• Pour que rien ne soit comme avant, sortons de la famille !

    « Comment remplir les fonctions essentielles de solidarité et de soin en dehors du triptyque papa-maman-enfants ? En dehors des logiques de propriété des parents envers les enfants, en dehors aussi, des logiques d’appropriation des maris envers les femmes ? Comment pouvons-nous nous nourrir, nettoyer, soigner, aimer, éduquer, conforter autrement ? Comment faire de nos espaces primaires de vie moins des petites entreprises privées (nounous et femmes de ménage, souvent racisées, qui s’occupent des petits bébé-prix-propriétés sous le management de maman et le contrôle général de papa ?) Quelles options pour augmenter notre capacité de soin, d’affection et de solidarité à la collectivité en se partageant les responsabilités de façon plus autonome et égalitaire ?
    Nous nous proposons non pas d’abolir mais de dépasser la famille. »

    https://acta.zone/pour-que-rien-ne-soit-comme-avant-sortons-de-la-famille

  • Apprendre du virus.

    « Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, notre santé ne viendra pas de l’imposition de frontières ou de la séparation, mais d’une nouvelle compréhension de la communauté avec tous les êtres vivants, d’un nouvel équilibre avec les autres êtres vivants de la planète. Nous avons besoin d’un parlement planétaire d’organes, un parlement non défini en termes de politique d’identité ou de nationalités, un parlement d’organes vivants (vulnérables) vivant sur la planète Terre. L’événement Covid-19 et ses conséquences nous appellent à nous libérer une fois pour toutes de la violence avec laquelle nous avons défini notre immunité sociale. La guérison et le rétablissement ne peuvent pas être un simple geste immunologique négatif de retrait du social, de fermeture de la communauté. La guérison et les soins ne peuvent résulter que d’un processus de transformation politique. Se guérir en tant que société signifierait inventer une nouvelle communauté au-delà de la politique d’identité et de la frontière avec laquelle nous avons jusqu’à présent produit la souveraineté, mais aussi au-delà de la réduction de la vie à sa cyber-vigilance. Rester en vie, nous maintenir en vie en tant que planète, face au virus, mais aussi face à ce qui peut arriver, signifie mettre en place des formes structurelles de coopération planétaire. Comme le virus mute, si nous voulons résister à la soumission, nous devons nous aussi muter. »

    https://dijoncter.info/apprendre-du-virus-1879

  • Coronavirus : contre Agamben, pour une biopolitique populaire

    "On pourrait dire, contra Agamben, que la « vie nue » a plus à voir avec le retraité figurant sur une liste d’attente pour un appareil respiratoire ou un lit de soins intensifs, en raison de l’effondrement du système de santé, qu’avec l’intellectuel qui doit se débrouiller face aux aspects pratiques des mesures de quarantaine."

    "À la lumière de ce qui précède, je voudrais suggérer un retour différent à Foucault. Nous oublions parfois que ce dernier avait une conception très relationnelle des pratiques de pouvoir. En ce sens, il est légitime de se demander si une biopolitique démocratique ou même communiste est possible. Pour le dire autrement : est-il possible d’avoir des pratiques collectives qui contribuent réellement à la santé des populations, y compris des modifications de comportement à grande échelle, sans une expansion parallèle des formes de coercition et de surveillance ?

    Foucault lui-même, dans ses derniers travaux, tend vers une telle direction, avec les notions de vérité, de parrhesia et de souci de soi. Dans ce dialogue très original avec la philosophie antique, il propose une politique alternative du bios qui combine de manière non coercitive les soins individuels et collectifs.

    Dans une telle perspective, la décision de réduire les déplacements ou l’instauration d’une distanciation sociale en temps d’épidémie, l’interdiction de fumer dans les espaces publics fermés ou la prohibition de pratiques individuelles et collectives nuisibles à l’environnement, seraient le résultat de décisions collectives discutées démocratiquement. Cela signifie que de la simple discipline, nous passons à la responsabilité, vis-à-vis des autres puis de nous-mêmes, et de la suspension de la socialité à sa transformation consciente. Dans de telles conditions, au lieu d’une peur individuelle permanente, capable de briser tout sentiment de cohésion sociale, nous déplaçons l’idée d’effort collectif, de coordination et de solidarité au sein d’une lutte commune, éléments qui dans de telles urgences sanitaires peuvent s’avérer tout aussi importants que les interventions médicales."
    Une biopolitique populaire

    Prenons l’exemple de la lutte contre le VIH. Le combat contre la stigmatisation, la tentative de faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’une maladie réservée aux « groupes à haut risque », l’exigence d’éducation aux pratiques sexuelles saines, le financement du développement de mesures thérapeutiques et l’accès aux services de santé publique n’auraient pas été possibles sans la lutte de mouvements tels qu’ACT UP. On pourrait dire qu’il s’agit bien d’un exemple de biopolitique populaire.

    Dans la conjoncture actuelle, les mouvements sociaux ont une grande marge de manœuvre. Ils peuvent exiger des mesures immédiates pour aider les systèmes de santé publique à supporter le fardeau supplémentaire causé par la pandémie. Ils peuvent aussi souligner la nécessité de la solidarité et de l’auto-organisation collective pendant une telle crise, par opposition aux paniques « survivalistes » individualisées. Ils peuvent également insister sur le fait que le pouvoir (et la coercition) de l’État doit être utilisé pour canaliser les ressources du secteur privé vers des orientations socialement nécessaires. Enfin, ils peuvent faire de la transformation sociale une exigence vitale.

    https://expansive.info/Panagiotis-Sotiris-Coronavirus-contre-Agamben-pour-une-biopolitique-popu

  • Histoire politique du zombi

    « La science politique est affaire d’imagination. Le zombi, concept critique élaboré en Haïti pour articuler le salariat à l’esclavage, a ainsi conservé sa charge politique tout du long de sa spectaculaire globalisation. De la représentation surréelle d’une classe opprimée à la mise en scène d’un inexorable anéantissement de l’humanité par elle-même, en passant par le dévoilement des conditions génocidaires refoulées d’un mode de vie considéré comme idéal et exemplaire, la figure du zombie a évolué avec l’histoire, s’ajustant aux soubresauts de la conscience politique, la contestation devenant résignation, les lumières obscurité, le grand soir fin du monde.

    Les zombies n’ont jamais été aussi populaires qu’aujourd’hui. Et plus que jamais, la fin de l’histoire ayant été décrétée partout ailleurs, c’est la science-fiction qui tient lieu pour les contemporains d’espace d’élaboration plus ou moins inconscient de toute projection politique, de tout agencement collectif espéré ou désespéré. Or le fait est révélateur : les zombies sont devenus le symptôme peut-être le plus visible d’un imaginaire malade, asphyxié, apocalyptique, obsédé par la dégradation des corps, par la lente destruction de la biosphère, de nos conditions de survie en tant qu’espèce biologique, et, symétriquement, par le fantasme de la singularité, de notre assomption purement informationnelle, mémoire sans chair, éternité de l’âme dans le silicium. Les zombies, corps sans âme, multitude exploitée ou masse acéphale, troupeau aveugle, catalyseurs effroyables d’un passé refoulé ou d’un avenir funeste, apparaissent dans ce contexte comme l’incarnation parfaite – décomposée, fétide, pestilentielle – du questionnement politique peut-être le moins absurde. Que faire, en effet, lorsqu’il est déjà trop tard ? »

    https://lundi.am/Histoire-politique-du-zombi

  • Pourquoi tant de tutos

    "Le chef de le start-up nation aime d’ailleurs à se fantasmer en John F. Kennedy d’opérette et n’hésite jamais à s’approprier son discours d’investiture quand il ânonne péniblement avec son ton compassé de mauvais acteur de théâtre : « Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays. » Et faites-le vous-mêmes.

    Pourtant il est tellement évident de se demander aujourd’hui ce que l’état a fait, et pas seulement en temps de crise, pour écouter et accéder aux revendications des soignants, des enseignants, des avocats, et de tant d’autres. Ce que l’état a fait de leurs témoignages incessants, insistants, invitants. Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays. Lavez-vous les mains. Fabriquez des masques. Lavez vos masques. Recommencez. Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays. Lavez-vous les mains. Fabriquez des masques. Lavez vos masques. Recommencez. Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays. Lavez-vous les mains. Fabriquez des masques. Lavez vos masques. Recommencez. Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour le pays. Lavez-vous les mains. Fabriquez des masques. Lavez vos masques. Recommencez.

    Le tutoriel comme injonction. Puisqu’il y en a, des tutoriels, alors qu’attendez-vous ?

    Et le DIY comme politique de santé publique. Fabriquez vos masques, vos respirateurs. Et demain vos lits d’hôpitaux et vos médicaments. Il n’aurait plus manqué que le tuto chloroquine pour que la gabegie soit complète."

    https://www.affordance.info/mon_weblog

  • L’immunité collective numérique n’existe pas

    "Nous avons construit ou laissé construire une dystopie juste pour que les gens cliquent sur des publicités. Et des gouvernements dépendent aujourd’hui de l’analyse de ces clics publicitaires pour informer et documenter des décisions de santé publique dans un contexte d’urgence sanitaire. C’est cela, le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
    Et comme remède, comme solution, comme résilience nous n’aurions rien d’autre à offrir que davantage de solutions de traçage numérique ? Davantage de commandes de « micro-drones du quotidien », « drones de capacité nationale » ou autres « nano-drones spécialisés » ? Comme perspective et comme avenir nous ne pourrions imaginer que des barèmes algorithmiques pour déterminer la valeur (sic) d’une victime ??!

    Si nous n’agissons pas de manière déterminée, le monde d’après ressemblera à celui que vient de décrire Eric Schmidt, ancien Big Boss de Google. Un monde dans lequel, grâce (sic) à l’épidémie du coronavirus, les gens pourraient être, accrochez-vous, "un peu plus reconnaissants ("grateful") envers les Big Tech et un peu moins envers leurs gouvernements." Être reconnaissants. On aurait tort de prendre cette déclaration pour du cynisme. C’est tout au contraire un aboutissement. Celui d’un projet de société porté par ces Big Tech, celui qui irrigue toute leur philosophie de l’action."
    « Il n’y a pas besoin de soldats ou de héros car nous ne sommes pas en guerre. Seulement de soignants, d’équipements médicaux, de lits d’hôpitaux et de financements pérennes de la recherche fondamentale et appliquée.

    Il n’y a pas besoin de surveillance car nous ne sommes pas en délinquance ni en délation et que le suivi épidémique doit pouvoir reposer uniquement sur le cadre éthique qui est celui du soin.

    Il est possible de veiller sans surveiller. Il est possible de veiller sans surveiller. Il faut que ce le soit. Que cela redevienne un possible. »

    https://www.affordance.info/mon_weblog

  • Masque. Nom masculin.

    "La pénurie est toujours là. Alors quand on ne peut pas changer la réalité on change les mots qui la désignent. Vieille recette. Novlangue. Néo-parler. Dissoudre le réel sous les mots qui l’euphémisent, le diluent, le dissolvent. Apparition donc des masques « grand public » et des masques « alternatifs ». En date du 2 avril dans le communiqué de l’académie de médecine.

    "en situation de pénurie de masques[1] et alors que la priorité d’attribution des masques FFP2 et des masques chirurgicaux acquis par l’État doit aller aux structures de santé (établissements de santé, établissements médico-sociaux, professionnels de santé du secteur libéral) et aux professionnels les plus exposés, l’Académie nationale de Médecine recommande que le port d’un masque « grand public », aussi dit « alternatif », soit rendu obligatoire pour les sorties nécessaires en période de confinement"

    C’est une recommandation de l’académie de médecine. Le tutos Youtube sont également fournis à la fin. Certifiés."

    https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/04/masque-nom-masculin.html

  • DU CHOC AU STOCK : CHRONIQUE D’UNE DISRUPTION VIRALE

    « Car dans un temps que nous ne pouvons qu’espérer être le moins long possible, ce sont les connaissances scientifiques, et seulement les connaissances scientifiques qui nous sortiront de cette catastrophe humanitaire et sanitaire. Cela c’est notre seule et unique certitude partagée. Il n’y en a aucune autre. Aucun autre possible. Aucun autre lendemain. Aucune autre chance que celle de la science. Il faut donc que toutes ces connaissances scientifiques, toutes, soient immédiatement et gratuitement accessibles à tous et toutes. Aux chercheurs et aux chercheuses bien sûr, mais à l’ensemble des citoyens. C’est vital. Et le mot vital est à prendre ici au sens premier. »

    « Mais ce qui était frappant c’est que jamais dans tous ces plateaux et dans tous ces débats on n’a rappelé l’essentiel : la plupart de ces connaissances scientifiques sont aujourd’hui bloquées derrière des accès payants exorbitants que rien ne justifie sinon la structure d’un marché que quelques grands groupes éditoriaux contrôlent entièrement et qui fait qu’indépendamment de l’actuelle crise du Covid-19, chaque jour des dizaines de milliers de personnes dans le monde crèvent parce qu’ils n’ont pas accès aux connaissances et aux données scientifiques qui leur permettraient de développer des traitements adaptés, génériques, accessibles. Il n’a pas non plus été rappelé à quel point, dans le domaine médical et dans celui du marché mondial des vaccins et des médicaments, règnent de grands groupes pharmaceutiques, qui sont tout aussi autant cyniques, corrompus et criminels que les grands groupes éditoriaux précédents. »

    https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/04/choc-stock-disruption-virale.html

  • Aux masques citoyen : stigmate, uniforme et panoplie

    « Il est donc acquis que demain, après-demain, et peut-être après tant de lents demain encore, nos vies seront masquées. Et que ces masques feront stigmate. Stigmate au carré. Ceux qui en sont privés sont marqués. Ceux qui en portent sont remarqués. »
    "Celles et ceux qui en ont. Et celles et ceux qui n’en ont pas, donc, sont également marqués. D’une forme de hiérarchie sociale qui est un fer rouge. Tout dépend de qui les voit n’en portant pas. Hier celles et ceux qui n’en portaient pas n’avaient pas d’autre choix que celui de l’innocence désarmée. Dès demain celles et ceux qui n’en porteront pas seront coupables ou criminels. Stigmate encore. "
    "Il va nous falloir trouver une manière de porter le masque qui ne nous assigne pas davantage à une normalité asservie, docile et attentiste. Il va nous falloir trouver comment renverser le stigmate. Pour qu’il ne soit plus seulement ce qui, « lors d’une interaction, affecte, en le discréditant, l’identité sociale d’un individu », mais qui tout au contraire nous pousse à questionner sans relâche la nature de politiques de stigmatisations dont le libéralisme est la main, dont le capitalisme est le dogme, et dont la surveillance est l’alibi parfait.

    Aux masques citoyens.
    Le masque est pour les soignants une protection. L’un des signes diacritiques d’une panoplie de soin. L’une de leurs armes.

    Mais quand le masque se déploie à l’échelle d’une société contrainte dans ses mouvements et policée par l’arbitraire d’états d’urgences persistants, alors le masque est la première pièce de l’uniforme. D’une mise au pas. D’une mise au pli. D’une mise en sur bouche. Une certitude cependant : des ces sociétés d’uniformes, comme de celles uniformes, ne naîtra jamais aucune solution aux pandémies virales qui questionnent notre rapport au vivant et aux autres.

    Ce n’est pas pour rien qu’il n’y a pas « d’uniforme » des soignants, des médecins, des chirurgiens, des infirmières. Juste des panoplies. Ils ont besoin d’armes, de toutes ("pan-") leurs armes ("-oplo"), et le reste est affaire de connaissance, de savoir et de soin, plutôt que d’embrigadement et d’ordre et de marcher au pas. La différence entre le masque uniforme et le masque panoplie.

    Nous avons davantage besoin d’armes que d’ordres. Lorsque nous les aurons, portons nos masques comme des panoplies, jamais comme des uniformes."

    https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/05/aux-masques-citoyens-stigmate.html

  • Noam Chomsky et la peste néolibérale

    "On sait depuis longtemps que les pandémies sont très probables, et on savait bien qu’une pandémie de coronavirus serait probable, avec une légère modification de l’épidémie liée au SRAS il y a quinze ans. Cette épidémie a été vaincue, les virus ont été identifiés, séquencés, les vaccins rendus disponibles, et des laboratoires partout dans le monde auraient pu travailler à des protections pour les futures pandémies de coronavirus à venir. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Les signaux des marchés n’étaient pas bons. L’industrie pharmaceutique a été donnée à des tyrannies privées, des groupes qui ne rendent aucun compte au grand public, les « Big Pharma », qui font des crèmes hydratantes, qui sont plus rentables que de chercher un vaccin qui protègera les gens de la destruction totale. Il est impossible pour le gouvernement d’intervenir."

    https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-et-la-peste-neoliberale

  • Ne laissons pas s’installer un monde sans contact

    "Des dispositifs comme la géolocalisation électronique servent en fait à assurer le maintien d’une organisation sociale pathologique, tout en prétendant limiter l’impact de l’épidémie que nous connaissons aujourd’hui. Le traçage du coronavirus vise à sauver (momentanément) un type de monde où l’on se déplace beaucoup trop, pour notre santé et celle de la Terre ; où l’on travaille de plus en plus loin de chez soi, en côtoyant au passage des milliers de gens qu’on ne connaît pas ; où l’on consomme les produits d’un commerce mondial dont l’échelle exclut toute régulation morale. Ce que les promoteurs de la géolocalisation cherchent à préserver, ce n’est donc pas d’abord notre santé, ni notre « système de santé » : c’est la société de masse. C’est même une société de masse renforcée, au sens où les individus qui la composent seront encore plus esseulés et renfermés sur eux-mêmes, par la peur et par la technologie. "

    "D’ailleurs, au premier rang de la stratégie du choc menée par le gouvernement français figure l’installation simplifiée des antennes-relais, contestées par tant de riverains et d’associations, notamment pour motifs de santé. La loi d’urgence du 25 mars 2020 permet leur déploiement sans l’accord de l’Agence nationale des fréquences. Dans le même temps, l’explosion du trafic Internet lié au confinement justifie la poursuite du déploiement du réseau 5G – c’est en Italie que les choses s’accélèrent le plus10. Alors que des scientifiques et des citoyens du monde entier s’y opposent depuis plusieurs années, la presse rabat les inquiétudes qui s’expriment à ce sujet, en différents endroits du monde, sur des thèses improbables reliant la propagation du COVID-19 aux ondes 5G. Les Gafam vont jusqu’à envisager ces derniers jours de supprimer de nombreuses publications en ligne qui alarment sur les effets de cette nouvelle étape dans l’intensification des champs électromagnétiques artificiels. Or, ces alarmes sont souvent parfaitement légitimes : d’une part parce que déployer, sans en connaître les effets, une source de pollution électromagnétique au moins deux fois supérieure à celle de tous les réseaux déjà existants est une aberration du point de vue du principe de précaution ; d’autre part parce que le danger le plus avéré du réseau 5G est qu’il doit servir d’infrastructure à la prolifération des objets connectés, des voitures automatiques et, globalement, d’une société hyperconsumériste dont les effets sociaux et écologiques sont intenables."
    "Nous n’avons pas besoin de technologies qui nous déresponsabilisent, en disant et décidant à notre place où nous pouvons aller. Ce dont nous avons besoin, c’est d’exercer notre responsabilité personnelle, pour pallier les défaillances et le cynisme des dirigeants. Nous avons besoin de construire par le bas, avec l’aide des soignants, des règles de prudence collective raisonnables et tenables sur la longue durée. Et pour que les inévitables contraintes fassent sens, nous n’avons pas seulement besoin de savoir en temps réel quelle est la situation dans les services d’urgence. Nous avons besoin d’une réflexion collective et conséquente sur notre santé, sur les moyens de nous protéger des multiples pathologies que génère notre mode de vie : les futurs virus, autant que leurs divers facteurs de « co-morbidité », tels que l’asthme, l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète et bien sûr le cancer."

    http://www.terrestres.org/2020/04/27/ne-laissons-pas-sinstaller-le-monde-sans-contact

  • Pierre et Jean. Mourrir dans les EPHAD au temps du macronat

    « Sur le visage de Pierre, un simple masque à oxygène, du style de ceux qu’on imagine vous tomber sur la tête dans un avion en cas de turbulences, sinon, deux perfusions, une à chaque bras, et enfin, à ses côtés, une machine sur laquelle apparaissait la trace lumineuse, régulière, de sa respiration. Le squelette de Pierre respire sous mes yeux. Ses yeux sont grand ouverts. Pierre marmonne quelques mots sous son masque, des mots incompréhensibles, je lui caresse la tête, je lui serre la main, je lui demande de serrer ma main en retour, il serre. Tout autour, un grand calme. Un arbre derrière la fenêtre. Je contemple les ramures de l’arbre. Je vais du squelette aux ramures, des ramures au squelette. Je pense qu’il n’y aura pas de respirateur pour lui, parce qu’on manque de respirateurs, parce que manque de place en réanimation, parce qu’il est trop vieux, parce qu’il est trop affaibli, encore une fois, comment savoir ? La dame chargée de l’asepsie m’a expliqué avant que j’entre dans la chambre que le virus attaquait les poumons, si bien que les échanges gazeux se faisaient de moins en moins bien. Je ne lui ai pas demandé pour le respirateur pour Pierre, je n’ai pas osé, son regard, le regard du médecin, je ne sais pas, je n’ai pas demandé mais j’ai pensé au respirateur qui manquait peut-être à Pierre pendant tout le temps de la visite. À partir de quand le tri des malades devient-il criminel ? À partir de quand demander aux soignants de gérer une pénurie pareille devient un crime ? »

    https://lundi.am/Pierre-et-Jean

  • « Je ne vous pardonnerai pas de laisser crever les morts. Je ne vous pardonnerai pas d’avoir blessé ma compagne. Je ne vous pardonnerai pas votre inhumanité habillée d’urgence sanitaire. Vous voulez que j’écoute les oiseaux, que je regarde les rorquals dans les calanques, vous voulez que je visionne des séries, que je lise des livres. Vous voulez que je médite sur le sens de l’existence. La voilà ma méditation métaphysique : vous êtes des chiens aveugles qui piétinez nos âmes sur l’asphalte du progrès. Vous êtes les fantômes d’un monde mortifère détruisant nos songes. Vous avez presque le monopole radical de la mort, je ne vous laisserai pas celui de la vie. »

    https://lundi.am/Je-ne-vous-pardonnerai-pas

  • « L’épidémie de corona virus nous a pris par surprise (les acteurs de réduction des risques). Rapidement, on a échangé dans nos réseaux, on s’est inquiété pour les exclus du confinement (les sdf, les migrants, les usagers les plus précaires accueillis dans les associations de réduction des risques) un réflexe issu de la lutte contre le sida. La première prise de conscience que l’Etat nous mentait a concerné les masques. On nous disait, la télévision nous répétait que ces masques servaient à protéger les autres si nous étions malades, que le commun des mortels ne savaient pas s’en servir, que nous étions des irresponsables à qui il fallait imposer une stratégie de protection de l’extérieure. Un mensonge d’Etat pour masquer la pénurie. »
    " Avec le choix du confinement, on exclu pas seulement des groupes qui sont victimes de stigmatisation, mais de large pans de la population, en commençant par ceux qui vivent dans les hébergements collectifs. (...) Les morts dans les EPHAD n’auraient pas dû me surprendre, mais ça a été un moment de bascule pour moi : la colère a suivi à l’inquiétude. Que se passet il dans les prisons, dans les hôpitaux psychiatriques ? On soupçonne, mais on ne le sais pas, on ne les entends pas. (...) Tous ceux qui vivent dans des logements exigus, ce qui réactive tous les problèmes relationnels, les violences intra-familiales, les violences faites aux femmes. (...) Tout ceux qui sont sur le front, les infirmiers, les médecins généralistes, les livreurs, les caissières, tout un peuple qui vit sous la menace de la contamination. Est ce que ces gens comptent pour du beurre ? C’est un peu le sentiment que nous avons. La lutte contre le Sida et la réduction des risques a été basée sur la responsabilité et la solidarité. Avec le confinement, c’est une stratégie diamétralement opposée qui s’impose".
    « La lutte contre le sida, comme la réduction des risques a été fondé sur deux principes :
    – il appartient à chacun de choisir comment protéger sa santé
    – il appartient à la collectivité de donner à chacun les moyens de faire ses choix, en commençant par l’information (...) et en fournissant les moyens de faire au mieux ces choix : en connaissant son statut sérologique, en fournissant les outils pour se protéger et limiter les risques de contamination.
    Cette conception de la santé publique est en rupture avec les gestions traditionnelles des épidémies qui a reposé sur l’autorité médicale avec la mise à l’écart des personnes contaminées.
    Cette conception qui allie responsabilité individuelle et solidarité collective a été imposée par la lutte contre le sida, avec la démonstration que les homosexuels pouvaient se responsabiliser et adopter le préservatif s’ils voulaient continuer à avoir des relations sexuelles avec des personnes exposées aux risques. Il en est de même avec les usagers de drogue, parce qu’il faut savoir que s’ils n’avaient pas renoncer à l’échange de seringues, il n’y aurait pas eu de réduction des risques possibles. En 1987, les seringues ont été mises en vente libre. Une année après, (...) la moitié des injecteurs avaient déjà adopter la seringue individuelle. Donc les toxicomanes par injection, a priori les plus irresponsables, suicidaires, souffrant de troubles psychologiques, eux, ils étaient capables de se responsabiliser. (...) L’appel à la responsabilité est plus efficace que la contrainte et les actions, (...) l’histoire des drogues le démontre.
    (...) Le Covid-19 19 est différent et beaucoup plus contagieux, mais était-il nécessaire de rompre avec toutes les solidarités ? (...) Nous devons tenir bon sur les principes de responsabilité et de solidarité, c’est une question de choix de société. »

    http://www.annecoppel.fr/de-la-pandemie-du-sida-a-celle-du-covid-19-entretien-avec-anne-coppel

  • « Parce que ces systèmes, si on ne les change pas, ils ne serviront pas seulement à observer notre état de santé, ils serviront à prendre des décisions à notre place, de façon automatique, afin de déterminer qui obtient tel travail, qui est en mesure de faire telles études, qui mérite un prêt, à qui peut-on louer telle maison... et qui est exclu de tout cela. Et aujourd’hui, dans cette situation d’extraordinaire appréhension, la question qui se pose à nous c’est à quoi voulons nous que ce système ressemble. Et si nous ne prenons pas la décision nous-mêmes, elle sera prise pour nous. »

    https://lundi.am/Edward-Snowden-a-1312BPM

  • « Nous sommes aujourd’hui scandalisé·e·s par ce massacre des personnes âgées, par ce manque de soins pour les corps faibles, qui a montré toutes ses limites parce qu’il n’est pas au centre de l’attention politique, parce qu’il est marginalisé et qu’il est géré suivant les logiques du profit. Face à la pandémie, on découvre, comme si cela était une nouveauté, que nous sommes tou·te·s dépendant·e·s des soins, que nous devons tou·te·s être reproduit·e·s par quelqu’un, que chacun·e d’entre nous porte la faiblesse du vivant en lui ou en elle, que seul·e·s, nous ne pouvons pas grand chose. Nous ne sommes pas des machines disponibles au travail sans conditions, les travailleur·se·s ont été les premier·e·s à faire grève pour que leur santé soit protégée avant le profit, avant même les salaires.
    Au contraire, c’est précisément cette situation exceptionnellement dramatique et sans précédent qui a mis les corps et leur reproduction au premier plan, en soulignant l’étroite relation entre la reproduction, les revenus et les services sociaux – étroite relation qui doit nous servir de programme pour la phase à venir. »
    "Les survivant·e·s doivent rester enfermé·e·s dans leur maison par stratégie d’autoprotection typique de la conception libérale d’une société d’individus isolés qui se protègent par eux-mêmes. Outre le fait qu’une absence prolongée d’activité physique et de relations sociales peut avoir de graves conséquences sur le bien-être psychophysique de chacun·e, mais surtout des personnes âgées, des très vieux et de ceux et celles qui présentent plus d’une pathologie, pourquoi considérer la catégorie des personnes âgées en bloc et non celle des personnes qui doivent être protégées, qu’elles soient âgées ou jeunes ? Pourquoi une société qui se considère civilisée délègue-t-elle l’autoprotection aux individus et ne pense-t-elle pas simplement à trouver des moyens de protéger celles et ceux qui en ont besoin ?
    De ce point de vue, avant de penser à l’isolement des personnes âgées, il serait important de réfléchir à la manière d’offrir à chacun un foyer dans lequel il puisse vivre décemment en quarantaine et même après ; on pourrait imaginer une tutelle de la santé qui implique les zones territoriales à tous les niveaux, avec des organisations de soutien à domicile et des structures de protection dans les quartiers associées à la vie du quartier lui-même ; on pourrait penser à une redistribution des revenus qui aille au-delà de la charité hypocrite des soupes populaires ou des foyers – coûteux ou caritatifs – pour personnes âgées.
    Un point de vue simple et raisonnable qui a fortement émergé lors de cette pandémie (mais qui était déjà répandu dans des luttes comme celle contre l’usine Ilva à Tarente ou, dans les années 70, pour la santé dans les usines chimiques de Marghera), est que la centralité des corps et de la vie exige de penser à la santé et à la protection de tou·te·s (et non des groupes d’âge). Si nous demandons le respect des normes sanitaires pour nous sauver, nous devons avant tout être sûr·e·s que la santé a un sens, qu’elle nous garantit le temps nécessaire à la vie, que la reproduction sociale n’est pas détachée de l’individualité des besoins."

    https://acta.zone/notes-sur-le-jour-ou-je-suis-devenue-une-vieille-personne

  • « Aujourd’hui, on se fait insulter par les grands pontes. Ils nous disent, dans 80% des cas, les gens sont guéris. Oui, mais il faut voir dans quel état. Nous, on constate qu’il faut administrer notre protocole le plus tôt possible. Trois jours après, ils vont mieux, c’est spectaculaire. Mais, encore une fois, il convient d’attendre les résultats des études en cours avant d’avoir des certitudes. »
    https://infodujour.fr/sante/33596-covid-19-et-si-tout-le-monde-setait-trompe

  • « Cela a pu advenir – et l’on touche ici la racine du phénomène – parce que nous avons scindé l’unité de notre expérience vitale, qui est toujours inséparablement corporelle et spirituelle, en une entité purement biologique d’une part et une vie affective et culturelle d’autre part. Ivan Illitch a montré, et David Cayley l’a ici [1] rappelé récemment, les responsabilités de la médecine moderne dans cette scission, qui est donnée pour acquise et qui, pourtant, est la plus grande des abstractions. Je sais bien que cette abstraction a été réalisée par la science moderne avec les dispositifs de réanimation, qui peuvent maintenir un corps dans un état de pure vie végétative. »

    Une question, G. Agamben : https://lundi.am/Une-question