• « Zen Kane : Faia & Rihan Younan sont deux soeurs syriennes réfugiées en Suède. L’une est chanteuse et l’autre journaliste. Elles ont conçu ce beau clip dédié aux pays déchirés que sont la Syrie, l’Irak, le Liban et la Palestine. La voix de Faia chantant Damas, Bagdad, Beyrouth et Jerusalem est absolument magnifique. »

    https://www.youtube.com/watch?v=4GO52i0xui8#t=493

  • « Le groupe adulte, blanc, de sexe mâle, catholique, de classe bourgeoise, sain d’esprit et de mœurs, est donc cette catégorie qui ne se définit pas comme telle et fait silence sur soi-même. Elle impose aux autres cependant à travers la langue sa définition comme norme, dans une sorte d’innocence première, croyant que « les choses sont ce qu’elles sont ». Elle ne sait pas que son pouvoir (son fardeau, sa responsabilité, son savoir... ) s’exprime dans l’univers symbolique de la langue et de la loi dont elle dispose avec naturel ... Le groupe qui dit ainsi Je, dans la langue comme dans la loi, le pouvoir et l’ensemble du consensus, est donc en premier lieu un groupe symbolique qui ne se saisit pas comme groupe concret uni par des liens impératifs . Reflet de la distribution du pouvoir, il est, au sens propre du mot, le sujet social. Il constitue le terme de référence de la relation entre le catégorisant et le catégorisé ( ... ). Sous sa forme symbolique le sujet social est un groupe implicite - « le dieu caché » - par quoi se définissent l’ensemble des acteurs sociaux, qu’ils le veuillent ou non. »

    [ Colette Guillaumin , L’idéologie raciste ]

  • « L’impératif d’assimilation est une euphémisation de la disparition. Une façon de souhaiter que les musulmans de France, à quelque degré qu’il le soient, ne le soient plus. Ne le disent ni ne le revendiquent, ne l’expriment ni ne l’assument. Et c’est ainsi que les apprentis sorciers qui, trop souvent, nous gouvernent enfantent des monstres. Car qui ne voit, dans cette accoutumance à l’intolérance, le cheminement d’un appel plus sourd à ce que, pis encore, les musulmans ne soient plus. A ce qu’ils nous débarrassent d’eux-mêmes ou à ce que nous nous en débarrassions. A ce que l’humanité diverse que recouvrent, dans le langage courant, les mots de musulman, d’arabe ou de maghrébin, soit désormais dehors, en dehors.

    C’est pourquoi, dans cette entreprise de négation d’une minorité, de ses droits dans l’immédiat avant que ce ne soit éventuellement de son existence, la question régulièrement agitée à la manière d’un chiffon rouge est celle de la visibilité des musulmans dans l’espace public. Qu’il s’agisse des mosquées, des prières, des habits ou des aliments, ces polémiques récurrentes, faites d’exagérations médiatiques où s’épanouit un journalisme d’opinion plutôt que d’information, rendent la France malade d’elle-même. J’entends par là la France telle qu’elle est, telle qu’elle vit et travaille, telle qu’elle évolue et se transforme. Car elles lui enjoignent de refuser le pluralisme qui l’habite, de ne pas accepter sa propre diversité et, par conséquent, de ne pas assumer ses défis sociaux.

    De fait, l’obsessionnelle question du foulard est un voile jeté sur nos sensibilités, générosités et curiosités. Brandir la visibilité de ce morceau de tissu comme la question décisive pour notre espace public, c’est nous inviter à ne plus voir le reste, tout ce que cette focalisation occulte et masque, et au premier chef la question sociale, celle des quartiers populaires. La haine de la religion qu’exprime envers l’islam et ses pratiquants un laïcisme intolérant, infidèle à la laïcité originelle, est l’expression d’un déni social : d’un rejet des dominés et des opprimés tels qu’ils sont. »

    [#Edwy_Plenel, "Pour les #Musulmans"]

    https://www.youtube.com/watch?v=rU41giSCu7Et=246

    #Racisme

  • Le référendum en Écosse : une révolte contre le règne conjoint de la finance et de l’impérialisme
    http://www.bastamag.net/Pourquoi-une-bonne-partie-de-la

    Le 18 septembre prochain, les Écossais se prononceront pour ou contre leur indépendance du Royaume-Uni. Selon les derniers sondages, l’hypothèse d’une victoire du Oui, impensable il y a quelques mois, n’est désormais plus improbable. Loin des clichés nationalistes, la campagne pour l’indépendance écossaise est aussi portée par une vaste mouvement populaire et démocratique, qui s’est attiré le soutien d’une bonne partie de la gauche et des écologistes, y compris en Angleterre même. Explications de Hilary (...)

    #Débattre

    / #Souveraineté_populaire, Élections , Démocratie !, #Alternatives_concrètes, L’Europe sous la coupe de l’austérité, A la (...)

    #Élections_ #Démocratie_ ! #L'Europe_sous_la_coupe_de_l'austérité

  • "Au démarrage de notre enquête, les réactions étaient doubles. Les uns - intellectuels, universitaires, chercheurs - nous disaient : « Pourquoi vous embêter à travailler sur ce type ? Tout le monde sait qu’il est mauvais. C’est un clown. Ça fait trente ans qu’il raconte n’importe quoi. » Aujourd’hui que paraît, en France et dans le monde anglo-saxon, cette édition très largement actualisée, notre réponse est toujours la même : peut-être BHL ne marquera-t-il pas l’histoire de la pensée, mais son rôle n’est pas nul. Il est lu, il s’exprime partout, sur tout, et tout le temps. Certains, par méconnaissance ou intérêt, le prennent au sérieux. Pourquoi faudrait-il que la critique de BernardHenri Lévy soit réservée à ceux qui savent ? Comment expliquer qu’un directeur de journal, qui dit en privé toutes les limites qu’il trouve à BHL, lui ouvre néanmoins ses colonnes ? Quels intérêts personnels, politiques, idéologiques Bernard-Henri Lévy sert-il ? Ces questions renvoient à l’histoire des intellectuels français depuis les années 1970.

    Les autres - journalistes souvent, mais pas seulement -s’inquiétaient : « Vous êtes fous ? Vous ne pourrez plus jamais travailler nulle part après ça. Il va vous écraser. » Aussi étrange que cela puisse paraître, Bernard-Henri Lévy inspire la crainte en France. Non par la puissance de sa pensée, mais par celle de son entregent. Par sa proximité avec presque tout ce que la presse et le monde de l’édition comptent de patrons et de directeurs, par sa propension à passer des coups de fil menaçants quand il s’estime maltraité, à engager des représailles contre des articles qui lui sont hostiles. Cette crainte, nous n’avons cessé de la vérifier pendant notre première enquête en 2003-2004, et nous l’avons encore observée pendant les mois consacrés à travailler sur cette édition actualisée. Combien d’interlocuteurs nous ont raconté des faits accablants, cocasses ou graves, tout en refusant d’être cités. A quoi bon se mettre â dos sa direction ou ses amis pour dénoncer ce qui, au regard de l’Histoire, n’est qu’une imposture mineure et un danger relatif ? « BHL, ce n’est pas Ben Laden », nous a-t-on dit. Certes. Mais dans certains milieux, le critiquer, c’est risquer une « rupture de ban », c’est donner le signe qu’on refuse le fonctionnement d’un monde. Et ce monde, c’est le nôtre. "

    [ Xavier de La Porte, Jade Lindgaard , Le B.A. BA du BHL ]

    http://books.google.be/books?id=8l0FZpuUJNgC&pg=PT195&lpg=PT195&dq=le+syst%C3%A8me+BHL&source=

  • Du racisme bonasse

    « La racialisation très forte dont les Noirs ont été victimes ne se corrèle pas mécaniquement avec les traitements racistes dont ils sont l’objet en France. Les comportements racistes peuvent en particulier s’exprimer sous la forme d’un #paternalisme bon enfant, assez condescendant, qui considère les Noirs comme des grands enfants immatures plutôt que des personnes dangereuses, par contraste avec le #racisme antiarabe qui est généralement plus agressif.

    La question doit être historicisée. On dit fréquemment, et à juste titre, que c’est à partir de la Première Guerre mondiale, dans le contexte de la mobilisation des troupes coloniales, que l’image des Noirs évolua, des "sauvages" cannibales des descriptions de voyageurs ou des romans de Pierre Loti aux tirailleurs "y a bon Banania", frustes mais braves et utiles pour peu qu’ils fussent bien encadrés. Cela est vrai, mais il convient de considérer que la représentation précédente ne disparut pas : elle subsista comme "mythe secondaire", comme un réservoir référentiel mobilisable le cas échéant et susceptible de se substituer au "y a bon Banania". Le racisme antinoir puise donc dans deux répertoires racistes : celui du brave tirailleur (enfantin) et celui du sauvage (dangereux), dans des combinaisons qui varient selon les circonstances.

    Le "répertoire du tirailleur", à forte tonalité paternaliste, est le plus usité, et il arrive de l’entendre régulièrement dans la bouche d’un commentateur de matchs de football, par exemple, ou même dans celle d’un président de la République qui s’extasiait, au retour d’un voyage en Afrique, sur le caractère "joyeux" de l’Africain. À partir de la Grande Guerre, les stéréotypes racistes français faisaient des Noirs des personnes à l’intellect inférieur, comparables à des grands enfants. Un auteur colonialiste de l’entre-deux-guerres, Jean Charbonneau, écrivait ainsi : "Il est cependant un point commun à tous les Noirs : c’est leur mentalité de grands enfants. De l’enfant, ils ont tous les défauts : la crédulité, l’orgueil, la vantardise, l’esprit de moquerie, l’amour du jeu, le bavardage, l’entêtement, la gourmandise, l’inconstance, l’imprévoyance. Ils en ont aussi toutes les qualités habituelles : la gaieté, l’entrain, l’ardeur aux exercices du corps, le sentiment très net de l’équité, l’attachement naïf et confiant à celui qui s’occupe de lui, et le traite à la fois avec bonté et sans faiblesse. Cet amour de la vie entretient dans l’âme africaine un merveilleux jaillissement d’affectivité. Les sentiments du Noir ne sont peut-être pas très profonds, ni très durables, mais ils sont généralement vifs, bondissants, tumultueux : ils décèlent un cœur frémissant, avide de se donner, capable de délicatesses inattendues, et d’une jeunesse impérissable ... Jeunesse impérissable des grands enfants noirs !"... »

    [#Pap #Ndiaye, La condition noire ]

  • Loin des tranchées : quand les #Multinationales européennes engrangeaient déjà les profits de la guerre
    http://www.bastamag.net/Les-profiteurs-de-guerre

    Septembre 1914. Alors que les armées allemandes envahissent le Nord de la France, la mobilisation générale sonne aussi pour les industriels. Le gouvernement charge de grands patrons français de réorganiser l’économie, placée au service de la guerre. Mais pas question pour autant de sacrifier les profits ! Des deux côtés du Rhin, les bénéfices explosent pour quelques grandes entreprises. Une situation qui suscite colères et débats alors que des centaines de milliers d’hommes tombent au front. Plusieurs de (...)

    #Décrypter

    / #Mémoires, #Capitalisme, Multinationales, #Inégalités, #Enquêtes, #Oligarchies, #Europe, A la (...)

  • La métamorphose des juifs d’Algérie

    "Juillet 1830 : les premiers Juifs rencontrés par I’armée française près d’Alger « fuient apeurés » à son approche. Juillet 1961 : plus de 90 % des Français d’Algérie de confession juive quittent définitivement l’Algérie pour la France.

    Entre ces deux dates, les Juifs d’Algérie ont progressivement refoulé leur identité berbéro-arabe, identité d’homme humilié et infériorisé, pour adopter l’identité française, symbole de celle d’homme libre et libéré qui coexistera avec leur identité religieuse, de plus en plus cantonnée à la sphère privée.

    Aujourd’hui, en France, la mémoire de ceux qui parlent fait revivre leurs identités plurielles : citoyens français, ils revendiquent leur judéité, inscrite dans la sphère séfarade , imprégnée de culture berbéro-arabe (qui leur fait aimer et perpétuer en France la cuisine, la musique, les danses de leur pays natal), et partagent avec les pieds-noirs leurs émotions pour l’Algérie idéalisée du passé.

    La transformation de plus en plus souhaitée et revendiquée des juifs indigènes en citoyens français sera l’aboutissement d’un processus qui débuta dès la conquête de 1830, et le résultat d’ enjeux multiples : politiques, juridiques, idéologiques, de la part du colonisateur, mais aussi de la part des élites juives de France et d’Algérie. Spectateur, d’abord fatalistes, de leur devenir, objets de multiples enquêtes de la part des gouvernements, recensés, enregistrés obligatoirement à l’état civil, dotés de Consistoires sur le modèle français, les juifs d’Algérie, progressivment sécularisés par l’école française, où vont filles et garçons, et par l’armée, mais en contact avec la société française, vont rapidement être des acteurs conscients de leur propre acculturation."

    [Joelle Allouche-Benayoun, " Les enjeux de la naturalisation des Juifs d’Algérie : du dhimmi au citoyen "]

  • 29 août : anniversaire de la mort de Naji al-Ali, créateur de Hantala, assassiné par des agents doubles du Mossad en 1987 :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Naji_al-Ali

    Le mercredi 22 juillet 1987 vers 17 h 13, Naji gare sa voiture à Eves Street à Londres, à moins de 30 mètres de Alqabas Aldawliya, le journal koweïtien où il travaille. Un de ses collègues raconte qu’il a vu Naji marcher dans la direction des locaux du journal, suivi par un homme aux cheveux noirs portant une veste en jean. Quelques secondes plus tard, il entend un coup de feu et voit Naji par terre et l’homme qui le suivait fuir. Le samedi 29 août, 38 jours plus tard, Naji succombe à ses blessures. Il meurt le 29 août 1987. Il souhaitait être enterré à Ain al-Hilweh aux côtés de son père, ce qui fut impossible à faire et fut enterré au cimetière islamique Brookwood en dehors de Londres. Les commanditaires du meurtre étaient probablement des agents du Mossad.

    […]

    La police britannique a arrêté un jeune étudiant palestinien, Ismail Hassan Saouane, après avoir trouvé une cache d’armes dans son appartement, qui, selon les dires de la police, serviraient à des attaques terroristes en Europe ; il fut condamné pour possession d’armes et d’explosifs. Saouane était membre de l’OLP, bien que l’organisation ait nié toute implication. Pendant son interrogatoire, Saouane confessa qu’il travaillait pour les services secrets israéliens (le Mossad), qui selon lui était au courant du meurtre du caricaturiste. En refusant de fournir les informations utiles à leurs collègues britanniques, le Mossad s’arrogea la méfiance de l’Angleterre, qui expulsa deux diplomates israéliens de Londres. Margaret Thatcher, premier ministre de l’époque, ordonna la fermeture des bureaux du Mossad à Palace Green, Kensington.

    MI5 was feuding with Mossad while known terrorists struck in London
    http://www.independent.co.uk/news/world/mi5-was-feuding-with-mossad-while-known-terrorists-struck-in-london-1

    It discloses that relations between MI6 and Mossad reached a new low in 1987 after the London-based Nagy el-Ali el-Adami was shot on the doorstep of the offices in Chelsea of the Middle Eastern newspaper El-Kabas, where he worked.

    He was noted for his witty and satirical cartoons against the Israeli occupation but also against the Palestinian leadership and Yasser Arafat, whom he lampooned as being gay.

    The Israelis had two double agents in PLO London hit-teams involved in the killing but had not warned the British. Both agents were arrested by Scotland Yard after the murder and disclosed that they were working for the Israelis.

  • « La cause de toutes les grandes révolutions, cause plus profonde que leur prétexte, n’est pas dans l’accumulation de circonstances intolérables, mais dans l’usure de la cohésion qui favorisait la satisfaction artificielle des âmes. On pourrait citer à ce propos la formule d’un des plus fameux d’entre les premiers philosophes scolastiques, en latin » Credo ut intelligam ", qui pourrait se traduire, un peu librement, en langage contemporain : « Seigneur mon Dieu ! accorde à mon esprit un crédit à la production ! » Les credo humains ne sont probablement que des cas particuliers du crédit. En amour comme dans les affaires, dans les sciences comme dans le saut en longueur, on doit croire avant de pouvoir gagner ou atteindre son but ; comment cela ne serait-il pas vrai de la vie en général ? Son ordre peut être fondé sur ce qu’on voudra, il n’y en a pas moins toujours, par-dessous, un commencement de croyance en cet ordre, définissant, comme dans une plante, l’endroit où la croissance a commencé. Quand cette croyance est épuisée, pour laquelle il n’y a ni justificatifs ni couverture, la banqueroute ne tarde pas ; les âges et les empires s’écroulent comme les affaires quand leur crédit est épuisé.

    (...) La Cacanie était, dans l’actuel chapitre de l’évolution, le premier pays auquel Dieu eût retiré son crédit, le goût de vivre, la foi en soi et la capacité qu’ont tous les Etats civilisés de propager au loin l’avantageuse illusion qu’ils ont une mission à accomplir. C’était un pays intelligent, qui abritait des hommes civilisés. Comme tous les hommes civilisés de tous les pays du monde, ils erraient, l’âme irrésolue, dans un monstrueux tourbillon de bruit, de vitesse, de nouveautés, de litiges, enfin de tout ce qui fait le paysage optique et acoustique de notre vie. Comme tous les autres hommes, ils lisaient ou entendaient quotidiennement une douzaine de nouvelles qui leur faisaient dresser les cheveux sur la tête ; ils étaient prêts à en être troublés, à intervenir même, mais rien ne se passait, parce que quelques instants plus tard le trouble était déjà supplanté dans leur conscience par d’autres troubles. Comme tous les autres, ils se sentaient environnés de meurtres, de violences, de passions, de sacrifices, de grandeur, événements qui se déroulaient d’une façon ou d’une autre dans la pelote embrouillée autour d’eux ; mais ils ne pouvaient pas aller jusqu’à ces aventures, enfermés qu’ils étaient dans un bureau ou quelque autre établissement professionnel, et le soir, quand ils se trouvaient libres, la tension dont ils ne savaient plus que faire explosait en divertissements qui ne les divertissaient pas. A cela venait encore s’ajouter, chez les gens cultivés, quand ils ne s’adonnaient pas entièrement, comme Bonadea, à l’amour, une autre chose : ils n’avaient plus le don du crédit et pas encore celui de la duperie. Ils ne savaient plus où aboutissaient leurs sourires, leurs soupirs, leurs pensées. A quoi avaient-ils souri ou pensé ? Leurs opinions étaient arbitraires, leurs penchants existaient depuis longtemps, pour toutes choses il y avait déjà, flottant dans l’air, un schéma préfabriqué dans lequel on se ruait, et ils ne pouvaient rien faire ou rien omettre de grand coeur, parce qu’il n’y avait pas de loi pour donner une unité. Ainsi l’homme cultivé était-il un homme qui sentait on ne sait quelle dette s’accroître sans cesse, qu’il ne pourrait plus jamais acquitter. Il était celui qui voyait venir la faillite inéluctable : ou bien il accusait l’époque dans laquelle il était condamné à vivre, encore qu’il prît autant de plaisir à y vivre que quiconque, ou bien il se jetait, avec le courage de qui n’a rien à perdre, sur la première idée qui lui promettait un changement.

    Sans doute était-ce la même chose dans le monde entier, mais lorsque Dieu retira son crédit à la Cacanie, il fit encore ceci de particulier qu’il révéla à des nationalités entières les difficultés de la civilisation. Ces nationalités étaient installées sur le terrain cacanien commes des bactéries, sans se soucier autrement de la courbure du ciel ou des problèmes analogues, mais tout d’un coup elles se trouvèrent à l’étroit. Ordinairement, l’homme ne sait pas qu’il doit se croire plus qu’il n’est pour pouvoir être ce qu’il est ; mais il faut au moins qu’il sente ce « plus » d’une manière ou d’une autre au-dessus et autour de lui ; et parfois, tout à coup, il peut en être privé. Alors, quelque chose d’imaginaire lui manque."

    [Robert Musil , « L’homme sans qualités »]

  • Pour une politique des noms

    " Ne plus avoir de noms, ne plus avoir de papiers d’identité, devenir plus encore qu’anonymes : innommables. C’est en un sens le rêve tantôt avouable, tantôt inavouable, de toutes les minorités. Parce que celles-ci savent combien les noms sont d’abord des opérations de pouvoir, permettant non seulement d’égrener mots d’ordre et mensonges, mais plus encore d’élever les uns, d’abaisser les autres, d’épingler les uns et les autres, fracturant le continuum naturel des multiplicités sociales en castes, classes ou races. Les noms relèvent par définition d’une violence symbolique - elle soutire à chacun sa singularité et son autonomie — et d’une violence réelle, celle que subissent au quotidien tous ceux qui ont le malheur d’être nés sous un nom maudit — arméniens, juifs, arabes, roms, homosexuels, tutsis, indiens... ; elle peut même être double, incluant par assignation dans un ordre celui qui voudrait s’en échapper et excluant par désignation celui qui voudrait en être — double violence symbolique qui conduit à une double violence réelle : d’un côté celle des pogroms, des ratonnades, des cassages de pédés, des massacres de masses — logique de la haine —, de l’autre celle des portes fermées, du « tu n’es pas des nôtres » — logique de la négation. La nomination est une violence discrète (qui ne se voit pas d’emblée, qui sépare), et réversible, comme en témoigne le génocide rwandais : Tutsis et Hutus furent d’abord des noms inventés par les colonisateurs pour diviser et mieux régner en favorisant les premiers aux dépens des seconds, semant ainsi les graines d’un renversement génocidaire à venir. Malheur aux nommés.

    Un nom, c’est donc d’abord le nom qu’un maître majoritaire (un Dieu, un père, une caste dominante, un conquérant, un parti…) a donné à un être jugé mineur et qui portera à jamais cette violence majoritaire, y compris quand le rapport se renverse et que le nom de l’opprimé devient celui de l’oppresseur. Car même quand cette nomination se fait censément au profit d’une minorité opprimée, c’est toujours aux dépens d’une autre : on parle de peuple pour ne pas parler de prolétariat ni de lutte des classes, mais on parle de « prolétariat » pour ne pas parler des sans-papiers et des minorités qui le constituent, voire il arrive qu’on parle du droit des minorités pour ne pas parler du peuple et du prolétariat. D’où le rêve de devenir innommable que le minoritaire peut ressentir, parfois contre lui-même, lui qui souhaiterait malgré tout « se faire un nom »."

    http://www.vacarme.org/article2642.html

  • « L’empire tombera de l’intérieur » (#FPLP)

    « Quand nous voyons les images d’aujourd’hui à Ferguson, nous voyons émerger une nouvelle Intifada, dans la longue lignée de l’Intifada et du combat qui a été mené par le peuple noir aux Etats-Unis et internationalement. Le mouvement de libération national palestinien salue mouvement de libération noir, et a beaucoup appris des expériences de Malcolm X, Martin Luther King, Frederick Douglass, les Black Panthers, Sojourner Truth et les générations de révolutionnaires noirs qui ont ouvert la voie en combattant pour la libération et l’auto-détermination »

    « Le FPLP encourage tous les Palestiniens et spécialement notre communauté palestinienne aux Etats-Unis, à continuer et intensifier leurs efforts pour soutenir le mouvement de libération noir, depuis les actions en soutien à Ferguson et en l’honneur de Michael Brown , jusqu’aux combat commun, soutenu et de longue durée et la solidarité mutuelle avec le mouvement noir. »

    http://pflp.ps/english/2014/08/19/pflp-salutes-the-black-struggle-in-the-us-the-empire-will-fall-from-within

  • Amusante citation d’un des pères de la « Révolution conservatrice » (allemande), Spengler, sur l’Europe

    "Ici encore, l’historien est dominé par le préjugé fatal de la géographie ! - pour ne pas dire de la suggestion de la carte - qui admet un continent européen . Ce qui lui fait croire à lui aussi qu’il est tenu de tracer une frontière idéale correspondante avec l’ « Asie ». Le mot Europe devrait être rayé de l’histoire. Il n’existe pas de type historique « européen ». Il est fou de parler d’ « Antiquité européenne » chez les Hellènes (Homères, Héraclite, Pythagore seraient-ils donc des Asiates ?) et de leur « mission » de rapprocher les cultures asiatiques et européennes. Ces mots issus d’une interprétation superficielle de la carte ne correspondent à aucune réalité. Le terme d’Europe, avec tout le complexe d’idées qu’il suggère, a seul créé dans notre conscience historique une unité que rien ne justifie entre la Russie et l’Occident. Ici, dans une culture de liseur, formés par les livres, c’est une pure abstraction qui a conduit à des conséquences réelles immenses. On a faussé pour des siècles, dans la personne de Pierre le Grand, la tendance historique d’une masse primitive en dépit de l’instinct russe qui limite très justement, avec une hostilité intérieure incarnée par Tolstoï, Aksakov et Dostoïvski, les frontières de l’ « Europe » à celles de la « Russie Mère ». Orient et Occident sont des concepts à pure substance historique. « Europe » est un son creux. Toutes les grandes créations de l’ Antiquité sont nées de la négation de toute frontière continentale entre Rome et Chypre, Byzance et Alexandrie. Tout ce qui s’appelle culture européenne est né entre la Vistule, l’Adriatique et le Guadalquivir. Même en supposant que la Grèce de Périclès « fut située en Europe », aujourd’hui elle ne l’est plus."

    [Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident ]

  • L’Europe à l’assaut des terres agricoles mondiales, par Agnès Stienne (@odilon)
    http://visionscarto.net/accaparement-des-terres

    C’est la ruée sur les terres arables. La main mise par les sociétés agro-industrielles et les spéculateurs, notamment européens, sur les terres agricoles mondiales n’a jamais été aussi vigoureuse. En 2014, selon Land Matrix, le site internet qui recense les contrats documentés — tous ne le sont pas, c’est un business encore assez opaque —, près de 36 millions d’hectares de terres, à l’échelle mondiale, ont fait l’objet de transactions foncières, et 14 millions d’hectares sont en (...)

  • Le plan effarant de Moshe Feiglin, vice-président de la Knesset

    Avec l’aide de Dieu.

    À l’attention de Monsieur le Premier ministre, Benjamin Netanyahou.

    Monsieur le Premier ministre, nous venons d’apprendre que le Hamas s’est servi du cessez-le-feu pour enlever un officier. Il semble que cette opération ne soit pas prête de se terminer.

    L’échec de cette opération était inévitable depuis ses débuts, car :

    a) Elle n’a aucun objectif clair et précis

    b) il n’y a pas de structure appropriée pour soutenir moralement nos soldats.

    Ce qui est nécessaire, désormais, c’est de comprendre le fait qu’Oslo, c’est terminé ; que c’est notre pays et notre pays exclusivement, y compris Gaza. Il n’y a pas deux États, ni deux peuples ; il n’y a qu’un État pour un peuple.

    Ayant compris celà, ce dont nous avons besoin, c’est d’une révision complète et minutieuse de notre stratégie, en termes de définition de l’ennemi, des tâches opérationnelles, des objectifs stratégiques, et bien entendu, de l’éthique de guerre appropriée.

    1) Définir l’ennemi :

    L’ennemi stratégique est l’Arabe musulman extrémiste sous toutes ses formes, de l’Iran à Gaza, qui cherche à annihiler Israël dans son entièreté. L’ennemi immédiat est le Hamas (pas les tunnels, ni les roquettes ; le Hamas)

    2) Définir les tâches :

    Conquérir la totalité de la bande de Gaza, et annihiler toutes les forces combattantes et leurs soutiens.

    3) Définir un objectif stratégique :

    Transformer Gaza en Jaffa, une ville israélienne florissante comptant un nombre aussi restreint que possible de civils hostiles.

    4) Définir une éthique de guerre :

    « Malheur à celui qui cause le mal, et malheur à son voisin »

    À la lumière de ces quatre points, Israël doit agir de la sorte :

    a) L’IDF [l’armée israélienne] doit désigner certaines zones ouvertes sur la frontière du Sinaï, adjacente à la mer, dans laquelle la population civile serait concentrée, loin des zones urbaines actuellement utilisées pour des tirs de roquettes et où se trouvent des tunnels. Dans ces zones, des campements de tentes seraient établis, jusqu’à ce que des destinations d’émigration adaptées soient déterminées. La distribution d’électricité et d’eau vers la zone autrefois peuplée sera coupée.

    b) La zone autrefois peuplée sera bombardée avec la puissance de feu maximale. L’infrastructure civile et militaire du Hamas dans son intégralité, ses moyens de communication et sa logistique, seront détruites entièrement et rasées.

    c) L’IDF divisera la bande de Gaza latéralement et en travers, étendra de manière significative des corridors, occupera des positions de commandement, et exterminera les poches de résistance, s’il s’avère qu’il en reste.

    d) Israël commencera à chercher des destinations d’émigration et des quotas pour les réfugiés provenant de Gaza. Ceux qui désirent émigrer bénéficieront d’un ensemble de mesures économiques généreuses, et arriveront dans leurs pays d’accueil avec des moyens économiques considérables.

    e) Ceux qui veulent rester, s’il est démontré qu’ils n’ont aucune affiliation avec le Hamas, seront obligés de signer publiquement une déclaration de loyauté à Israël, et recevront une carte d’identité bleue similaire à celle des Arabes de Jérusalem-Est.

    f) Quand les combats seront terminés, la loi israélienne sera étendue afin de couvrir la bande de Gaza toute entière, les gens expulsés de Gush Katif seront invités à retourner dans leurs colonies, et la ville de Gaza et sa périphérie seront reconstruites à l’image de véritables villes touristiques et commerciales israéliennes.

    Monsieur le Premier ministre,

    Nous vivons à un moment-clé de notre destin et de l’histoire de l’État d’Israël. Toutes les métastases que sont nos ennemis, de l’Iran au Hezbollah en passant par l’EIIL et les Frères musulmans, se frottent allègrement les mains et se préparent pour le prochain round. Je vous préviens que toute solution moins ambitieuse que celle que je viens de définir ici signifierait encourager l’offensive constante contre Israël. Il n’y a que lorsque le Hezbollah aura compris comment nous aurons traité le problème du Hamas dans le Sud qu’il cessera de tirer ses 100 000 missiles par le Nord. Je vous exhorte d’appliquer la stratégie proposée ici. Je n’ai aucun doute que l’ensemble de la population israélienne se tiendra à votre droite dans son écrasante majorité, tout comme moi, si seulement vous adoptiez ce plan.

    Avec mes plus hautes considérations, et tout mon respect,

    Moshe Feiglin

    http://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/concentrate-and-exterminate-israel-parliament-deputy-speakers-ga

  • Le FN et la LDJ

    "Les premiers contacts de Jean-Claude Nataf – Carlisle avec le « clan mariniste » datent du début des années 2000. A l’époque c’est avec Louis Aliot, le pourfendeur d’antisémites au sein de Front National que des contacts ont lieu. En 2010 Marc Georges [2] raconte cette anecdote dans une interview donnée au journal Rivarol : « En 2006 Alain Soral, inquiet pour sa sécurité, avait sollicité Marine Le Pen dont il connaissait les accointances judéomanes [sic], pour qu’elle intervînt en sa faveur car il craignait d’être menacé par des bandes sionistes du type du Bétar ou de la LDJ. Et Marine Le Pen a appelé devant lui dans son bureau Michaël Carlisle, le chef de la Ligue de défense juive, pour lui demander si Soral était effectivement menacé. Ce à quoi Carlisle a répondu que non. Et pour cause, quand on sait qu’en contrepartie de ce service, Alain Soral, ce qui en étonnera plus d’un — c’est lui qui me l’a raconté — qui avait sympathisé avec Gilles-William Goldnadel, agent israélien notoire, ultra-sioniste, a présenté ce dernier à Marine Le Pen dans le cadre d’une rencontre tripartite. Edifiant  ! » [3]

    Cette interview fait l’objet d’un article dès le lendemain sur le blog Droites Extrêmes du Monde mais sans faire mention de cette anecdote. L’article du Monde est repris sur le site officiel du FN « Nations Presse Infos ». Peu étonnant, puisque débarrassé de ce passage, l’article au final servait les intérêts marinistes dans sa course à la présidence du FN, sa conclusion étant : « Bref, à l’insu des protagonistes, les prises de position de Marc George et Jérôme Bourbon en faveur de Bruno Gollnisch, pourraient avoir des allures de baiser qui tue ». Etrange tout de même que ce coup de fil n’ait pas déclenché plus d’interrogations de la part des média à l’époque. Renseignement pris, il semblerait qu’il n’y ait pas eu appel, mais plus simplement un entretien direct.

    Un des autres alliés de JCN-Carlisle au sein du FN est Jean-François Touzé, dont il est un proche. Ce dernier, véritable girouette de l’extrême droite [4] en faisait un interlocuteur parfait, mais sa ligne jugée trop « occidentaliste » débouchera sur son exclusion du Front. On le retrouvera quelques années plus tard, toujours aux côtés de JCN-Carlisle, prenant la parole lors de rassemblements de soutien à Israël, notamment ceux organisés par l’association Europe-Israël de Jean-Marc Moskowicz. Et à ceux qui s’inquiètent ou s’étonnent de sa présence (notamment lors de la manifestation devant l’ambassade d’Israël), il répondra sur le site ultra sioniste JSS-News : « il se trouve simplement que ce jour là mon ami « Mickaël C » de la LDJ m’a demandé de prendre le micro et d’improviser un discours ce que j’ai fait bien volontiers. » On ne peut faire plus clair.

    Toutefois ces rencontres entre JCN-Carlisle et l’équipe mariniste rencontrent un obstacle de taille, l’attitude et les choix stratégiques d’un Jean-Marie Le Pen, qui au même moment, joue la carte du duo Dieudonné – Soral livré sur un plateau par Frédéric Chatillon [5]. La consécration de cette nouvelle alliance est la venue de Dieudonné à la fête « Bleu blanc rouge » (BBR) du #FN en 2006. Cela met un coup d’arrêt aux rencontres entre JCN-Carlisle et l’équipe mariniste. Pour ce dernier, présent aux BBR et menant la fronde contre Dieudo, F. Chatillon représente la quintessence de l’antisémitisme, et on peut dire qu’il connait fort bien ce sujet, tout comme il connait fort bien le monsieur. Mais pour comprendre cela il nous faut remonter un peu dans le temps, dans les années 1980 plus précisément. A cette époque la LDJ n’existe pas encore, et c’est au sein du Betar qu’évolue JCN-Carlisle. Il participe, entre autres, à la mise en place de ce qui deviendra quelques années plus tard le Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ), officiellement rattaché au CRIF depuis. Une de ses principales activités du moment est la « surveillance » des groupes d’extrême droite (ED), avec une préférence pour ceux définis comme antisémites. C’est à ce titre qu’il fréquente différentes librairies, au premier plan desquelles figurait Ogmios, librairie où officiait Frédéric Chatillon. Dans sa très complète biographie de François Duprat, Nicolas Lebourg nous apprend que Jean-Claude Nataf était présent au cimetière Montmartre pour la commémoration de la mort de François Duprat en 1998, année où Pierre Sidos était présent avec pas mal de militants de l’œuvre française, Nataf est présenté comme « cadre du Betar … qui se charge de longue date de garder un œil sur l’extrême droite antisémite » [6]. Surveillance qu’il ne cessera jamais vraiment, faisant du monsieur un assez bon connaisseur de ce petit milieu. Mais si « connaissance » il y a, les réticences se limitent, elles, aux seuls groupes affichant leur antisémitisme viscéral, il est évident que les groupes d’ED ciblant l’immigration, l’Islam et/ou les populations d’origines arabes ne seront pas mis sur le même plan, et jugés de la même façon.

    En 2008, signe que le torchon brule entre JCN-Carlisle et le FN, le Front met en ligne un article sur « Nations Presses Info » intitulé « Pour Michael Carlisle de la #LDJ, les chrétiens en mission ne sont « pas les bienvenus » en Israël ! », qui se finit tout de même sous forme de menaces à peine voilées. Le plus important de l’article restant cette précision : « l’intéressé n’est pas n’importe qui. Michael Carlisle est un habitué de la mouvance nationale française depuis les années 60. Il a un temps fréquenté le Mouvement Occident jusqu’en 1968, pour se rapprocher par la suite du Betar et de l’ultra droite sioniste en France. »... "

    http://reflexes.samizdat.net/spip.php?article501

  • Le schème de la clôture en Israël-Palestine - Cairn.info

    http://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2009-3-page-207.htm

    via @cdb_77

    Le schème de la clôture avant la création de l’État d’Israël, au tournant du xxe siècle

    Observons l’histoire récente du développement urbain au Proche-Orient. Au tournant du xxe siècle, à Jérusalem, tous les quartiers établis en dehors des remparts de la vieille ville étaient eux-mêmes ceints de murs de pierre épais, qu’ils soient construits par des Arabes palestiniens, des Européens chrétiens ou des communautés juives (Salenson, 2007). Quelles étaient les raisons présidant à ce choix de la fermeture ?

    #israËl #Palestine #murs #frontières

  • Petite bibliographie autour du rapport Laïcité /Colonialisme (élaborée par Alain Gresh)

    Le choc colonial et l’islam (de Pierre-Jean Luizard)

    " « La laïcité est l’arme des nouveaux croisés » proclame aujourd’hui un slogan islamiste. Au-delà de ce jugement abrupt, on doit constater en tout cas que le rapport entre les héritages de la domination coloniale et l’importation de conceptions laïques et/ou sécularisées dans les pays musulmans est aujourd’hui au cœur des problématiques qui fondent les questionnements sur l’islam. Le contexte colonial a en effet manifesté partout les limites d’universalismes européens qui, pour la plupart, puisaient aux sources des Lumières. À l’épreuve de la colonisation, les idéaux émancipateurs sont souvent devenus la légitimation d’entreprises de domination, quand ils n’ont pas été purement et simplement retournés. La non-application de la loi de 1905 aux musulmans de l’Algérie française, le confessionnalisme politique au Liban, le projet sioniste en Palestine, la « question irakienne », la création du Pakistan sont autant d’exemples qui interrogent ces universalismes. Ce sont ces situations — et bien d’autres — que revisitent les auteurs de ce très riche ouvrage collectif. En choisissant de confronter les politiques religieuses des puissances coloniales avec la façon dont elles ont été perçues par les musulmans, ils fournissent les clefs pour comprendre les retours actuels. Une large place est réservée à l’expérience française, mais la problématique est élargie aux autres puissances coloniales européennes : Royaume-Uni et Russie."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_choc_colonial_et_l_islam-9782707146960.html

    Les Lumières, l’esclavage, la colonisation
    (de Yves Benot)

    "L’itinéraire intellectuel et militant de l’historien Yves Benot (1920-2005) s’est ordonné autour de trois grands axes complémentaires et indissociables au sein de son œuvre immense : les processus de décolonisation de l’Afrique francophone, où il a vécu de nombreuses années ; les fondements intellectuels de l’anticolonialisme et de la lutte antiesclavagiste au siècle des Lumières, dont il fut un précurseur avisé en mettant à jour, notamment, l’apport de Diderot dans la grande œuvre de Raynal ; les processus d’abolition de l’esclavage dans la Révolution française, puis ceux de son tragique rétablissement par Napoléon. Réunissant des articles publiés par Yves Benot sur une quarantaine d’années, du début des années 1950 jusqu’à ses derniers jours, cet ouvrage rend compte de la continuité et de la richesse de cet engagement intellectuel. Se succèdent ainsi, selon un ordre thématique qui ne doit pas occulter l’unité de la démarche de l’auteur, l’Afrique des indépendances, Diderot, Raynal et les Lumières, la Révolution française et les luttes coloniales, les Indiens d’Amérique, cœur d’un projet d’ouvrage que la mort a interrompu. Un livre d’histoire original et passionnant, qui est aussi un hommage à cet historien et cet écrivain infatigable, toujours présent sur le terrain de la recherche, tout comme il le fut sur celui des luttes d’aujourd’hui pour l’égalité et contre toutes les formes d’oppression, dans nos sociétés comme dans celles des pays issus des décolonisations du dernier demi-siècle."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_Lumieres__l_esclavage__la_colonisation-9782707147028.

    1885 : le tournant colonial de la République (de Gilles Manceron)

    "Lors du débat public des années 2000 en France sur la question coloniale, on a souvent oublié que la République n’a jamais été vraiment unanime sur ce sujet. Ainsi, en 1885, quand certains républicains ont repris à leur compte l’idée monarchique de conquêtes coloniales, cela a donné lieu à des affrontements passionnés à la Chambre des députés, à l’issue desquels le projet colonial ne s’est imposé que de justesse.
    D’où l’intérêt majeur de relire aujourd’hui les formidables débats parlementaires de juillet et décembre 1885, lors du vote de crédits pour la poursuite de la conquête de Madagascar et de l’Indochine. L’historien Gilles Manceron en propose ici une sélection raisonnée, assortie d’une préface les remettant en perspective. Quand Jules Ferry défend l’idée d’une « colonisation républicaine » au nom du droit des « races supérieures vis-à-vis des races inférieures », Jules Maigne, un vieux républicain de 1848, lui réplique : « Vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les droits de l’homme ! ». Et Georges Clemenceau : « Je ne comprends pas que nous n’ayons pas été unanimes ici à nous lever d’un seul bond pour protester violemment contre vos paroles ! »
    Le « parti colonial » a tout fait ensuite pour faire oublier ce débat fondamental de 1885. C’est sur cette occultation qu’a pu se développer pendant trois quarts de siècle une politique coloniale républicaine faisant fi des droits de l’homme - et dont l’héritage fait retour aujourd’hui ."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-1885___le_tournant_colonial_de_la_Republique-978270714937

    Mission civilisatrice (de Dino Costantini)

    "À la fin des années 1990, la question coloniale a surgi au cœur du débat public français. Elle a donné lieu à d’âpres oppositions, parfois définies comme une « guerre des mémoires », entretenant souvent l’image schizophrène de deux France, celle de l’universalisme républicain et celle de l’arbitraire colonial. C’est pour dépasser cet affrontement que Dino Costantini propose, dans ce livre, de revenir sur le lien ambigu qu’ont entretenu la théorie des droits de l’homme et le pouvoir colonial, en s’appuyant notamment sur l’analyse des écrits des savants et politiciens des années 1930. L’auteur montre ainsi comment la question coloniale a influencé en profondeur la construction de l’identité politique de la France de 1789 à la veille des décolonisations : le colonialisme français a régulièrement violé dans les colonies les principes démocratiques et humanistes dont il se faisait le chantre dans sa patrie et, grâce à l’idée de « mission civilisatrice », il a progressivement transformé ces principes en un instrument de justification de la domination.
    La persistance de cette rhétorique dans le débat public actuel rend précieuse la relecture de la critique postcoloniale proposée par Dino Costantini dans la dernière partie du livre, à travers l’étude des œuvres d’Aimé Césaire, d’Albert Memmi et de Frantz Fanon. Leur contestation de la réduction de l’humain à l’Européen constitue le point de départ incontournable pour la construction d’un universalisme qui sache finalement dépasser les équivoques culturalistes. Et qui permette enfin la décolonisation de l’imaginaire politique français et occidental."

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Mission_civilisatrice-9782707153876.html

    #Colonisation
    #Colonialisme
    #Laïcité
    #République
    #Islam
    #Universalisme

  • Des Indiens d’Amérique aux Palestiniens de Palestine.
    http://www.vacarme.org/article2666.html

    Les opprimés peuvent changer, les oppressions perdurent. De mêmes rapports de domination peuvent se reproduire endossés par de nouveaux acteurs dans d’autres conditions technologiques et militaires. Oui, l’#antisémitisme existe encore, tout comme il existe encore des Indiens en Amérique. Oui, notre lutte contre l’antisémitisme ne peut s’arrêter qu’avec lui. Mais nous ne supportons pas que cette lutte devienne, d’éditorial en déclaration, du Figaro à Libération, le moyen de discréditer la résistance palestinienne et son soutien en France. Nous ne supportons pas que quelques faits isolés deviennent des phénomènes de société. Nous rappelons que brûler un drapeau israélien n’est pas nécessairement de l’antisémitisme. Brûler un drapeau est d’abord un geste anti-nationaliste et anti-impérialiste, un geste politique de libération.

    #Israël #Palestine #Gaza

  • Fabius et Cazeneuve prêts à « favoriser l’accueil » en France des chrétiens d’Irak
    http://www.bfmtv.com/politique/fabius-cazeneuve-prets-a-favoriser-laccueil-france-chretiens-dirak-820067.htm

    Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, se sont déclarés prêts lundi à « favoriser l’accueil », au titre de l’asile, des chrétiens d’Irak victimes de « persécutions » de la part des jihadistes.

    « Nous venons en aide aux déplacés qui fuient les menaces de l’Etat islamique et se sont réfugiés au Kurdistan. Nous sommes prêts, s’ils le souhaitent, à en favoriser l’accueil sur notre sol au titre de l’asile », écrivent les deux ministres dans un communiqué commun.

    Curieuse réponse, tout de même, aux accusations de Louis Raphaël Ier Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens, reproduites par Radio Vatican en novembre dernier : Les ambassades étrangères favorisent l’exil des chrétiens d’Orient, dénonce le patriarche de l’Église chaldéenne
    http://fr.radiovaticana.va/news/2013/11/11/les_ambassades_%C3%A9trang%C3%A8res_favorisent_lexil_des_chr%C3%A9tiens_dorient,/fr1-745675

    En Irak, les ambassades et les consulats étrangers favorisent l’octroi de visas d’asile aux chrétiens irakiens. Un phénomène dénoncé par le patriarche de l’Église chaldéenne Mgr Louis Raphaël Sako. L’octroi de visas d’asile aux chrétiens irakiens par les chancelleries occidentales met en danger l’équilibre, déjà fragile, des communautés chrétiennes du Moyen Orient selon lui.

    Lors du synode des évêques catholiques irakiens réunis en conseil extraordinaire à Bagdad le 5 novembre dernier, Mgr Sako s’est élevé contre ce processus de « migration organisée ». Le patriarche chaldéen a proposé de consulter les autres Eglises et communautés chrétiennes présentes en Irak afin de répondre par des mesures concrètes et partagées à ce phénomène qui contribue à mettre en danger l’existence même des communautés de baptisés dans les différentes régions du Moyen-Orient.

    • D’ailleurs, réactions dans la diaspora : il faut « développer la protection sur place », ces messages « encourage[nt] les violences [contre] les chrétiens », il ne faut pas engendrer un « appel d’air » ni être « l’instrument des islamistes ».
      http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/07/29/le-gouvernement-propose-d-offrir-l-asile-aux-chretiens-persecutes-d-irak_446

      « Ce type de message encourage les violences à l’égard des chrétiens d’Orient. Il faut développer la protection sur place ! », plaide de son côté Elish Yako, président de l’AEMO et figure de la diaspora franco-irakienne.

      Même son de cloche chez le nouveau Comité de soutien aux chrétiens d’Irak (CSCI), créé début juillet par Antoni Yalap, conseiller municipal à Sarcelles (Val-d’Oise). « La déclaration de MM. Fabius et Cazeneuve est à double tranchant. D’un côté, nous saluons ce geste qui rompt le silence, mais nous ne voulons pas qu’il engendre un appel d’air et soit l’instrument des islamistes », estime M. Yalap.

      Comment ça, la politique de Fabius qui « encourage les violences contre les chrétiens » et qui risquerait d’être « l’instrument des islamistes » ? Ces gens sont injustes.

    • Les chrétiens d’Irak veulent rester dans leur pays, assure une ONG
      http://www.lorientlejour.com/article/878297/les-chretiens-dirak-veulent-rester-dans-leur-pays-assure-une-ong.html

      Chassés de la région de Mossoul par les jihadistes de l’Etat islamique (EI), les chrétiens d’Irak ne veulent pas quitter leur pays, affirme Portes ouvertes, une organisation non gouvernementale d’obédience évangélique.

      Après avoir été dépouillées de leurs biens, au moins 3.000 familles se sont réfugiées au Kurdistan irakien, où elles ont besoin d’une aide internationale pour s’installer, estime l’association.

      « Le désir est toujours de rester chez tous ceux à qui nous avons parlé », a dit mardi à Reuters Michel Varton, directeur de Portes ouvertes France. « Pour eux, les inviter à venir en France ou en Europe, ce n’est pas la solution, c’est faire le jeu des jihadistes. » "Ils disent : ’c’est notre pays, on est là depuis avant l’islam, depuis les premières années de l’Eglise il y a 2000 ans’", a-t-il ajouté.

      […]

      Mardi, un cardinal français a, lui aussi, estimé qu’il fallait encourager les chrétiens d’Irak menacés à rester dans ce pays où ils ont développé depuis des siècles « un art de vivre ensemble qui est aussi une grande richesse pour l’humanité ».

  • « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. »

    [ #Aimé_Césaire, Discours sur le colonialisme ]

  • Les Prophéties d’Hannah Arendt

    Il y a peu d’illusions à se faire sur l’issue finale d’une guerre totale entre Arabes et Juifs. On peut gagner de nombreuses batailles sans gagner la guerre. Et jusqu’à présent aucune bataille réelle ne s’est déroulée en Palestine.

    Et même si les Juifs devaient gagner la guerre, la fin du conflit verrait la destruction des possibilités uniques et des succès uniques du sionisme en Palestine. Le pays qui naîtrait alors serait quelque chose de tout à fait différent du rêve des Juifs du monde entier, sionistes et non sionistes. Les Juifs « victorieux » vivraient environnés par une population arabe entièrement hostile, enfermés entre des frontières constamment menacées, occupés à leur autodéfense physique au point d’y perdre tous leurs autres intérêts et toutes leurs autres activités.

    Le développement d’une culture juive cesserait d’être le souci du peuple entier ; l’expérimentation sociale serait écartée comme un luxe inutile ; la pensée politique serait centrée sur la stratégie militaire ; le développement économique serait exclusivement déterminé par les besoins de la guerre. Et tout cela serait le destin d’une nation qui - quel que soit le nombre d’immigrants qu’elle absorberait et si loin qu’elle étendrait ses frontières (la revendication absurde des révisionnistes inclut l’ensemble de la Palestine et la Transjordanie) - resterait néanmoins un tout petit peuple, largement supplanté en nombre par des voisins hostiles.

    Dans de telles circonstances (comme l’a fait remarquer Ernst Simon), les Juifs de Palestine dégénéreraient en l’une de ces petites tribus guerrières sur les possibilités et l’importance desquelles l’histoire, depuis l’époque de Sparte, nous a amplement renseignés. Leurs relations avec le judaïsme mondial deviendraient aléatoires, puisque les intérêts de leur défense pourraient à tout moment entrer en conflit avec ceux des autres pays où vivraient un grand nombre de Juifs. Le judaïsme de Palestine finirait par se séparer du corps plus vaste du judaïsme mondial et par se transformer, dans son isolement, en un peuple entièrement nouveau. Il devient donc clair que, en ce moment et dans les circonstances présentes, un État juif ne peut être institué qu’aux dépens du foyer national juif.

    [ Hannah Arendt , Ecrits juifs ]

    #Hannah_Arendt
    #Israel
    #sionisme
    #palestine

  • Des intellectuels arabes de révérence

    Pour les intellectuels arabes, les choses furent rendues plus complexes encore avec la nouvelle prépondérance des Etats-Unis, devenus la puissance étrangère dominante au Proche-Orient. L’anti-américanisme systématique de la veille - dogmatique, bourré de clichés, ridiculement simpliste - se transforma illico en pro-américanisme. Dans de nombreux journaux et revues arabes et particulièrement dans ceux qui bénéficient de subsides, plus que bienvenus. L’opposition aux Etats-Unis s’atténua de façon spectaculaire, et parfois disparut. Cela faisait écho aux habituelles interdictions de toute critique à l’égard de tel ou tel régime qui s’en trouvait alors du même coup quasiment déifié.

    Comme par enchantement, une poignée d’intellectuels arabes découvrirent le nouveau rôle qu’ils pourraient jouer en Europe et aux Etats-Unis. Autrefois marxistes militants, souvent trotskistes, ils soutenaient le mouvement palestinien. Après la révolution iranienne, certains devinrent islamistes. Quand leurs dieux les abandonnèrent, ces intellectuels se turent, en dépit, ici et là, d’astucieux ballons d’essai lancés à la recherche de nouvelles divinités à servir. L’un d’eux, qui avait été jadis un loyal trotskiste, quitta la gauche et se tourna, comme tant d’autres, vers le Golfe, où il gagna joliment sa vie dans les travaux publics. Il revint sur la scène politique juste avant la crise du Golfe et se fit le critique acharné de l’Irak. N’écrivant jamais sous son nom, usant d’une série de pseudonymes qui protégeaient son identité (et ses intérêts), il se lança dans un assaut hystérique contre la culture arabe tout entière : il le fit de façon propre à attirer sur lui l’attention des lecteurs occidentaux.

    Chacun sait que tenter de faire passer dans les grands médias occidentaux une quelconque critique la politique des Etats-Unis ou d’Israël est extrêmement difficile. En revanche, exprimer des idées hostiles aux peuples et à la culture arabes ou à la religion islamique est d’une facilité déconcertante. C’est qu’il existe, de fait, une guerre culturelle entre les porte-parole de l’Occident et ceux du monde arabe et musulman. Dans une situation aussi explosive, le plus difficile est de réussir à conserver son esprit critique, à refuser toute rhétorique qui est l’équivalent verbal du bombardement qui n’épargne rien ni personne, pour choisir de réfléchir en priorité à des questions portant par exemple sur la politique de clientélisme des Etats-Unis à l’égard de certains régimes impopulaires. Abordée en Amérique même, cette question attire de féroces critiques à celui qui l’aborde.

    Il est en revanche évident qu’un intellectuel arabe est quasiment sûr d’obtenir une large audience quand il soutient ardemment, voire servilement, la politique des Etats-Unis et combat ses détracteurs : si ces derniers sont arabes, il lui suffit d’inventer des témoignages prouvant leur vilenie ; s’ils sont américains, de fabriquer des récits et des situations prouvant leur duplicité. Il peut aussi propager sur les Arabes et les musulmans des anecdotes qui auront pour effet de diffamer leurs traditions, de défigurer leur histoire, d’accentuer leurs faiblesses, qui, bien sûr, ne manquent pas.

    Par-dessus tout, il lui faudra attaquer les ennemis officiellement désignés - Saddam Hussein, le baathisme, le nationalisme arabe, le mouvement palestinien, les points de vue arabes sur Israël. Et, bien évidemment, tout cela lui vaudra les accolades tant espérées : on dira de lui que c’est un homme courageux et passionné, doté d’un franc-parler. Car le nouveau dieu, aujourd’hui, c’est l’Occident. Les Arabes, dit-on, doivent s’efforcer de lui ressembler davantage, l’Occident doit devenir leur référence première et fondamentale.

    Oubliés les méfaits réels de l’Occident. Évanouies, les retombées dévastatrices de la guerre du Golfe. A vrai dire, c’est nous, Arabes et musulmans, qui sommes profondément responsables de nos problèmes ; nous nous les sommes nous-mêmes infligés.

    [Edward Said, Des intellectuels et du pouvoir ]

    #Edward_Said
    #intellectuels
    #Monde_arabe

  • Le thème du « nouvel antisémitisme » ou de la « nouvelle judéophobie » revient en force ces temps-ci dans les médias et le monde politique français. Par là, ces utilisateurs cherchent à mettre en évidence un phénomène antisémite qui toucherait principalement les « banlieues », les « populations arabo-musulmanes », les « jeunes désœuvrés », en deux mots : tous ceux qui vivent de l’autre côté du périphérique.

    S’il est légitime que des journalistes, acteurs politiques, chercheurs et observateurs de notre société s’interrogent sur la recomposition du « phénomène antisémite » dans la France du XXIe siècle, la manière biaisée de traiter le sujet soulève plusieurs questions :

    1) Peut-on exonérer la société française de la présence d’un antisémitisme « bien gaulois » qui continue à se manifester dans l’Hexagone et qui entretient malheurseument le préjugé selon lequel les « Juifs » formeraient une « communauté à part », avec des caractéristiques spécifiques ? En bref, selon moi, il serait illusoire de croire que « l’antisémitisme de grand-papa » ait totalement disparu de la société française. Il est facile d’accuser les « petites racailles de banlieues » d’être judéophobes ou « nouveaux antisémites » pour mieux se dédouaner de notre propre antisémitisme bien franchouillard.

    2) Doit supposer que ce « nouvel antisémitisme » est un phénomène contagieux dans les banlieues au même titre qu’une maladie ? A lire les propos tenus par certains journalistes et leaders politiques, les Français d’origine maghrébine et africaine seraient susceptibles d’être contaminés par ce « nouveau mal antisémite », incapables de discernement et de modération. Encore une fois, on tend à considérer les Français héritiers de l’immigration postcoloniale comme des citoyens totalement immatures sur les plans politique et psychologique, censés se faire happer par la vague antisémitisme. On entretient le cliché selon lequel derrière chaque « Arabo-Musulman » de France, se cache un antisémite qui sommeille et un disciple potentiel de Dieudonné/Soral, prêt à passer à l’action.

    3) Le phénomène raciste et d’intolérance ne concerne t-il que les banlieues et les populations dites « arabo-musulmanes » ? Dans un Etat comme la France qui est tristement devenu le « temple de l’extrême droite européenne » (le FN est désormais le premier parti de France) comment peut-on s’imaginer que le racisme ne touche t-il pas tous les secteurs de la société française, y compris certaines franges de la « communauté juive » ? Des intellectuels tels que Dominique Vidal, Esther Benbassa ou Guillaume Weill-Raynal ont souvent pointé dans leurs écrits le développement de phénomènes racistes et xénophobes chez certains Juifs de France, les conduisant à se replier sur eux-mêmes (le syndrome du bocal communautaire) et à reprendre à leur compte une certaine arabophobie ou islamophobie ambiante. Depuis les années 2000, ces intellectuels ont pu repérer une réelle tendance à la radicalisation des milieux communautaires juifs qui favorise la montée d’expressions d’intolérance à l’égard des populations arabo-musulmanes. Par ricochet certaines institutions dites « représentatives » de la communauté juive (le CRIF par exemple) ont parfois adopté une certaine complaisance à l’égard de groupuscules radicaux : l’impunité de la Ligue de défense juive, groupe d’extrême droite ouvertement violent et raciste, interdit dans de nombreux pays du monde, pose quand même question sur cette indulgence coupable.

    S’il est donc légitime de s’interroger sur les nouvelles formes d’antisémitisme dans la France d’aujourd’hui, il me paraît davantage pertinent de réfléchir sur les montées des thèses xénophobes et des visions racialistes dans TOUS LES SECTEURS DE LA SOCIETE FRANCAISE, y compris dans certaines franges de la communauté juive de France, qui n’échappent pas, malheureusement, au populisme identitaire qui emporte aujourd’hui l’Hexagone.

    Le silence total ou l’indifférence feinte à l’égard des formes de radicalisation qui peuvent exister dans certaines franges des communautés juives de France me paraît relever d’une double opération mentale : s’exonérer de son antisémitisme gaulois (l’antisémitisme de grand-papa que l’on a toujours du mal à assumer) et se soigner dans le même temps de son « pêché d’antisémitisme », en faisant porter la responsabilité aux seules populations des banlieues : c’est encore la faute aux Arabes et aux Musulmans !

    Dans le 16ième arrondissement de Paris, l’antisémitisme, ça n’existe pas ?

    En tout cas, une chose est sûre : le Front national sera bien le "premier parti de France" à tirer pleinement profit de nos myopies collectives.

    Vincent Geisser

    • @le_bougnoulosophe
      #antisémitisme
      #islamophobie

      il me paraît davantage pertinent de réfléchir sur les montées des thèses xénophobes et des visions racialistes dans TOUS LES SECTEURS DE LA SOCIETE FRANCAISE

       :
      certes, cependant la condamnation nécessaire de toute forme de racisme ne doit pas nous conduire à faire l’économie d’une analyse détaillée des logiques spécifiques qui caractérisent l’antisémitisme d’une part et l’islamophobie d’autre part. Nous sommes en présence de formes de racisme fortement différenciées tant par leurs mécanismes que par leurs fonctions et effets. L’islamophobie relève d’un racisme structurel et institutionalisé et sous-tend par ailleurs les modes de gouvernementalité sécuritaires contemporains (narratifs sur l’islamisme). L’antisémitisme d’aujourd’hui n’est plus celui de l’Europe des années 1930 et 1940. La division du travail contemporaine et les hiérarchies sociales qui lui sont liées ne reposent pas sur une discrimination effective et une « subalternisation » des populations juives. L’antisémitisme occupe d’avantage sa fonction traditionnelle de « socialisme des imbéciles », de fausse critique du capitalisme, de moyen idéologique de division politiques et de barrière à l’émergence de développements contre-hégémoniques. Par ailleurs, il semblerait, comme le montre l’excellent article cité plus haut, que la « menace antisémite » tend à s’ajouter au narratif du continuum des menaces sur lequel se fonde la gouvernementalité sécuritaire et raciste contemporaine. La lutte contre un « nouvel antisémitisme » pourtant lui-même généré comme fausse conscience par le capitalisme actuel devient un nouveau mode de gouvernement sécuritaire. Seul une sérieuse offensive contre-hégémonique et communiste pourra faire barrage au développement de l’antisémitisme dans tous les secteurs du prolétariat.

  • Méticuleusent prévenue, une famille de 7 personnes très obéissante quitte leur appartement du nord de gaza pour se réfugier au centre de gaza dans un autre appartement avec l’aide de la croix rouge. Bien comme leur ont ordonné l’armée israélienne donc. Mais c’est con ce qui leur arrive, un missile perdu (dans un quartier théoriquement pas menacé) et boum, plus de famille de 7. Ah oui, j’oubliais. Le papa n’était pas inscrit au hamas et la famille était aussi allemande.

    #meurtre

    http://www.nrk.no/verden/sju-tyskere-drept-pa-gazastripen-1.11843734