• Le crépuscule d’une époque, par Frédéric Lordon - Les blogs du Diplo
    http://blog.mondediplo.net/2015-07-07-Le-crepuscule-d-une-epoque

    Comme un symptôme du degré ultime de soumission à l’ordre des choses qu’aura incarné la « social-démocratie », c’est en effet au Parti socialiste qu’on trouve les plus beaux spécimens de la catastrophe : Sapin donc, mais aussi Macron, Valls, Moscovici, et bien sûr, primus inter pares, Hollande. Les figures ahuries du gouvernement des ratios et, en temps de grande crise, les poules dans une forêt de démonte-pneu. Un cauchemar de poules. Il faut les regarder tourner ces pauvres bêtes, désorientées, hagardes et incomprenantes, au sens étymologique du terme stupides. Tout leur échappe. D’abord il y a belle lurette que les ratios ont explosé à dache, mais la vague angoisse qui les gagne leur fait bien sentir que c’est plus grave que ça : ça pourrait ne plus être une affaire de ratios… La pensée par ratios risque de ne plus suffire. Il faudrait refaire « cette chose… » : de la politique. « Mais comment faire ? Nous ne savons pas ».

    On le sait qu’ils ne savent pas. Le pire, d’ailleurs, c’est quand ils font comme s’ils savaient. Qu’ils s’essayent à la « vision ». « Il faut que les jeunes Français aient envie de devenir milliardaires », voilà la pensée des ratios dans son effort de « prendre de la hauteur ». Les ratios en hauteur, ça donne ça : la vision civilisationnelle d’Emmanuel Macron. Voici les gens que nous mandatons pour nous conduire. Mais où peuvent-ils nous emmener si ce n’est au désastre — civilisationnel, précisément ? Comment imaginer que l’Europe à tête de bulot ait pu aller ailleurs qu’au naufrage ? Quelqu’un depuis vingt ans a-t-il éprouvé le moindre tremblement à un discours européiste ? Senti le moindre souffle ? Peut-on composer une épopée autre que grotesque lorsqu’on met bout à bout les odes à l’Europe sociale d’Elisabeth Guigou et de Martine Aubry, les bafouillements de Jacques Delors, les chuintements de Jean-Claude Juncker, les hystéries de Cohn-Bendit, les commercialismes de Lamy, les fulgurances charismatiques de Moscovici, et tant d’autres remarquables contributions à la chronique d’un désastre annoncé ? La vérité est qu’il suffisait de les écouter, ou plutôt de tendre l’oreille, en fait de percevoir l’absence de toute vibration, pour se pénétrer de la certitude de l’échec : une entreprise historique conduite par des gens de cette étoffe ne pouvait qu’échouer. [#st]

    http://zinc.mondediplo.net/messages/4160 via Le Monde diplomatique

  • Les Indigènes du Royaume : « Le harem de la taille 36 »
    http://bougnoulosophe.blogspot.fr/2015/06/le-harem-de-la-taille-36.html

    Naomi Wolf et Pierre Bourdieu en arrivent tous deux à la conclusion que ces « codes corporels » paralysent insidieusement l’aptitude des #femmes à entrer dans la course au pouvoir. même si le monde professionnel leur semble largement ouvert. Les règles du jeu sont différentes selon les sexes. Les ressources des femmes qui entrent dans la compétition sont à ce point dépendantes de leur aspect physique qu’on ne peut pas parler d’une #égalité des chances.

    « Une fixation culturelle sur la #minceur féminine n’est pas l’expression d’une obsession de la #beauté féminine. explique Wolf, mais d’une obsession de l’obéissance féminine. Le #régime est le plus puissant des sédatifs politiques qui ait jamais existé dans l’histoire de la femme ; une population qui reste calme dans sa folie est forcément docile. »

    La recherche, renchérit-elle, « confirme que la plupart des femmes savent trop bien qu’une surestimation de la minceur conduit à "la perte effective de toute estime personnelle et du sens de l’efficacité", et ( ...) qu’"une restriction calorique périodique ou prolongée" modèle une personnalité caractéristique dont les traits dominants sont la passivité, l’anxiété, et l’émotivité ».

  • Comment voyagent les biens culturels

    "Lucien Febvre s’est amusé à imaginer les étonnements d’Hérodote refaisant son périple, devant la flore qui nous semble caractéristique des pays de la Méditerranée : orangers, citronniers, mandariniers importés d’Extrême-Orient par les Arabes ; cactus d’Amérique ; eucalyptus originaires d’Australie (ils ont conquis tout l’espace entre le Portugal et la Syrie, les aviateurs disent, aujourd’hui, reconnaître la Crète à ses bois d’eucalyptus) ; le cyprès, ce persan ; la tomate, peut-être une péruvienne ; le piment, ce guayannais ; le maïs, ce mexicain ; le riz, « ce bienfait des Arabes » ; le pêcher, « ce montagnard chinois devenu iranien » ou le haricot, ou la pomme de terre, ou le figuier de Barbarie, ou le tabac ... La liste n’est ni complète, ni close. Tout un chapitre serait à ouvrir sur les migrations du cotonnier, autochtone en Égypte et qui finit par en sortir pour voyager sur les mers. Une étude serait la bienvenue aussi, qui montrerait, au XVIe siècle, l’arrivée du maïs, cet américain, dans lequel Ignacio de Asso, au XVIIIe siècle, voulait voir à tort une plante à double origine, venue sans doute du Nouveau Monde, mais dès le XIIe siècle aussi des Indes Orientales, et grâce aux Arabes. Le caféier est en Égypte dès 1550 ; le café, quant à lui, est arrivé en Orient vers le milieu du XVe siècle : certaines tribus africaines en mangeaient les grains grillés. Comme boisson, il est connu en Égypte et en Syrie dès cette époque. En Arabie, en 1556, on en interdit l’usage à la Mecque : boisson de derviches. Vers 1550, il atteint Constantinople. Les Vénitiens l’importeront en Italie en 1580 ; il sera en Angleterre entre 1640 et 1660 ; en France, il apparaît d’abord à Marseille en 1646, puis à la Cour vers 1670. Quant au tabac, il arriva de Saint-Domingue en Espagne et par le Portugal « l’exquise herbe nicotiane » gagna la France en 1559, peut-être même en 1556, avec Thevet. En 1561, Nicot envoyait de Lisbonne à Catherine de Médicis de la poudre de tabac pour combattre la migraine. La précieuse plante ne tarda pas à traverser l’espace méditerranéen ; vers 1605, elle atteignait l’Inde, elle fut assez souvent interdite dans les pays musulmans, mais en 1664, Tavernier vit le Sophi lui-même fumant la pipe...

    La liste de ces amusants petits faits peut s’allonger : le platane d’Asie Mineure fit son apparition en Italie au XVIe siècle ; la culture du riz s’implanta au XVIe siècle également dans la région de Nice et le long des marines provençales, la laitue dite chez nous « romaine » fut rapportée en France par un voyageur qui s’appelait Rabelais ; et c’est Busbec, dont nous avons si souvent cité les lettres, qui ramena d’ Andrinople les premiers lilas qui, à Vienne, avec la complicité du vent, peuplèrent toute la campagne. Mais qu’ajouterait cette nomenclature à ce qui, seul, importe ? Et ce qui importe, c’est l’ampleur, l’énormité du brassage méditerranéen. D’autant plus riche de conséquences que, dans cette zone de mélanges, sont plus nombreux dès le principe les groupe de civilisations. Ici, ils demeurent volontiers distincts, avec des échanges et des emprunts à des intervalles plus ou moins fréquents. Là, ils se mêlent dans extraordinaires cohues qui évoquent les ports de l’Orient, tels que nous les décrivent nos romantiques : rendez-vous de toutes les races, de toutes les religions, de tous les types d’hommes, de tout ce que peut contenir de coiffures, de modes, de cuisines et le mœurs le monde méditerranéen."

    [Fernand #Braudel, "La Méditerranée...]

  • « La République est un consensus mou »

    "Permettez-moi un petit détour personnel : issu d’un milieu populaire du nord minier de la France, non loin d’Hénin-Beaumont, je suis un pur produit de l’école laïque. Dans les années 1970, j’étais en classe avec une majorité d’enfants de l’immigration italienne et polonaise. La plupart d’entre eux étaient catholiques. Nous étions tous blancs et européens. Certains portaient des crucifix en pendentif ; des signes discrets mais visibles, et cela ne posait aucun problème à qui que ce soit. Surtout, on ne parlait alors jamais de laïcité à l’école. On ne débattait pas de la laïcité ad nauseam comme c’est devenu le cas aujourd’hui ; on la vivait tout simplement, de manière concrète, dans le respect des croyances de chacun. Quand j’ai commencé à m’intéresser à la politique quelques années plus tard, on se référait à la droite et à la gauche, car les partis dans ces deux camps portaient des programmes bien différenciés ; on opposait le socialisme au capitalisme ; les élections étaient âprement disputées car les projets politiques de chaque camp étaient différents. Davantage, la gauche, communiste et socialiste, représentait la classe ouvrière et les classes moyennes salariées. Les choses ont commencé à changer à partir des années 1980. La gauche accède au pouvoir et, en 1983, se déroule la Marche pour l’égalité : des jeunes, qu’on qualifiait alors de « Maghrébins » (un terme que l’on n’utilise presque plus dorénavant, qui a été remplacé – ce n’est pas un hasard – par celui de « musulmans »), font irruption dans le débat.

    La gauche au pouvoir, entre 1981 et 1983, met en œuvre des mesures de redistribution assez radicales. Le pouvoir mitterrandien s’intéresse aux revendications de ces jeunes et l’Élysée pilote la création de SOS Racisme. Mais la gauche a vite renoncé sur le plan économique et a tourné le dos à ses engagements égalitaires. Elle a donc échoué sur ce plan, puis a perdu progressivement son électorat populaire. Mitterrand tourne le dos au socialisme et fait le choix de la poursuite de l’intégration européenne dans un cadre néolibéral (Acte unique européen, puis traité de Maastricht). C’est une rupture fondamentale. Jean-Pierre Chevènement, alors dans l’aile gauche du Parti socialiste, opère un changement de cap qui sera lourd de conséquences pour la gauche : le CERES Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste, d’inspiration marxiste) devient Socialisme et République en 1986, puis le Mouvement des citoyens en 1991, quand Chevènement quitte le PS. La problématique marxienne, de la lutte des classes et de combat pour l’égalité sociale, passe au second plan au profit d’un discours républicain de plus en plus identitaire : être républicain devient synonyme de « Français », et renvoie donc à l’appartenance à une communauté nationale. À partir du début des années 2000, cela débouche sur l’alliance républicaine « des deux rives » et l’adieu à la gauche de #Chevènement lors de la campagne présidentielle de 2002. À l’occasion des célébrations du bicentenaire de la Révolution en 1989, le républicanisme communautarien triomphe. Mitterrand, réélu en 1988, pratique « l’ouverture » : des personnalités de droite rejoignent le gouvernement Rocard. Les commémorations escamotent les événements ou actes réellement révolutionnaires – je pense ici à la Constitution de l’An II, qui est la seule constitution républicaine, au sens propre du terme, qui ait jamais existé. Le PS commence à revendiquer timidement son tournant néolibéral, qu’il ne corrigera jamais malgré quelques réformes sociales-démocrates sous le quinquennat de Lionel Jospin. C’est à cette époque que des figures centrales de la gauche intellectuelle et politique abandonnent leurs fondamentaux de gauche pour se tourner vers la célébration d’une République théorique et identitaire (je pense ici à Régis Debray, à Max Gallo ou à Alain Finkielkraut – ce dernier étant encore considéré de gauche à l’époque). Une droite revancharde revient au pouvoir une première fois en 1986, puis en 1993. La presse de gauche, tel Libération, se désintéresse de la question sociale et fait l’éloge de l’économie de marché. Ces nouvelles politiques « de gauche » désespèrent le peuple, qui commence à se tourner vers le FN.

    En 1989, à Creil, éclate ce que l’on a appelé l’« affaire du foulard », au moment même où tombe le Mur de Berlin. Lionel Jospin perçoit judicieusement que cette affaire est une diversion aussi inutile que dangereuse pour la gauche. Il saisit le Conseil d’État, qui estime en substance que tant qu’il n’y a pas d’actes prosélytes le port du voile ne peut être prohibé, car rien dans la loi 1905 ne prescrit une telle restriction aux libertés individuelles. La plus haute juridiction administrative fait une interprétation pluraliste de la loi de 1905. Des intellectuels néo-républicains (Debray, Élisabeth Badinter, Finkielkraut) parlent à cette occasion d’un « Munich de la République ! ». En 2004, le camp communautarien parvient à faire adopter une loi qui prohibe les « signes religieux ostentatoires ». Loin de calmer les esprits, la « loi foulardière », selon l’expression d’Alain Badiou, va davantage radicaliser les laïcs communautariens qui vont exiger d’autres d’interdictions (la loi de 2010 interdit le port de la burqa dans l’espace public). La surenchère et l’outrance verbale contre « l’islamisme » ou « l’islamofascisme » (Manuel Valls), ou tout simplement « l’islam » et « les musulmans », ne choquent plus grand monde de nos jours. On ne compte plus les unes de magazines qui désignent l’islam comme un danger national (Marianne et Le Point sont spécialistes de ces couvertures racoleuses, mais ils ne sont pas les seuls). Le roman Soumission de Michel Houellebecq et L e Suicide français d’Éric Zemmour ont établi des records de vente. Ce sont deux ouvrages qui professent une islamophobie sans fard. Ces discours de haine et d’exclusion sont même devenus une doxa ; un ensemble de croyances et de pensées qui vont de soi, alors qu’il ne s’agit que d’un assemblage d’amalgames, d’affirmations sans fondement, voire de déclarations mal intentionnées qui ont pour objectif de construire un « problème musulman » en France. Les présupposés antireligieux de certains laïcs apparaissent en surface : l’ennemi n’est plus le catholique, mais le musulman. La férocité de la charge est d’autant plus féroce que l’islam renvoie à l’extranéité, à ce qui est étranger à la « tradition française ».

    À cela vient se greffer l’impensé post-colonial de la France, notamment les crimes de l’armée française et d’une partie de la population pied-noir en Algérie. Voilà où nous en sommes. Disons-le clairement : interdire le foulard est contraire à la loi de 1905, c’est donc un acte anti-laïc. La loi anti-hijab a été une diversion, un tour de passe-passe politicien qui s’avère tragique pour la gauche : au lieu de combattre l’exploitation capitaliste et les dominations liées aux rapports de classe – dominations qui se doublent, ne l’oublions jamais, de dominations liées à l’ethnie et au genre –, une partie de la gauche a cédé à une psychose anti-islam régressive. Le discours incantatoire et abstrait sur la République et la laïcité n’est pas le signe d’un renouveau de la gauche et de ses valeurs. Contrairement à la doxa en la matière, le combat contre les dominations liées à l’ethnie ou au genre ne constitue pas une « dérive communautaire », mais un retour vers la lutte des classes abandonnée par la gauche. Ce sont les adeptes d’une laïcité abstraite qui font le jeu des conservatismes de tout poil. Cette interprétation magique de la laïcité consacre une dérive morbide vers un consensus nationaliste inquiétant. Aujourd’hui, si tout le monde déclame son amour pour la République et la laïcité (Mélenchon, Valls, Sarkozy, Le Pen), quel politicien de premier plan – y compris à gauche – combat avec la même fougue le racisme antimusulman qui est devenu un problème majeur en France ?"

    Philippe Marlière

    http://www.revue-ballast.fr/philippe-marliere-la-republique

  • La Palestine comme métaphore

    « J’ai trouvé que la terre était fragile, et la mer, légère ; j’ai appris que la langue et la métaphore ne suffisent point pour fournir un lieu au lieu. (…) N’ayant pu trouver ma place sur la terre, j’ai tenté de la trouver dans l’Histoire. Et l’Histoire ne peut se réduire à une compensation de la géographie perdue. C’est également un point d’observation des ombres, de soi et de l’Autre, saisis dans un cheminement humain plus complexe. (…) Est-ce là simple ruse artistique, simple emprunt ? Est-ce, au contraire, le désespoir qui prend corps ? La réponse n’a aucune importance. L’essentiel est que j’ai trouvé ainsi une plus grande capacité lyrique, et un passage du relatif vers l’absolu. Une ouverture, pour que j’inscrive le national dans l’universel, pour que la Palestine ne se limite pas à la Palestine, mais qu’elle fonde sa légitimité esthétique dans un espace humain plus vaste. »

    Mahmoud #Darwich

  • Ernest Renan : un antisémitisme savant

    Parler d’Ernest Renan c’est évoquer l’une des figures du panthéon intellectuel français, un de ces personnages dont on donne le nom à des établissements scolaires ou à des rues. C’est dire qu’il n’est pas facile de parler de Renan, surtout pour présenter certains des aspects les plus contestables de ses idées. À Renan, dont la production intellectuelle a été très abondante, on doit certains grands textes, comme la célèbre conférence « Qu’est-ce qu’une Nation ? » prononcée à la Sorbonne, le 11 mars 1882, et que l’on cite encore aujourd’hui, entre autres à cause de la célèbre formule qui définit la nation comme« le désir de vivre ensemble ». Malheureusement, on lui doit aussi les textes dont je parlerai ici et qui, anachronisme mis à part, tomberaient sans doute sous le coup des lois réprimant le délit de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale »...

    1. L’antisémitisme de Renan a un fondement complexe

    Son fondement n’est pas simplement « épidermique » comme l’est celui du racisme vulgaire. Il est bien plus sophistiqué. Ce racisme est, si l’on peut risquer l’expression, un « racisme ethno-linguistique » : c’est l’appartenance à une famille linguistique donnée qui constitue la vraie signature de l’appartenance
    raciale...

    2. L’antisémitisme de Renan est « hiérarchique ».

    Renan n’oppose pas en bloc une « race supérieure », la race aryenne à l’ensemble des autres races humaines globalement considérées comme « inférieures ». Ce racisme, donc, ne se contente pas d’établir entre les peuples une partition disjonctive. La division qu’il postule est hiérarchique, en sorte que l’on peut connaître entre deux races distinctes des proximités, voire des affinités qui les séparent des autres races...

    3. L’antisémitisme de Renan est « systématique »

    Le premier chapitre de Histoire générale des langues sémitiques est intitulé « caractère général des peuples et des langues sémitiques ». Dans ce chapitre, Renan s’efforce de mettre en évidence des traits qui, selon lui, sont partagés par tous les peuples « sémitiques » (à travers le temps et l’espace), donc des traits « inhérents » à ces peuples. Mais, et c’est là que réside l’aspect « scientifique » de l’entreprise, il va s’efforcer de relier tous ces traits les uns avec autres ET avec les propriétés des langues sémitiques. Il s’agit de montrer que tout cela « fait système ». Dans la foulée, et bien que le titre de l’ouvrage ne l’annonçât pas, il va faire de même pour les peuples et les langues indo-européennes (et parfois pour d’autres langues, notamment le chinois). Ce qui rend concevable cette entreprise remarquable c’est la thèse, centrale dans la pensée de Renan, selon laquelle la langue, la psychologie, le système cognitif, les conceptions artistiques, politiques et religieuses, tout cela est en étroite interdépendance...

    4. L’antisémitisme de Renan permet des prédictions.

    L’image extrêmement « typée » et systématique que Renan se fait de ce que sont les Sémites et leurs cultures lui permet de formuler diverses prédictions sur ce que l’on peut identifier, a priori, comme étant un quelconque de leurs avatars.

    5. L’antisémitisme de Renan est « fixiste », c’est-à-dire a-historique

    Le système de Renan repose crucialement sur le fait que les caractéristiques d’une « race » (langues, culture, organisation sociale) sont données une fois pour toutes. Il n’y a pas de processus de constitution progressive des langues, processus qui permettrait de supposer une évolution des idiomes avec le temps pouvant conduire à un changement profond de leur « nature »...

    Djamel Kouloughli

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00295114/document

    #renan
    #antisémitisme
    #islamophobie

    • sans lien direct avec le sujet mais à propos de Renan et du concept de nation :
      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf

      Il n’y aura pas de mouvement ouvrier sain s’il ne trouve à sa disposition une doctrine assignant une place à la notion de #patrie, et une place déterminée, c’est-à-dire limitée. D’ailleurs, ce besoin n’est davantage évident pour les milieux ouvriers que parce que le problème de la patrie y a été beaucoup discuté depuis longtemps. Mais c’est un besoin commun à tout le pays. Il est inadmissible que le mot qui aujourd’hui revient presque continuellement accouplé à celui de devoir, n’ait presque jamais fait l’objet d’aucune étude. En général, on ne trouve à citer à son sujet qu’une page médiocre de Renan.
      La #nation est un fait récent. Au Moyen Âge la fidélité allait au seigneur, ou à la cité, ou aux deux, et par delà à des milieux territoriaux qui n’étaient pas très distincts.
      Le sentiment que nous nommons #patriotisme existait bien, à un degré parfois très intense ; c’est l’objet qui n’en était pas territorialement défini. Le sentiment couvrait selon les circonstances des surfaces de terre variables.
      [...]
      L’#État est une chose froide qui ne peut pas être aimée mais il tue et abolit tout ce qui pourrait l’être ; ainsi on est forcé de l’aimer, parce qu’il n’y a que lui. Tel est le supplice moral de nos contemporains.
      C’est peut-être la vraie cause de ce phénomène du chef qui a surgi partout et surprend tant de gens. Actuellement, dans tous les pays, dans toutes les causes, il y a un homme vers qui vont les fidélités à titre personnel. La nécessité d’embrasser le froid métallique de l’État a rendu les gens, par contraste, affamés d’aimer quelque chose qui soit fait de chair et de sang. Ce phénomène n’est pas près de prendre fin, et, si désastreuses qu’en aient été jusqu’ici les conséquences, il peut nous réserver encore des surprises très pénibles ; car l’art, bien connu à Hollywood, de fabriquer des vedettes avec n’importe quel matériel humain permet à n’importe qui de s’offrir à l’adoration des masses.
      Sauf erreur, la notion d’État comme objet de fidélité est apparue, pour la première fois en France et en Europe, avec Richelieu. Avant lui on pouvait parler, sur un ton d’attachement religieux, du bien public, du pays, du roi, du seigneur. Lui, le premier, adopta le principe que quiconque exerce une fonction publique doit sa fidélité tout entière, dans l’exercice de cette fonction, non pas au public, non pas au roi, mais à l’État et à rien d’autre. Il serait difficile de définir l’État d’une manière rigoureuse. Mais il n’est malheureusement pas possible de douter que ce mot ne désigne une réalité.
      [...]
      Si l’État a tué moralement tout ce qui était, territorialement parlant, plus petit que lui, il a aussi transformé les #frontières territoriales en murs de prison pour enfermer les pensées. Dès qu’on regarde l’histoire d’un peu près, et hors des manuels, on est stupéfait de voir combien certaines époques presque dépourvues de moyens matériels de communication dépassaient la nôtre pour la richesse, la variété, la fécondité,
      l’intensité de vie dans les échanges de pensées à travers les plus vastes territoires.
      C’est le cas du Moyen Âge, de l’Antiquité pré-romaine, de la période immédiatement antérieure aux temps historiques. De nos jours, avec la T. S. F., l’aviation, le développement des transports de toute espèce, l’imprimerie, la presse, le phénomène moderne de la nation enferme en petits compartiments séparés même une chose aussi naturellement universelle que la science. Les frontières, bien entendu, ne sont pas infranchissables ; mais de même que pour voyager il faut en passer par une infinité de formalités ennuyeuses et pénibles, de même tout contact avec une pensée étrangère, dans n’importe quel domaine, demande un effort mental pour passer la frontière. C’est un effort considérable, et beaucoup de gens ne consentent pas à le fournir. Même chez ceux qui le fournissent, le fait qu’un effort est indispensable empêche que des liens organiques puissent être noués par-dessus les frontières.

    • voir également
      http://seenthis.net/messages/313819 http://bougnoulosophe.blogspot.fr/2009/05/derriere-la-nation-francaise-il-y.html
      http://anarsonore.free.fr/spip.php?breve176

      Dans « Qu’est-ce qu’une nation  ? » , conférence prononcée en 1882, il ne se gène pas pour écrire : « L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation, et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger » . On ne saurait être plus clair...

      http://seenthis.net/messages/53202

    • « La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre du riche et du pauvre. La conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouverner, n’a rien de choquant. L’Angleterre pratique ce genre de colonisation dans l’Inde, au grand avantage de l’Inde, de l’humanité en général, et à son propre avantage » (Ernest Renan, 1872, La Réforme intellectuelle et morale, Paris, Michel Lévy frères, pp. 92-93).

  • L’Orient incompréhensible

    http://blogs.mediapart.fr/blog/association-iremmo/200415/lorient-incomprehensible

    ’Orient incompréhensible

    20 avril 2015 | Par Association iReMMO

    La sélection de liens de l’iReMMO (14). Evoquer l’ « Orient compliqué » est un passage obligé pour quiconque, journaliste, voyageur, orientaliste, militaire, s’y intéresse, s’y rend et s’y perd. Et c’est peu dire que le conflit au Yémen a renforcé ce sentiment d’une complexité insondable, la région devenant aux yeux de tous un véritable « clusterfuck » (bordel sans nom) pour reprendre la terminologie militaire américaine reprise par David Rothkopf, rédacteur en chef de Foreign Policy.

    Qu’observe-t-on face à cela ? la tentation du rire, d’abord ; l’explication trop facile, ensuite.

    • Oui, les inconnus étaient souvent très drôle, et surtout de merveilleux observateurs du monde, des pouvoirs, des attitudes grotesques, des orgueils, des égoïsmes, des tendances sociales obscènes, de la télé spectacle qu’ils ont su très finement « déconstruire » et transformer en sketches, qui aujourd’hui n’ont pas vieilli.

      C’était parfois un peu « poussé », ils ont aussi repris des poncifs faciles (sur les communautés) pour s’en moquer et ça n’était pas nécessairement de bon goût, mais dans l’ensemble, ils avaient un regard social très aiguisé et très juste.

  • Le legs destructeur des libéraux arabes par Joseph Massad | Culture et politique arabes
    http://cpa.hypotheses.org/5492

    C’est devenu un lieu commun que de présenter les islamistes arabes de tous bords (libéraux, conservateurs, radicaux, néolibéraux, modérés, extrémistes, non-violents, violents, etc.) comme une des plus – si ce n’est la plus – dangereuses des menaces au sein des forces politiques présentes dans le monde arabe depuis la guerre de 1967.

    En réalité, comme on va le voir, c’est une nouvelle sorte de libéraux arabes – laïques et islamistes (même si les premiers ont été de loin les plus dangereux – qui ont constitué et qui continuent à constituer la force politique la plus destructrice dans le monde arabe d’après la guerre de 1967.

    Le dernier billet de CPA est à nouveau une traduction. J’avais signalé ce texte de Joseph Massad, il m’a paru mériter une traduction en français. Ca décoiffe !

  • Andreas Lubitz ou la banalité du mal

    Andreas Lubitz était un homme normal. Tout les gens ayant eu à le cotoyer le disent, il n’y a donc aucun doute là-dessus : on est normal dans la seule mesure où l’on est reconnu comme tel par le plus grand nombre. Il n’était pas musulman, pas anarchiste, pas drogué et pas même alcoolique ! Il était tellement normal qu’il souffrait, comme presque tout le monde en Europe occidentale, de « dépression ». Après tout, quoi de plus normal que d’être dépressif quand on vit dans un pays déprimant ?

    Cet homme normal, qui a entraîné près de 150 personnes vers une mort absurde et atroce, appartenait à cette immense classe moyenne allemande, dont les gouvernants sont capables d’affamer délibérément un petit pays de la Méditerranée -où les gens avaient conservé un certain art de vivre et ne peuplaient pas les salles d’attente des psy- au nom de cette morale de petits-épargnants dont la Merkel est l’incarnation parfaite.

    Le fait que ce terme de « dépression » soit utilisé indifférement dans deux pseudo-sciences qui font autorité en ce monde, à savoir l’économie et la psychiatrie, est en soi significatif. Dans sa version psy, la dépression correspond à la transformation en maladie individuelle d’un fait de société, à savoir l’absence. Les gens que l’on décrète déprimés sont tout simplement des gens que plus rien ne lie aux autres et qui ont donc perdu tout art de vivre. Des gens qui ne peuvent plus habiter un monde. Mais le capitalisme se nourrit du désastre qu’il engendre, et une expérience assez commune dans un monde aussi inhabitable a été transformée en simple problème personnel traité à coups de molécules chimiques, faisant du même coup la prospérité du business pharmaceutique -et tant pis si les anti-dépressifs n’empêchent nullement les suicides, et sont même suspectés de les faciliter...

    Bien sûr, Andreas Lubitz aurait pu simplement se pendre dans son garage, ou s’ouvrir les veines dans sa baignoire. Mais dans un monde où l’imaginaire est de plus en plus formaté par les effets spéciaux de l’industrie audiovisuelle, il eût été dommage de se contenter d’une fin si banale, si anonyme, surtout quand on a la chance de disposer d’un outil aussi puissant qu’un Airbus A320 ! « On ne peut pas appeller ceci un suicide » a dit très justement le procureur en charge du dossier. Ce dont il s’agit là, c’est, tout comme le magnifique et terrifiant snuff movie du 11 septembre 2001, d’une performance. Andreas Lubitz, qui était sportif, était certainement sensible à une telle notion, mais celle-ci a aussi à voir avec la dimension artistique, à une époque où les artistes tendent à réaliser des performances plutôt que des oeuvres. Le copilote s’est offert une expérience digne des plus grands films d’action, qui lui a ouvert les portes de l’éternité -le nom d’Andreas Lubitz est entré dans l’Histoire. Seule une connasse luthérienne comme Angela Merkel peut trouver le geste de Andreas Lubitz « tout à fait incompréhensible ».

    Dans la dernière minute de sa vie, il a sans aucun doute éprouvé une sensation vertigineuse de toute-puissance, quelque chose que les croyants qualifieraient de diabolique. Les auteurs du 11 septembre 2001 ont du ressentir cela, en surmultiplié.

    Ce monde ne cesse d’exciter en nous le vertige de l’anéantissement, et que ce soit en se shootant à l’héroïne ou en s’enrôlant dans les troupes de Daesh les possibilités ne manquent pas de vivre une expérience absolue qui soulage de ce terrible sentiment d’absence. Que le prix à payer pour cela soit une renonciation à la vie même, ouvertement revendiquée chez le junkie comme chez le djihadiste, fait précisément toute l’intensité de cette expérience...

    Tuer revient à exercer le pouvoir absolu, celui de mettre brutalement fin à la vie d’un autre, d’où la fascination que cet acte exerce au-delà de tout critère moral -longtemps, les êtres humains ont considéré que seul Dieu pouvait disposer d’un tel pouvoir, ou à la rigueur des souverains ayant reçus les attributs de la divinité. Mais ce monde, en multipliant les moyens technologiques d’anéantir la vie, a banalisé les attributs divins. Depuis Hiroshima, la possibilité d’un anéantissement venu du Ciel fait que de simples mortels peuvent réaliser ce que d’innombrables prophéties annonçaient jadis comme la vengeance de la divinité offensée.

    Il m’arrive de circuler en avion, et l’idée qu’un clone d’Andreas Lubitz pourrait décider un beau jour de m’entraîner avec lui dans le monde des Morts ne m’est pas du tout agréable, mais elle ne date pas de hier. Cela fait trop longtemps que je considère les gens normaux comme des gens extrêmement dangereux.

    En s’écrasant sur la montagne, l’Airbus de la Germanwings nous ramène à la banalité du mal, qui revient vers nous comme mal de la banalité : de même que Hannah Arendt fut stupéfaite de découvrir dans la figure d’Eichmann un haut fonctionnaire consciencieux et soucieux de bien faire son travail, en lieu et place du fanatique exalté qu’elle attendait, nous découvrons dans l’existence banale et insipide que menait Andreas Lubitz et qui constitue précisément la norme en Europe occidentale la figure même du mal.

    Alèssi Dell’Umbria

    • Il y a vingt-cinq siècles, un autre type nommé #Érostrate, un Grec, avait brûlé le temple d’Ephèse, une des sept merveilles du monde, parce qu’il n’avait pas trouvé d’autre moyen de se rendre célèbre. C’est vrai, on se souvient encore de lui.

      En 1936, Jean-Paul Sartre écrivait une nouvelle, intitulée « Érostrate », qu’il publiera quelques années plus tard dans son recueil « le Mur ». Elle raconte l’histoire d’un homme qui hait les autres et n’ose pas toucher les femmes. Il achète un revolver :

      Un soir, l’idée m’est venue de tirer sur des hommes.

      Il va à la sortie du Châtelet, pour alimenter son fantasme :

      J’avais glissé ma main droite dans ma poche et je serrais de toutes mes forces la crosse de mon arme. Au bout d’un moment, je me voyais en train de leur tirer dessus. Je les dégringolais comme des pipes, ils tombaient les uns sur les autres, et les survivants, pris de panique, refluaient dans le théâtre en brisant les vitres des portes.

      On lui raconte l’histoire d’Érostrate.

      Il y avait plus de deux mille ans qu’il était mort, et son acte brillait encore, comme un diamant noir. Je commençais à croire que mon destin serait court et tragique. Cela me fit peur tout d’abord, et puis je m’y habituai. Si on prend ça d’une certaine façon, c’est atroce, mais, d’un autre côté, ça donne à l’instant qui passe une force et une beauté considérables.

      Quand je descendais dans la rue, je sentais en mon corps une puissance étrange. J’avais sur moi mon revolver, cette chose qui éclate et qui fait du bruit. Mais ce n’était plus de lui que je tirais mon assurance, c’était de moi : j’étais un être de l’espèce des revolvers, des pétards et des bombes.

      Moi aussi, un jour, au terme de ma sombre vie, j’exploserais et j’illuminerais le monde d’une flamme violente et brève comme un éclair de magnésium.

      De fait, « un jour », il prend sa décision, sort sur le trottoir et tue un passant au hasard.

      Cette nouvelle prémonitoire commence par ces mots :

      Les hommes, il faut les voir d’en haut.

      Jacques Drillon

  • Du "féminisme blanc" et de ses dégats...

    "Je me souviens, en 2005, quand j’ai participé pour la première fois à la Marche mondiale des femmes à Marseille, comment on peinait à prendre la parole pour participer aux débats, juste parce qu’on portait un voile. Mais le côté international de la manifestation a permis aux féministes françaises de se rendre compte que notre exclusion restait bien franco-française. On a pu de ce fait apporter notre contribution aux débats, Ismahane Chouder à l’extérieur de la salle et moi à l’intérieur.

    Je me souviens du retour de la Marche quand certaines femmes appartenant à l’association Femmes solidaires ont tout fait pour que nous ne prenions pas le TGV. On a pu dialoguer tout de même avec quelques unes une fois dans le train, car notre devise est : ne jamais fermer les portes du dialogue. Mais le plus dur était à l’arrivée à gare de Lyon quand à la sortie elles scandaient des slogans du genre :

    « So so so, solidarité, avec les femmes, du monde entier !

    Sauf les voilées ! »

    Là je me suis dit qu’on avait atteint le summum du ridicule. Mais encore là, malgré ces expériences douloureuses, et à côté d’elles, il y avait ces extraordinaires femmes du CFPE, qui continuaient le combat à nos côtés. On passait des moments tellement intenses qu’ils nous permettaient de tenir et de faire face à toutes ces agressions externes."

    Ndella Paye

    http://lmsi.net/Feministes-decouvertes-avec-ou

  • "La femme musulmane. Le pouvoir des images et le danger de la pitié."

    « Quelles images avons-nous, aux États-Unis ou en Europe, des femmes musulmanes, ou des femmes de la région connue sous le nom de Moyen-Orient ? Nos vies sont saturées d’images, et ces images sont étrangement limitées à un nombre très restreint de figures ou de thèmes : la femme musulmane opprimée ; la femme musulmane voilée ; la femme musulmane qui ne jouit pas des mêmes libertés que nous ; la femme régie par sa religion ; la femme régie par ses hommes.

    Ces images ont une longue histoire dans l’Occident, mais elles sont devenues particulièrement visibles et omniprésentes depuis le 11 septembre. Beaucoup de femmes se sont mobilisées aux États-Unis autour de la cause des femmes afghanes opprimées par les talibans fondamentalistes – ces femmes étant représentées par les médias comme recouvertes de la tête aux pieds par leur burqa, sans la possibilité ni d’aller à l’école ni de porter du vernis à ongles. Un gouvernement – celui de George W. Bush – se servit ensuite de l’oppression de ces femmes musulmanes pour légitimer moralement l’invasion militaire de l’Afghanistan. Ces images de femmes opprimées et voilées furent utilisées pour susciter le soutien de l’intervention. Je voudrais, ici, défendre l’idée que, outre les indicibles horreurs, les bouleversements et la violence dont ces interventions américaines ont accablé les vies des femmes musulmanes en Afghanistan et en Irak, l’utilisation de ces images a aussi été néfaste pour nous, dans les pays occidentaux où elles circulent, en ce qu’elles tendent à étouffer notre capacité à apprécier la complexité et la diversité des vies des femmes musulmanes, à les considérer comme des êtres humains. [...]

    Il me semble que si nous sommes préoccupés par les femmes, y compris par les femmes musulmanes, nous pouvons peut-être travailler chez nous à rendre les politiques américaines et européennes plus humaines. Si nous voulons participer aux affaires de ces contrées lointaines, nous devrions peut-être le faire avec la volonté de soutenir ceux qui, au sein de ces communautés, ont pour but de rendre les vies des femmes (et des hommes) meilleures. Quoi que nous fassions, nous devrions le faire avec respect et en ayant en tête les termes d’alliances, de coalitions et de solidarité, plutôt que ceux de secours, salut ou pitié. Surtout, il nous faut résister à la puissance de ces images limitées et limitatives de femmes musulmanes en noir et blanc qui circulent parmi nous. »

    Lila Abu-Lughod

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/12/la-femme-musulmane-le-pouvoir-des.html

  • De l’iconographie islamophobe

    "Motif visuel des plus lisibles, le voile fonctionne comme un indicateur de dissimulation , le symbole d’une propension à la duplicité et à la fourberie, mais aussi celui de l’imposition d’un état de réclusion et de confinement. Dans le contexte de la représentation raciste, qui accentue habituellement les traits physiques en vue de l’identification des populations stigmatisées, il s’agit d’une évolution remarquable, le choix d’une manifestation culturelle, mais aussi d’un caractère qui masque précisément l’apparence de la personne. Accompagnant le déplacement du racisme vers des formes d’hostilité culturelles, ainsi que l’effacement de ses aspects les plus grossiers, le motif du voile oriente vers un traitement à forte composante symbolique et narrative."

    " Désigner la dissimulation... " http://imagesociale.fr/1050

    – association automatique (danger, menace...)

    – amalgame islam, islamisme

    – obsession de la burqa/niqab

    http://lesensdesimages.com/2015/01/15/presse-islamophobie-quen-est-il/#more-2507

    Pourquoi les femmes sont-elles privilégiées dans ces représentations ?

    "On comprend donc mieux la présence de ces figures féminines sur des affiches qui prétendent évoquer les risques des dérives islamistes : il ne s’agit pas juste de laisser entendre que l’islamisme opprime les femmes (un regard baissé, une posture humble, se prêteraient mieux à ce propos). On est à mille lieues du regard perdu dans le vague de la Marianne revue et édulcorée, « matée » à tous les sens du terme, du grand emprunt, et pas juste parce que ces femmes voilées sont aussi emphatiquement noircies que Marianne est blanchie. Il s’agit de réveiller la frustration et d’évoquer une « agression » aux (hommes) Suisses et Français, en soulignant l’indisponibilité sexuelle de ces femmes qui se couvrent les cheveux, le corps et le visage ; il s’agit aussi d’établir un parallèle entre le corps dissimulé et refusé au regard, et le territoire « dénaturé », envahi, qui apparaît derrière la figure féminine (le drapeau suisse hérissé de minarets sur l’affiche de l’UDC, le territoire français recouvert du drapeau algérien sur l’affiche du FN). L’enjeu du voile se place donc dans la continuité des enjeux du colonialisme, mais « ce n’est plus la conquête d’un nouveau territoire qui est en jeu, mais la défense (agressive) de la patrie » (Scott, 2007, p. 161)."

    Le corps féminin, enjeu géopolitique dans la France postcoloniale http://espacepolitique.revues.org/1882

    #islamophobie
    #femme
    #image

    • "Ces images de femmes misérables, soumises, battues, violées, sont devenues un produit de consommation pour l’Occident, comme une drogue qui vous renfloue. Cela remonte à merveille le moral des femmes occidentales. On leur dit : « Estimez-vous heureuse, vous n’êtes pas dans un pays musulman. »..." (Fatema Mernissi)

  • Pour une critique matérialiste de la "mythologie de gauche" française

    "L’hégémonie culturelle est un concept proposé par Antonio Gramsci pour décrire la domination culturelle des classes dominantes. Le concept s’inscrit dans l’analyse des causes du non développement des révolutions annoncées par Marx pour les pays industrialisés d’Europe en dépit de la vérification des conclusions économiques de Marx (crise cycliques, paupérisation de la classe ouvrière, etc.). L’hypothèse de Gramsci est que cet « échec » des révolutions ouvrières est explicable par l’emprise de la culture de la classe dominante sur la classe ouvrière et ses organisations. La classe dominante domine certes par la force mais aussi par un consentement des dominés culturellement produit. L’hégémonie culturelle de la classe dominante agit par le biais de l’État et de ses outils culturels hégémoniques (écoles, médias, etc.) pour produire une adoption par la classe dominée des intérêts de la classe dominante. L’hégémonie culturelle décrit donc l’ensemble des processus de production du consensus en faveur des classes dominantes.

    La radicalité des luttes de classes dans l’histoire française (Révolution antiféodale radicale en 1789-1793, Insurrection de juillet 1830, Révolution de février 1848, et enfin et surtout la Commune de Paris) a amené la classe dominante à comprendre très tôt que son pouvoir ne pouvait pas être assuré uniquement par la force des armes et de la répression (ce que Gramsci appelle la domination directe). Le processus de construction d’un « roman national » fut mis en œuvre afin d’assurer l’hégémonie culturelle de la classe dominante (domination indirecte). Les ingrédients de ce roman national sont essentiellement la diffusion de « légendes nationales » : pensée des Lumières, Révolution française et Déclaration des droits de l’homme, école républicaine et laïcité, etc. À la différence du mythe, la légende s’appuie sur quelques faits historiques identifiables qui sont absolutisés. La mise en légende se réalise par occultation des contradictions et enjeux sociaux, négation de l’histoire et transformation de résultats historiques (avec leurs contradictions, leurs limites, etc.) en caractéristiques permanentes et spécifiques de la « francité », du « génie français », de la « spécificité française », du « modèle français », etc.

    L’objectif de l’hégémonie culturelle étant de produire du consensus en faveur des classes dominantes, c’est bien entendu à l’intention des classes dominées et de leurs organisations que sont produites et diffusées les légendes nationales (modèle français de laïcité, modèle français d’intégration, pensée des Lumières comme caractéristique typiquement « française », abrogation de l’esclavage comme volonté de l’état français et non comme résultat de la lutte des esclaves, colonisation française posée comme différente des autres dans ses aspects « humanitaires » et « civilisateurs », etc.). La question n’est donc pas celle du jugement des faits, des hommes et des opinions de la pensée des lumières ou de la Révolution française par exemple. Ces événements et ses pensées sont inscrits dans l’histoire et les hommes de ces périodes ne pouvaient penser le monde qu’avec les données de leurs époques. En revanche le maintien d’une approche non critique, non historicisée, essentialisée, etc. de ces processus historiques est à interroger dans ses causes et dans ses effets désastreux contemporains. Sans cette approche critique, les légendes de la classe dominante s’inscrivent comme données d’évidence dans les lectures de la réalité contemporaine, deviennent des représentations sociales qui déforment la réalité, produisent des logiques de pensées qui empêchent de saisir les enjeux sociaux et les contradictions sociales. Sans être exhaustif abordons deux des légendes de l’hégémonie culturelle construite au 19ème siècle et qui ont fortement imprégnées les organisations de « gauche »."

    Said Bouamama

    http://blogs.mediapart.fr/blog/brigitte-pascall/050315/les-fondements-ideologiques-du-racisme-respectable-de-la-gauche

  • Collector

    « Ce qui me frappe, c’est que l’étiquette « Islam », qu’elle soit utilisée dans le cadre d’une analyse ou d’une condamnation sans appelle, est en elle-même devenue une forme d’offensive, ce qui ne fait qu’attiser l’hostilité entre entre les porte-parole autoproclamés des Musulmans et des Occidentaux. « L’islam » ne définit qu’une infime partie du monde musulman, qui compte un milliard de personnes, comprend des douzaines de pays, de sociétés, de traditions, de langues et contient quantité de réalités différentes. Il est de toute évidence absurdes d’imputer tout cela à « l’Islam », n’en déplaise à tous ces orientalistes polémistes dont les vociférations visent à prouver que l’islam régit les sociétés islamiques dans les moindres détails, que dar-al-islam a une identité fixe et unique, que la religion et l’État ne font qu’un dans les pays musulmans et ainsi de suite. J’entends démontrer que leur discours se fonde sur des généralisations inacceptables, irresponsables, et qu’il n’est possible que parce qu’il porte sur « l’islam », aucun autre groupe religieux, culturel ou ethnique n’étant soumis à en telle approche... » ( Edward said)

  • Les syncrétismes douteux

    "Les années 30 reviennent d’une certaine façon, partiellement, pas seulement, de manière déplacée, avec des inclinations plus soft, associées à des traits inédits de la période actuelle. Pour mieux nourrir l’analogie historique, il m’est paru utile de revenir sur quelques recherches que la sociologie et l’histoire leur ont consacrées.

    Nous en tirerons des repères comparatifs qui nous aideront à éclairer les quatre parties suivantes, focalisées quant à elles sur notre présent immédiat. Des ressemblances et des dissemblances commenceront à se faire jour.

    Chapitre 1 : Bourdieu et l’humeur idéologique « révolutionnaire conservatrice » de l’Allemagne de Weimar

    Le livre que Pierre Bourdieu a consacré à L’ontologie politique de Martin Heidegger [1] est le premier à nous orienter vers les années 30, dans l’Allemagne de Weimar, c’est-à-dire la République démocratique en place entre 1918 et 1933. Le premier chapitre de cet ouvrage de Bourdieu est à recommander à tous ceux qui s’alarment de la situation actuelle et sont en quête d’outils de compréhension.

    On y trouve tout d’abord des pistes quant à certaines ressemblances entre notre air du temps et celui de l’époque pré-nazie. Le plus frappant renvoie à la notion éclairante de « révolution conservatrice » afin de rendre compte des productions idéologiques décryptées par Bourdieu. Comme aujourd’hui en France, le conservatisme ne se présentait pas comme une défense pépère de l’ordre établi, un simple appel à la conservation de ce qui existait. Il se voulait au contraire « révolutionnaire », en butte avec l’ordre établi. Il s’agissait de retrouver et de restaurer des valeurs, des institutions et des sociabilités perdues, ou en crise, via un changement radical. Les « révolutionnaires conservateurs » occupaient alors le terrain de la critique du monde tel qu’il va. C’est pour souligner cette proximité que je parlerai pour la France d’aujourd’hui de néoconservatisme, et non pas simplement de conservatisme en un sens courant. On doit noter toutefois que l’accent « révolutionnaire » d’hier est affadi en rebellitude à double face (Alain Soral/Éric Zemmour) et mis en spectacle dans les médias (pourtant vitupérés !) et sur internet dans notre présent glauque.

    Cependant, plus encore que sur le contenu de cette variante « révolutionnaire » du conservatisme, l’apport principal de Bourdieu consiste dans le décryptage des mécanismes de production de ce qu’il nomme une « humeur idéologique » ; humeur idéologique « völkisch » (ou justement « révolutionnaire conservatrice »)[2]. Bourdieu décrit un « discours confus, syncrétique », doté de « "sources" innombrables, qui jaillissent de toutes parts », dans la logique « d’une configuration idéologique faite de mots fonctionnant comme des exclamations d’extase ou d’indignation et de thèmes demi-savants réinterprétés, produits "spontanés" d’inventions individuelles objectivement orchestrées »[3]. Ces origines multiples apparaissent objectivement orchestrées sans coordination consciente et associées à un « accord affectif des phantasmes partagés qui donnent l’apparence à la fois de l’unité et de l’infinie originalité »[4]. Malgré les différences et les oppositions dans l’espace de production idéologique du « conservatisme révolutionnaire » - ce qu’il appelle sa « diversité kaléidoscopique »[5] -, le sociologue note « ces innombrables rencontres thématiques et lexicologiques qui sont autant de renforcements mutuels »[6] ; l’ensemble se tenant « comme un château de cartes »[7].

    Cette galaxie diversifiée trouvait aussi des cohérences partielles dans l’opposition à ceux qu’elle avait pris pour cible dans la culture de Weimar :

    « Elle se déduit, par simple inversion de signe, des propriétés de ses adversaires : francophiles, juifs, progressistes, démocrates, rationalistes, socialistes, cosmopolites, les intellectuels de gauche (dont Heine constitue le symbole) appellent en quelque sorte leur négation dans une idéologie nationaliste »[8].

    Les cibles ont aujourd’hui, pour partie, changé – les « bobos de gauche », les antiracistes, les immigrés, les internationalistes, « la communauté homosexuelle », les journalistes,…encore les juifs pour certains (Alain Soral) ou les musulmans pour d’autres (Éric Zemmour)… -, mais les mécanismes restent similaires.

    Une des hypothèses principales de ce livre pose l’existence de logiques analogues à celles décryptées par Bourdieu dans la France d’aujourd’hui (mais cela pourrait être étendu à l’Europe, avec des spécifications, des décalages, des bémols ou des contre-exemples en fonction de l’histoire des différents pays). Ainsi une humeur néoconservatrice à tonalités xénophobes-machistes-homophobes-nationalistes se consoliderait aujourd’hui dans l’espace public, à travers un double canal plus officiel, dans les grands médias, et plus underground sur internet.

    Á la suite de Bourdieu, il ne s’agit pas de traiter le tissage en cours du néoconservatisme à la manière des théories du complot, c’est-à-dire comme le produit d’un plan concerté et caché de forces maléfiques. On doit plutôt l’envisager comme réalisé de manière éclatée dans différents secteurs de l’espace idéologique et politique, par des protagonistes qui peuvent être opposés entre eux, autant manipulés par les circonstances que manipulateurs. Ainsi pourrait être assurée la stabilisation de thèmes transversaux dans l’espace idéologique et politique, à travers des interférences entre droite et gauche, extrême droite et gauche radicale, nationalisme et anticapitalisme, sans que personne n’en ait organisé explicitement et consciemment la coordination, avec au mieux des protagonistes ayant une vision partielle du processus.

    Cette humeur idéologique néoconservatrice est susceptible de devenir un terreau culturel et intellectuel favorable à l’installation politique d’un « postfascisme » sous la forme partisane du Front national. Il faut ici être précis sur les mots : terreau culturel et intellectuel ne signifie ni cause, ni motivation. Je m’inspire, ce faisant, d’indications méthodologiques fournies par l’historien Roger Chartier à propos d’une autre période, la Révolution française :

    « Attribuer des "origines culturelles" à la Révolution n’est aucunement établir des causes, mais plutôt repérer certaines des conditions qui l’ont rendue possible, possible parce que pensable. »[9]

    Les causes et les motivations des résultats électoraux du FN sont diverses et mobiles selon les analyses disponibles depuis sa première percée à Dreux en 1983[10]. Un terreau culturel et intellectuel, c’est davantage une condition qu’une cause, et cela participe au processus d’homogénéisation idéologique partielle d’un vote et d’un militantisme fort polyphoniques. Or, les analyses de Jean-Claude Kaufmann dans Identités, la bombe à retardement[11] montrent que nos sociétés individualistes-capitalistes à idéaux démocratiques, alors qu’elles sont affectées par une « crise de civilisation », sont particulièrement vulnérables à l’action politique d’entrepreneurs en identités collectives fermées, et notamment à celles porteuses de ce que le sociologue nomme « le national-racisme »...."

    Philippe Corcuff

    [1] P. Bourdieu, L’ontologie politique de Martin Heidegger (version actualisée d’un article paru en 1975), Paris, Minuit, collection « Le sens commun », 1988.

    [2] Ibid., p.16 ; « völkisch » vient de volk, peuple ou nation en un sens ethnique.

    [3] Ibid., pp.16-17.

    [4] Ibid., p.17.

    [5] Ibid., p.36

    [6] Ibid., p.24.

    [7] Ibid., p.31.

    [8] Ibid., p.33.

    [9] R. Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, collection « L’Univers Historique », 1990, p.10.

    [10] Pour une synthèse critique des travaux sociologiques et politologiques sur le Front national de Jean-Marie Le Pen, voir Jacques Le Bohec, Sociologie du phénomène Le Pen, Paris, La Découverte, collection « Repères », 2005.

    [11] J.-C. Kaufmann, Identités, la bombe à retardement, Paris, Textuel, collection « Petite Encyclopédie Critique », 2014.

    #Révolution_conservatrice
    #syncrétisme

  • Blâmer la victime

    « Et, par un simple renversement des causes et des effets, on peut « blâmer la victime » en imputant à sa nature la responsabilité des dépossessions, des mutilations ou des privations qu’on lui fait subir. Entre mille exemples, dont les plus remarquables sont sans doute ceux qu’engendraient la situation coloniale, on retiendra une perle empruntée à Otto Weininger qui, dans une œuvre se réclamant de la philosophie kantienne, décrivait les Juifs et les femmes comme les incarnations les plus pernicieuses de la menace d’hétéronomie et de désordre à laquelle le projet d’ Aufklärung est exposé : tenant le nom propre et l’attachement à ce nom pour une « dimension nécessaire de la personnalité humaine », il reprochait aux femmes la facilité avec laquelle elles abandonnent leur nom et prennent celui de leur mari, pour conclure, que « la femme est par essence sans nom et cela parce qu’elle manque, par nature, de personnalité ». On a là le paradigme de tous les paralogismes de la haine raciste, dont on pourra trouver des exemples chaque jour dans les discours et les pratiques à propos de tous les groupes dominés et stigmatisés, femmes, homosexuels, Noirs, immigrés, dépossédés, ainsi déclarés responsables du destin qui leur est fait ou rappelés à l’ordre de l’ « #universel » dés qu’ils se mobilisent pour revendiquer les droits à l’universalité qui leur sont, en fait, refusés... »

    [Pierre #Bourdieu, "Méditations pascaliennes"]

    • NB : je fais un édit sur ce commentaire, on m’a dit qu’en le lisant, on trouvait que « je disais du bien d’Elisabeth levy » ce qui n’était évidemment pas l’intention - Je mets donc les points sur les « i » :)

      –-

      Je découvre l’émission. Il y a BHL, Besancenot, et... Lordon. Dans l’émission sur Lordon, il fait une référence au film de C-Production sur le diplo qui n’est jamais cité dans les revus de presse, lequel film est vrai déshonneur pour ce qu’a été le diplo. Mais bon.

      https://www.youtube.com/watch?v=87sEeVj057Q

      J’ai regardé celle d’Elisabeth Levy, c’est intéressant et très bien documenté. Il réussi à montrer l’aspect tout à fait abject du personnage « Elisabeth Levy » qui dégouline de haine, mais curieusement ce n’est pas ce qui est le plus intéressant dans ces 30 minutes de docu qui ressemble un peu à ce que fait Pierre Carles et ses copains, mais en beaucoup mieux, en beaucoup plus subtil, en plus sérieusement « travaillé ». je dis ça, ça se trouve c’est les mêmes... le système de narration ressemble vraiment beaucoup !

      Ce qui est intéressant ici, c’est la manière dont il revisite l’histoire politique et sociale dans les années 1980, l’histoire de « touche pas à mon pote » et d’autres histoires qu’on avait soit oubliées, soit perçues d’une toute autre manière. J’ai donc appris des trucs.

      Mais à part ça, je me demande quelle est l’utilité de faire une énième émission pour dénoncer" l’imposture BHL etc... Puis celle d’Elisabeth Lévy. j’avais l’impression que ces guignols ne méritaient plus tellement notre attention et que le mieux étaient de les ignorer et de nous concentrer sur nos propres créations, nos propres constructions. Mais Je ne sais plus.

    • Justement @reka, c’est assez réussi, le film dépasse largement son « sujet principal », tout à fait abject, pour s’intéresser à ceux qui historicisent et politisent le racisme français et prennent, in fine, la parole. Le film montre très bien comment le pouvoir (d’Etat ou de classe dominante) a fait en sorte que la seule parole admise en république soit celle du blanc. « #touche_pas_à_mon_pote » des #socialistes a été la phrase emblématique pour imposer le silence des immigrés et des banlieues. C’est assez plaisant, car le film finit par nous faire basculer du côté de l’intelligence des opprimés, ouf.

    • « Le film montre très bien comment le pouvoir (d’Etat ou de classe dominante) a fait en sorte que la seule parole admise en république soit celle du blanc. » parce que l’on finit par ne plus entendre que ceux que l’on entend jamais ? ou va se déguiser la propaganda staffel !

  • Jaurès et le colonialisme

    JAURÈS : Messieurs,
    Il paraît que les habitants des colonies sont une sorte de bétail innombrable et inférieur que les races blanches peuvent exploiter, décimer, asservir. Voilà un préjugé barbare, un préjugé d’ignorance, de sauvagerie et de rapine. Ces peuples sont composés d’hommes et cela devrait suffire ; mais ils sont composés d’hommes qui pensent, qui travaillent, qui échangent et qui ne sont pas résignés à subir indéfiniment les violences d’une Europe qui abusait de leur apparente faiblesse. Aujourd’hui c’est d’Afrique, du Congo, du Maroc, que chaque jour nous arrivent des récits accablants sur les actions de nos soldats devenus de véritables mercenaires incontrôlés : assassinats sadiques, incendies de villages, pillages permanents, violations de sépultures...

    VOIX : Monsieur Jaurès, en tant que Président de la Chambre, je dois vous le rappeler : Il n’est pas de soldat plus généreux et plus humain que le soldat français.

    JAURÈS : Rassurez-vous, je ne l’ignore pas plus que Monsieur le Président du Conseil (nde : Clemenceau), qui écrivait il n’y a pas si longtemps, en parlant de la Chine : « On a tué, massacré, violé, pillé tout à l’aise, dans un pays sans défense ; l’histoire de cette frénésie de meurtres et de rapines ne sera jamais connue, les Européens ayant trop de motifs pour faire le silence »

    VOIX : Mais qu’est-ce que cela à a voir avec l’Afrique ?

    JAURÈS : Il faut en tout cas espérer, Messieurs, que nos soldats s’attellent chaque jour, par leurs manières hautement généreuses, lorsqu’ils pacifient les populations africaines, à corriger ce que votre maître Tocqueville disait en 1847 : "Nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle ne l’était avant de nous connaître."

    VOIX : Ces Africains sont des fanatiques !

    JAURÈS : Des fanatiques ?
    Alors là, messieurs, je ne comprends pas : quand un Français vous dit qu’il serait prêt à défendre, jusqu’à la dernière goutte de son sang, l’intégrité de son pays, vous le félicitez. Vous affirmez même que des hommes qui ne voudraient pas mourir pour leur pays seraient les derniers des lâches !
    Mais quand ces hommes sont des Africains qui voient venir ce qui pour nous est la France, mais ce qui pour eux est l’étranger, qui voient venir des hommes en armes et des obus pleuvoir ; quand eux se défendent et défendent leur pays, vous les déshonorez du nom de fanatiques !
    Ces hommes que vous insultez, messieurs, sont seulement aussi patriotes que vous. Et aussi attachés que vous à défendre leur pays et leur civilisation.
    (Brouhaha fort)

    JAURÈS : Une fois de plus, c’est le préjugé d’ignorance qui vous mène.C’est à vous, à la France, à toute la France pensante, qu’il faudrait enseigner ce qu’est cette civilisation arabe que vous ignorez et méprisez, ce qu’est cette admirable et ancienne civilisation. À laquelle les pays européens, je dis bien les pays européens, viennent montrer le visage hideux de l’invasion et de la répression....
    Ce monde musulman que vous méconnaissez tant, messieurs, depuis quelques décennies prend conscience de son unité et de sa dignité. Deux mouvements, deux tendances inverses s’y trouvent : il y a les fanatiques, oui, il y a des fanatiques, qui veulent en finir par la crainte, le fer et le feu avec la civilisation européenne et chrétienne.

    VOIX : Vous voyez bien que ce sont des sauvages !

    JAURÈS : Alors, monsieur, précisez-le : des sauvages qui veulent porter le fer et le feu contre une civilisation sauvage qui est venue à eux, qui est venue contre eux en portant le fer et le feu...
    (Brouhaha très fort)

    JAURÈS : ... il y a des fanatiques, mais il y a les hommes modernes, les hommes nouveaux... Il y a toute une élite qui dit : l’Islam ne se sauvera qu’en se renouvelant, qu’en interprétant son vieux livre religieux selon un esprit nouveau de liberté, de fraternité, de paix.
    Et c’est à l’heure où ce mouvement se dessine que vous fournissez aux fanatiques de l’Islam l’occasion de dire : comment serait-il possible de se réconcilier avec cette Europe brutale ? Avec cette France, qui se dit de justice et de liberté, mais qui n’a contre nous d’autres gestes que les canons et les fusils ?...
    Oui, messieurs, si les violences auxquelles se livre l’Europe en Afrique achèvent d’exaspérer la fibre blessée des musulmans, si l’Islam un jour répond par un fanatisme farouche et une vaste révolte à l’universelle agression, qui pourra s’étonner ? Qui aura le droit de s’indigner ?

    VOIX : Ce n’est pas servir la patrie, Monsieur Jaurès, que de nous accuser de...

    JAURÈS : C’est toujours servir la patrie que d’éviter que se renouvellent les blessures qu’elle a infligées à l’humanité et au droit. Que de l’amener à se demander quelles semences de colère, de douleur et de haine elle sème là-bas et quelle triste moisson lèvera demain...
    Et, pourquoi ne pas l’avouer ? Quand un jour, après tout cet orage de violence et de meurtre, les plus clairvoyants, les plus généreux de ces Africains comprendront que la civilisation européenne ne se résume pas dans ces horreurs, quand ils essaieront de persuader leurs peuples meurtris de ne pas rester fermés à notre civilisation à cause des violences qui l’ont souillée, il faut ce jour-là qu’ils puissent dire qu’il y a des Français qui ont protesté pour le droit, contre la brutalité, contre le meurtre. C’est notre façon de servir la patrie.

    (1) : comme sont également authentiques toutes les interventions des députés.

    Jérôme Pellissier

    [Précision importante : le texte qui suit prend la forme d’une intervention de Jaurès à la Chambre des députés. Elle compile en réalité trois interventions différentes (en 1908, 1911, 1912) et quelques phrases extraites d’un discours de 1905 (à Limoges) et d’un article de 1912 (dans l’Humanité) - références en fin de billet. Mais tous les propos que Jaurès y tient (1) sont bien de Jaurès !]

    http://blogs.mediapart.fr/blog/jerome-pellissier/070115/quand-jaures-parlait-des-fanatiques-de-lislam

  • Littérature et politique, le cas de Houellebecq

    « A 22 heures les deux candidats n’étaient toujours pas départagés, les derniers chiffres donnaient des estimations absolument identiques - cette incertitude évitant au candidat socialiste de faire une déclaration qu’on devinait difficile. Les deux partis qui structuraient la vie politique française depuis les débuts de la Vème République allaient-ils être balayés ? L’hypothèse était tellement renversante qu’on sentait que les commentateurs qui se succédaient à toute allure sur le plateau - et jusqu’à David Pujadas, pourtant peu suspect de complaisance envers l’islam, et réputé proche de Manuel Valls - en avaient secrètement envie. Passant d’une chaîne à l’autre avec une telle célérité qu’il paraissait jouir du don d’ubiquité, réussissant jusqu’à une heure avancée de la nuit d’éblouissants mouvements d’écharpe, Christophe Barbier fut sans conteste un des rois de cette soirée électorale, éclipsant aisément Renaud Dély, terne et morose devant un résultat que son journal n’avait pas prévu, et même Yves Thréard, d’ordinaire plus pugnace.

    Ce n’est qu’un peu après minuit, à l’heure où je terminais ma seconde bouteille de Rully, que tombèrent les résutats définitifs : Mohamed Ben Abbes, le candidat de la Fédération musulmane, arrivait en deuxième position avec 22,3 % des suffrages. Avec 21,9 %, le candidat socialiste était éliminé. Manuel Valls prononça une brève allocution, très sobre, où il saluait les deux candidats arrivés en tête, et ajournait toute décision jusqu’à la réunion du comité directeur du Parti socialiste. ...]

    [... » Les négociations entre le Parti socialiste et la Fraternité musulmane sont beaucoup plus difficiles que prévu. Pourtant, les musulmans sont prêts à donner plus de la moitié des ministères à la gauche - y compris des ministères clés comme les Finances et l’Intérieur. Ils n’ont aucune divergence sur l’économie, ni sur la politique fiscale ; pas davantage sur la sécurité - ils ont de surcroît, contrairement à leurs partenaires socialistes, les moyens de faire régner l’ordre dans les cités. Il y a bien quelques désaccords en politique étrangère, ils souhaiteraient de la France une condamnation un peu plus ferme d’Israël, mais ça la gauche leur accordera sans problème. La vraie difficulté, le point d’achoppement des négociations, c’est l’Education nationnale. L’intérêt pour l’éducation est une vieille tradition socialiste, et le milieu enseignant est le seul qui n’ait jamais abandonné le Parti socialiste, qui ait continué à le soutenir jusqu’au bord du gouffre ; seulement là ils ont affaire à un interlocuteur encore plus motivé qu’eux, et qui ne cédera sous aucun prétexte. La Fraternité musulmane est un parti spécial, vous savez : beaucoup des enjeux politiques habituels les laissent à peu près indifférents ; et, surtout, ils ne placent pas l’économie au centre de tout. Pour eux l’essentiel c’est la démographie, et l’éducation ; la sous-population qui dispose du meilleur taux de reproduction, et qui parvient à transmettre ses valeurs, triomphe ; à leurs yeux c’est aussi simple que ça, l’économie, la géopolitique même ne sont que de la poudre aux yeux : celui qui contrôle les enfants contrôle le futur, point final. Alors le seul point capital, le seul point sur lequel ils veulent absolument avoir satisfaction, c’est l’éducation des enfants.

    –- Et qu’est-ce qu’ils veulent ?
    –- Eh bien, pour la Fraternité musulmane, chaque enfant français doit avoir la possibilité de bénéficier, du début à la fin de sa scolarité, d’un enseignement islamique. Et l’enseignement islamique est, à tous points de vue, très différent de l’enseignement laïc. D’abord, il ne peut en aucun cas être mixte ; et seules certaines filières seront ouvertes aux femmes. Ce qu’ils souhaiteraient au fond c’est que la plupart des femmes, après l’école primaire, soient orientées vers des écoles d’éducation ménagère, et qu’elles se marient aussi vite que possible - une petite minorité poursuivant avant de se marier des études littéraires ou artistiques ; ce serait leur modèle de société idéal. Pär ailleurs, tous les enseignants, sans exception, devront être musulmans. Les règles concernant le régime alimentaire des cantines, le temps dévolu aux cinq prières quotidiennes devront être respectés ; mais, surtout, le programme scolaire en lui-même devra être adapté aux enseignements du Coran.

    –- Vous pensez que leurs pourparlers peuvent aboutir ?
    –- Ils n’ont pas le choix. S’ils échouent à conclure un accord, le Front national est certain de remporter les élections. Y compris s’ils y parviennent, d’ailleurs, il conserve toutes ses chances, vous avez vu les sondages comme moi. Même si Copé vient de déclarer qu’à titre personnel il s’abstiendrait, 85 % des électeurs UMP se reporteront sur le Front national. Ça va être serré, extrêmement serré : du 50-50, vraiment. « –- » Non, la seule solution qui leur reste, poursuivit-il, c’est de procéder à un dédoublement systématique des enseignements scolaires. Pour la polygamie d’ailleurs ils sont déjà parvenus à un accord, qui pourrait leur servir de modèle. Le mariage républicain restera inchangé, une union entre deux personnes, hommes ou femmes. Le mariage musulman, éventuellement polygame, n’aura aucune conséquence en termes d’état civil, mais il sera reconnu comme valide, et ouvrira des droits, par les centres de sécurité sociale et les services fiscaux.

    –- Vous êtes sûr ? Ça me paraît énorme...
    –- Absolument, c’est déjà acté dans les négociations ; c’est d’ailleurs parfaitement conforme à la théorie de la charia de minorité, qui est soutenue depuis longtemps par la mouvance des Frères musulmans. Eh bien, pour l’éducation, ça pourrait être un peu la même chose. L’école républicaine demeurerait telle quelle, ouverte à tous - mais avec beaucoup moins d’argent, le budget de l’Education nationale sera au moins divisé par trois, et cette fois les profs ne pourront rien sauver, dans le contexte économique actuel toute réduction budgétaire sera certaine de rallier un large consensus. Et puis, parallèlement, se mettrait en place un système d’écoles musulmanes privées, qui bénéficieraient de l’équivalence des diplômes - et qui pourraient, elles, recueillir des subventions privées. Evidemment, très vite, l’école publique deviendra une école au rabais, et tous les parents un peu soucieux de l’avenir de leurs enfants les inscriront dans l’enseignement musulman.

    –- Et pour l’université ce sera pareil « intervint son épouse. » La Sorbonne, en particulier, les fait fantasmer à un point incroyable - l’Arabie saoudite est prête à offrir une dotation presque illimitée ; nous allons devenir une des universités les plus riches du monde. ...]

    [... Replet et enjoué, fréquemment malicieux dans ses réponses aux journalistes, le candidat musulman faisait parfaitement oublier qu’il avait été un des plus jeunes polytechniciens de France avant d’intégrer l’ENA, dans la promotion Nelson Mandela - la même que Laurent Wauquiez. Il évoquait plutôt un bon vieil épicier tunisien de quartier - ce que son père avait été d’ailleurs, même si son épicerie était située à Neuilly-sur-Seine, et pas dans le 18ème arrondissement, encore moins à Bezons ou à Argenteuil.

    Plus que tout autre, rappela-t-il cette fois-ci, il avait bénéficié de la méritocratie républicaine ; moins que tout autre, il souhaitait porter atteinte à un système auquel il devait tout, et jusqu’à cet honneur suprême de se présenter au suffrage du peuple français. Il évoqua le petit appartement au-dessus de l’épicerie, où il faisait ses devoirs ; il ressucita brièvement la figure de son père, avec juste ce qu’il fallait d’émotion ; je le trouvais absolument excellent.

    Mais les temps, il fallait en convenir, poursuivit-il, avaient changé. De plus en plus souvent, les familles - qu’elles soient juives, chrétiennes ou musulmanes - souhaitaient pour leurs enfants une éducation qui ne se limite pas à la transmission des connaissances, mais intègre une formation spirituelle correspondant à leur tradition. Ce retour du religieux était une tendance profonde, qui traversait nos sociétés, et l’Education nationale ne pouvait pas ne pas en tenir compte. Il s’agissait en somme d’élargir le cadre de l’école républicaine, de la rendre capable de coexister harmonieusement avec les grandes traditions spirituelles - musulmanes, chrétiennes ou juives - de notre pays.

    Suave et ronronnant, son discours se poursuivit pendant une dizaine de minutes avant qu’on ne passe aux questions de la presse. J’avais remarqué depuis longtemps que les journalistes les plus teigneux, les plus agressifs étaient comme hypnotisés, ramollis en présence de Mohammed Ben Abbes. Il y avait pourtant, me semblait-il, des questions embarrassantes qu’on aurait pu lui poser : la suppression de la mixité, par exemple : ou le fait que les enseignants devraient embrasser la foi musulmane. Mais après tout n’était-ce pas le cas, déjà, chez les catholiques ? Fallait-il être baptisé pour enseigner dans une école chrétienne ? En y réfléchissant je me rendais compte que je n’en savais rien, et au moment où s’achevait la conférence de presse je compris que j’en étais arrivé exactement là où le candidat musulman voulait me mener : une sorte de doute généralisé, la sensation qu’il n’y avait rien là de quoi s’alarmer, ni de véritablement nouveau.

    Marine Le Pen contre-attaqua à midi trente. Vive et brushée de frais, filmée en légère contre-plongée devant l’Hôtel de Ville, elle était presque belle - ce qui contrastait nettement avec ses apparitions précédentes : depuis le tournant de 2017, la candidate nationale s’était persuadée que, pour accéder à la magistrature suprême, une femme devait nécessairement ressembler à Angela Merkel, et elle s’appliquait à égaler la respectabilité rébarbative de la chancelière allemande, allant jusqu’à copier la coupe de ses tailleurs. Mais, en ce matin de mai, elle semblait avoir retrouvé une flamboyance, un élan révolutionnaire qui rappelaient les origines du mouvement. Le bruit courait depuis quelque temps que certains de ses discours étaient écrits par Renaud Camus - sous la surveillance de Florian Philippot. Je ne sais pas si ce bruit était fondé, mais elle avait en tout cas fait des progrès considérables. D’emblée, je fus frappé par le caractère républicain, et même franchement anticlérical, de son intervention. Dépassant la référence banale à Jules Ferry, elle remontait jusqu’à Condorcet, dont elle citait le mémorable discours de 1792 devant l’Assemblée législative, où il évoque ces Egyptiens, ces Indiens « chez qui l’esprit humain fit tant de progrès, et qui retombèrent dans l’abrutissement de la plus honteuse ignorance, au moment que la puissance religieuse s’empara du droit d’instruire les hommes ».

    « Je croyais qu’elle était catho... me fit remarquer Myriam.
    –- Je ne sais pas, mais son électorat ne l’est pas, jamais le Front national n’a réussi à percer chez les catholiques, ils sont trop solidaires et tiers-mondistes. Alors, elle s’adapte. »..."

    #Houellebecq

  • Voyage autour de la « souche »

    "Employée dès le XIXe siècle pour désigner les Français installés en Algérie, par opposition aux « autochtones », l’expression « Français de souche » a été institutionnalisée en 1958. On distinguait alors les « Français de souche européenne » des « Français de souche nord-africaine ». Elle connut ensuite un certains succès dans les années 80 dans les milieux d’extrême droite. Une polémique est née en 1991 lorsque la démographe Michèle Tribalat a elle-même employé « Français de souche » dans une étude, pour désigner les personnes « nées en France de deux parents nés en France »..."

    Critique de la raison souchienne
    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2008/07/critique-de-la-raison-souchienne.html

    La défaite de la pensée souchienne
    http://indigenes-republique.fr/la-defaite-de-la-pensee-souchienne

    Généalogie d’un concept manipulé par l’extrême droite
    http://blogs.rue89.nouvelobs.com/les-mots-demons/2014/08/21/francais-de-souche-genealogie-dune-notion-manipulee-par-lextr

    Le Français de souche n’existe pas
    http://www.lepoint.fr/invites-du-point/didier_raoult/le-francais-de-souche-n-existe-pas-23-08-2012-1498404_445.php