Lutte contre la drogue : l’état à la ramasse depuis 40 ans | Libé | 17.03.24
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La branche Aix-Marseille du Syndicat des avocats de France a déploré la persistance d’une « approche sécuritaire telle que pratiquée depuis quarante ans en France », alertant au passage sur « les dérives de l’usage d’un vocabulaire martial de façon de plus en plus courante par les acteurs publics ». « “L’Etat-spectacle” est un modèle dangereux qui confond les politiques publiques et la propagande sécuritaire »
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Pas de raison, selon [Darmanin], de changer sa ligne de conduite, alliant pilonnage des plans de lutte contre les stupéfiants pour occuper le terrain, et pénalisation accrue des consommateurs, désormais passibles d’une amende contractuelle à hauteur de 200 euros. Avec, là encore, des résultats mitigés. « Les amendes ne sont pas payées et ne seront pas payées. Le taux de recouvrement, sur lequel le ministère de l’Intérieur communique rarement, est simplement dérisoire. Un tableau du ministère de la Justice qui a circulé évoquait moins de 30 %», a pointé devant les sénateurs Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et science criminelle à l’université Paul-Valéry de Montpellier, lui aussi auditionné en décembre devant la commission. Son exposé est une démonstration clinique de l’inefficacité des politiques menées en la matière ces dernières décennies. « Ni le Parlement ni les gouvernements successifs n’ont été capables de remettre en cause leur stratégie, a-t-il rappelé aux élus. Tout fonctionne selon ce que certains auteurs appellent un système “autopoïétique”. Qu’importe que la loi soit un succès ou un échec, son existence seule suffit à en garantir la légitimité. » « Cela doit être la dixième commission ou mission sur la question des drogues, rembobine-t-il aujourd’hui. Mais renforcer la répression, ça ne marche pas ! On est en train d’utiliser les techniques de la police américaine des années 50 face à un trafic du XXIe siècle qui s’est ubérisé, digitalisé. Et nous, on continue à fonctionner avec le même logiciel complètement inadapté… On multiplie les diagnostics sur l’échec, les magistrats disent qu’ils sont démunis, les policiers qu’ils n’ont plus la main, mais on ne s’interroge jamais sur l’évaluation des politiques publiques. » Lui n’est pas très optimiste sur un changement de ligne à l’issue de l’actuelle commission. « Le Parlement vote en moyenne une loi tous les trois mois et demi sur les stupéfiants depuis cinquante ans. Quand on a un tel niveau de réponse législatif et ce résultat, à un moment il faut s’arrêter et réfléchir. Est-ce que d’autres font mieux ? Est ce qu’il y a d’autres solutions ? » Le rapport des sénateurs est attendu mi-mai.