• Cluster dans les Bouches-du-Rhône : comment des saisonniers latinos-américains ont-ils pu venir en France pendant la crise sanitaire ? - Libération
    https://www.liberation.fr/checknews/2020/06/12/cluster-dans-les-bouches-du-rhone-comment-des-saisonniers-latinos-america

    Plus de cent travailleurs agricoles ont été testés positifs au Covid-19 dans les Bouches-du-Rhône. Parmi eux, on retrouve de nombreux saisonniers agricoles venus d’Amérique latine, recrutés par une société d’intérim espagnole.

    #Covid-19#migrant#migration#france#cluster#saisonnier#ameriquelatine#economie#test

    • Extrait (12 juin 2020) :

      Une promiscuité difficilement compatible avec le respect des gestes barrières

      A moins que ces conditions ne se soient améliorées, il semblerait que le respect des gestes barrières soit difficile à appliquer dans ce type d’accueil, puisque la préfecture indique à CheckNews, que « lors d’un contrôle fin avril », la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) a « constaté sur un site une trop grande promiscuité dans les conditions d’hébergement et l’absence de fourniture en eau potable. Un arrêté préfectoral avait alors imposé de réduire le nombre d’occupants de cet hébergement et d’assurer un approvisionnement en eau potable ».

      Pour la sociologue Béatrice Mesini, spécialiste des droits des travailleurs agricoles étrangers, notamment dans le Sud de la France, la « grande promiscuité à tous les étages », que ce soit dans les logements, les transports ou le lieu de travail, « paraît assez incompatible » avec le respect des gestes barrières souhaité par le gouvernement dans sa documentation.


      Deux hébergements insalubres destinés aux saisonniers agricoles fermés dans le Gard
      Lundi 29 juin 2020
      https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/deux-hebergements-insalubres-destines-aux-saisonniers-fermes-dans-le-gard
      À Saint-Gilles et Vauvert, la Préfecture du Gard vient de fermer deux hébergements destinés aux salariés agricoles. Ils sont jugés insalubres.

      Des salariés agricoles saisonniers du Gard étaient hébergés dans des conditions indignes. Au total, cela concerne environ 200 personnes. Leurs hébergements viennent d’être fermés par le Préfet après enquête. Il s’agit d’une fermeture administrative. Les deux agriculteurs concernés sont installés à Vauvert et Saint Gilles. Tous les deux sont mis en demeure de se mettre aux normes.

      Par ailleurs, la justice poursuit l’enquête, au-delà de l’hébergement indigne, sur les conditions de travail et d’emploi de ces salariés. Il s’agit le plus souvent de Colombiens, venus en France par l’entremise de la société espagnole « Terra Fécundis ». « Les chambres étaient trop petites. Les cuisines sans aération ni ventilation, détaille Florence Barral-Boutet, à la tête de la Direction du Travail du Gard. Les personnes les unes sur les autres. Parfois, ces mobil-homes ne sont pas déclarés au niveau de l’urbanisme. Les écoulements des eaux usées ne sont pas conformes, sans parler de l’accès à l’eau potable ».

      « Ces deux entrepreneurs agricoles avaient déjà été verbalisés pour les mêmes faits. Ils ne peuvent pas dire qu’ils ne savaient pas. c’est encore pire que ce qu’on imaginait, ça relève presque de Germinal, avec vraiment une exploitation de ces salariés ». Éric Maurel, procureur de la République de Nîmes

      #Terra_Fecundis

    • Cf. « On est traités comme des animaux » : à Beaucaire, les saisonniers étrangers, entre conditions de vie difficiles et crainte du coronavirus (13 juin 2020)
      via @colporteur
      https://seenthis.net/messages/862182


      Une affaire hors norme de fraude sociale bientôt devant la justice
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/06/une-affaire-hors-norme-de-fraude-sociale-bientot-devant-la-justice_6035702_3

      Entreprise de travail temporaire espagnole, Terra Fecundis doit être jugée en mai à Marseille dans un dossier de fraude au travail détaché en France.
      06 avril 2020

      Il s’agit probablement de la plus grosse affaire de dumping social jugée en France. Elle concerne une entreprise de travail temporaire espagnole : Terra Fecundis, dont le siège se trouve en Murcie, dans le sud-est du pays. Selon nos informations, cette société ainsi que ses dirigeants vont devoir rendre des comptes devant la sixième chambre correctionnelle du tribunal de Marseille, à l’occasion d’un procès programmé du 11 au 14 mai, qui risque, toutefois, d’être décalé à cause de la crise sanitaire.

      Les prévenus se voient reprocher d’avoir mis à disposition, pendant plusieurs années, des milliers d’ouvriers – principalement originaires d’Amérique latine –, sans les avoir déclarés dans les règles et en méconnaissant diverses obligations relatives au salaire minimum, aux heures supplémentaires, aux congés payés, etc. Le préjudice serait lourd pour les femmes et les hommes ainsi employés, mais aussi pour la Sécurité sociale française, privée des cotisations qui, selon l’accusation, auraient dû lui être versées : un peu plus de 112 millions d’euros entre début 2012 et fin 2015 – la période retenue par la procédure pénale, sachant que l’entreprise espagnole poursuit toujours son activité dans l’Hexagone, aujourd’hui.

      Depuis au moins une dizaine d’années, la société Terra Fecundis fournit à des exploitations agricoles tricolores de la main-d’œuvre pour la cueillette des fruits et des légumes. Ses services sont manifestement très appréciés : en 2019, elle avait un peu de plus de 500 clients, disséminés sur 35 départements, d’après un document mis en ligne sur le site Internet de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) d’Occitanie. « Estimé » à 57 millions d’euros, son chiffre d’affaires en France provient, en grande partie, de contrats signés avec des maraîchers des Bouches-du-Rhône et du Gard.

      Mort d’un salarié en 2011

      Terra Fecundis a commencé à capter l’attention de la justice il y a presque neuf ans, à la suite d’un épisode tragique. En juillet 2011, un de ses salariés, de nationalité équatorienne, avait trouvé la mort à l’hôpital d’Avignon, peu de temps après avoir fait un malaise à l’issue d’une journée de travail éreintante. Agé de 33 ans, l’homme avait été victime d’une déshydratation sévère dans des circonstances troublantes, qui avaient conduit à l’ouverture d’une enquête.

      #paywall

      Lien vers leur enquête de 2015 :

      Une saison en enfer
      Depuis dix ans, Terra Fecundis fait travailler en France jusqu’à 5 000 ouvriers agricoles sud-américains sous contrat espagnol. Les méthodes de la société d’intérim sont aujourd’hui dénoncées.
      Par Jean-Baptiste Chastand Publié le 31 mars 2015 à 19h13 - Mis à jour le 19 août 2019 à 13h04

      Déjà ici en 2015 : https://seenthis.net/messages/361156 via @odilon

  • Faudra-t-il transformer les universités en supermarchés pour y revoir les étudiants ?
    via https://seenthis.net/messages/856993#message857275

    https://www.liberation.fr/amphtml/debats/2020/05/29/faudra-t-il-transformer-les-universites-en-supermarches-pour-y-revoir-les

    Ensuite, nous pouvons questionner ce que cette évolution, que certains voudraient voir durable, dit de la vision divergente autour de notre profession. Pour ceux qui, ayant adopté goulûment la novlangue pédagogique et ses approches « par compétence », considèrent que l’enseignement à l’université doit être exclusivement une formation opérationnelle utilitariste, le cours en ligne est une aubaine pour alléger la charge (budgétaire ?) de l’enseignement présentiel. Mais cette fascination pour le virtuel conduit aussi à une négation de ce qu’est la vie étudiante, faite d’interaction en cours, certes, mais aussi d’amitiés et d’expériences structurantes à un âge où se bâtit la vie d’adulte. Là encore, le numérique n’est qu’un pis-aller.

    Certains collègues se veulent rassurants et expliquent que tout ceci n’est que passager. On voudrait les croire et imaginer qu’après avoir investi des millions d’euros dans des logiciels, des plateformes et des équipements numériques, les universités les remisent ensuite aux côtés des stocks de masques d’Etat pour la prochaine crise. Pourtant, un doute peut nous saisir en lisant certaines injonctions pressantes à nous « transformer ». N’oublions pas qu’en France, le temporaire en temps de crise a souvent des airs de pérennité. Qui se rappelle encore que l’impôt sur le revenu a été créé initialement pour financer la Première Guerre mondiale ? Cent ans après, l’impôt persiste. Faut-il en déduire que la guerre a été plus longue que prévu ?

  • La #fraude patronale au chômage partiel pendant la crise sanitaire s’élève au moins à 6 milliards d’euros, voilà l’information - FRUSTRATION
    https://www.frustrationmagazine.fr/la-fraude-patronale-au-chomage-partiel-pendant-la-crise-sanitair

    Selon l’enquête en ligne Lutte Virale, 31 % des personnes en #chômage partiel ou en arrêt maladie pour garde d’enfant ont dû continuer à travailler dont 10 % déclarent l’avoir fait souvent ou tout le temps. Une autre enquête, menée par le cabinet d’expertise Technologia, a plus récemment aboutit à des résultats encore plus alarmants : plus de la moitié des élus du personnel interrogés lors de cette étude estime qu’il y a eu des abus. Le chômage partiel a donc été utilisé par nombre d’employeurs comme une façon de faire des économies sur le dos de la crise sanitaire.

  • Dominique Dupagne sur Touiteur :
    https://twitter.com/ddupagne/status/1259017259412045826

    Une bombe est sortie hier, l’étude épidémiologique anglaise sur la COVID19 portant sur 17 millions de dossiers médicaux. Pour la première fois, nous disposons d’une estimation solide du poids ajusté des différents facteurs de risque de décès :
    https://www.atoute.org/n/IMG/pdf/fdrcoviduk.pdf

    L’enseignement spectaculaire de cette étude, c’est le poids ridicule des comorbidités comparé à celui de l’âge. Je vous laisse juger sur ce graphique réalisé à partir des données anglaises, c’est impressionnant. Je n’ai même pas pu intégrer le risque pour l’âge > 80 ans.

    Il va falloir reconsidérer le classement des sujets à risque, qui est donc inadapté actuellement. Un homme bien portant de 55 ans a 3 fois plus de risque de mourir qu’un diabétique de 45 ans

    Ajout : Il y aussi des données sur le sexe, l’ethnie, le niveau économique, etc. Voici la courbe originale de l’article, moins parlante car la base X1 est différente et l’échelle est logarithmique.


    • … moins parlante car la base X1 est différente et l’échelle est logarithmique.

      … sauf qu’il s’agit de rapports de risque et donc que l’échelle naturelle est logarithmique…

      ainsi, en gros :
      • la tranche 70-80 ans a 2 fois plus de risque que la tranche 60-70 ans,
      • la tranche 60-70 ans a 2 fois plus de risque que la tranche 50-60 ans,
      • la tranche 50-60 ans a 2 fois plus de risque que la tranche 40-50 ans,

      il est donc «  naturel  » que les distances entre les points soient à peu près identique, ce qui est le cas sur l’échelle logarithmique

    • Et donc, on se le dit que c’était pas si grave et qu’on aurait pu avoir un confinement ciblé ? Qui d’ailleurs au vu des chiffres devrait peut-être perdurer pour une partie de la population. Mais il semble que ce gouvernement ait un raisonnement binaire. Loin de son cher « en même temps ». J’ai quand même l’impression qu’on peut continuer à vivre avec ce virus, et qu’on est pas obligé de faire s’effondrer le monde et l’économie avec, et faire vivre un cauchemar à des enfants qui n’y comprennent rien et qui n’ont rien à voir là-dedans.

    • Cest interessant de lire le fil twitter.. le 1er graph ne fait pas parti de l’étude, il a été fait par ce monsieur twitter.

      Voici la conclusion de l’étude :

      In summary after full adjustment, death from COVID-19 was strongly associated with: being male (hazard ratio 1.99, 95%CI 1.88-2.10); older age and deprivation (both with a strong gradient); uncontrolled diabetes (HR 2.36 95% CI 2.18-2.56); severe asthma (HR 1.25 CI 1.08-1.44); and various other prior medical conditions

      Donc il fait dire a letude ce qu’elle meme ne dit pas.

      Il nest pas mentionné que les age-groups du graph sont forcément sans comorbidités ce qui remet serieusement en question le 1er graph.

    • Il va falloir reconsidérer le classement des sujets à risque, qui est donc inadapté actuellement.

      Comme toute sorte de « classement » d’ailleurs. En règle général, on ferait mieux de se méfier des classements. Tout comme « l’Histoire », ils sont toujours le récit des vainqueurs, enfin, de ceux qui se prétendent tels.

    • Remarque importante : il s’agit de décès à l’hôpital, seule catégorie de décès pour laquelle la cause de décès est, pour le moment, disponible.

      Les résultats pour les décès en EHPAD (nursing homes) devraient probablement encore renforcer l’importance de l’âge.

    • Hello. Thx @touti.

      Le fait que ces résulats ne concernent que les chiffres des hôpitaux fausse la vision globale. Ici, des personnes sont décédées à domicile car justement non admises car potentiellement pas à risque(s).

      Je dirais globalement qu’il faut rester encore prudent, car il n’y a pas de vision réelle ni de l’ampleur de l’épidémie ni des facteurs de risques etc., surtout que l’on sait qu’il a été délibérément décidé de ne pas soigner les personnes les plus âgées pendant la période où les services hospitaliers étaient débordés et sous équipés. Du coup, comment ne se baser que sur les résultats de personnes âgées pour déterminer les personnes plus à risques ?

      Le seul truc sûr pour l’instant, ce sont les conclusions hâtives, dans un sens ou dans l’autre.

      Avec autant d’inconnues, je peux comprendre la prudence qui a amené au confinement et je reste ébahie devant les mesures assez idiotes de déconfinement rapide et la légèreté de la reprise.

      Le problème facteur aggravant de l’épidémie n’étant pas tellement ces facteurs individuels, mais le délitement du système de soin, qui a fait que des pays riches comme les nôtres ont laissé volontairement mourir une partie de leur population par manque d’anticipation.

      La reprise donne l’impression qu’on est sortis de l’auberge, mais c’est faux. Les équipes médicales de ville sont toujours sous équipées ou mal équipées (masques hors normes, visières diy, vêtements de protection trop petits...) et on a toujours pas la possibilité de tester massivement la population.

      En cas de remontée des contaminations, on va retourner à la case départ.

    • Mon grand-père est mort presque sourd. Les personnes qui allaient le voir étaient très frustrées de ne pas pouvoir lui parler vraiment alors que par ailleurs au téléphone ça allait assez pour tenir une conversation. Choisir entre un vrai contact et une vraie conversation...

      Le fait qu’il n’y a même plus de choix, que des personnes meurent dans ces conditions d’isolement de leur famille, de stress... chaque fois que je vois passer des avis de décès ici, je me dis que c’est vraiment terrible, de quitter la vie sur un truc pareil.

  • Corona : Rentner müssen an den Kosten der Krise beteiligt werden
    https://app.handelsblatt.com/meinung/gastbeitraege/kommentar-rentner-muessen-an-den-wirtschaftlichen-kosten-der-coronakrise-beteiligt-werden/25787868.html
    Le cerveau derrière la privatisation du système des retraite allemandes nous prépare à une baisse massives des salaires et retraites. Pour combler les trous dans les budgets d’état après les mesusres anti-coronavirus il prévoit des frais de 4000 Euros pour chaque allemand suivi de nouvelles transformations de structure pour les retraites qui couteront plus cher encore aux gens ordinaires.

    https://s1.qwant.com/thumbr/700x0/3/5/be75827956f907a153f2095228a4de1bd4858ccc65f0c8155a3160ed110c16/1b77f4f0-5e2e-452c-ad59-6061f6b6dba3_w1200_r2.142857142857143_fpx50_fpy31.

    Le système de retaitres inventé par Rürup et introduit par le gouvernement Schröder/Fischer consistait simplement à baisser le niveau des retraites imposés et garantis per l’état et d’imposer une retaitre privée chère aux travailleurs allemands qui ne voulaient pas souffrir d’une baisse de leurs revenus de veillesse.

    Par cette mesure il a crée un énorme marché pour les assureurs et a permis aux copain du chancelier Schröder Carsten Maschmeyer d’accéder au statut de milliardaire. Ce personnage est une mélange de Wolf Of Wall Street et Bernard Tapie à l’Allemande. Après la fin de sa carrière universitaire Rürup a trouvé un poste au sein du AWD qui appartient à Maschmeyer.

    Depuis les promesses qui justifiaient l’introduction de la retraite privée « Riester » se sont révélées comme intenables à cause de l’insuffisante rentabilité des fonds crées avec l’argent des assurés. Seulement les assureurs et banques en on profité par des frais de gestion élevés.

    Voici comment Bert Rürup justifie son alliance désormais officielle avec l’homme qui s’est enrichi au dépens de millions d’Allemands :

    https://de.wikipedia.org/wiki/Bert_R%C3%BCrup

    „Nach 40 Jahren in Universitäten und Wissenschaft wollte ich noch einmal etwas Neues beginnen. Mir geht es darum, aktuelle theoretische und empirische Erkenntnisse einzubringen, um für die Menschen innovative und nutzbringende Lösungen in der Praxis mitzuentwickeln. AWD gibt mir diese Chance.“ Auch habe er „ein außerordentlich gutes Gewissen“, sein Knowhow nun in den Dienst eines Finanzdienstleisters zu stellen. Er führe die von ihm erfundenen Modelle zur Altersvorsorge jetzt in der Praxis fort.

    Voici le texte de Bert Rürup qui explique sa « vision » :

    01.05.2020 von Bert Rürup - Bisher orientiert sich die Entwicklung der Renten an den Durchschnittslöhnen. Jetzt rächen sich rentenpolitische Fehler der jüngsten Vergangenheit.

    Die weltweiten Maßnahmen zur Begrenzung der Corona-Pandemie lassen die deutsche Volkswirtschaft gegenwärtig in eine tiefe Rezession stürzen. Zudem reißen die Rettungsschirme und Ausgabenprogramme der Bundesregierung gigantische Löcher in die Staatskasse.

    Auch wenn es heute noch kein Politiker zu sagen wagt: Diese Krise wird für alle Deutschen sehr teuer. Der absehbare Rückgang der gesamtwirtschaftlichen Leistung von bis zu zehn Prozent wird im Schnitt jeden Einwohner Deutschlands um die 4.000 Euro ärmer machen.

    Sobald die deutsche Wirtschaft wieder Tritt gefasst hat und zurück auf einem Wachstumspfad ist, wird es sicher zu Steuererhöhungen und Ausgabenkürzungen kommen. Je nach Konstellation der nächsten Bundesregierung dürften lediglich die Schwerpunkte der zwingend gebotenen Konsolidierung ein Stück weit variieren.

    Die Zeit der sich aus einem hohen und stabilen Wirtschaftswachstum scheinbar von selbst finanzierenden Wahlgeschenke wird auf eine längere Frist vorbei sein.

    Dieser haushaltswirtschaftliche Kurswechsel betrifft auch die jetzigen und zukünftigen Rentner, die von der amtierenden und vorherigen Großen Koalition mit klientelspezifischen Wohltaten beglückt wurden.

    Dank des äußerst beschäftigungsintensiven Aufschwungs im vergangenen Jahrzehnt schienen „Mütterrente“, „Rente ab 63“, „doppelte Haltelinien“ und die „Grundrente“ leicht finanzierbar. Es genügte scheinbar, auf sonst mögliche Beitragssenkungen zu verzichten.

    Tatsächlich stellen diese Leistungsverbesserungen jedoch eine teure Hypothek dar, deren Bedienung durch die Folgen der Corona-Rezession deutlich erschwert wird. So verursachen die Festschreibung der Beitragssatzobergrenze bei 20 Prozent und des Mindestsicherungsniveaus bei 48 Prozent bis zur Mitte dieses Jahrzehnts gravierende verteilungspolitische Verwerfungen.

    Grundsätzlich folgen die Renten der Lohnentwicklung. Weil sie aber per Gesetz nicht sinken dürfen, sind auch bei sinkenden Löhnen nur dauerhafte Erhöhungen des Rentenniveaus möglich. Genau dies ist jetzt der Fall.

    Denn in diesem Jahr werden die Pro-Kopf-Löhne in Folge weit verbreiteter Kurzarbeit sinken, während die Renten als Folge der kräftigen Lohnerhöhung im vergangenen Jahr deutlich angehoben werden. Dies zeigt, dass es 2018 ein Fehler war, ausgefallene Rentenkürzungen bei vorangegangenen Lohnsenkungen nicht mehr in Form abgeflachter Rentenerhöhungen nachholen zu müssen.

    Das Zusammenwirken von Beitragsobergrenze und Mindestsicherungsniveau mit einer abgeschwächten Wirtschaftsdynamik wird unweigerlich zu einem höheren Bundeszuschuss an die Rentenversicherung führen und im Konflikt zu den Konsolidierungszwängen stehen, die aus den kreditfinanzierten Rettungspaketen resultieren.
    Den Blick nach Österreich richten

    Wenn ein immer größerer Anteil des Steueraufkommens für die Rente reserviert ist und gleichzeitig die Corona-Schulden zurückgeführt werden sollen, bleibt nur noch ein geringer Anteil des Budgets für Zukunftsaufgaben übrig. Investitionen in Digitalisierung, Umweltschutz und Zukunftstechnologien werden zurückstehen müssen – eine fatale Entwicklung!

    Nun besteht Rentenpolitik stets im Nachjustieren von Reglungen an sich ändernde Rahmenbedingungen und Gerechtigkeitsvorstellungen. Daher hat sie sich in den Dekaden als recht anpassungsfähig erwiesen; einige Fehler konnten ausgebessert werden.

    Es steht dem Gesetzgeber also auch heute frei, eine mutmaßlich ungewollte Begünstigung der Rentner ebenso zu korrigieren, wie Schwächen bei der in Sache überfälligen Grundrente zu beseitigen.

    Zudem könnte ein Blick nach Österreich zeigen, wie das Rentenniveau für Neurentner spürbar angehoben und vor allem Geringverdiener, die oft eine unterdurchschnittliche Lebenserwartung haben, begünstigt werden könnten – ohne dass damit insgesamt höhere Kosten verbunden sein müssen. In Österreich orientieren sich die Rentenanpassungen nicht an der Entwicklung der Löhne, sondern an der der Verbraucherpreise.

    Diese Inflationsindexierung sichert die Kaufkraft jeder Rente auf Dauer, beteiligt die Bezieher aber nicht an Reallohnsteigerungen als Folge des Produktivitätswachstums. Dieses geringere Ausgabenwachstum schafft Spielraum, um das Rentenniveau anzuheben, die Staatskassen zu entlasten und damit auch mehr Geld zur Verbesserung des Wachstumspotenzials bereitzustellen.

    Eins ist nämlich klar: Die rasche Erholung von der Rezession 2009 und der sich anschließende lange Aufschwung waren nicht zuletzt auch deshalb möglich, weil Deutschland von einer demografischen Pause profitierte.

    Diese geht nun zu Ende; schon bald setzt ein zwei Dekaden andauernder Alterungsschub ein, der das Wachstumspotenzial nahe Null drücken wird. Umso wichtiger wird es für die Politik, alsbald für wachstumsfreundlichere Rahmenbedingungen zu sorgen.

    #Allemagne #covid-19 #retraites

  • DÈS LE MOIS DE DÉCEMBRE, MACRON REFUSAIT LA COMMANDE DE MASQUES
    https://www.nantes-revoltee.com/des-le-mois-de-decembre-macron-refusait-la-commande-de-masques

    Dans cet article du Canard Enchainé, du 6 mai 2020, on apprend que Macron n’a pas commandé les masques alors même qu’il était au courant de l’épidémie. « Quand sont parvenues à Paris, en décembre 2019, les informations relatives à l’apparition d’un nouveau virus, il était encore possible pour un président conscient de ses responsabilités […] L’article DÈS LE MOIS DE DÉCEMBRE, MACRON REFUSAIT LA COMMANDE DE MASQUES est apparu en premier sur Nantes Révoltée par Umbrella.

    • Je suis moi aussi super en colère concernant la gestion de cette pandémie, sur le mensonge qui est supposé cacher l’incurie, sur la stratégie du choc pour des intérêts économiques partisans et impopulaires... Mais tous les jours des politiques reçoivent des lanceurs d’alerte le nez sur leur sujet qui leur disent qu’il y a un truc super grave qui se passe. Savoir qu’un virus a éclaté en Chine (après H1N1, la grippe aviaire, etc.) c’est pas savoir qu’il va se répandre aussi largement, notamment à cause de sa longue période d’incubation.

      J’ai une amie qui m’a raconté ses quelques années d’assistante parlementaire EELV. Tous les jours un lanceur d’alerte, exclusivement des mecs, dont la plupart semble avoir pété des câbles, l’appelait ou entrait dans son bureau avec son alerte plus ou moins fantaisiste. Rétrospectivement, elle regrette de ne pas en avoir écouté eux d’entre eux. Deux. Sur des centaines. (Multipliez par le nombre de député·es !) Mais elle se rappelle qu’elle est pas spécialiste des trucs qu’on lui mettait sous le nez.

      Ce qui est grave, ce n’est pas que Macron et ses conseillers n’aient pas réagi à cette alerte parmi des centaines (le monde est vaste), c’était tout à fait possible de ne pas arriver à la hiérarchiser proprement. Ce qui est grave, c’est les stocks stratégiques de masques inexistants, la casse de l’hôpital, c’est la conseillère santé qui se casse fin janvier, le conseil des ministres spécial qui finit en 49-3, c’est les élections, c’est les mensonges, c’est le mépris... et le fait de vouloir ensuite se déresponsabiliser de tout ça. C’est gravissime, la responsabilité pénale de ces gens-là devraient être engagée mais pas avec des raisonnements comme ça. Franchement, que personne à l’Élysée ne se soit inquiété en décembre, c’est une erreur qui me semble tout à fait humaine (alors que le reste de leur comportement est bestial).

    • Totalement d’accord avec toi, @antonin1.
      Les signaux n’étaient pas encore significatifs, même en janvier, le moment où l’OMS a commencé à se dire qu’on sortait peut-être du contexte virus asiatique flippant, mais sous contrôle, qu’on a déjà eu 2 ou 3 fois ces 15 dernières années. Ils ont commencé à vraiment flipper fin janvier. En gros, on va dire mi-février, pour le moment où ça commençait à faire vraiment beaucoup de signaux. Fin février, j’ai commencé à flipper pour une réunion à Paris, mais comme ça ne parlait que d’une « grosse grippe »…
      Mais quand mon voyage a été annulé le 4 mars pour une grève… j’ai été tellement soulagée !

      À ce moment-là, l’OMS était en mode « au secours » et là, les gouvernements ont sombré dans l’impardonnable… en sachant qu’ayant théoriquement de meilleures sources que les nôtres, lis devaient bien avoir au moins une semaine d’avance sur nous… mais ils ont tergiversé, parce que l’économie (c’est-à-dire les intérêts exclusifs des riches) était la priorité.

      Là, ils ont eu le temps de « préparer les esprits » aux « inévitables sacrifices » et donc, ils laissent courir, en s’étant bien planqués eux-mêmes…

    • Non @biggrizzly mais des ambassadeurs qui envoient des rapports alarmants, il y en a quelques-uns et le truc peut venir de n’importe où. Et c’est le énième surgissement de virus d’origine asiatique qui cause des problèmes respiratoires graves depuis vingt ans alors :
      –c’est compréhensible de sous-estimer sa gravité (moi j’ai eu les news en janvier et non, ça m’a pas fait flipper, encore un virus),
      –c’est un calcul mesquin et criminel de ne pas avoir de stocks de masques pour quand le Big One arrive parce que ça pouvait être n’importe quand.

      Et encore une fois, qualifier un manque de prescience d’erreur compréhensible et pardonnable ne dédouane aucunement cette caste de criminels désinvoltes de tous leurs autres actes.

    • Je l’ai déjà dit, quand l’Inalco lance l’alerte le 28 janvier avec pour seule compétence (et inquiétude) ses contacts avec la Chine... oui, je m’attends à ce que la conseillère santé de Macron reste en poste pour gérer, à ce que le ministère de la santé se sorte les doigts du cul, etc.

  • A la veille du déconfinement, des projections épidémiologiques globalement pessimistes, Paul Benkimoun, Chloé Hecketsweiler
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/07/a-la-veille-du-deconfinement-des-projections-epidemiologiques-globalement-pe


    Désinfection d’une salle de classe du groupe scolaire des Peupliers à Beaune (Côte-d’Or), le 6 mai. JEFF PACHOUD / AFP

    Selon différentes modélisations, la stratégie du gouvernement est insuffisante pour endiguer une seconde vague de l’épidémie. Elle pourrait frapper de plein fouet des hôpitaux fragilisés par deux mois de lutte contre le Covid-19.

    A quelques jours du déconfinement, la France est-elle aussi à la veille d’un rebond épidémique ? « Trop de relâchement et d’insouciance, et c’est une deuxième vague qui menace ; trop d’immobilisme et d’angoisse, et c’est l’asphyxie collective. Tel est le chemin de crête sur lequel nous devons avancer : chaque versant est un à-pic vertigineux » , a résumé le premier ministre, Edouard Philippe, auditionné le 4 mai au Sénat.
    Partant de ce constat, plusieurs stratégies sont possibles, mais celle en demi-teinte présentée par le gouvernement est loin de faire l’unanimité parmi les épidémiologistes.

    Premier écueil en vue : l’absence de mesures de protection renforcées pour les personnes les plus vulnérables. Dans une étude mise en ligne mercredi 6 mai, les modélisateurs de Public Health Expertise estiment qu’il sera impossible d’éviter une seconde vague si cette population est de nouveau exposée au virus.

    Les auteurs prennent pour hypothèse un scénario proche de celui esquissé par le président de la République dans son allocution du 13 avril avec une réouverture des écoles et un retour au travail pour le plus grand nombre. Dans leurs différents scénarios, la circulation du virus est en partie contrôlée par la mise en quarantaine des personnes infectées et le dépistage de leurs contacts. Leur objectif est d’évaluer l’impact de deux autres mesures de contrôle : le port obligatoire du masque et la réduction des contacts dans la vie quotidienne (la « distanciation sociale »).

    Protéger la population « vulnérable »

    Pour cela, leur modèle « recrée » la circulation du virus au sein d’une population fictive de 500 000 personnes avec la possibilité d’ajuster des dizaines de paramètres selon les hypothèses retenues. Résultat : même si le port de masques et la distanciation sociale permettent de réduire de 75 % le risque de contamination, le nombre de cas graves serait tel que les capacités d’hospitalisation en réanimation seraient débordées dès la fin du mois de juillet (14 000 lits au total dont les trois-quarts réservés aux patients Covid). « Dans ce scénario, un nouveau confinement serait inévitable » , estime Nicolas Hoertel, psychiatre et modélisateur à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), coauteur de l’étude.

    Pour l’éviter, l’étude suggère des mesures additionnelles pour protéger la population « vulnérable », celle qui risque le plus d’être hospitalisée en réanimation et de décéder : les personnes âgées de plus de 65 ans, ou présentant des facteurs de risque (diabète, hypertension, maladie pulmonaire, obésité). Sans prolonger leur confinement, elles seraient encouragées à limiter au strict minimum leurs contacts et leurs sorties jusqu’à la fin de l’année. Dans ce scénario, la mortalité globale diminuerait de 85 % avec 33 000 décès entre mai et décembre contre 217 000 dans le scénario le plus pessimiste, qui ne prévoit ni port du masque ni distanciation sociale.

    A la fin de cette vague, le nombre de personnes infectées – en majorité les moins susceptibles de développer des formes sévères de Covid – serait suffisant pour atteindre l’immunité de groupe. « Il ne s’agit pas d’exposer une partie de la population plutôt qu’une autre mais de tenir compte du déséquilibre de risque entre elles » , souligne Nicolas Hoertel. « La question, qui devrait faire l’objet d’un débat de société, est : comment protéger de façon humaine une population vulnérable, essentiellement âgée » , ajoute le médecin.

    Autre modélisation, celle réalisée par l’équipe de Vittoria Colizza (Inserm) et Pierre-Yves Boëlle (Sorbonne Université). Elle reprend le modèle utilisé pour estimer l’impact du confinement sur le système de soins en Ile-de-France, en l’actualisant avec des données sur les admissions en réanimation jusqu’au 28 avril. « Cela donne une idée de ce à quoi nous pouvons nous attendre pour le 11 mai et après en Ile-de-France, là où l’épidémie est la plus forte » , explique Vittoria Colizza.

    « Une seconde vague plus intense que la première »

    La question de la réouverture des écoles est ici centrale. Bien que la contribution des jeunes enfants à la transmission du SARS-CoV-2 soit plus faible que celle des adultes, elle entraînerait selon eux une augmentation du nombre de cas de Covid-19 dans les deux mois suivants.

    L’épidémie ne pourrait être contrôlée qu’à plusieurs conditions. La première est le maintien des mesures de distanciation physique. « Cela suppose que 50 % des gens restent chez eux – soit que leur activité professionnelle n’ait pas repris, soit qu’ils pratiquent le télétravail –, que les personnes âgées aient réduit de 75 % leurs contacts, et qu’il y ait une réouverture partielle (pas plus de 50 %) de différentes activités et commerces » , détaille Vittoria Colizza.

    Autre condition pour ce scénario : que le dispositif de dépistage, de traçage et d’isolement des cas et de leurs contacts détecte au moins 50 % des nouvelles infections. « Si 25 % seulement sont identifiés, nous aurions à affronter une seconde vague plus intense que la première, débutant fin juin avec des capacités de réanimation dépassées jusqu’en août », insiste Vittoria Colizza. La modélisatrice souligne qu’au-delà du nombre de tests disponibles, ce dispositif de traçage des contacts nécessite des ressources humaines massives afin de casser les chaînes de transmission.

    Enfin, les modalités de la réouverture des établissements scolaires sont déterminantes. Si maternelles et écoles primaires rouvrent le 11 mai en Ile-de-France, les besoins d’admission en réanimation atteindraient au maximum 72 % des capacités hospitalières. Ce résultat rassurant ne se produirait que dans deux situations : soit aucun autre établissement scolaire ne rouvre avant les vacances d’été, soit les collèges et les lycées ne commencent à accueillir de nouveau leurs élèves qu’à partir du 8 juin, avec dans un premier temps 25 % de l’effectif et une augmentation progressive semaine après semaine.

    Dans l’hypothèse où l’ensemble des élèves, de la maternelle au lycée, reprendraient les cours le 11 mai, les chercheurs de l’Inserm envisagent une seconde vague épidémique, similaire à la première. Elle serait toutefois évitée en limitant à 50 % l’effectif pour l’ensemble des classes. Un retour en classe de l’ensemble des adolescents en juin aurait pour effet de submerger les services de réanimation, les nouveaux cas qui en découleraient nécessitant 138 % des capacités.

    « Les équipes sont sur les rotules »

    Quels que soient les leviers actionnés, l’arithmétique « de terrain » s’annonce, elle aussi, complexe. « On nous demande de faire deux hôpitaux en un, avec des unités Covid + et des unités Covid –. Mais c’est exactement comme dans les écoles : nous n’avons pas assez de place » , constate Romain Dufau, chef du service des urgences de l’hôpital Jean Verdier à Bondy (Seine-Saint-Denis). Faute d’un nombre de chambres simples suffisant, seuls six patients pourront être accueillis au lieu de dix en temps normal. « Nous allons tous perdre 20 % à 30 % de notre capacité d’hospitalisation, alors qu’il n’y avait déjà pas assez de lits » , regrette-t-il.

    Avec le départ des renforts, se repose la question des ressources humaines : « Nous aimerions recruter de nouvelles infirmières, les diplômées de juin, mais la prime d’attractivité [destinée à encourager leur installation en Ile-de-France] est insuffisante » , estime le médecin. Faute d’assistante sociale, le suivi des patients précaires s’avère très compliqué, dans ce département qui est le plus pauvre d’Ile-de-France. « Comment va-t-on les isoler ? Nous n’avons déjà pas assez de lits. Je me vois mal immobiliser une chambre en attendant le résultat des tests. Il faut que l’Etat nous donne des moyens pour cela », insiste Romain Dufau.

    A l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le rythme des admissions s’est beaucoup ralenti et une partie des lits de réanimation a été réaffectée à la prise en charge d’autres patients. Mais la perspective d’une nouvelle vague inquiète. « Les équipes sont sur les rotules » , témoigne Alexandre Demoule, chef de service de réanimation. « Nous sommes comme une équipe de foot qui vient de gagner un match et à qui on demanderait de le rejouer le lendemain », souligne le médecin.
    L’AP-HP tablait sur 256 patients hospitalisés en réanimation au 21 mai. « Il n’est pas sûr que nous puissions atteindre cet objectif, car les sorties sont plus lentes que prévu » , explique le réanimateur. « Certains patients sont là depuis plus d’un mois et resteront encore longtemps » .
    Selon le scénario « intermédiaire » de la modalisation élaborée par l’AP-HP, près de 500 patients pourraient être hospitalisés en réanimation au 30 juin, contre un peu plus de 1 100 au 8 avril. Ce nombre pourrait s’élever à 1 200 en cas d’échec de mesures « post-confinement ».

    #cise_sanitaire #déconfinement #deuxième-vague #vulnérables #travail #école #transports_en_commun

  • Corona Chroniques, #Jour47 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour47

    12h, une poignée de volontaires des #Brigades_de_Solidarité_Populaire gagne la place du marché Croix de Chavaux à #Montreuil. Dans leurs cageots, des invendus de Rungis, qu’ils sont allés chercher hier, des fruits qu’ils ont triés, et des légumes qu’ils distribuent à une centaine de pauvres parmi les pauvres, les confinés de TOUT ; geste simple et magnifique, geste barrière suprême, « élan solidaire et autogestionnaire », comme ils disent ; une solidarité pensée, qui doit plus à l’Après qu’à l’Avant, à l’autodéfense qu’à la charité. Depuis le #Corona, le camion des BSP (création italienne, depuis internationale) maraude dans les quartiers populaires, un camion fait des tournées en continu, deux cantines mitonnent des repas prêts pour ceux qui n’ont même pas de cuisine.

    Mais 13h20, les voitures de police qui pimponnent. Mais 13h20, les motos des voltigeurs qui débarquent. Mais 13h20, #Lallement qui fait sonner la troupe. C’est brigades contre brigades, braves contre #BRAV (Brigades de Répression de l’Action Violente Motorisées). La distribution gratuite de denrées est interrompue. On nasse, on verbalise, pour manifestation non déclarée. Aux Brigadistes de rue — gantés, masqués, gelés — qui se plaignent d’être contrôlés comme Avant, sans précautions sanitaires ni distance d’aucune sorte, les Brigadistes de #préfecture rétorquent comme dans un aveu de l’Ordre imbécile : « Vous n’avez rien à dire, vos masques ne sont pas aux normes. »

  • Societal exit from lockdown/ Déconfinement sociétal /Maatschappelijke exit-strategie

    Apport d’expertises académiques / Inbreng van academische expertise / Contribution of academic expertise

    Preprint Version 1.1April 17, 2020

    https://07323a85-0336-4ddc-87e4-29e3b506f20c.filesusr.com/ugd/860626_731e3350ec1b4fcca4e9a3faedeca133.pdf

    cf. Coronavirus - Une centaine de chercheurs émettent dix recommandations pour le déconfinement
    https://www.lalibre.be/dernieres-depeches/belga/coronavirus-une-centaine-de-chercheurs-emettent-dix-recommandations-pour-le-

    #covid-19 #lockdown #belgique

  • Le virus n’est pas une vengeance - Perspectives Printanières
    https://perspectives-printanieres.info/index.php/2020/03/30/le-virus-nest-pas-une-vengeance

    Laisser la détermination des « activités essentielles à la nation » à la discrétion du patronat est dès lors criminel : des gens mourront à cause de l’entêtement du gouvernement à « sauver » l’économie au détriment de la bonne gestion sanitaire de l’épidémie.

    Considérer que l’épidémie serait « méritée » car simple « vengeance de la Nature » est donc une déresponsabilisation (qui ne dit pas son nom) des classes dominantes, responsables de la trajectoire écocidaire qui crée de plus en plus d’épidémies, et de leur gestion criminelle qu’elles mettent en oeuvre

    d’un côté, il est dit que la « Nature » se venge en envoyant un virus contre les humain-es, mais de l’autre, maintenant que ceux-ci ne la détruisent plus, la « Nature » renaît. Dans le premier cas, elle est hostile, dans le second, bienveillante, comme si elle était dotée d’une conscience ou d’une personnalité, qui expliqueraient ses changements d’humeur. L’analyse de tels discours n’est pas une nouveauté induite par la pandémie actuelle : entre les écologistes anglophones, notamment en Amérique du Nord, les débats sur ces conceptions de la « Nature » (ou « nature »[36]) ont été et sont toujours extrêmement vifs[37]. L’écologie politique francophone a dans l’ensemble plutôt évité ce type de discussion[38]. Toutefois, le danger de l’importation en politique de la « Nature » fut bien perçu, générant des projets philosophiques assez divergents pour en sortir[39]. Cet héritage intellectuel informe sur les raisons pour lesquelles la thèse de l’épidémie comme « vengeance de la Nature » séduit bien au-delà de sa version commune. La multiplication des mauvaises tribunes annonçant sauvagement le retour de la « Nature »[40] ou de « Gaïa »[41] en témoigne. La réduction de telles romantisations[42] de l’épidémie à un privilège de classe est séduisante, mais elle ne suffit pas pour saisir d’où viennent de tels positionnements.

    Alors que l’histoire environnementale se concentre en grande partie sur les sociétés modernes, l’anthropologie de l’environnement s’appuie quant à elle beaucoup plus[50] sur l’ethnographie de sociétés non-modernes, qui sont restées ou se sont tenues à l’écart du monde moderne et de la séparation nature/société qui fondent ses structures sociales. Cette dimension comparative a permis de caractériser le dualisme comme spécificité de la pensée occidentale, puisque l’on ne retrouve absolument pas ce partage dans une multitude de sociétés non-occidentales. Partant de là, l’anthropologie de la nature critique sud-américaine s’est lancée dans un programme décolonial à la croisée de la recherche et de l’activisme politique[51]. L’objectif de départ est très clair : réhabiliter les manières d’être et d’agir autochtones – que l’on appellera « ontologie »[*] – face au projet scientifique rationaliste de l’anthropologie occidentale dominante. Ce « tournant ontologique » pris rapidement une grande importance dans la pensée écologique, et plus largement, politique.

    Gaïa comme être éternel est « difficile à manier »[56] puisque les difficultés inhérentes à l’attribution d’une agentivité à des êtres non-humains se trouvent amplifiées lorsqu’il s’agit de la planète Terre toute entière. Au départ, cette opération se veut subversive car elle offre la possibilité de sortir du cadrage naturaliste-capitaliste faisant de la « nature » un ensemble inanimé, intégralement manipulable par les humain-es. Mais cette sortie peut prendre deux formes, presque opposées.
    La première reste très pragmatique : elle se contente de pointer les implications politiques du naturalisme, sans prôner une autre ontologie existante en particulier[57]. Cette base s’articule facilement aux travaux sur la monétarisation de la nature[58], qui explicitent la façon dont la promotion des services écosystémiques comme outil de protection des écosystèmes promue par les écologues s’est progressivement transformée en nouvelle conquête du capitalisme financier[59]. La seconde sortie possible assume son orientation métaphysique en associant le naturalisme à un « désenchantement du monde », amenant de fait l’idée qu’en sortir passe par un « réenchantement » de ce même monde – ou d’autres mondes. Si l’on croirait retrouver presque terme pour terme la critique que fait Max Weber de la rationalisation capitaliste moderne par le progrès scientifique[60], le « désenchantement » a ici pour fonction principale de justifier le parti-pris métaphysique du « réenchantement ». En apparence, ses implications méthodologiques semblent assez proches de la remise en cause « pragmatique » du naturalisme brièvement décrite précédemment : il s’agit d’accorder une agentivité sociale aux non-humains, ce qui équivaut à une reconnaissance de leur enrôlement par les humain-es dans le monde social. D’une certaine manière, il s’agit là d’une re-matérialisation – ou d’une nouvelle « terrestrialisation »[61] – de la pensée politique moderne, programme que l’on ne peut que souhaiter accompagner. Mais le projet de « réenchantement » ne s’arrête pas là puisqu’il transpose l’agentivité accordée aux autres vivants sur un plan spirituel, inspiré des ontologies non-naturalistes – notamment animistes. Soudainement, des gens pour qui les animaux non-humains n’étaient même pas dotés d’une conscience se mettraient à dialoguer avec eux. L’effet artistique est garanti, mais l’apport politique reste à prouver : faut-il (et si oui comment) convaincre massivement que la résolution de la crise écologique passe par le fait de parler avec son chien ou de « soigner » les arbres ? Ces récupérations simplistes se multiplient dernièrement.

    C’est dans ce contexte théorique complexe mais surtout confus que certain-es en viennent à faire parler le coronavirus, donnant, sous couvert d’expression artistique, dans la déresponsabilisation politique[63].

    Ce « monologue du virus » s’inscrit très clairement dans l’orientation métaphysique prise par le Comité invisible[64]. Il s’agit plutôt de réorientation dans un paysage politique présenté comme absurde, dont la nature romantique résonne étrangement avec le dernier essai de Bruno Latour[65], également engagé depuis plusieurs années dans la reconstruction d’un nouvel édifice métaphysique[66].

    La réhabilitation des ontologies naturalistes est évidemment un projet politique d’une importance fondamentale que les écologistes doivent défendre. Toutefois, que des blanc-hes diplomé-es se revendiquent animistes du jour au lendemain pose plusieurs problèmes. Le plus évident se trouve dans l’adoption immédiate d’une ontologie non-moderne alors qu’elle n’est connue que par l’intermédiaire d’outils analytiques typiquement modernes – voire coloniaux. Ce n’est pas rendre justice aux sociétés desquelles ces ontologies émanent que de s’en revendiquer, puisqu’en plus de passer outre toute la réflexion sur la situation d’un point de vue, toute la longue histoire de l’ontologie adoptée n’est pas connue, rendant son appropriation extrêmement parcellaire. Le second problème découle inévitablement du premier, puisque cette sortie-remplacement du naturalisme est aussi empreinte d’anhistoricité.

    Si l’ensemble des structures sociales, politiques mais aussi culturelles modernes reposent effectivement sur une base naturaliste, les conversions individuelles, même agrégées, ne suffiront pas à les renverser. Le troisième problème découle des deux premiers, presque comme une synthèse : les réflexions politiques contemporaines sont un produit de la modernité, même si elles contestent cette dernière. Cet état de fait est absolument indépassable, chercher à l’annuler est a minima une perte de temps. Mais gâcher son temps n’est pas un problème quand on a le luxe de quitter la ville selon des motifs politiques, pour adopter un mode de vie néo-rural éloigné des conditions matérielles d’existence des populations rurales traditionnelles. À force de se rêver non-moderne, les soucis des subalternes du monde moderne (tant dénoncé) sont oubliés. Dans le meilleur des cas, cet oubli est involontaire, simple fruit de l’éloignement réflexif inévitable lors de la recherche d’un autre rapport à la Terre. Mais cet oubli peut aussi être stratégique, en ciblant indistinctement tou-tes celleux, dominant-es ou dominé-es, qui participent à ce monde moderne jugé « pourri » – repensons à la théorie du Bloom comme critique de l’abrutissement des subalternes[70]. Quelle que soit sa source, cet « oubli » se concrétise dans cet « abject monologue du virus »[71]. Les principales victimes de la pandémie sont déjà et seront encore les plus vulnérables d’entre nous – il faut le rappeler : l’épidémie n’est pas « méritée ».

    Tout le monde n’a pas le luxe de se dégager du temps pour créer un éco-village pour s’y mettre en retrait de la ville décadente[72] jugée symptomatique d’une société cynique[73] – surtout si ce retrait se fait dans une communauté affinitaire socialement et idéologique homogène, autant de conditions que seule une bonne place dans la hiérarchie sociale permet de réunir. Considérer ce virus comme un « accusateur » venu renverser une société jugée mauvaise passe à côté du fait qu’il est davantage un « révélateur » et « aggravateur » des inégalités sociales qui s’y expriment[74]. Le virus, enfin l’auteur – bien humain – de ce monologue, nous intime même de faire « attention » – à notre environnement au sens larges du terme. Pourtant lui ne fait attention à rien : ni aux nécessaires solidarités qui doivent se renforcer face à l’épidémie, ni à celleux que son discours global contre le monde moderne condamne.

    Ce monologue du virus n’est donc pas seulement philosophiquement maladroit ou politiquement abject comme une première lecture peut le laisser penser : il est proprement dangereux.

    Lors de ce qui semble être sa première apparition en 1980, l’écofascisme désigne « un régime totalitaire de gauche [ou] de droite sous la pression de la nécessité » d’une action écologique forte[77]. Dans cette confusion, trois caractéristiques principales semblent apparaître :

    (1) L’écofascisme comme soumission à une « Nature » éternelle voire à un « ordre naturel » qui nous dépasse en tant qu’êtres humains.

    (2) L’écofascisme comme promotion de la mort en nombre d’êtres humains pour des motifs écologiques.

    (3) L’écofascisme comme régime antidémocratique imposé pour répondre à la crise écologique.

    L’écofascisme n’est donc pas seulement une opposition à la démocratie pour des raisons écologiques[83], mais s’adosse à des propositions théoriques essentialistes bien plus larges.

    L’on voit bien que les différentes facettes de l’écofascisme communiquent et se nourrissent les unes les autres : l’autoritarisme écologique bénéficie de l’installation de la « Nature » comme force implacable[87]. L’amertume est donc grande quand certain-es s’autorisent à signer des tribunes prônant la solidarité alors qu’ils installent dans l’espace public des idées menant tout droit à l’écofascisme[88].

    L’argumentaire essentialiste d’une « vengeance de la Nature » participe d’une façon plus concrète encore à la promotion d’un régime autoritaire. Sa dimension mystique s’articule très bien avec la gestion répressive de l’épidémie par de nombreuses « démocraties ». Ces dernières, notamment en Europe occidentale, semblent incapables d’apporter une réponse démocratique à la propagation du coronavirus[89]. Cet aveu de faiblesse est doublement tragique.

    Des moyens financiers et discursifs importants sont déployés pour « sauver l’économie » de la pandémie : le contraste avec les moyens dont disposent les services de santé pour « sauver les gens » est cruellement saisissant[91]. Les terribles difficultés des démocraties occidentales pour endiguer la pandémie ont pour effet indirect de présenter la Chine comme le pays ayant le mieux géré la crise sanitaire sur son sol – malgré les risques d’accélération de l’épidémie inhérents à son importante population. Le confinement strict imposé par Pékin est ainsi vidé de sa substance autoritaire pour que ne soit retenue que son efficacité sanitaire[92] : s’attarder sur le caractère démocratique ou dictatorial du confinement ne serait que source de plus de mort-es. La supposée « réussite » de la Chine légitime sa nouvelle position géopolitique : d’un côté, l’autoritaire « modèle chinois » de gestion de l’épidémie semble être pour beaucoup la seule solution[93], de l’autre, l’assistance du gouvernement chinois aux pays en pleine crise sanitaire rend ces derniers dépendants d’une aide extérieure[94]. Qu’un régime dictatorial semble être plus à même de gérer l’épidémie que de nombreux régimes démocratiques, alors même qu’ils se réfugient dans des mesures autoritaires, finit de faire tomber la distinction sacrée entre dictature et démocratie qu’entretiennent les seconds[95].

    Ce qu’il faut retenir de l’épidémie, c’est qu’elle n’est pas une « vengeance de la Nature » qui viendrait changer le monde à notre place. Mais se lancer sérieusement dans la construction d’une société écologique est autrement plus difficile que de se défausser vers des raisonnements simplistes conduisant à l’écofascisme. Pandémie ou non, nous ne pouvons compter que sur la solidarité[118].

    #écologie #écofascisme #nature #naturalisme @rastapopoulos @ktche @tranbert

    • La liste des groupes sociaux n’ayant pas mérité que leur situation se complique est si longue qu’elle rend d’autant plus insupportable la lecture de l’épidémie comme « vengeance de la Nature ».

      […]

      Toutefois, que des blanc-hes diplomé-es se revendiquent animistes du jour au lendemain pose plusieurs problèmes. Le plus évident se trouve dans l’adoption immédiate d’une ontologie non-moderne alors qu’elle n’est connue que par l’intermédiaire d’outils analytiques typiquement modernes – voire coloniaux. Ce n’est pas rendre justice aux sociétés desquelles ces ontologies émanent que de s’en revendiquer, puisqu’en plus de passer outre toute la réflexion sur la situation d’un point de vue, toute la longue histoire de l’ontologie adoptée n’est pas connue, rendant son appropriation extrêmement parcellaire. Le second problème découle inévitablement du premier, puisque cette sortie-remplacement du naturalisme est aussi empreinte d’anhistoricité. Si l’Occident est bien naturaliste depuis près de 5 siècles[69], se revendiquer (voire pratiquer) individuellement d’une autre ontologie n’annule pas cette riche histoire, indépendamment de ce que l’on pense de celle-ci d’ailleurs. Si l’ensemble des structures sociales, politiques mais aussi culturelles modernes reposent effectivement sur une base naturaliste, les conversions individuelles, même agrégées, ne suffiront pas à les renverser. Le troisième problème découle des deux premiers, presque comme une synthèse : les réflexions politiques contemporaines sont un produit de la modernité, même si elles contestent cette dernière. Cet état de fait est absolument indépassable, chercher à l’annuler est a minima une perte de temps.

  • Coronavirus (COVID-19)
    #Sentinelle, le réseau de surveillance de médecine de ville ajoute un volet coronavirus a son bulletin hebdomadaire

    Situation observée pour la semaine 12 de l’année 2020, du 16/03/2020 au 22/03/2020 :
    Actualité épidémiologique au 25/03/20, 2020s12
    (du 16 au 22/03/20)


    https://www.sentiweb.fr/document/4859

    Coronavirus (COVID-19)
    En collaboration avec Santé publique France, le Centre National de Référence des infections respiratoires, et l’Université de Corse, et suite au passage de l’épidémie de COVID-19 au stade 3, la surveillance Sentinelles des infections respiratoires a évolué pour s’adapter aux caractéristiques cliniques de cette maladie. Les médecins Sentinelles suivent désormais le nombre de cas d’infection respiratoire aiguë (IRA) vus en consultation, selon la définition suivante : apparition brutale de fièvre (ou sensation de fièvre), et de signes respiratoires (comme la toux, un essoufflement ou une sensation d’oppression thoracique). Cette surveillance clinique est complétée par une surveillance virologique pour connaitre la part due au SARS-CoV-2 (COVID-19) parmi ces IRA.

    En parallèle des données Sentinelles que vous trouverez ci-dessous et mise à jour de façon hebdomadaire, un bulletin épidémiologique édité par Santé publique France reprend l’ensemble des données de surveillance (ambulatoire et hospitalière) sur la situation de l’infection COVID-19.

    • D’accord avec @simplicissimus : la dichotomie est très artificielle. Parce qu’en réalité, « en guerre », on donne beaucoup beaucoup beaucoup de moyens. Ça doit être une des activités les plus coûteuses auxquelles peuvent se livrer les États.

      6.000 milliards de dollars : le coût total de la guerre en Irak ?
      https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20130314trib000754033/6.000-milliards-de-dollars-le-cout-total-de-la-guerre-en-irak.html

      Très onéreuse guerre en Irak... D’après le Watson Institute for International Studies de l’université Brown, le bilan économique de la guerre déclenchée en 2003 par George W Bush pour faire tomber le régime de Saddam Hussein en Irak, pourrait représenter 6.000 milliards de dollars d’ici à 2053 en incluant les intérêts d’emprunts et les pensions aux anciens combattants.

    • Certes. Mais pour rester dans le sujet du jour, qui n’est pas les dépenses somptuaires en direction du CMI, TdQ1er parle de guerre contre le virus. Et le lendemain, les journaux titrent sur les 100000 policiers qui vont faire appliquer les ordres. Et donc, la dichotomie, bien qu’artificielle, fonctionne. Cette dichotomie est tout aussi artificielle que l’autre qui déblatére « nous sommes en guerre », après avoir déliré quelques jours avant sur le fait que « notre mode de vie ne sera pas altéré ».

    • Ça me rappelle ma prof d’histoire du collège, expliquant que la vraie fin de la crise de 1929, c’était la guerre et sa relance économique. Quand même, j’aime bien.

      Après, j’ai une vraie question : est-ce que le tweet de Macron du 11 mars
      https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1237814127562756097

      Nous ne renoncerons à rien.
      Surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer.
      Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été.
      Surtout pas à la liberté.
      Surtout pas à notre esprit de résistance qui fait la République si grande, la France si forte.

      il est dans la lignée de sa bravoure du 7 mars, aller au théâtre pour encourager les sorties à plusieurs centaines dans un lieu confiné
      https://people.bfmtv.com/actualite-people/emmanuel-et-brigitte-macron-au-theatre-pour-inciter-les-francais-a-sor
      et dire que non tout va bien, consommez !
      Ou bien est-ce que les « fêtes des soirs d’été » ça veut dire qu’il n’y aura pas de fêtes de soirs de printemps ? Est-ce que ce fragment de discours convenu qui veut tout dire et rien dire est dans la lignée de l’insouciance macronienne qui a prévalu jusque début mars, comme le pense Lordon, ou bien est-ce qu’il est une manière de faire passer les premières mesures de protection ?
      C’est une vraie question, je ne le comprends pas.

    • À part ça, je ne sais plus quel médecin de droite explique que le confinement, c’est la médecine du XVIe siècle et que le soin aux malades, c’est celle du XXIe mais je trouve ça très bête. D’abord on peut soigner un nombre limité de personnes (limité quoi qu’il arrive et d’autant plus limité qu’on a saboté l’hôpital), d’où le besoin de prévenir un afflux trop important, en plus c’est toujours plus confortable de ne pas être malade et plus intelligent de prévenir les maladies qu’on sait prévenir, la prévention étant aussi un geste médical. Bref, il est débile ou c’est moi ?

    • Sans masques, sans gants, sans gel hydroalcoolique, sans détection des personnes infectées, avec un hôpital déjà au désespoir, le seul moyen de contrer cette crise a été son déni. (Et ils se sont entourés d’experts du déni)

      Et d’enfermer chacun·e le jour venu pour éviter, espérons le, d’étendre la catastrophe, et l’émeute, en racontant que c’est pour son bien. J’ai en tête la friction continuelle entre le récit fictionnel et les catastrophes qui adviennent. Non pas que cela ait été comploté d’avance, mais tout de même, ça tombe vraiment bien maintenant que la bourgeoisie peut vivre en vase technologique clos, et quel régime fasciste ne rêverait pas de faire plier tout les contradicteurs d’un seul coup pour imposer une société de contrôle total où personne ne peut aller manifester ?

      Pour étayer, le 12 mars, il y avait quelques voix discordantes
      « La seule solution contre le coronavirus c’est un masque pour tous, partout, pendant trois semaines »
      https://www.youtube.com/watch?v=gPMwAcWeUZc

  • Trois commandes par seconde : la livraison, dérive des temps modernes
    https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/03/06/trois-commandes-par-seconde-la-livraison-derive-des-temps-modernes_6032073_4

    Du poulet fermier aux jeux vidéo, du préservatif à l’apéro, tout est livrable désormais. L’homme moderne se transforme peu à peu en flemmard augmenté. Ou en coursier éreinté.

    Boostée par l’essor de l’e-commerce au début des années 2000, la livraison est progressivement devenue un mode de vie en soi et ce n’est pas un hasard si Amazon a développé un service de streaming pour les abonnés de son offre premium. Scotché devant la nouvelle saison de la série Fleabag, l’individu moderne est invité à rester chez lui où, tel un oisillon dans son nid, il est alimenté par d’innombrables capillarités marchandes, se transformant progressivement en flemmard augmenté. Alors que l’entrée dans l’âge adulte constituait jusqu’alors en un apprentissage de la frustration, nous sommes aujourd’hui maintenus dans un état enfantin, où chacun de nos désirs doit être satisfait dans l’instant.

    12 h 49, le lendemain : un peu écœuré, je teste tout de même les services d’Uber Eats. On me prévient que ma commande sera livrée à 13 h 20, 13 h 45 au plus tard, si le scénario se dérègle. Mon livreur « roule à vélo », précise l’appli. Pourquoi, alors, sort-il lui aussi de l’ascenseur avec un casque de moto sur la tête ? Réservé jusque-là aux grandes agglomérations, ce système de livraison se développe aujourd’hui dans les petites villes, où la nouvelle aventure consiste à commander des McDo en restant assis sur son canapé. La livraison est une toxicomanie en soi : ainsi, 25 % des utilisateurs ont l’intention de commander plus souvent dans les douze prochains mois, d’après une étude de Food Vision Service de 2019. Livraison de produits frais de proximité (Epicery), d’ingrédients à cuisiner soi-même (Foodette), de fruits et légumes fraîchement coupés (Koupé) : les initiatives dans le secteur semblent aussi nombreuses que les types avec de gros sacs carrés sur le dos dans les rues de nos villes.

    #Nouvelle_domesticité #Livraison #Gig_economy #Uberisation #Travail #E_commerce

  • Interopérabilitay, par Laurent Chemla » Zone de non-droit
    http://www.non-droit.org/2020/02/22/interoperabilitay

    On nous dira ( » pour votre sécurité « ) que c’est dangereux, parce que nos données personnelles ne seront plus aussi bien protégées, dispersées parmi tellement de services décentralisés et piratables. Mais je préfère qu’une partie de mes données soit moins bien protégée (ce qui reste à démontrer) plutôt que de savoir qu’une entreprise privée puisse vendre (ou perdre) la totalité de ce qui est MA vie.

    On nous dira que c’est « excessivement agressif pour le modèle économique des grandes plateformes », alors qu’évidemment c’est justement le modèle économique des grandes plateformes qui est excessivement agressif envers nos vies privées et nos démocraties, d’une part, et que d’autre part l’interopérabilité ne modifie en rien ce modèle économique : dès lors qu’elles stockent toujours une partie de nos données elles restent (hélas) en capacité de les vendre et/ou de les utiliser pour « éduquer » leurs IA. Tout au plus constateront-elles un manque-à-gagner comptable, mais ne gagnent-elles pas déjà largement assez ?

    À ce jour, l’#interopérabilité s’impose comme la seule solution réaliste pour limiter le pouvoir de nuisance de ces géants, et pour rétablir un peu de concurrence et de décentralisation dans un réseau qui, sinon, n’a plus d’autre raison d’être autre chose qu’un simple moyen d’accèder à ces nouveaux silos (qu’ils devraient donc financer, eux, plutôt que les factures de nos FAI).

  • Francis Dupuis-Déri : « Il est sidérant d’entendre dire que les hommes ne peuvent plus draguer »
    29/11/19 11h50
    https://www.lesinrocks.com/2019/11/29/actualite/societe/francis-dupuis-deri-il-est-siderant-dentendre-dire-que-les-hommes-ne-peu
    Par Nicolas Mollé
    [Cet article vous est offert pendant 48 heures] Francis Dupuis-Déri, spécialiste de l’antiféminisme, revient pour Les Inrocks sur les affaires Polanski, le mouvement #MeToo ou encore l’attentat antiféministe de Montréal, il y a tout juste 30 ans.

    Professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal, Francis Dupuis-Déri est non seulement un spécialiste de l’anarchisme mais aussi un expert de l’antiféminisme et du masculinisme. Dans La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace, paru aux éditions Du Remue-Ménage, il revient sur ce mythe qui voudrait que les hommes soient « en crise » à cause de sociétés soi-disant trop « féminisées ». Dans Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui, paru en début d’année et codirigé avec Christine Bard et Mélissa Blais, il se penchait sur les mouvements masculinistes, cette forme d’antiféminisme qui prétend se battre pour les droits des hommes. Rencontre lors de son passage à Rennes, en pleine affaire Polanski.

    Des militantes féministes ont manifesté dans plusieurs villes de France (Paris, Rennes, Bordeaux...) contre la projection du film J’accuse de Roman Polanski. Est-ce que cette affaire Polanski, et la façon dont elle est commentée par certains, résonne avec les analyses de votre livre La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace ?

    Francis Dupuis-Déri - Pas directement car cette affaire est vraiment spécifique. Mais il est certain que l’on a entendu à l’occasion de cette crise en France des relents de sous-discours qui relèvent en fait de la crise de la masculinité. Il s’agit de réactions qui ont tenté de délégitimer tout le mouvement Me Too. La conséquence de Me Too serait que les hommes sont victimes. Il est quand même assez paradoxal d’entendre ça, si on s’exprime poliment, face à ces milliers de voix de femmes parfois anonymes qui s’expriment pour dire : « Et bien voilà en fait j’ai été victime quand j’étais enfant, adolescente ou adulte d’hommes qui m’ont agressée ». Dans le cinéma américain et donc aussi désormais dans le cinéma français, pas du tout sous le couvert de l’anonymat cette fois, il y a ces femmes qui disent désormais : « J’ai été agressée ».

    Une des réactions des hommes dénoncés mais aussi de leurs alliés - car c’est bien cela aussi qui est impressionnant, le nombre d’alliés qu’ils ont - c’est de manquer totalement d’empathie envers les femmes agressées. C’est un manque d’empathie et d’humanité sidérant que de prendre le parti de l’homme et aussi de prétendre que les hommes sont victimes. Sidérant d’entendre que le désir des hommes est condamné, criminalisé, que les hommes ne peuvent plus rien dire, ne peuvent plus draguer, sont persécutés sans pouvoir se défendre. Et cela, oui, c’est une des multiples déclinaisons du discours de la crise de la masculinité, les hommes souffriraient à cause des femmes et des féministes. Et il serait difficile d’être un homme.
    https://www.youtube.com/watch?v=LQTsl_HYLrA


    En parlant d’alliés, pensez-vous à Finkielkraut qui s’est récemment illustré en tant que soutien de Polanski ?

    Absolument et il l’a fait de manière dégoûtante, je pense que c’est le terme qui convient. En plus, il se contredit car il explique que c’est aux tribunaux de juger et du même souffle dit à propos de Samantha Geimer, cette fillette de 13 ans qui a accusé le réalisateur de viol en 1977 (une affaire pour laquelle il a été condamné uniquement pour relation sexuelle illégale avec une mineure suite à un accord abandonnant les autres chefs d’inculpation, ndlr) : « Non, non, elle avait peut-être 13 ans mais elle était pubère et elle avait un petit ami donc elle avait déjà une vie sexuelle ». Mais les tribunaux disent bien qu’une fille de 13 ans, même si elle est pubère, qu’elle a une vie sexuelle et qu’elle a des petits amis, un homme adulte ne peut pas commencer, d’une part, à la draguer et, d’autre part, à avoir des relations sexuelles avec elle (en France, la loi fixe la majorité sexuelle à 15 ans, ndlr). C’est puni par la loi (il s’agit d’une condamnation pour « atteinte sexuelle », un acte puni de 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. En cas de non-consentement, l’acte peut-être requalifié en agression sexuelle ou viol, ndlr) donc si on reste purement dans le registre et la logique juridique, qui n’est d’ailleurs pas mon point de vue d’habitude, son discours n’est pas cohérent.

    Cela révèle une sorte de pensée très flexible pour toujours re-victimiser les hommes et ne pas porter attention à la souffrance des femmes. Je reviens à ce problème de manque d’empathie, Finkielkraut est en manque d’empathie absolu. Et puis, autour de Polanski et d’autres, vous avez ici en France des sortes de mercenaires toujours prêts à aller au front. Je pense à Bernard Henri-Lévy par exemple, grand défenseur des droits de l’homme - on pourrait souligner le mot « homme » ici - qui s’est pourtant érigé en soutien de Polanski et de DSK. Donc, apparemment, dès qu’il y a une personnalité qui agresse une femme, BHL se place en défenseur de l’homme. Le problème est que les gens n’arrivent pas à faire le lien entre les statistiques et ces affaires. Il y a d’une part une affaire comme celle de Polanski, d’autre part des milliers de femmes qui se sentent en colère, qui se mobilisent et puis par ailleurs des statistiques, en France et ailleurs, qui montrent qu’un très grand nombre de femmes ont été agressées sexuellement ou physiquement, qu’elles soient enfants, adolescentes ou adultes. Et on ne fait pas le parallèle entre les deux phénomènes. Je ne dis pas que toutes les femmes qui se mobilisent contre le film de Polanski en ce moment sont des anciennes victimes ou des victimes mais il doit bien y en avoir au sein d’elles et il doit bien aussi en avoir à qui cela fait extrêmement mal, de par leur expérience concrète, d’entendre ce débat qui prétend à l’élévation en disant qu’il faut « distinguer l’homme de l’œuvre ».

    Comment ces hommes déploient-ils leurs alliances ?

    Si on finit sur Polanski, dans son document de presse pour la Mostra de Venise, plusieurs médias ont relevé qu’il avait inséré une entrevue avec Pascal Bruckner, que je cite d’ailleurs dans mon livre. Pascal Bruckner est un vieux propagandiste de la thèse du féminisme puritain, totalitaire, aux Etats-Unis. Déjà, dans les années 90, il parlait de la fameuse porte qu’on doit laisser ouverte, sur les campus américains, lorsqu’on est professeur et qu’on reçoit une étudiante dans son bureau.

    Oui ce phénomène est décrit dans votre ouvrage...

    Absolument, et ça, il explique que c’est du totalitarisme. Cela me paraît quand même incongru comme définition du totalitarisme. Si c’était ça le totalitarisme, finalement, la vie en URSS n’aurait pas été si pénible, avec simplement des profs qui ont une porte ouverte lorsqu’on les rencontre. Pour en revenir à Polanski, celui-ci insère une entrevue qu’il a réalisée avec Bruckner (des passages de cette entrevue ayant été très critiqués, le fameux dossier de presse a fini par être expurgé des propos contestés, ndlr) et Bruckner lui demande : « En tant que juif chassé pendant la guerre et cinéaste persécuté par les staliniens en Pologne, survivrez-vous au maccarthysme néoféministe actuel qui, tout en vous poursuivant dans le monde entier pour empêcher la projection de vos films, a obtenu votre exclusion de l’Académie des Oscars ? ». « Maccarthysme néoféministe », c’est l’expression qu’il utilise.

    Cela montre bien que Polanski se place dans une position d’homme victime des féministes, mouvement que l’on associe au maccarthysme et au totalitarisme. Donc on est face à cette idée de féminismes totalitaires. Qui est en fait quelque chose de purement imaginaire, si on a une connaissance de l’Histoire du 20ème siècle, comme ces nouveaux philosophes, Finkielkraut, Bruckner, l’ont. Ils savent très bien ce qu’est le totalitarisme. Et donc ils ne peuvent pas, s’ils sont vraiment sincères, honnêtes intellectuellement et politiquement, comparer le féminisme avec le totalitarisme, c’est une abjection de faire cette comparaison.
    https://www.youtube.com/watch?v=_5cdWWgopok


    Est-ce que ce n’est pas minimiser la portée réelle du totalitarisme ?

    C’est totalement une insulte aux victimes du totalitarisme. C’est nous laisser croire qu’il y a des victimes similaires du féminisme alors que moi, je cherche les charniers ou les camps de concentration, la Gestapo ou le KGB féministes. C’est une paranoïa totalement imaginaire. Le féminisme n’a pas de milice armée, ne tue pas. Le féminisme n’a pas de branche armée, ça n’existe pas. Alors qu’au 20ème siècle, presque tous les autres mouvements politiques avaient une branche armée, il y a eu des moments où ils ont pris les armes ces mouvements indépendantistes, républicains, nationalistes, anarchistes, marxistes, islamistes, nazis, fascistes. Mais le féminisme, pas du tout. Donc c’est complètement injuste.
    https://www.youtube.com/watch?v=Nua6MugtvNo


    A l’inverse, des femmes ont été victimes d’attentats antiféministes. Comme l’attentat de 1989 à Montréal, dont vous rappelez l’existence dans La crise de la masculinité. Les actes commis par Anders Breivik en 2011 s’inscrivaient aussi dans une perspective antiféministe. Est-ce que l’antiféminisme est forcément d’extrême-droite ?

    C’est une bonne question, que l’on se pose souvent dans les réseaux plus militants. La réponse est non. J’ai tendance à considérer que l’antiféminisme, un peu comme le racisme ou l’islamophobie, a un penchant à droite mais se retrouve aussi à gauche. On trouve souvent moyen de le justifier selon des principes ou des logiques politiques de gauche. Mais effectivement, c’est tendanciellement plus fort à droite et à l’extrême-droite.
    Dans les réseaux d’extrême-droite, sur les sites suprémacistes blancs aux États-Unis, en Scandinavie, et ailleurs, on a ces discours de type Breivik, cette idée que « l’homme occidental » - une sorte de descendant des Vikings - a été castré, efféminé. Différentes explications sont trouvées comme l’émergence de la pensée féministe dans les années 60 ou même l’automatisation du travail. D’après ces sites, cette efféminisation de l’homme blanc en Occident le rend incapable de défendre le territoire, de protéger la famille, ses emplois, de défendre les femmes et les enfants blancs, face à l’invasion barbare de l’immigration par laquelle déferlent des hommes qui sont même potentiellement violeurs, qui viennent violer « nos femmes ».
    https://www.youtube.com/watch?v=DD_WOHYMC6w


    Est-ce que l’on retrouve ce discours en France ?

    C’est en effet à peu près ce qui est dit par Éric Zemmour dans Le premier sexe (son livre publié en 2006, ndr) où, vers la fin, il mélange vraiment la question de la crise de la masculinité, de l’anti-féminisme, de la peur du jeune homme arabe des banlieues et de l’immigration. Donc ça c’est le type de discours que l’on retrouve à l’extrême droite.

    Et à gauche ?

    On peut aussi avoir des thèses antiféministes et masculinistes à l’extrême gauche. Dans mon livre, je donne les exemples d’Alain Badiou et de Jean-Claude Michéa qui s’intègrent dans la perspective d’une vieille tradition socialiste critique du féminisme. Déjà au milieu du 19ème siècle, Friedrich Engels, par exemple, dans son analyse sur la classe ouvrière anglaise, s’opposait à l’entrée des femmes dans le salariat, dans les usines. Avec d’autres, il considérait que c’était une concurrence injuste avec les salariés masculins car le patronat payait moins les femmes que les hommes, et donc préférait les employer. Chez un socialiste comme Engels, on trouve ceci qui relève clairement du discours sur la crise de la masculinité.

    Et on va retrouver des réflexions de type « crise de la masculinité » chez un socialiste libertaire comme Jean-Claude Michéa par exemple, qui a des propos très très dénigrants envers les mères, qui seraient castratrices, qui écraseraient psychologiquement les garçons, qui les empêcheraient de réaliser leur véritable identité masculine. On retrouve ce type d’éléments chez Alain Soral et Michel Clouscard, un vieux communiste dont on ne se souvient plus tellement mais qui était un peu l’inspirateur de Michéa et Soral. Et chez Zemmour donc. Tous ces gens se retrouvent dans une sorte de bouillabaisse bizarre.

    Qu’est ce que l’on peut répondre à ceux qui disent qu’à travers les mouvements « MeToo » et « BalanceTonPorc », les féministes cherchent à gagner sur le terrain médiatique les batailles qu’elles savent qu’elle ne gagneront pas sur le terrain judiciaire ?

    Il y a trois problèmes importants : d’abord la minimisation, la non prise en compte ou le mépris par rapport à ces types de plainte de la police. Ensuite la difficulté psychologique pour une femme d’aller raconter cette histoire à des policiers et tout ce qui va suivre - s’il y a un procès, probablement que vos proches, votre famille vont en entendre parler ; peut-être que l’on n’a pas envie de parler de ça à tout le monde tellement c’est difficile. Et puis le manque de résultats. Donc quand vous êtes devant ces trois problèmes qui sont extrêmement graves, face à un crime lui aussi supérieurement grave, et bien on peut imaginer qu’un mouvement social comme le mouvement féministe trouve d’autres moyens de dénoncer.
    https://www.youtube.com/watch?v=QFRPci2wK2Y


    Les mouvements sociaux ne sont pas des avocats. Quand un mouvement social décide de dénoncer, il n’est pas, sur le terrain la légitimité de la cause qu’il porte, évaluable du point de vue d’une décision de juge. Le mouvement syndical a souvent dénoncé des patrons véreux, des conditions de travail totalement inappropriées, dangereuses pour les salariés... Et cela ne passait pas toujours devant les tribunaux du travail et la justice. C’est une question de rapport de force. Le mouvement écologiste a reproduit ce procédé également, des mouvements d’agriculteurs aussi, tout comme le mouvement altermondialiste. Il faut donc arrêter d’avoir une obsession pour le tribunal et la justice.

    Est-ce l’idée qu’il y a d’autres moyens de contester qu’à travers l’État de droit ?

    Exact. Prenons l’exemple de l’impunité par rapport aux violences policières en manifestations. Si les policiers tuent ou éborgnent quelqu’un, cela s’est quand même vu pas mal de fois, peu d’entre eux sont condamnés alors que des dizaines de personnes ont été éborgnées dans le mouvement des gilets jaunes. On sait bien qu’ils ne seront jamais mis en cause ni condamnés. On peut donc se promener avec des bannières qui accusent les policiers de ces faits. On ne va pas se retenir de déclarer publiquement que les policiers ont fait ça parce qu’il faudrait passer par les tribunaux pour que les policiers soient mis en cause et condamnés, c’est ridicule. De plus, l’un n’empêche pas l’autre, ça n’interdit pas de passer aussi par le tribunal. On dira : « Oui mais il y a présomption d’innocence peut être que les policiers devraient pouvoir donner leur version ». Certainement mais de toute façon, ils la donnent tout le temps, leur version.

    Voulez-vous dire que les mouvements féministes orchestrent des actions médiatiques parce qu’il est très difficile d’obtenir justice par le biais du tribunal classique, pour que la culture du viol recule dans la société ?

    Oui. Et de manière globale tous les mouvements sociaux font quelque chose qui ressemble à ça : dénoncer et accuser les responsables du problème, le patron pollueur ou le patron mauvais payeur ou le policier violent. Les femmes et les féministes le font aussi et ont une raison supplémentaire de le faire : quand elles passent à travers le système de justice, elles se heurtent aux trois problèmes que je vous ai mentionnés plus haut.

    Ajoutons que dans le discours sur la présomption d’innocence, il y a cette suspicion autour du mensonge des femmes quand elles accusent les hommes. Pourtant quand les femmes dénoncent, il faut plutôt présumer la véracité des propos de la personne qui dénonce. Quelqu’un qui dit : « J’ai été agressée », c’est un cri de colère, ce n’est pas un procès et d’ailleurs la femme concernée le sait très bien au fond d’elle-même. Il y en a des dizaines de milliers en France. Elles connaissent la personne qui les a agressées, c’est souvent un proche (dans 80 % des cas, la victime connaît son agresseur, selon le Collectif féministe contre le viol, ndlr). Mais peut-être qu’elles ne pourront jamais aller en faire la démonstration devant un juge parce qu’il n’y a pas de témoins, parce que c’est arrivé il y a trop longtemps...

    Avec l’augmentation des plaintes pour violences sexuelles, pensez-vous que le mouvement MeToo peut aider à faire bouger les choses ?

    Honnêtement, je pense qu’il n’y a pas de solution qui pourrait immédiatement faire cesser le fait qu’une femme est assassinée par son conjoint ou son ex-conjoint en France tous les deux jours. C’est un phénomène social d’une telle ampleur et qui se passe en grande partie dans ce qu’on appelle la vie privée. C’est donc très compliqué de voir comment on peut arrêter ça. Si ce n’est à travers le lesbianisme séparatiste, c’est-à-dire que les femmes décident de ne plus être en couple avec des hommes. Mais là vous allez avoir les célibataires involontaires qui vont continuer à perpétrer des attentats, comme en Californie ou à Montréal, parce que des hommes seront assez arrogants et prétentieux pour penser que s’ils ne peuvent pas vivre la sexualité à laquelle ils pensent avoir droit et bien cela justifie des attentats. C’est quand même un niveau de prétention à l’appropriation des autres qui est incroyable.

    Dans l’hétérosexualité et les relations de couple, plusieurs hommes ont cette socialisation qui leur fait croire qu’ils ont un droit d’appropriation du corps de la femme, de sa sexualité, de son travail, qu’elle leur doit des services, de l’amour, son attention et que quand elle les quitte, c’est un crime de lèse-majesté et qu’ils doivent la détruire. C’est une prise de contrôle totale sur elles. Ce sont des réflexions qui m’ont été suggérées par Mélissa Blais, avec qui j’ai travaillé sur la question de l’antiféminisme et qui est d’ailleurs la spécialiste de la tuerie de l’école polytechnique. Elle a écrit un livre qui s’appelle J’haïs les féministes, le 6 décembre 1989 et ses suites sur cet attentat antiféministe. Mélissa Blais déplore tout le temps que, dans les médias, on laisse entendre que l’homme a perdu le contrôle, a eu un moment de crise et a tué sa conjointe alors que cela correspond plutôt au moment où il a pris le contrôle absolu sur son ex en la tuant.

    Si j’avais la solution pour arrêter tout cela, je serais prix Nobel de la paix, je ne sais pas comment on peut s’y prendre. Je ne peux pas parler au nom des féministes et des femmes qui ont peur, qui sont en colère ou qui veulent s’entraider. Mais ce que je vois c’est qu’il y a des choses qui bougent. Cela ne va pas nécessairement arrêter Robert qui veut tuer sa compagne qui le quitte, qui prend son fusil de chasse et la tue. Mais un mouvement comme MeToo et les dénonciations dans le milieu du cinéma font évoluer les choses.

    Il y a des acteurs, des réalisateurs, des producteurs, des journalistes et des associations qui se positionnent. J’imagine qu’il y a des discussions à l’intérieur de ce milieu, avec des solidarités qui peuvent se créer une fois que le silence est brisé. Sur les plateaux de tournage par exemple, au sein des équipes, on apprend que les gens voient des choses mais n’osent pas parler. Et là, on brise l’omerta. Est-ce que du coup, demain matin, statistiquement, il va y avoir 10, 20 ou 30 % d’agressions ou de harcèlement en moins sur les plateaux de tournage ? Je ne sais pas, je ne peux pas vous dire ça.

    Propos recueillis par Nicolas Mollé

  • Les paradoxes de la « diagonale du vide »

    « La diagonale du vide, c’est cette bande de territoire allant du
    Nord-Est de la France jusqu’au Sud-Ouest en passant par le Massif
    central, caractérisée par une faible densité démographique et une
    tendance à la dépopulation.

    Cette expression alimente souvent un discours alarmiste, voire
    catastrophiste, en opposant une France urbaine supposée riche et
    dynamique à une France rurale abandonnée, en voie d’appauvrissement et de désertification.

    Cette opposition est simpliste et le tableau de la diversité
    territoriale de la France est beaucoup plus complexe et composite. Une étude récente de l’INSEE[1] à partir du dernier recensement le montre à nouveau. »

    Comment @Marc : encore un exemple d’un usage très politique de données statistiques…

    https://www.telos-eu.com/fr/les-paradoxes-de-la-diagonale-du-vide.html

    • Je vis dans un territoire du vide et je viens d’aller en visiter un autre et les données que j’en rapporte sont assez différentes.

      La principale variable explicative des mouvements de population actuelle est soigneusement gardée sous le boisseau, car il s’agit moins d’« attractivité » des territoires périphériques que d’un renforcement jamais égalé de la force centrifuge des métropoles par la pression immobilière .

      Pour la faire très courte : il n’est pas possible avec des revenus de zones périphériques de s’implanter à moins de 30 mn d’une métropole régionale (c’est encore plus vrai pour la capitale). Les conditions demandées pour l’accès à des logements étriqués excluent de fait au moins 50% de la population (en étant très généreuse).

      S’il y a bien quelques retraités encore un peu dotés financièrement et quelques actifs qui cherchent un cadre de vie de meilleure qualité, ce n’est plus du tout un mouvement majoritaire. Les jeunes ruraux (et assimilés) des zones excentrées qui espèrent avoir une éducation et/ou un boulot de qualité doivent toujours quitter le pays pour « la ville » qui concentre à un point jamais égalé la production de valeur ajoutée . Les babas & bobos qui sont arrivés jusqu’au début des années 2000 cherchent à présent à se rapprocher des centres de santé et services des métropoles régionales, qui répondent mieux aux problématiques des gens en perte d’autonomie et de santé.

      Alors qui arrive ?

      Depuis le début des années 2000 et encore plus intensément depuis la crise de 2007 qui a creusé vertigineusement les inégalités : les pauvres « inexploitables » des métropoles , les gens au minima sociaux sans espoir d’en sortir un jour, les « Cassos » qui entrent frontalement en concurrence avec les jeunes restés au pays qui godillent laborieusement dans le sous-emploi sous-payé et éclaté caractéristique de ces zones portées essentiellement par 4 secteurs d’activité :
      -- l’agriculture, saisonnière, morcelée, usante et extrêmement mal payée, qui ne permet généralement pas de sortir des minimas sociaux,
      -- les soins aux personnes (territoires vieillissants + pression foncière pour EHPADer loin des villes, où la « vie » est moins chère), un peu plus rémunérateurs mais très usants,
      -- le tourisme, qui paient peu et de manière saisonnière, donc on reste dans les systèmes D et minima sociaux,
      -- les fonctionnaires (surtout dans les préfectures) qui sont généralement les mieux payés et les mieux éduqués et qui permettent de n’avoir pas totalement une économie du tiers monde mais que les différents gouvernements s’acharnent à faire disparaître.

      L’arrivée des pauvres éjectés des villes ne se fait pas sur le mode du choix, mais plutôt de la sanctuarisation des métropoles économiques et cela engendre sur place des comportements de rejet et de repli qui ont commencé un peu à s’exprimer il y a un peu plus d’un an.

    • Tu as totalement raison. Et j’ai mentionné ce texte à dessein. Galland et un libéral de la mort qui tue. Et l’on voit donc comment tout le monde manipule les statistiques... En écho à un débat récent ici même sur les stats des atteintes sexuelles et la réponse pénale qui y est apportée...

    • Disons que j’ai remarqué une grosse vague de fond pour discréditer le travail de Christophe Guilluy sur « La France périphérique », ces derniers temps, qui va de pair avec la mise sous le boisseau du substrat (et donc de la légitimité) de la révolte des #Gilets_jaunes.

      J’ai de + en + l’impression qu’il s’agit d’invisibiliser la réalité du terrain : explosion des inégalités & durcissement des ségrégations spatiales sur fond de guerre des classes, avec sanctuarisation des centres-métropoles bourgeois.

      #territoires

    • Deux docus sur arte.tv disponibles en replay mais pas encore regardés :

      https://www.arte.tv/fr/videos/078202-000-A/les-nouveaux-pauvres-quand-travailler-ne-suffit-plus/?xtor=EPR-17

      Victimes du chômage ou condamnés aux petits boulots, un tiers des Européens, actifs et retraités, vivent dans une insécurité économique croissante. Le tableau édifiant d’une société au bord du précipice.

      https://www.arte.tv/fr/videos/084759-000-A/push-chasses-des-villes/?xtor=EPR-17

      Les grandes métropoles deviennent peu à peu le territoire exclusif des riches. Dans le sillage de Leilani Farha, rapporteuse spéciale de l’ONU sur le logement convenable, une enquête sur un phénomène mondial qui s’amplifie.

  • Le bore-out ou le faux rêve d’être payé à rien faire - Citizen Bartoldi
    http://citizenbartoldi.com/2020/01/le-bore-out-ou-le-faux-reve-d-etre-paye-a-rien-faire.html

    J’ai globalement un souci avec le monde du #travail actuel, je pense que ça suppure bien à travers les lignes de mes différents articles sur le sujet. J’ai eu tellement de chefs toxiques que je pourrais en écrire un roman (j’y pense). J’ai perdu mon emploi de façon assez peu juste, j’ai cumulé les médailles en chocolat mais à l’heure de distribuer le pactole, je n’avais qu’une petite pièce. La plupart de mes amis ont connu des licenciements, parfois pour des raisons économiques. On est souvent au fond du trou, dégoûtés, en proie à des crises existentielles. Je suis nul.le, je ne performe pas au boulot, que va-t-on faire de moi ? Tout ça parce qu’on ne réussit pas comme on devrait, comme on nous le vend. Le travail, c’est une putain de machine à broyer.

  • Vers une nouvelle #guerre_scolaire. Quand les #technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l’Éducation nationale

    Sous la Ve République, l’unification de l’École, de la maternelle au bac, n’a pas mis fin à la #ségrégation_sociale et aux énormes écarts de #réussite_scolaire. Face à cette situation, les #hauts_responsables de droite et de gauche ont alterné des mesures contradictoires, rendant aléatoire la perspective d’une #démocratisation de l’École. D’autant que, depuis les années 2000, une partie croissante des hauts technocrates de l’Éducation nationale s’est ralliée à l’#agenda_néolibéral. Ils mobilisent dans ce cadre le #numérique et les neurosciences, présentés comme sources de #modernisation, pour accentuer en réalité la #pression sur les enseignants, rogner leurs autonomies professionnelles et leurs pouvoirs d’action.
    C’est ce que démontre avec rigueur, dans cet essai remarquablement documenté, #Philippe_Champy, fin connaisseur du #système_scolaire. Il y analyse les origines de ce grand #reformatage de l’École et, surtout, sa mise en œuvre par Jean-Michel #Blanquer : les attaques contre la #liberté_pédagogique et les #manuels_scolaires, la mise sous tutelle du « #numérique_éducatif », les tentatives de marginalisation des auteurs et éditeurs scolaires, la prise de pouvoir larvée d’un pool de neurochercheurs prétendant dicter leurs #méthodes_pédagogiques aux enseignants, etc. Ce grand #reformatage, qui maintient les privilèges élitaires en l’état, voire les renforce, s’accompagne d’une reprise en mains dirigiste et centralisatrice sans précédent. Il impose à tous les acteurs de l’École une prise de conscience et une réaction d’ampleur, face au risque avéré d’une nouvelle guerre scolaire.


    https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Vers_une_nouvelle_guerre_scolaire-9782348040627.html
    #livre #éducation #éducation_nationale #France #neurosciences #autonomie #néolibéralisme #pédagogie

    • Philippe Champy : « Les beaux discours de Blanquer sur la confiance ne réussiront pas à masquer cette guerre contre les professeurs qui ne dit pas son nom »

      Passionnant et déterminant pour comprendre Blanquer et l’Éducation nationale : tel est l’essai de Philippe Champy Vers une nouvelle guerre scolaire : quand les technocrates et les neuroscientifiques mettent la main sur l’Éducation nationale qui vient de paraître à La Découverte.
      Ingénieur à l’Institut national de recherche pédagogique puis éditeur et enfin directeur des éditions Retz, Philippe Champy, en fin connaisseur du système scolaire, dévoile la nature profonde du grand reformatage de l’école par Blanquer. Partant d’une réflexion sur le manuel scolaire, il démontre combien pour Blanquer la liberté pédagogique est synonyme d’anarchie, combien les neurosciences lui servent d’outil managérial et comment aussi, via l’incroyable entrisme du groupe d’assurance Axa que connaît fort bien Blanquer, se met en place une privatisation déguisée de l’Éducation nationale. Un propos explosif qui ne pouvait manquer de retenir l’attention de Diacritik le temps d’un grand entretien avec Philippe Champy.

      Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre indispensable essai pour comprendre ce que devient aujourd’hui l’Éducation nationale notamment aux mains de Jean-Michel Blanquer. Comment vous en est venue l’idée ? Vous dites, notamment dans l’introduction, que, pour vous être longuement occupé dans votre vie des manuels scolaires, vous avez été frappé par la manière dont le sommet de la pyramide hiérarchique au ministère traite précisément des manuels scolaires : qu’est-ce qui vous a ainsi particulièrement frappé ?

      Effectivement, plusieurs éléments tout au long de ma carrière m’ont alerté sur une posture étonnante de la part de certains dirigeants et prescripteurs au sein de l’Éducation nationale : l’ignorance et la défiance à l’égard des manuels scolaires, voire l’ostracisme ou la volonté de contrôle direct selon les périodes à l’égard des auteurs et éditeurs qui les produisent. Cette double anomalie m’a choqué aussi bien du point de vue de l’histoire politique que d’un point de vue purement pragmatique.

      Comme je le rappelle dans mon livre, c’est en toute conscience que les républicains, qui sont arrivés enfin au pouvoir dans les années 1880, ont rejeté les pratiques des régimes précédents (monarchies et empires) de contrôle a priori de l’Etat sur la production et la sélection des « livres classiques » (comme on désignait les manuels à l’époque) autorisés dans les écoles. C’est à ce moment fondateur pour les libertés publiques qu’a été formulée la doctrine républicaine de la « liberté pédagogique ». Cette doctrine s’oppose à toute idée d’édition scolaire d’Etat et préconise la liberté de publication pour les manuels à l’instar de la liberté de la presse, instaurée aussi à cette époque : pas d’examen ni d’autorisation préalable, aucune labellisation. Elle défend aussi la liberté de choix des enseignants parmi l’offre libre sous réserve de délibérations collectives institutionnalisées et la liberté d’utilisation en classe à leur guise. Les autorités n’ont qu’un droit de regard a posteriori et doivent publiquement justifier une éventuelle mise à l’écart ou interdiction, fait rarissime durant tout le XXe siècle.

      Toute mise en cause, explicite ou larvée, de cette liberté dans sa triple dimension devrait donc s’attacher à justifier cette atteinte à la doctrine fondatrice par des arguments sensés, ce qui n’est jamais le cas. Dans les propos de Jean-Michel Blanquer, pourtant républicain revendiqué, la liberté pédagogique est systématiquement indexée à l’anarchisme, au désordre, jamais à la reconnaissance de la compétence professionnelle des enseignants et aux responsabilités qui en découlent. Cette façon de voir est clairement à contre-courant du républicanisme originel puisqu’elle présente la liberté des acteurs au sein du système comme un danger et non comme un atout et une force, l’expression d’un dynamisme mobilisateur apte à améliorer constamment l’efficacité collective et à s’opposer à toute tutelle idéologique régressive.

      D’un point de vue pragmatique, pour les dirigeants de l’institution Éducation nationale, du moins ceux qui se targuent de rechercher en toute chose l’efficacité (valeur suprême du technocratisme), méconnaître la sphère de production et de diffusion des manuels et laisser cette sphère dans un angle mort revient bizarrement à ignorer une grande partie de ce qui fait la réalité quotidienne des enseignants et des élèves. Au mieux, par pure méconnaissance, on reproduit les préjugés du sens commun sur les manuels dont on ne sait pas exactement qui les produit, dans quel cadre, avec quelles contraintes, quel statut, quelles utilisations, etc. Une défiance s’installe, jamais explicitée ou discutée. Au pire, par hostilité de principe à tout ce qui est extérieur à l’institution, on est conduit à les rejeter en bloc sous prétexte qu’ils sont hors contrôle institutionnel, donc critiquables, douteux, dépassés, voire nocifs. A décrypter certaines remarques, on pourrait penser que c’est moins le manuel en tant qu’outil de travail qui pose problème que son pluralisme et la triple liberté pédagogique qu’il incarne dans le système français. On sent bien que certains hiérarques rêveraient de manuels officiels, nécessairement uniques, édités par le ministère… Il y a d’ailleurs eu au moins une tentative avortée en histoire que je relate dans mon livre. Quelle est la conséquence de cette posture ? C’est assez facile à deviner ! Puisque ce sont les enseignants qui choisissent les manuels et autres ressources, et aussi qui les conçoivent, les sélectionnent et les utilisent à leur gré on imagine sans trop de mal ce que ces dirigeants hostiles à la liberté pédagogique pensent de leurs « ouailles » !

      Dans ma carrière d’éditeur scolaire et pédagogique durant plus de 20 ans, j’ai à plusieurs reprises été stupéfait par les propos de café du commerce que pouvaient tenir de hauts responsables au sujet des manuels scolaires. Comme de leurs positions peu informées sur les débats didactiques que les manuels suscitent ! J’ai ressenti cette méconnaissance moins comme un signe de paresse intellectuelle que comme le symptôme d’un discrédit technocratique pour tout ce qui n’était pas directement dans leur sphère de pouvoir. Grosso modo, c’est l’attitude de responsables qui pensent qu’il n’est pas utile de comprendre la complexité d’une question si elle échappe à leur emprise hiérarchique…

      Le cœur de votre fort propos, c’est la place du manuel scolaire que vous prenez comme paradigmatique d’enjeux polémiques, politiques et économiques pour le moins révélateurs. Vous affirmez ainsi qu’il y a depuis bientôt une vingtaine d’années une volonté de mainmise du ministère sur les manuels scolaires, volonté qui éclate comme jamais avec Blanquer. Pourriez-vous nous dire pourquoi le ministère désire-t-il contrôler les manuels ? N’y a-t-il pas un paradoxe pour un néo-libéral sans frein comme Blanquer à vouloir contrôler la liberté pédagogique ?

      Plutôt que le cœur, je dirais que le manuel scolaire est le point de départ de mon enquête et une sorte de fil rouge qui conduit à se poser des questions fondamentales sur l’autonomie professionnelle des enseignants. Je rappelle en effet au début de mon essai les différentes critiques qui ont été adressées au manuel depuis ses débuts, accompagnant la progressive massification de l’enseignement primaire depuis la loi Guizot de 1833 puis sa généralisation et son encadrement laïque et républicain avec les lois Ferry des années 1880. Quand on fait le tour des critiques en question et des forces qui les portent, on s’aperçoit assez vite que le manuel sert de bouc-émissaire pour viser autre chose. L’enjeu réel des attaques n’est pas le manuel en tant que tel, sauf pour les courants pédagogiques qui le récusent et voient en lui un vecteur d’imposition conformiste qui stériliserait la créativité enseignante et favoriserait la servilité idéologique des élèves (je pense à Célestin Freinet).

      Ces enjeux peuvent être de nature très variée. Par exemple, au début du XXe siècle, avant la Première Guerre mondiale, ce fut le pouvoir des familles (en fait du clergé catholique) sur le choix des manuels d’enseignement de l’école publique. De façon permanente, depuis les lois Ferry, ce sont les contenus d’enseignement eux-mêmes qui sont visés (trop progressistes ou « engagés » pour les conservateurs et leurs lobbies, ou, au contraire, trop stéréotypés ou discriminatoires pour leurs adversaires de multiples obédiences), et, en dernier ressort, ces critiques visent les programmes scolaires, leurs préconisations, la façon dont ils sont conçus, les institutionnels qui les produisent, leurs présupposés idéologiques ou pédagogiques, etc.

      Le ministère lui-même, par la voix des inspections générales depuis la fin des années 1990, n’a pas été avare de critiques, comme une lecture attentive des rapports officiels le montre dans mon livre. Depuis cette époque, il rêve d’imposer aux auteurs et éditeurs scolaires des cahiers des charges pour contrôler leurs productions en amont. Il rêve d’introduire une labellisation avant parution, venant mettre en cause le principe même de la liberté pédagogique. De mon point de vue, cette tendance est une dérive typiquement technocratique dont le renforcement est concomitant avec l’instrumentalisation des évaluations internationales, notamment PISA, depuis 2000. Comme les résultats des élèves français ne sont pas jugés dignes du rang du pays, l’idée s’installe au sommet du ministère que la faute en revient non pas aux structures et à l’organisation inégalitaire et ségrégative du système scolaire dans son ensemble, mais tout simplement aux professeurs et à leurs méthodes d’enseignement. Ce serait non seulement la faute des professeurs du collège (puisque les élèves évalués ont 15 ans), mais aussi ceux du primaire qui ne sauraient pas enseigner les « fondamentaux » aux élèves les plus faibles. Ce sont les mauvais résultats de ces élèves qui plombent le score français. Il faut rappeler ici que PISA évalue un échantillon représentatif d’élèves français (7000 en 2018 « qui défendent les couleurs de la France », comme l’écrit patriotiquement le site du ministère !) et non pas l’ensemble des élèves, comme le font les dernières évaluations lancées par le ministère Blanquer pour l’ensemble des élèves de certains niveaux dans certaines disciplines.

      Cette tendance technocratique a évolué dans ses ambitions au cours des deux dernières décennies avec l’avènement du « numérique éducatif » et l’apparition des neurosciences sur la scène publique. On a assisté à leur accaparement progressif des questions éducatives, comme si, avant elles, les connaissances étaient restées dans une sorte de préhistoire sans valeur et que tout était à inventer ! Avec le numérique, la vieille revendication d’un contrôle institutionnel serré sur les manuels afin de mieux contraindre les professeurs dans leurs pratiques d’enseignement a été élargie à l’ensemble des ressources produites par les institutions publiques et par les enseignants eux-mêmes, grands utilisateurs des outils et réseaux numériques grand public. Fascinés par la « révolution numérique », les hauts technocrates ont prophétisé la marginalisation inéluctable de l’édition scolaire (prétendument liée au papier) avec l’idée de mettre fin en douceur à l’un des piliers de la liberté pédagogique des professeurs… et de faire des économies. (Rappelons que si ce sont les municipalités qui financent les manuels du primaire, les régions désormais ceux des lycées, c’est toujours une subvention d’Etat qui finance ceux des collèges.) Ils ont donc pensé pouvoir reprendre la main sur les outils des enseignants en poussant leur numérisation et leur dépôt sur des plates-formes institutionnelles centralisées et en les soumettant à des formes plus ou moins pernicieuses de labellisation.

      Poursuivant sur la question centrale du manuel, vous avancez également sans attendre qu’un des enjeux majeurs des querelles autour du manuel scolaire consiste à proférer des attaques déguisées contre les profs. Le manuel, et les polémiques souvent nombreuses qui l’entourent, renvoient selon vous aussi au fossé qui existe entre les enseignants et leurs dirigeants, comme si les premiers étaient les victimes des seconds, ce que le numérique et les neurosciences ne feraient qu’accentuer.
      Dans un tel contexte, pourrait-on ainsi dire qu’avec Blanquer, depuis 2017, l’Education nationale fait de ses fonctionnaires ses ennemis et, si oui, pourquoi ?

      Oui, c’est vrai, les critiques contre les manuels visent aussi, de façon plus ou moins déguisée, les professeurs, leur aptitude à décider par eux-mêmes de leurs méthodes et de leurs outils d’enseignement, leur pouvoir de les concevoir librement avec des éditeurs professionnels. Les manuels sont considérés abusivement, par ceux qui critiquent la liberté de publication, comme le fidèle reflet ou le déterminant automatique de ce qui est censé se passer en classe sous la conduite des professeurs. Ils ne comprennent pas la différence entre les programmes qui fixent un cadre général et des objectifs, les méthodes pédagogiques qui relèvent de connaissances et savoir-faire notamment didactiques (ce que j’appelle les savoirs expérientiels des professeurs), et enfin les outils qui sont à leur disposition au sein d’une offre pluraliste, ce que sont les manuels parmi beaucoup d’autres types de ressources éditées. Cette confusion simpliste leur permet de s’affranchir d’une observation fine des pratiques d’enseignement au profit d’un examen purement livresque, souvent superficiel, et fort éloigné des réalités scolaires. A titre d’exemple, c’est le cas de beaucoup d’intervenants dans le vieux débat, relancé par intermittence, sur l’apprentissage de la lecture au CP. Ceux qui ne veulent pas comprendre les réalités scolaires sont obnubilés par telle ou telle page de manuels, supputent des usages ou dérives mais ne savent pas en réalité comment ces manuels sont utilisés en classe, par les professeurs comme par leurs élèves.

      Quand les hauts technocrates du ministère se mettent à critiquer les manuels parce qu’ils échappent à leur autorité directe, comme je l’ai évoqué plus haut, ils élargissent indéniablement le fossé qui existe entre eux et les enseignants. Or, avec Jean-Michel Blanquer, la tendance technocratique (c’est la base qui a tort et le sommet qui sait et qui a raison) se marie avec la prise de pouvoir des néo-libéraux à la tête de l’appareil d’Etat et des institutions publiques. Les hauts technocrates néo-libéraux proviennent des deux côtés de l’échiquier politique en concurrence pour gouverner la Ve République. Cette nouvelle élite administrative pense foncièrement que l’État social, dont l’Ecole publique est l’un des fleurons (avec la Sécurité sociale, l’hôpital public, etc.), est trop développé, trop coûteux, mal géré, en retard, etc. C’est pourquoi les néo-libéraux veulent affaiblir les fonctions sociales de l’Etat, ils veulent le reformater en le concentrant sur les fonctions dites régaliennes et réduire ou privatiser des pans entiers qu’ils jugent négativement.

      Ces dirigeants justifient leur politique par la nécessité d’améliorer la compétitivité du pays dans la course mondiale en laissant plus d’initiatives aux détenteurs de capitaux et en allégeant leurs charges sociales pour accroître d’autant leurs profits. Ils entendent donc reformater l’ensemble de la politique sociale du pays pour raboter les acquis des anciens compromis sociaux. Réduire l’Etat social n’est donc pas incompatible avec la nécessité d’exercer « en même temps » un meilleur contrôle social sur les populations et les acteurs sociaux, allant jusqu’à la remise en cause de certaines libertés publiques. François Sureau, un libéral à l’ancienne pourrait-on dire, en tant qu’avocat défenseur des libertés publiques, vient de publier un opuscule très éclairant à ce sujet (voir Sans la liberté, Gallimard, collection Tracts). C’est dans le cadre de cette politique présidentielle et gouvernementale qu’il faut comprendre les assauts de Jean-Michel Blanquer contre les professeurs.

      Et si l’on veut contrôler les professeurs de façon tatillonne et ultra-dirigiste, au nom de l’efficacité et de la science (les neurosciences), il faut en effet s’attaquer à la tradition de liberté pédagogique et la limiter à un choix entre un petit nombre d’options labellisées par le ministère. Il faut tuer le pluralisme et borner le pouvoir d’agir des professionnels de terrain dans un cadre didactique imposé par des experts dont la compatibilité technocratique est avérée. Le paradoxe de l’étatisme dirigiste néo-libéral n’est donc qu’apparent. Il ne faut pas confondre l’idéologie néo-libérale avec l’idéologie libertarienne qui, elle, prône un capitalisme d’entreprises sans Etat. Il faut aussi noter que le fonctionnariat révulse les néo-libéraux de la « start-up nation » qui n’ont que les mots de « flexibilité » et « agilité » à la bouche. C’est pour eux un legs du passé totalement obsolète, qu’il faut mettre à plat, car ce système engage la puissance publique sur la durée et réduit d’autant la capacité de redéploiement budgétaire ultra rapide que les néo-libéraux réclament selon leurs priorités du moment. Cette façon de gouverner est manifeste dans les mesures brutales d’annulation des dispositifs sociaux qui se sont multipliées dès le début du quinquennat.

      Dans ce même esprit, pourrait-on également parler, par l’usage empressé des nouvelles technologies et les incessantes injonctions du ministère, qu’il existe désormais une forme de maltraitance administrative et numérique des enseignants ? Est-ce que finalement le numérique mais aussi les neurosciences ne servent pas à Blanquer d’outil managérial lui permettant d’opposer le primaire au Secondaire et ainsi, comme vous le dites, de « diviser pour mieux régner » ?

      Je crois qu’il y a deux phénomènes managériaux qui s’additionnent et qui touchent aussi bien les professeurs que tous les administratifs et les non-enseignants, à savoir environ 200 000 professionnels aux côtés de plus de 800 000 enseignants. D’un côté, il y a l’introduction du « new public management » avec la LOLF et la RGPP depuis 2006 dont la tendance est de copier les modes de management des grands groupes privés (gestion budgétaire pilotée par les financiers, individualisation des rémunérations, instauration de primes variables pour les responsables aux différents échelons en fonction d’objectifs décidés par les supérieurs, etc.). De l’autre, il y a l’immixtion directe du ministre dans les pratiques d’enseignement et les options didactiques. Cette immixtion concerne surtout l’enseignement primaire accusé d’être le vrai fautif des échecs du système. Mais le charcutage des programmes concerne aussi l’enseignement secondaire !

      Depuis plus de deux ans, Jean-Michel Blanquer a configuré à sa main le sommet du ministère en créant un Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) totalement dominé par des neuroscientifiques et des quantitativistes, et en reconfigurant le Conseil supérieur des programmes (CSP) au profit de conservateurs dogmatiques. Ce sont deux leviers indispensables à sa prise de pouvoir qui prend chaque jour davantage les allures d’un présidentialisme appliqué à l’Éducation nationale. La loi Blanquer de juillet dernier, la reprise en mains des ESPÉ transformées en INSPÉ (dont les directions sont désormais nommées par le ministre), et celle de l’ESEN (l’école des cadres) en IH2E pour propager la doctrine du ministre et celle du CSEN, la suppression du CNESCO, illustrent brillamment cette domination sans appel. C’est une façon pour lui de s’assurer les pleins pouvoirs dans un système pyramidal et verticalisé à l’excès et de nommer aux postes-clés ses partisans les plus zélés, de moins en moins issus du sérail de l’Education nationale et de plus en plus éloignés de sa culture et de ses valeurs constitutives.

      Quelles sont les conséquences prévisibles de ces deux tendances managériales ? Si l’on chausse les lunettes des spécialistes des relations de travail, on peut sans doute augurer que tous ces changements autoritaires, imposées au pas de charge sans recherche de consensus avec les intéressés ou leurs représentants, produisent les mêmes effets de maltraitance que ceux qu’ont connus les anciennes entreprises publiques lors de leur privatisation sur un fond pathogène de « double lien » (quand les actes des chefs contredisent leurs paroles manipulatrices). Les beaux discours sur la confiance ne réussiront pas à masquer ce conflit fondamental, cette guerre contre les professeurs qui ne dit pas son nom.

      Dans votre analyse de la place que le manuel scolaire occupe désormais, vous ne manquez évidemment pas de rappeler que la mort du manuel scolaire est programmée en haut lieu depuis longtemps notamment au nom de la « révolution numérique ». Pourtant, faites-vous immédiatement remarquer, ce numérique n’est pas la révolution qu’elle prétend être, cachant souvent des leurres sociaux.
      En quoi peut-on dire que, pour l’école, la « révolution numérique » est une illusion ? Peut-elle révolutionner le cœur du métier d’enseignant ? N’y a-t-il pas le rêve au ministère qu’un jour ou l’autre le numérique puisse finalement se substituer au cours même des enseignants par le biais par exemple du MOOC ?

      Dans sa philosophie, le « numérique éducatif » est l’héritier de la cybernétique et de l’enseignement programmé des années 1950. Dans les débuts de l’informatique, c’est le moment où certains ingénieurs et mathématiciens prophétisaient le prochain remplacement des professeurs par les processeurs. Au discours futuriste propre aux « nouvelles technologies » (qui tient souvent de la sur-promesse éhontée) s’ajoute bien souvent un discours de type économique pour attirer des financements vers la recherche technologique. Les « technologues » à tous les âges savent qu’ils doivent faire miroiter aux décideurs et investisseurs d’importantes économies d’échelle à venir : finies les charges fixes d’enseignants et de locaux, fini le papier à stocker, etc., ce sera le règne de l’enseignement à distance ! Et les coûts de substitution sont toujours minorés, dans leurs montants financiers et leurs impacts tant sociaux qu’écologiques. De la même façon, de nombreuses impasses sont volontairement laissées à l’improvisation future en termes de faisabilité. Ce qui compte c’est d’avancer et de couper l’herbe sous le pied des concurrents et de ceux qui occupent déjà le terrain. On pourrait dire que c’est de bonne guerre économique pour qui pense que l’avenir se fonde sur des « destructions créatrices » !

      Le discours de l’adaptative learning se situe dans le droit fil des vieilles prophéties cynernétiques, comme je le rappelle dans mon livre. On nous présente un apprenant pris en main à distance par une machine intelligente capable de détecter en direct les erreurs de conception dans la tête de l’élève et d’adapter les contenus présentés et les exercices proposés pour le remettre sur le droit chemin du savoir d’une façon totalement individualisée. Le e-learning postule que l’élève serait une sorte de Robinson capable d’être connecté directement aux « savoirs universels » grâce au mentorat bienveillant d’un robot. Or l’autodidaxie est un exercice périlleux voire impossible, même avec l’aide distante d’un système supérieurement « intelligent ». Se priver du levier essentiel de l’apprentissage collectif et de la relation humaine entre professeur et élèves est le plus souvent source d’échec. C’est pourquoi d’ailleurs les MOOC relèvent plus du e-teaching que du e-learning puisqu’ils sont en principe pilotés par des enseignants qui gèrent à distance des classes virtuelles d’apprenants réels, dans le respect d’un calendrier et d’une progression imposés, ce qui est plus proche du fonctionnement scolaire ou universitaire habituel. L’isolement et les contraintes d’autogestion de planning par les apprenants eux-mêmes expliquent pourquoi le taux de réussite des MOOC est si faible, beaucoup abandonnant le cursus en cours de route faute d’autorégulation ou d’un étayage social suffisant. Au vu des évolutions actuelles, on peut espérer que les décideurs qui ont pu rêver un temps à un grand remplacement de l’enseignement et des enseignants par des robots revoient leur conception, même si les promesses de l’intelligence artificielle permettent encore de relancer et d’entretenir de nombreux fantasmes à ce sujet.

      S’agissant toujours du numérique, vous avez encore une formule très forte : vous parlez d’un ministère « sous hypnose numérique ». Mais vous faites immédiatement deux remarques sur lesquelles j’aimerais vous interroger. Vous dites, tout d’abord, qu’on ne lie jamais cette déferlante numérique aux stratégies prédatrices des GAFAM que vous choisissez de nommer les « seigneurs numériques ». Quelle serait ainsi selon vous le type de marché que convoitent dans l’Education nationale les seigneurs numériques ?

      Pour répondre à cette question, il faut élargir la focale. Le numérique est un sujet compliqué, par lui-même étant donné son impact massif dans les populations, mais aussi pour l’Etat, les collectivités territoriales et pour les différents acteurs concernés au sein de l’Éducation nationale. Tout le monde est mis sous la pression de l’industrie informatique mondiale qui domine et pilote le marché en fonction de ses intérêts exclusifs. Ce marché où s’affrontent des multinationales en position souvent monopolistique sur leurs créneaux produit un marketing séducteur, extrêmement puissant et très mystificateur. Dans mon livre, j’étudie plus particulièrement les ravages du « marketing du gratuit » chez les enseignants et les élèves.

      C’est donc compliqué de comprendre ce qui se passe réellement, d’autant plus que la « révolution numérique » s’est accompagnée de discours dithyrambiques à la mode qui ont très longtemps laissé dans une coupable obscurité les vrais moteurs économiques et sociaux de cette « révolution », et aussi son contexte géopolitique. On nous a présenté l’avènement du numérique comme une sorte de « révolution civilisationnelle » pour le bien de l’humanité, comme s’il s’agissait d’un phénomène technologique « naturel », du même ordre que le réchauffement climatique, mais en positif ! Horizontalité, agilité, gratuité, connectivité, dématérialisation, désintermédiation furent les plus courus de ses mots-clés. Intuitif, collaboratif, collectif, ses épithètes ô combien rabâchés. A l’instar du discours des neurosciences sur ce qui les précède, celui de la « révolution numérique » dépeint un avant caricatural : avant elle il n’y aurait que verticalité, rigidité, cupidité, isolement, etc. La « révolution » est devenu une rhétorique de marketing, en vigueur aussi bien dans la publicité que dans la vie des idées. Notons que ce révolutionnarisme verbal est proprement infantilisant. Heureusement qu’on perçoit mieux la mystification depuis que les coulisses industrielles et institutionnelles de tout ce storytelling sont mieux connues !

      Un autre élément de confusion est lié aux pratiques de masse qui se sont développées dans tous les usages domestiques et personnels (et là nous sommes toutes et tous concernés dans notre quotidien). Ils ont servi d’écran à la compréhension des effets profonds que le numérique engendre globalement dans l’économie, dans toutes les sphères professionnelles. Au lieu de toucher du doigt ce qui se joue réellement dans la numérisation de l’économie et de la vie sociale, les usages personnels ont servi de mascotte aux bienfaits supposés du numérique en général. Le cas de la tablette à cet égard est symptomatique. Elle a été pronostiquée par des béotiens admiratifs, comme un substitut enrichi du livre qui allait clore à brève échéance l’ère de Gutenberg. Dans l’Education nationale, certains ne jurent encore que par elle, comme on le voit dans certaines régions avec les équipements liés à la réforme des programmes des lycées.

      Quand on étudie les rapports officiels du ministère sur le « numérique éducatif », on ne peut qu’être frappé par l’engouement naïf de leurs auteurs qui adoptent la posture de grands stratèges du futur tout en reprenant à leur compte sans le moindre recul critique le storytelling de l’industrie informatique, les fantasmes de la « startup nation » mobilisée pour faire émerger sa « filière » nationale, tout en occultant les dimensions économiques, géopolitiques et même « bassement » gestionnaires de la question. Ces rapports tracent les grandes lignes d’un « numérique éducatif » centralisé qui viendrait en quelque sorte concurrencer le numérique grand public du cloud que les enseignants utilisent abondamment, y compris pour leurs besoins professionnels. Mais cette toile d’araignée, contrôlée par le ministère sous prétexte essentiel d’assurer la confidentialité des données personnelles, ne peut fonctionner qu’en utilisant le support industriel des seigneurs numériques ! Par exemple, j’ai lu récemment que c’était le cloud d’Amazon qui récupérait, dans ces centres de données en Irlande, les résultats des évaluations nationales des élèves français…

      Les seigneurs numériques à travers leurs innombrables filiales servent donc de prestataires de service au ministère puisque rien (ou presque) n’est possible sans leurs réseaux, leurs centres de données, leurs logiciels, etc. Mais ces groupes gigantesques lorgnent évidemment sur le marché éducatif qui en est encore à ses balbutiements pour des raisons que j’analyse dans mon livre : en termes de ressources, trop fortes disparités des curriculums entre pays qui rendent difficile pour l’enseignement obligatoire (le K12 anglo-saxon) de créer une offre globalisée qu’il n’y aurait plus ensuite qu’à « localiser » dans les différentes langues ; en termes de faisabilité pratique, difficultés aussi à substituer le virtuel au présentiel dans une proportion suffisamment intéressante sur le plan économique, etc. Je pense donc qu’ils sont en embuscade en pratiquant un entrisme discret et en espérant étendre leur mainmise industrielle à chaque étape.

      La deuxième conséquence, politique, est que cette révolution numérique offre en fait à l’Education nationale et à ces hiérarques comme vous le dites « une magnifique opportunité pour reformater sans le modifier le code génétique élitaire », et cela évidemment sans toucher aux causes de la ségrégation scolaire. Comment l’expliquez-vous ?
      Pour aller plus loin dans cette question, évoquant les « réformes » Blanquer du bac, vous êtes l’un des rares à parler de ces réformes comme d’un storytelling et finalement d’autant d’éléments de langage : s’agit-il là pour Blanquer d’éluder la question viscérale de l’inégalité ?

      J’ai déjà évoqué plus haut cette toile d’araignée numérique que le ministère tisse pour contrôler de diverses manières les outils des enseignants et même leurs formations via des modules à distance. Dans mon livre, je reviens sur la pratique des appels d’offre qui transforment les éditeurs scolaires et les producteurs numériques en pures prestataires de service du ministère contraints de se conformer à des cahiers des charges rédigés par les directions ministérielles s’ils veulent emporter le marché. Il y a aussi le nouveau rôle des organismes publics sous tutelle à qui le ministère confie des missions éditoriales pour produire des ressources d’enseignement labellisées par le CSEN. Toutes ces évolutions n’ont pas pour objectif de modifier quoi que ce soit dans l’organisation ségrégative du système mais d’assurer une prise de pouvoir centralisée sur les ressources destinées aux enseignants.

      La question que vous posez à propos de Jean-Michel Blanquer sur son évitement de la question de l’inégalité me permet d’aborder le rôle des neurosciences sur cette question. Ce point peut surprendre. En portant au pinacle la plasticité cérébrale des bébés et des enfants (qui est réelle en effet), les neurosciences dans la version instrumentalisée par Blanquer installent auprès de l’opinion publique et de certains parents l’idée que tous les élèves peuvent réussir de la même façon puisqu’ils ont le même cerveau, puisque c’est le cerveau qui apprend, et que, dès lors qu’il est correctement stimulé selon des méthodes « neuro », la réussite est assurée, l’échec jugulé. C’est ce même discours qu’exploite à sa façon Céline Alvarez et ses fameuses « lois naturelles », dont on connaît l’impact médiatique et publicitaire, même auprès de certains enseignants.

      L’échec scolaire aurait donc essentiellement pour cause l’inaptitude des professeurs (trop ignorants des découvertes « neuro ») pour effectuer ces stimulations comme il faudrait. Là encore, la cause des inégalités ne serait pas pour l’essentiel d’origine sociale, comme le montre de façon détaillée et percutante le dernier livre dirigé par Bernard Lahire (Enfances de classe, de l’inégalités parmi les enfants) mais proviendrait de l’école et des méthodes qu’elle met en œuvre, provoquant des inégalités de réussite entre enfants. Le déni sociologique implicite des « neuros » va si loin que j’ai pu entendre Boris Cyrulnik à France Culture le 3 septembre dernier affirmer qu’« aujourd’hui c’est l’école qui fait les classes sociales ». Conclusion des partisans « neuros » du ministre : en reformatant l’école selon les méthodes « neuro », on pourra assurer « l’égalité des chances ». Dans la même veine, le ministre présente ses mesures de dédoublements des CP comme la principale mesure de politique sociale du quinquennat ! Il laisse entendre aussi que la réforme des études au lycée général a pour but l’épanouissement personnel de chaque lycéen qui pourra échapper aux filières ségrégatives et enfin construire par lui-même son parcours et sa vie réussie. Le recours à la thématique du « développement personnel » à des fins institutionnelles vient ici gommer comme par magie les déterminismes inégalitaires inscrits dans l’organisation même du système. Les établissements sont loin d’être dotés des mêmes ressources et opportunités, sans parler du fossé entre la voie générale et technique et la voie professionnelle !

      Le naturalisme et le scientisme inhérents à l’épistémologie biomédicale des neuroscientifiques pro-Blanquer (que j’analyse en détails dans mon livre) ne sont donc pas les seuls biais qu’on peut relever. L’éviction des déterminants sociologiques est aussi un de leurs traits idéologiques. Cela permet de cantonner la question des inégalités de réussite scolaires dans l’enceinte de l’école, puis de les réduire à une sorte de « pédagogie du cerveau » à quoi se résume la prétention de la « neuro-pédagogie ». Cela permet aussi d’abandonner la question sociale en tant que telle (les inégalités de conditions familiales et sociales décrites par les sociologues) aux registres compassionnel et philanthropique.

      Un des points les plus remarquables également de votre approche du manuel scolaire est la place que le Ministère accorde aux éditeurs. Contrairement à une idée reçue, tenace notamment chez les enseignants, les éditeurs sont, en fait, maltraités comme l’essentiel des autres acteurs. Comment sont ainsi vus les éditeurs de manuels par le ministère ? Pourquoi, appartenant pourtant au privé, les éditeurs ne bénéficient-ils pas selon vous de la tornade néo-libérale qui, depuis l’arrivée de Blanquer, s’abat sur le ministère ?

      Dans le prolongement de ce que j’ai déjà dit, à l’évidence les éditeurs sont vus au mieux comme des prestataires de service s’ils jouent le jeu des appels d’offre. Au pire, comme un reliquat du passé avec lequel il faut composer. Ils ne sont pas vus en tout cas comme des partenaires autonomes dans un système horizontal de liberté pédagogique où collaboreraient de multiples acteurs dont les auteurs (chacun dans son rôle, régulé par une commune référence aux programmes officiels). Du point de vue de l’étatisme à la Blanquer, ils peuvent même être vus comme des opposants s’ils défendent la doctrine républicaine en vigueur depuis 130 ans ! Car c’est un fait historique que l’édition scolaire a été assurée par des entreprises privées depuis le milieu du XIXe siècle dans une logique concurrentielle et pluraliste. Parmi les libertés publiques républicaines, il y a, faut-il le rappeler, la liberté de publication. L’édition scolaire a été l’une des composantes qui a permis l’essor de l’édition puisqu’elle a contribué au développement de la scolarisation et donc de l’accès à la lecture.

      Ce point me permet d’aborder quelques réactions négatives ou dubitatives à l’égard de mon livre puisqu’il a été écrit par un ancien éditeur scolaire qui revendique son expérience. Certains critiques trollesques m’accusent de représenter le lobby de l’édition scolaire et voit dans mes critiques du technocratisme néo-libéral de Jean-Michel Blanquer un prétexte pour dissimuler la défense des rentes et profits (nécessairement faramineux) de l’édition scolaire privée. D’autres, moins négatifs, me reprochent de ne pas croire que le service public serait la seule option progressiste pour les auteurs souhaitant éviter d’être compromis avec la cartellisation de l’économie capitaliste. Contrairement à Ferdinand Buisson, ils ne voient pas les risques liberticides de confier l’édition scolaire à un monopole d’Etat ou à un organisme sous tutelle étatique dont la mission est de répercuter la politique officielle au gré de ses changements d’orientation. Comment gérer un vrai pluralisme de points de vue à l’intérieur d’une telle institution ? D’autres enfin me soupçonnent de mener un combat d’arrière-garde pour défendre un secteur économique condamné par le progrès technologique qu’ils voient incarné par les produits des seigneurs numériques ou les startups prétendument indépendantes (avant rachat par les premiers). Ils pensent que le numérique rend tout un chacun spontanément libre, compétent, collectivement intelligent. A mon sens, toutes ces critiques, parfois teintées d’un halo sulfureux de complotisme (bien qu’elles s’en défendent), ont perdu de vue la philosophie républicaine de la liberté pédagogique. Elles méconnaissent l’histoire et la réalité des entreprises d’édition, leur rôle pour permettre aux auteurs de donner consistance à une liberté chèrement conquise. Elles minorent les dangers de censure et de perte d’autonomie professionnelle pour les acteurs de l’école que recèlent tout affaiblissement de l’édition scolaire concurrentielle, soit lié à des limitations étatiques, soit lié à une trop forte concentration capitalistique.

      Le ministre, en tacticien roué, sait qu’il peut jouer sur l’esprit de loyauté des professeurs envers l’État employeur et leur attachement au service public, réputé défenseur désintéressé de l’intérêt général. Ses prises de pouvoir institutionnelles s’en trouvent plutôt facilitées, alors que, déposées en d’autres mains extrêmes, elles auraient des conséquences redoutables pour les démocrates. On ne comprend pas encore suffisamment, selon moi, en quoi le ministre joue les apprentis sorciers ! Il peut aussi user à bon compte de la méfiance des enseignants à l’égard des domaines d’activité où l’argent, le commerce, l’entrepreneuriat sont impliqués, autant de figures menaçantes représentant un supposé poison pour l’école publique, ces traits étant associés dans l’esprit des enseignants à une hostilité de principe à l’Etat-providence, ce qui est faux. Mais je sais aussi que cette attitude des professeurs est ambivalente. Ainsi on ne peut les soupçonner de souhaiter que l’édition de littérature, pour prendre un exemple saisissant, soit confiée à l’Etat ou à un organisme public… On peut au contraire penser qu’ils souhaitent qu’elle reste l’apanage d’éditeurs passionnés dans des entreprises ou des collectifs de statuts variés et à taille humaine.

      S’agissant encore du secteur privé et de la place que peut lui accorder un ministre néo-libéral comme Blanquer, vous montrez, et vous êtes le seul, qu’il faut plutôt les chercher du côté des associations et instituts qui rôdent autour de la rue de Grenelle. Vous dénoncez notamment la collusion de la Fondation Axa et son entrisme au ministère via l’association « Agir pour l’école » dont Blanquer a été un temps membre du comité directeur ainsi que l’Institut Montaigne. Pouvez-vous nous dire quels liens et quels rôles ces organismes entretiennent-ils avec l’Education nationale et comment Blanquer use de ces groupes pour mener sa politique ministérielle ?

      Je ne suis pas le seul à pointer les liens entre Jean-Michel Blanquer et la philanthropie du groupe d’assurance Axa. Les hauts technocrates au pouvoir actuellement n’ont plus du tout le profil de leurs devanciers. Ils ont un pied dans la haute fonction publique et un pied dans les directions opérationnelles des grands groupes industriels et financiers. De nombreuses études et enquêtes documentent cette évolution. De sorte qu’il semble tout à fait naturel à ces hauts dirigeants d’ouvrir les portes des organismes publics et des directions ministérielles à des partenariats ou à des actions « philanthropiques ». C’est ainsi que l’Institut Montaigne, financé par la Fondation Axa, explique au ministère comment mener à bien la numérisation de l’école primaire en France. C’est ainsi que l’association Agir pour l’école, financée par le mécénat Axa, a l’autorisation exceptionnelle de mener des expérimentations autour de sa méthode de lecture validée « neuro » dans des classes de l’école publique. Ce ne fut possible que grâce à l’appui discrétionnaire de Jean-Michel Blanquer lorsqu’il était DGESCO puis lorsqu’il devint ministre. La particularité de cette faveur être d’être accordée au plus haut niveau du ministère sans qu’il ne soit vraiment prévu de rendu de compte autre que ceux de l’association elle-même. Évidemment elle vante ses brillants résultats qui s’appuient sur « la science » ! Ce genre d’opération exceptionnelle au sein de l’Education nationale est un fait du prince auquel les enseignants de terrain dans les zones concernées sont tenus de se soumettre sous la pression de leur hiérarchie directe. On déguise en volontariat ce qui relève en fait d’une sorte d’embrigadement hiérarchique pour faciliter un entrisme caractérisé. J’évoque en détails dans mon livre la stratégie d’Agir pour l’école et de ses parrains.

      Il faut comprendre, au vu de cet exemple, que le néo-libéralisme a partie liée avec ce qu’on appelle le « philanthro-capitalisme ». En réduisant drastiquement les impôts des grands groupes privés et des grandes fortunes, il réduit d’autant les budgets publics et impose un rabotage général des dépenses. Faute de financements disponibles liés à une pénurie bien organisée, il favorise l’immixtion du mécénat des mêmes groupes privés et grandes fortunes pour financer des opérations qui auraient dû l’être sur le budget de l’Etat ou des collectivités territoriales. La conséquence est que ce ne sont plus les responsables au sein de l’appareil d’Etat ou des organismes publics sous tutelle qui ont le pouvoir de décider des nouveaux projets à mener. Ce sont des fondations privées externes qui se voient de plus en plus doter de ce pouvoir en décidant elles-mêmes des programmes qu’elles acceptent de financer. Cette prise de pouvoir larvée est une privatisation déguisée, réalisée avec la complicité des hauts technocrates néo-libéraux, censés pourtant défendre l’intérêt général à la tête de la puissance publique. A l’évidence les conflits d’intérêt, à terme, sont patents. Mais tout se fait par petites touches, dans une discrétion complice, par le truchement d’associations sans but lucratif. Les grands groupes peuvent communiquer sans vergogne sur leur remarquable générosité et leur implication citoyenne dans les affaires de la collectivité et afficher, comme retour sur investissement, un républicanisme de bon aloi !

      En parlant d’« Agir pour l’école », il faut aussi évoquer Stanislas Dehaene dont vous nous apprenez qu’il mène une partie de ses recherches en synergie avec cette association. Votre démonstration est implacable : de fait, la place au sein de l’Éducation nationale qu’occupe désormais Stanislas Dehaene, neuroscientifique, ne manque pas d’intriguer tant elle est surprenante. Si, de fait, le ministère avec Blanquer tombe sous la coupe réglée des neurosciences, on ne peut qu’être étonné que ce psychologue cognitiviste, étranger aux sciences de l’éducation notamment, soit président du Conseil scientifique de l’Education nationale. Et on ne peut qu’être étonné surtout des propos, inquiétants il faut le dire, qui sont les siens ainsi que, plus largement, de sa démarche.

      En effet, vous rappelez ses déclarations pour le moins déconcertantes sur les manuels scolaires qu’il considère comme autant de « médicaments ». Vous poursuivez d’ailleurs à très juste titre en disant que cette personne emploie plus généralement des métaphores médicalisées pour parler de l’Education. Vous dites que peut-être bientôt on va appeler les élèves des « malades » ou des « patients ». Posons la question sans détour : est-ce que la place que prennent les neurosciences à l’école n’ouvre pas potentiellement un nouveau marché à l’industrie pharmaceutique : soigner par exemple les enfants dont les tests de positionnement en primaire ou en Seconde révéleraient des difficultés dans l’acquisition de connaissances ?

      Les liens entre Stanislas Dehaene et Jean-Michel Blanquer sont anciens. Bien avant d’être ministre, ce dernier (juriste de formation et professeur de droit public, rappelons-le) a toujours été sur une ligne critique à l’égard des professeurs des écoles qu’il accuse, depuis son premier passage au ministère en 2006 (sous Robien), de ne pas enseigner correctement les « fondamentaux ». On se souvient de la campagne du ministre Robien en faveur de la « méthode syllabique » et déplorant que l’école primaire soit, selon ses dires, infestée par la « méthode globale ». C’était peu de temps après qu’un consensus s’était pourtant formé parmi les spécialistes du lire-écrire sur les facteurs clés de cet apprentissage. Mais, quels que soient les avis des chercheurs, les ministres de droite ont toujours joué sur une communication grand public anti-prof, cherchant à raviver de faux débats, entretenus par tous les chroniqueurs déclinistes, pour se rallier une majorité de parents-électeurs. Jean-Michel Blanquer a tiré les leçons de l’échec de Robien à imposer ses manières de voir rétrogrades. Pour éviter les mêmes déboires, il a cherché des alliés parmi les experts médiatiques et les à trouver chez certains neuroscientifiques, dont le chef de file est Stanislas Dehaene. C’est d’ailleurs dans la collection que dirige ce dernier chez Odile Jacob que le futur ministre a publié ses ouvrages programmatiques sur l’école.

      Comment analyser cette alliance entre le haut fonctionnaire devenu le « vice-président » d’Emmanuel Macron (selon l’hebdomadaire Le Point) et l’éminent neuroscientifique de l’INSERM et du Collège de France qui préside le CSEN instauré début 2018 par le premier ? Quel est le ressort de cette alliance entre un ministre néo-libéral au verbe républicain et le patron d’un pool de spécialistes partageant le même culte du cerveau et de la randomisation ? A mon sens, un nouveau front idéologique s’est constitué là où se retrouve et s’étaye mutuellement le scientisme neurobiologique (foncièrement opposé aux méthodes non strictement quantitativistes des sciences sociales), le technocratisme néo-libéral (foncièrement convaincu de la supériorité des « savoirs experts » randomisés sur les savoirs expérientiels des praticiens) et les intérêts de l’industrie biomédicale qui finance en grande partie les recherches en neurosciences appliquées et, de façon plus large, de l’industrie de la santé et de l’assurance.

      Outre ses puissants réseaux d’influence, la force de cette alliance est sa stratégie de communication qui est fondée sur un storytelling très efficace. Le point de départ est souvent constitué par des éléments de langage qui concourent à dresser un tableau dramatique de la situation, notamment de l’école. Les évaluations internationales de type PISA ou les rapports d’expertise sont instrumentalisées à cette fin. Certains défauts du système sont dûment pointés et mobilisés comme éléments à charge, de sorte que des critiques qui émanent de la gauche de la gauche peuvent aussi être reprises comme arguments recevables et comme force d’appoint dans les instances mises en place. Il s’agit de montrer l’irresponsabilité des anciens gouvernants, la stérilité des débats antérieurs, les contradictions entre les discours et les réalités. Et de conforter finalement les arguments du camp des déclinistes (qui ont peu varié les airs qu’ils entonnent depuis Jules Ferry, sur le niveau qui baisse, la tradition qui est pervertie, la barbarie qui s’installe dans l’école, la nuisance des « pédagogistes », etc.). Cet éclectisme associant des points de vue extrêmes à un pragmatisme qui se veut apolitique est déroutant au premier abord et fait de ce courant opportuniste un attrape-tout.

      A partir de cette mise en scène décliniste, l’alliance « techno+neuro » a beau jeu de se présenter en sauveur de l’école menacée de péril ou de faillite, de prendre des poses de fervente républicaine apte à redresser une situation gravement compromise. Qui peut être contre de tels bienfaiteurs qui font constamment la une des médias, relayant sans beaucoup d’interrogations leurs discours bien huilés, leurs incessants « plans d’action » ? Qui peut s’opposer aux déclarations, en général indexées à gauche, sur la lutte contre l’échec scolaire, la réussite pour tous, l’égalité des chances, l’épanouissement individuel, et même la confiance retrouvée. Cette belle alliance entièrement désintéressée et dévouée au bien commun peut donc espérer gagner le soutien de bords considérés autrefois comme antagonistes, neutraliser les oppositions minoritaires accusées de corporatisme ou d’idéologie nuisible, et dérouler son plan de reformatage des institutions en accaparant tous les pouvoirs, en révisant les anciens compromis sociaux taxés d’immobilisme et, au passage, opérer un hold-up sur les crédits de recherche.

      Il faut comprendre qu’il y a une profonde communauté de vision du monde entre les technocrates et les neuroscientifiques du CSEN : c’est le culte scientiste du quantitatif et de la statistique. Le haut technocrate ne jure que par les indicateurs des multiples tableaux d’analyse qu’il concocte pour comprendre la réalité qu’il doit gérer. Les comparaisons et les variations statistiques appliquées ensuite aux données sont censées lui permettre de comprendre la diversité des situations réelles et proposer des mesures d’ajustement. De façon similaire, le chercheur quantitativiste ne jure que par l’expérimentation randomisée et considère comme pure opinion improuvable les constats qui ressortent de toutes les autres modalités d’observation ou d’enquête.

      La randomisation, qui a contribué à l’attribution du Nobel d’économie à Esther Duflo (membre du CSEN), est la méthode expérimentale utilisée par les quantitativistes des sciences cognitives (mais aussi en économie ou en sociologie) pour valider leurs hypothèses interprétatives et éliminer les variables dues au hasard. Elle consiste à vérifier empiriquement, en comparant des groupes tests et des groupes témoins soumis aux mêmes épreuves dans des conditions différentes, si les indicateurs postulés par la théorisation sont pertinents et permettent de comprendre comment fonctionne le dispositif observé. Cette forme de recherche expérimentale est le décalque des modalités d’expérimentation mises au point par l’industrie pharmaceutique pour tester l’effet des molécules sur des groupes ciblés d’individus affectés de divers troubles ou maladies.

      Il n’est pas surprenant que les neurosciences fassent le pont entre les méthodologies du biomédical et celle de la psychologie cognitive. Leur processus de recherche est le suivant : dans un premier temps elles formulent des hypothèses sur le fonctionnement du cerveau apprenant en observant des individus isolés sous IRM fonctionnel soumis à des tâches. A ce stade, ces recherches se déroulent dans l’environnement de la recherche biomédicale qui utilise les mêmes appareillages et méthodes de retraitement des données. Dans un second temps, elles déduisent de ces hypothèses et paradigmes (qui font l’objet de vifs débats au sein des neuro-chercheurs, ne l’oublions pas !) des prescriptions didactiques qui feront l’objet de tests en classe pour mesurer leur efficacité grâce à des évaluations dûment randomisées. Ces tests pourront en retour servir à relancer les hypothèses initiales, et ainsi de suite. La cherté de ces recherches biomédicales randomisées, comparée à d’autres méthodes d’observation pratiquées en sciences sociales, produit un effet d’évitement constaté par nombre de chercheurs : pour financer une seule recherche « neuro », il faut ne pas financer de nombreuses autres recherches non « neuro » ! Le scientisme biomédical n’est pas seulement une philosophie, c’est aussi un outil politique de gestion de la recherche qui a une tendance à la domination et au monopole, à l’impérium comme je le dénonce dans mon livre.

      Je voudrais m’attarder, si vous me le permettez, sur ces tests de positionnements qui paraissent révélateurs de la politique « neuro-techno » menée par Blanquer. Ma question sera double : est-ce qu’avec ces tests de positionnement de Seconde où les élèves doivent répondre comme à des stimuli et non engager une véritable réflexion, on ne peut pas considérer qu’il s’agit pour les neurosciences à la manœuvre ici de faire des élèves des cobayes ?

      Enfin, et vous le suggérez avec force, n’y a-t-il pas instrumentalisation de la part des neuroscientifiques, et notamment de Dehaene, des élèves pour leur faire passer des tests ? N’expérimentent-ils pas sur les élèves des méthodes afin de financer leurs propres recherches et monnayer leurs résultats pour, par exemple, faire l’acquisition d’IRM et d’appareils d’imagerie médicale sophistiquée afin de continuer à cartographier le cerveau ?

      Comme je l’ai souligné plus haut, l’expérimentation randomisée est la principale méthode qui permet aux recherches de laboratoire en neurosciences de déboucher ensuite sur d’éventuelles applications en classe moyennant la passation de tests contrôlés. Dans les dispositifs d’observation sous IRM, les bébés ou les enfants sont effectivement pris comme des cobayes. Mais c’est peu ou prou le cas de tous les dispositifs de recherche en psychologie cognitive, qu’ils soient effectués en laboratoire ou en milieu ouvert contrôlé. Dans le cas des recherches « neuro », l’ équipement des sujets en capteurs pour enregistrer leurs données d’activité cérébrale renforce cette image dévalorisante du cobaye. Mais, en principe, il n’y a pas de maltraitance ! Sauf, de façon assez courante dans le biomédical semble-t-il, sur les données elles-mêmes et leur interprétation pour pouvoir publier au plus vite des articles dans les revues scientifiques faisant état de résultats tangibles et continuer à se faire financer (je renvoie au livre très documenté Malscience, de la fraude dans les labos de Nicolas Chevassus-au-Louis). Or un nombre significatif de ces articles contient des résultats non reproductibles ou douteux. Il n’est donc pas inutile de se défier de tous les arguments d’autorité du type « la littérature scientifique internationale a montré que… », « la recherche internationale a conclu que… », « la méta-analyse de x recherches a prouvé que… ». L’absence de recul critique sur les conditions de publication de la littérature scientifique favorise le rejet en bloc des travaux scientifiques, ce qui n’est pas souhaitable, car, dégagés des diverses instrumentalisations dont ils sont l’objet, ils sont la source d’apports précieux pour les débats sérieux qui font avancer les connaissances en éducation, à la condition expresse d’intégrer l’ensemble des disciplines de recherche aux méthodologies et points de vue très variés et d’être ouvert aux savoirs expérientiels des praticiens.

      S’agissant toujours enfin de ces tests de positionnement, Blanquer paraît les user pour une fois de plus remettre en cause le métier même d’enseignant. Automatisés, ces tests ne sont pas corrigés par les enseignants qui, parfois, ne les font même pas passer à leurs propres élèves. C’est le rôle même d’enseignant qui est nié purement et simplement, les résultats des tests ne pouvant par ailleurs servir le plus souvent à nourrir le cours ou construire une quelconque séquence d’enseignement. Est-ce que ces tests sont pour Blanquer une nouvelle manière à la fois de nier l’expertise professorale et reconduisent le vieux fantasme moderniste de substituer un micro-processeur au professeur ? Enfin, en quoi accentuer la place du français et surtout des mathématiques, via ces tests, relève, comme vous le mentionnez, du « populisme éducatif » de Blanquer ?

      Le « populisme éducatif » est un concept forgé par le chercheur Xavier Pons pour désigner le fait que « les gouvernants proposent un programme d’action publique qui flatte les attentes perçues de la population sans tenir compte des propositions, des arguments et des connaissances produites dans le cours de l’action par les corps intermédiaires ou les spécialistes du sujet » (voir notamment son interview aux Cahiers pédagogiques). Cela caractérise bien la façon de gouverner de Jean-Michel Blanquer qui n’a tenu aucun compte des rejets massifs de ces réformes par les instances de concertation au sein de l’Education nationale ni des nombreuses critiques ou oppositions des spécialistes, y compris parmi les neuroscientifiques ! Sa manœuvre a consisté à faire croire que les meilleurs experts étaient avec lui. Les membres du CSEN ont une responsabilité particulière dans cette instrumentalisation politique.

      Sur la question des tests de positionnement et des évaluations en général, il faut clairement distinguer trois types de tests. Le premier concerne ce que nous avons vu plus haut, à savoir ces tests dérivés des recherches de laboratoire et destinés à mesurer l’efficacité de dispositifs inspirés des paradigmes théoriques formulés dans les labos. On peut les qualifier de « scientifiques » puisqu’ils ont pour cadre des recherches institutionalisées, une théorisation au sein d’une communauté savante et des retombées applicatives.

      Le deuxième type concerne les évaluations en classe, sur des épreuves calibrées, d’un échantillon d’élèves représentatif d’une population globale afin d’obtenir une image d’ensemble du niveau des élèves, d’effectuer des comparaisons dans le temps et des typologies en fonction de données contextuelles caractérisant les élèves et les établissements. Le but de ce type d’évaluation n’est pas d’intervenir dans la scolarité des élèves en faisant un retour des résultats auprès des classes via les enseignants. C’est d’observer une réalité dans ses multiples composantes pour en obtenir une représentation experte. L’exemple le plus connu de ce type d’évaluation est PISA.

      Le troisième type concerne les évaluations nationales obligatoires telles qu’elles sont mises en place en France depuis 2018. Elles visent à situer chaque élève sur une échelle comparative en identifiant points forts et points faibles et à faire un retour vers l’enseignant pour qu’il adapte son enseignement aux difficultés identifiées de ses élèves, voire l’individualise. Mais n’est-ce pas ce que s’attache déjà à faire les enseignants ? Ces évaluations ont donc un objectif d’ordre pédagogique. Toutefois, la composition des épreuves n’est pas neutre et comporte des choix didactiques implicites qui obligent les enseignants à s’adapter à leurs réquisits au fil des passations. C’est ce que j’appelle le pilotage par l’aval des pratiques pédagogiques. C’est un premier effet caché par le CSEN et les promoteurs de ces évaluations qui ne l’évoquent jamais.

      Un autre biais dissimulé est l’évaluation des enseignants eux-mêmes. Il faut bien voir que les résultats anonymisés et centralisés donnent lieu à des compilations au plan national et local qui permettent d’évaluer les élèves, les classes, les enseignants, les établissements et d’établir des comparaisons voir des classements. Le ministre et le CSEN viennent de se glorifier de l’amélioration des performances de élèves de CP et de CE1 d’une année sur l’autre en utilisant les données compilées ! Ces évaluations ont donc un second objectif déguisé qui consiste à faire comme si l’ensemble des classes du pays d’un même niveau scolaire n’en formait qu’une, toute chose égale par ailleurs, et qu’on pouvait déduire de ces données une forme d’enseignement efficace universelle, valable dans tous les contextes, sans tenir compte des énormes disparités entre les écoles et les établissements, des effets délétères d’un système fortement ségrégatif.

      A mon sens, la stratégie ministérielle ne consiste pas pour l’instant à substituer des tests à de l’enseignement présentiel. Il vise deux choses. D’abord à faire en sorte que la culture du test s’installe dans le paysage scolaire à tous les niveaux possibles, que la réussite aux tests devienne l’objectif premier de l’enseignement, ce qui limite l’autonomie professionnelle des professeurs dont les référentiels traditionnels sont les programmes scolaires et la liberté pédagogique. De ces tests pourront aussi émaner des ressources labellisées substitutives aux manuels et ressources actuelles. L’autre objectif est de pouvoir plus tard confier cet enseignement reconditionné par le CSEN et les instances ministérielles sous la coupe directe du ministre à des personnels recrutés et formés autrement qu’actuellement, beaucoup moins autonomes, davantage isolés et dominés par une hiérarchie technocratique qui pourra évaluer quantitativement leur « mérite » en fonction des résultats aux tests et individualiser les rémunérations en conséquence. C’est une école aux mains des « technos » et des « neuros » qui se dessine, bien différente de l’école publique républicaine et de ses valeurs !

      https://diacritik.com/2019/11/13/philippe-champy-les-beaux-discours-de-blanquer-sur-la-confiance-ne-reussi

  • The Geometry of Emptiness: A Journey Through France’s ‘Diagonale du Vide’
    https://www.magnumphotos.com/newsroom/society/antoine-dagata-the-geometry-of-emptiness-a-journey-through-frances-dia

    In early 2019, French Magnum photographer Antoine d’Agata and French-Tunisian author, philosopher, and actor Mehdi Belhaj Kacem drove through the region known in France as the diagonal du vide, or ‘empty diagonal’. Stretching across the nation – from the Belgian border in the north-east to the Pyrenees in the south-west – the disparate geographies of the area are unified by a low-density of industry, population and media coverage.

    What follows is a selection of d’Agata’s images from the 339 towns, villages and hamlets the pair passed through, accompanied by Belhaj Kacem’s essay on the diagonale and it’s role – and that of areas like it – in France’s current political face-off.

    The diagonal du vide, or ‘diagonal of emptiness’, refers to a series of places which are among the most underprivileged in French territory. With Antoine d’Agata, we draw a road map, a plan to visit these places. We want to feel the pulse of the France that has given rise to the now-famous gilets jaunes. We want to visit Ghost France. The title of a movie that marked me long ago comes back to my mind: Ghosts of the Civil Dead.

    The confrontation between the French government and the gilets jaunes has pitted two types of ghost against one another: the sovereign French Gods – the “Jupiterian” entity of big finance in its twilight years, whose decadence has nothing on the decline of Ludwig II of Bavaria; versus this unrepresented France. The latter, popularised as understood by the Situationists, comes behind the former in all respects. The dialogue between these two entities is a dialogue of the deaf. The France whose representation is non-existent fails to make itself heard by the France that only exists within in itself, or in its own eyes.

  • « Bullshit jobs » : quand la réalité surpasse le monde des Shadoks
    https://lvsl.fr/bullshit-jobs-quand-la-realite-surpasse-le-monde-des-shadoks

    L’économiste anglais John Maynard Keynes prédisait en 1930 que grâce à l’automatisation de nombreuses tâches, nous aurions pu dès les années 2000 réduire considérablement notre temps de travail, pour parvenir à des semaines de 15 heures et jouir d’une retraite plus précoce. Pourtant, rien de tout cela n’est arrivé et c’est presque le contraire qui semble se produire aujourd’hui : le gouvernement allemand réfléchit actuellement à repousser l’âge de départ à la retraite à taux plein à 69 ans, et une évolution similaire peut s’observer dans d’autres pays de l’OCDE notamment en France.

  • #Petits_chefs 1/2 : les repentis
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/petits-chefs-12-les-repentis


    Hatice et Frédéric ont été des petits chefs incompétents, autoritaires, pervers ou perdus.
    • Crédits : Isabelle Rozenbaum / Alto Press - Maxppp

    Ils reviennent aujourd’hui sur ces méthodes de management qui faisaient pleurer leurs subordonnés.

    –---

    Petits chefs 2/2 : les victimes
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/petits-chefs-22-les-victimes


    Charlotte, Anne et Pascal ont vécu des relations singulières avec leurs managers.
    • Crédits : © Phanie Garo - AFP

    Trois histoires de petits chefs incompétents, autoritaires, pervers ou perdus. Au choix.

    #harcèlement #violence #travail #entreprise #management

  • Des mutations inquiétantes sur les bébés chinois génétiquement modifiés par CRISPR - UP’ Magazine
    https://up-magazine.info/index.php/le-vivant/innovations-vertes/28764-des-mutations-inquietantes-sur-les-bebes-chinois-genetiquement-m

    Les jumelles chinoises nées l’an dernier d’embryons génétiquement modifiés par les ciseaux moléculaires « CRISPR » ont probablement des mutations imprévues dans leur génome à la suite de cette manipulation. C’est un journaliste américain qui révèle cette information ce 3 décembre après avoir obtenu une version non publiée de l’étude détaillant l’expérience.

    L’annonce avait choqué le monde en novembre 2018 : le scientifique He Jiankui avait révélé à Hong Kong qu’il avait modifié des embryons, dans le cadre d’une fécondation in vitro pour un couple, afin de tenter de créer une mutation de leurs génomes qui leur conférerait une immunité naturelle contre le virus du sida au cours de leur vie. Cette nouvelle avait provoqué un tollé car la procédure employée n’avait aucune justification médicale, présentait de graves dangers pour la santé et contrevenait aux règles éthiques les plus élémentaires.

    LIRE DANS UP : Les Chinois auraient mis au monde deux bébés génétiquement modifiés par CRISPR

    Des jumelles étaient nées, nommées Lulu et Nana, mais elles et leurs parents sont restés anonymes, et on ignore totalement ce qu’elles sont devenues.

    L’expérience d’He Jiankui avait vivement été condamnée par la communauté scientifique internationale et les autorités de son pays, et l’affaire avait relancé les appels à une interdiction des « bébés Crispr ».
    Le manuscrit de l’étude révélé

    Un journaliste de la MIT Technology Review a reçu le manuscrit de l’étude que He Jiankui a tenté de faire publier par des revues scientifiques prestigieuses, et qui détaille sa méthode et ses résultats. Mais le texte de l’étude confirme ce que beaucoup d’experts suspectaient : selon des généticiens interrogés, il ne montre en réalité pas que la mutation tentée, sur une partie du gène CCR5, a effectivement réussi. L’étude affirme que la mutation accomplie est « similaire » à celle qui confère l’immunité, et non identique.
    Des conséquences imprévisibles

    En outre, des données incluses en annexe montrent que les jumelles ont subi des mutations ailleurs dans leur génome, et probablement différentes d’une cellule à l’autre, ce qui rend les conséquences imprévisibles.

    « CRISPR » est une technique révolutionnaire de modification du génome inventée en 2012, bien plus simple et facile d’utilisation que les technologies existantes. Mais les ciseaux coupent souvent à côté de l’endroit ciblé, et les généticiens répètent que la technologie est encore loin d’être parfaite pour être utilisée à des fins thérapeutiques.

    « Il y a énormément de problèmes dans l’affaire des jumelles CRISPR. Tous les principes éthiques établis ont été violés, mais il y a aussi un grand problème scientifique : il n’a pas contrôlé ce que CRISPR faisait, et cela a créé plein de conséquences imprévues », a dit le professeur de génétique Kiran Musunuru, de l’université de Pennsylvanie, dans un entretien récent à l’AFP.

    Dans la MIT Technology Review, le généticien Fyodor Urnov déclare : « La recherche était toutefois incomplète et le manuscrit passe sous silence un point clé : les cellules prélevées sur les embryons au stade précoce pour les tester n’ont pas réellement contribué aux corps des jumeaux. Les cellules restantes, celles qui se multiplieraient et se développeraient pour devenir les jumeaux, auraient pu aussi avoir des effets hors cible, mais il n’y aurait eu aucun moyen de le savoir avant le début de la grossesse. » Il ajoute : « Une déformation flagrante des données réelles qui ne peut, encore une fois, être décrite que comme un mensonge flagrant. Il est techniquement impossible de déterminer si un embryon modifié « n’a présenté aucune mutation hors cible » sans détruire cet embryon en inspectant chacune de ses cellules. Il s’agit d’un problème clé pour l’ensemble du domaine de l’édition d’embryons, un problème que les auteurs balaient sous le tapis ici. »

    #CRISPR #Hubris_scientifique #Génomique #Modification_génétique

    • A propos de Cédric Villain

      http://fr.horrorhumanumest.info/index.php?pages/a-propos

      Websérie d’animation, Horror humanum est a comme objectif de remettre en mémoire quelques jalons sanglants de l’Histoire humaine.
      L’objectif n’est pas de recenser toutes les batailles et les massacres, le travail serait trop considérable… Ce n’est pas non plus un « palmares », un worst-of de l’histoire humaine ni même une tentative d’étalonnage de la barbarie.
      Son sujet est plutôt de remettre en mémoire quelques méfaits commis au nom de logiques sociales et culturelles dont la bizarrerie et l’horreur ne se révélent qu’à la mesure de nos valeurs actuelles.

      http://www.scam.fr/detail/ArticleId/5654/Cedric-Villain-professeur-en-serie

      À une coquille près, on pourrait le confondre avec un célèbre mathématicien. Pas de lien non plus avec Raoul, l’assassin de Jaurès. Cédric Villain, quarante-six ans, est professeur certifié d’arts appliqués à l’Esaat¹ de Roubaix, et réalisateur de films d’animation. Il a fourbi ses armes avec les très réussis Portraits ratés à Sainte Hélène², Prix de la première œuvre au festival d’Annecy en 2008. Un court-métrage inspiré de la lecture d’un entrefilet dans Fluide glacial et acheté par Canal +, qui envisageait déjà l’histoire par un prisme « anecdotique » ; en l’occurrence, les ultimes tentatives pour représenter l’empereur sur son lit de mort. Il n’en a pas fallu beaucoup plus pour convaincre l’équipe de Karambolage, sur Arte, d’inclure Cédric Villain dans son pool de « réalisateurs-designers ». Un premier épisode en 2010, autour de la pomme de terre, puis une dizaine d’autres, et une collaboration qui perdure aujourd’hui…