Steve Bannon et la croisade des « déplorables » - Page 3 | Mediapart
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Bannon se souvient de ses années d’étudiant à la Harvard Business School, en 1983, lorsqu’un groupe de professeurs avait eu l’idée radicale de la maximisation de la valeur pour les actionnaires, « une idée prêchée comme une théologie » selon laquelle toute valeur devait revenir aux actionnaires, et qui a conduit à la financiarisation et à la crise de 2008. Et Bannon de dénoncer la corruption de la finance. Et pas seulement la corruption de Bernie Madoff, arrêté et inculpé par le FBI pour avoir réalisé une escroquerie de 65 milliards de dollars américains et condamné depuis à 150 ans de prison.
« Je parle de la pourriture systémique. Les banques qui ont regardé ailleurs, les cabinets d’avocats qui ont regardé ailleurs, les cabinets comptables qui ont regardé ailleurs. Les médias d’affaires qui ont détourné les yeux. Tout le monde a regardé ailleurs. Ils sont toujours en train de regarder ailleurs. »
Qui dit ça ? C’est Steve Bannon. Et qui c’est, Steve Bannon ? Le mec qui dirigeait Breitbart et qui a été le directeur de campagne de Trump.
Et vous vous étonnez que Trump ait gagné ? Avec des propos pareils (et le story-telling associé), il ne pouvait que gagner. Qui tient des propos pareils à gauche ? Personne. On préfère regarder ailleurs et dire que le mal, c’est pas bien. Comme si ça pouvait enthousiasmer qui que ce soit.
Alors d’accord, il (Bannon) articule ça avec un discours anti-immigrés dégueulasse et tout moisi. Mais qu’est-ce qui empêcherait d’articuler ça avec un truc du genre « faire payer les riches et les faire payer au centuple ». Ca, ce serait aussi du story-telling efficace.
Oui, je sais. C’est simpliste. Mais d’une part, j’aimerais bien qu’on me dise où est la vraie complexité (et pas simplement une raison pour baisser les bras) et d’autre part, pour pouvoir faire quelque chose, il faut être au pouvoir et pour pouvoir y être, il faut être élu. Et puis, si, par essence, les promesses sont destinées à être jetées à la poubelle une fois le volant en main, autant mettre la barre haute pour qu’il reste un petit quelque chose à la fin.
Soyons clair : il n’y a pas de projet à gauche ; d’ailleurs la gauche, c’est celui qui fera le plus de croche-pieds à l’autre. EELV ? Faire de l’écologie en ne touchant de préférence à rien et/ou en mécontentant le moins de gens possible. Merde : on a affaire à des gens qui savent servir de bonnes histoires, qui donnent un but ; il faudrait être capable d’en faire autant ou on se condamne à faire de la figuration et de se lamenter que le monde est trop cruel.
Parce que soyons clairs (et désolé si j’en choque certains mais j’ai ça sur le coeur depuis trop longtemps). La grève, là, maintenant, c’est du spectacle. Des gens qui se mettent en scène et adorent ça. Les hakas, les ballets dans la rue, c’est très joli, ça fait plaisir, on se fait plaisir, mais en face, on s’en branle.
Macron s’en branle. Mais complètement. Il ne lâchera pas l’affaire. Parce qu’il se rêve en Maggie Tatcher et que cette réforme, c’est son doudou. Il n’hésitera pas à tirer dans la foule si le besoin s’en fait sentir. Il a son Castaner de garde pour ça. Il a le parti de l’ordre derrière lui.
Il faut laisser tomber la jouissance du spectacle et de la supériorité morale, l’illusion de la magie du symbolique. Il faut des histoires qui tiennent la route et que les gens aient envie d’entendre. Ne pas laisser le monopole de la narration à la droite dure.
Ou on est foutus.