• « Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble avoir pour dessein de s’éloigner du lieu où il se tient immobile. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. Tel est l’aspect que doit avoir nécessairement l’ange de l’histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Là où se présente à nous une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne les peut plus refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos, pendant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès." Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire (1940), thèse II, in Œuvres, III, traduit par M. de Gandillac et P. Rush, Paris, Folio-Gallimard, 2000, p. 434.

  • « Si la bibliothèque est comme le veut Borges un modèle de l’Univers essayons de le transformer en un univers à la mesure de l’homme ce qui veut dire aussi, je le rappelle, un univers gai, avec la possibilité d’un café-crème, et pourquoi pas, pour nos deux étudiants de s’asseoir un après-midi sur un canapé et je ne dis pas de s’abandonner à d’indécentes embrassades, mais de vivre un peu leur flirt dans la bibliothèque pendant qu’ils prennent et remettent sur les rayons quelques livres d’intérêt scientifique ; autrement dit une bibliothèque où l’on ait envie d’aller et qui progressivement se transforme en une grande machine pour le temps libre, comme le Musée d’Art Moderne de New York ou l’on peut tour à tour aller au cinéma, se promener dans le jardin, regarder les statues et manger un vrai repas ». Umberto Eco, Milan le 10 mars 1981