer par d’autres formes d’actions et d’organisations politiques, d’autant que quelques États européens s’ouvrent peu à peu à un certain pluralisme, qui permet la constitution de partis ou de syndicats. La construction de l’AIT ne se fait pas sur le projet d’une insurrection armée, même si des internationalistes, comme les blanquistes (surtout à partir de la Commune), y sont favorables. Son but est d’y aller piano. C’est le jeu de l’histoire et la lutte des classes qui conduit l’Internationale à la révolution, ce n’est pas une aspiration de sédition qu’elle porte en elle-même. Les patrons et les grandes puissances vont peu à peu la désigner comme une force subversive et la diaboliser. Pourtant, il faut relire la définition de la révolution dans La Révolution politique et sociale, un journal de l’AIT sous la Commune, pour mesurer la prudence des internationaux pris dans le feu de l’histoire : « Nous sommes pour la révolution, c’est-à-dire un état de choses tel que, sans secousse, sans désordre, sans coup d’État, sans émeutes, sans léser aucun intérêt légitime, les réformes politiques et sociales, cessant par la liberté complète de pensée d’être un épouvantail pour les niais et les ignorants, puissent passer aisément du domaine de la théorie sur le terrain de la pratique… » (...)

    #Première_Internationale #essai #histoire #prolétariat #révolutions #Commune #Marx #Bakounine

  • Les origines répressives du capitalisme

    François Jarrige

    https://lavoiedujaguar.net/Les-origines-repressives-du-capitalisme

    Peter Linebaugh
    Les Pendus de Londres

    L’ouvrage classique de Peter Linebaugh sur les pendus de Londres est enfin traduit en français. Il montre comment au XVIIIe siècle le capitalisme industriel s’est adossé à la justice répressive pour criminaliser un prolétariat attaché à des coutumes jugées dangereuses pour le nouvel ordre social.

    Historien états-unien et marxiste engagé, Peter Linebaugh n’a cessé de militer contre la peine de mort et les ravages du capitalisme, tout en défendant les biens communs comme alternatives au néolibéralisme. Sa trajectoire et son œuvre restent pourtant assez mal connues en France. Traduit une première fois via son travail avec Marcus Rediker sur l’histoire de l’Atlantique révolutionnaire, la publication en français de son premier livre constitue un événement éditorial.

    Fruit d’une collaboration entre deux éditeurs indépendants, Lux, éditeur basé au Canada, et le CMDE (Collectif des métiers de l’édition) à Toulouse, l’ouvrage éclaire trois questions majeures de l’historiographie du XVIIIe siècle : l’histoire sociale et populaire de Londres, devenue une grande métropole commerciale qui atteint le million d’habitants à la fin du XVIIIe siècle ; l’histoire du crime et de la justice et de ses reconfigurations à l’heure de la répression des communs ; mais aussi celle de l’avènement du capitalisme industriel au moyen d’un arsenal normatif qui remodèle en profondeur les rapports sociaux au travail. (...)

    #Peter_Linebaugh #Philippe_Minard #E.P._Thompson #capitalisme #origines #Grande-Bretagne #Londres #prolétariat #rébellions #Mandrin #normalisation #libéralisme_autoritaire