• Le travail domestique est la matrice pour penser le travail gratuit. Réflexions sur les frontières du travail avec Maud Simonet

    par Julia Burtin Zortea et Lucie Gerber

    https://pantherepremiere.org/texte/le-travail-domestique-est-la-matrice-pour-penser-le-travail-gratui

    "Alors que la gestion de la pandémie de COVID-19 accélère les dynamiques de mise au travail de certaines catégories de population par l’État sans contrepartie financière (ou si peu), nous vous proposons la lecture de cet entretien avec la sociologue Maud Simonet publié dans le dernier numéro de Panthère Première (printemps-été 2020), paru juste avant le confinement.

    Justifié par les rhétoriques du « sacrifice national », du « civisme » et de l’ « altruisme », le recours au travail gratuit (ou quasi gratuit) des étudiant·es infirmier·es, des réfugié·es et des milliers de femmes qui cousent des masques à domicile met en lumière un phénomène structurel. Pour comprendre les logiques à l’œuvre, la sociologue Maud Simonet, auteure de l’ouvrage Travail gratuit : la nouvelle exploitation ? (Éditions Textuel, 2018) propose de revenir à la critique féministe du travail domestique."

    #travail_gratuit #travail_domestique #état #maud_simonet

  • La légende de Caedmon (Records)
    Quand les oeuvres littéraires entraient dans les foyers

    par Fanny Quément

    https://pantherepremiere.org/texte/le-legende-de-caedmon-records

    "Fondé à New York en 1952 par Barbara Holdridge et Marianne Mantell, le label tire son nom de cette figure, emblématique aussi bien de l’inspiration poétique que du passage problématique de l’oral à l’écrit : les disques Caedmon, appelés « disques de diction » ou de « spoken word », proposaient d’écouter des voix nues, souvent celles de grands noms de la littérature dont on pouvait ainsi découvrir le timbre, les cadences et les inflexions. Plus particulièrement, le catalogue des premières décennies fait la part belle à la poésie avec Dylan Thomas, Gertrude Stein, Robert Frost, Marianne Moore, E. E. Cummings et bien d’autres. Ces disques rencontrèrent un véritable succès chez les anglophones, auprès d’un public socialement varié, en particulier dans les années 1960 et 1970. Pour celles et ceux qui connurent ces décennies, le nom de Caedmon peut évoquer des souvenirs intimes – quelques disques sur une étagère, des moments d’écoute marquants, « Dylan à fond et plus une goutte de Bushmills », écrit Seamus Heaney. En 2002, le cinquantième anniversaire du label donna lieu à de nombreux articles de presse qui commémoraient la « légende » de Caedmon, la success story de deux femmes émancipées dont l’esprit entrepreneurial servait la démocratisation de la littérature. La réalité était plus complexe."

    #son #littérature #spoken_word #label #féminisme #poésie

  • Nous toutes...

    Moi femme et journaliste de terrain
    Par Emma Audrey – Derrière la caméra

    Merci à Emma pour ce terrible et courageux témoignage. Enormes pensées pour toutes les femmes photographes avec qui j’ai échangé ces dernières années. Et toutes les autres que je ne connais pas.
    Énormes regrets aussi quand aux nombreux « chouettes » collegues qui ne se mouillent pas, qui ne comprennent pas ou, pire, qui refusent de voir tant l’agressivité et l’attaque sont considérés comme des qualités professionnelles. J’ai finalement, tristement, fait le choix de ne plus m’organiser avec eux.
    #Sororité vitale.

    http://emma-audrey.fr/moi-femme-et-journaliste-de-terrain

    Quand on écrit ce genre de billet, c’est toujours un peu le cœur serré car on est tellement conditionnées à ne pas exprimer ces choses là. Et c’est aussi du domaine de la thérapie. Détailler des événements traumatisants, revient à les revivre. Et quand on a été traumatisée par des violences de ce type, c’est rare qu’on veuille revenir dessus. Dans mon cas, je commence à peine à me relever des agressions subies, mais le chemin de la guérison est long.

    #sexisme #machisme #predation_sexuée

  • A lire sur Panthère Première :

    À quatre pattes sous les mobil-homes
    Usure et aplomb au camping

    par Xavier Bonnefond

    https://pantherepremiere.org/texte/a-quatre-pattes-sous-les-mobil-homes

    "Responsable technique, Francis raconte ses années passées à faire tourner un camping devenu « village vacances ». À mesure que le management s’immisce dans les « infrastructures de tourisme », le corps de Francis s’use et refuse."

    #management #travail #maladie_professionnelle #camping

  • Les caisses de #grève : une arme décisive… mais contestée –

    CONTRETEMPS
    http://www.contretemps.eu/caisses-greve

    Depuis le 5 décembre dernier et le début de la grève contre la réforme des retraites, les caisses de grève sont un des aspects les plus visibles et les plus débattus de la lutte en cours : les articles à ce sujet se multiplient dans la presse, de nouvelles caisses locales fleurissent tous les jours, et rares sont les AG qui n’abordent pas le sujet d’une manière ou d’une autre.

    #retraite #mouvement_social

    • Que nous dit la multiplication des caisses de grève[1] sur la nature du mouvement en cours ? Au-delà des montants récoltés, le foisonnement des caisses locales donne une indication politique importante : en ce moment, et pour la première fois depuis longtemps, des centaines de milliers de grévistes de divers secteurs cherchent le moyen de « tenir ». Ce foisonnement exprime avant tout leur forte détermination. Quant à l’échelle choisie (celle du dépôt, de la gare, de l’école), elle indique leur volonté de prendre en main leur grève jusque dans ses aspects financiers, en contrôlant par eux-mêmes l’allocation des fonds récoltés. Mais dans la plupart des cas, le lancement d’une caisse locale se résume à ouvrir une cagnotte en ligne et à attendre que les dons affluent, en se contentant de relayer l’initiative sur les réseaux sociaux. Ces caisses sont donc relativement passives et confidentielles, et se retrouvent même souvent en concurrence entre elles : pour toutes ces raisons, elles dépassent très rarement quelques centaines d’euros.

      Ce foisonnement local, avec ses qualités et ses limites, constitue en partie une réponse au vide laissé par les structures syndicales nationales : aucune confédération ne semble accorder la moindre importance à la solidarité financière avec les grévistes (en dehors de la CFDT, mais son rapport à la grève est pour le moins distant…). Si les confédérations syndicales impliquées dans la grève faisaient preuve de la même détermination que les grévistes, par exemple en y dédiant une partie de leurs colossales ressources financières et en annonçant publiquement la mise en place d’une caisse de grève nationale interprofessionnelle, il y a fort à parier que l’effet serait non seulement électrisant pour les grévistes, mais aussi dévastateur pour le gouvernement !

    • parmi les caisses existantes, il en existe une qui pourrait incarner ce pôle d’attraction : celle lancée en 2016 par la CGT InfoCom. C’est la plus massive (500 000 euros disponibles actuellement et plus d’un million d’euros récoltés depuis 2016) et la seule à se donner un champ d’intervention interprofessionnel. Elle a aussi la particularité de chercher à dépasser les frontières syndicales : cogérée par trois structures différentes (CGT InfoCom, CGT Goodyear, SUD Poste 92), elle a également indemnisé des grévistes de toutes étiquettes et des non-syndiqués. Enfin, sa gestion est particulièrement transparente, grâce à une Charte de fonctionnement et à des bilans réguliers.

      https://www.lepotcommun.fr/pot/solidarite-financiere

  • “Premières de corvée” : le livre qui donne la parole aux travailleuses domestiques - Les Inrocks
    https://www.lesinrocks.com/2019/08/16/livres/livres/premieres-de-corvee-le-livre-qui-donne-la-parole-aux-travailleuses-domes

    Dans votre livre, on découvre que la France n’a pas ratifié la convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail, qui vise à protéger les travailleur·se·s domestiques. Pourquoi ?

    Cette convention non-contraignante mentionne l’accès à la santé au travail. Si la France s’engageait à mieux protéger la santé des travailleuses domestiques, il faudrait, par exemple, revenir sur le mouvement d’allègement de la médecine du travail, qui va de pair avec la libéralisation du marché de l’emploi. Pour les travailleuses domestiques, la santé au travail est pourtant centrale : elles souffrent de problèmes de dos ou du syndrome du canal carpien, propre à de nombreuses professions féminisées, et inhalent régulièrement des produits chimiques. En règle générale, la pénibilité des emplois féminins est beaucoup moins reconnue par les autorités.

    #ménage #travailleuses #exploitation #emploi_domestique

  • LE LIGNE DE COULEUR DE W. E. B. DU BOIS – Éditions B42
    REPRÉSENTER L’AMÉRIQUE NOIRE AU TOURNANT DU XXe SIÈCLE
    Aldon Morris, Britt Rusert, Mabel O. Wilson, Silas Munro, Whitney Battle-Baptiste

    "En 1900, lors de l’Exposition universelle de Paris, le célèbre sociologue et militant W. E. B. Du Bois présenta une série de données statistiques dans le but de promouvoir les progrès socio-économiques des Africains-Américains depuis l’abolition de l’esclavage. Les graphiques, diagrammes et cartes exposés rendent compte de leurs conditions de vie et illustrent, littéralement et symboliquement, ce que Du Bois appelait « la ligne de partage des couleurs ». De l’accès à l’éducation aux traces laissées par l’esclavage, ces représentations graphiques – dont le design est aussi remarquable que le contenu saisissant – restituent de nombreux aspects du quotidien des Africains-Américains au tournant du XXe siècle."

    https://editions-b42.com/produit/le-ligne-de-couleur-de-w-e-b-du-bois

    #graphique #esclavage #ségrégation_raciale

  • Panthère Première » L’horizon sans les hommes

    Et si la lutte contre les inégalités entre hommes et femmes passait non pas par une redistribution des ressources, mais par une remise en question directe des fondements socio-culturels de la masculinité et de la féminité ?

    par #Mélusine

    "Je ne crois pas en l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans le discours autorisé, la revendication d’égalité tient aujourd’hui lieu d’abrégé consensuel des luttes féministes, devenue à la fois l’objectif institutionnel des politiques publiques et le slogan résumant — et limitant — les exigences émancipatrices des femmes. Elle a cela de confortable qu’elle paraît seulement exiger la réalisation effective d’un principe politique et philosophique dont la légitimité est depuis longtemps reconnue, inscrite aux frontons des codes et des bâtiments. Toute la radicalité potentielle d’une telle exigence, jamais nulle part réalisée, s’éteint pourtant dans ce vocable figé. Que voudraient donc les femmes ? L’égalité avec les hommes : rien de trop, rien de plus qu’avoir ce qu’ils ont, rien de plus que faire ce qu’ils font. Cette revendication n’est pas seulement timide, elle n’a aucun sens : elle contient une impossibilité logique qui se révèle lorsqu’on se demande sérieusement ce que recouvre chacune des deux catégories qu’on prétend faire s’équivaloir, celle des hommes et celle des femmes. En effet, toute l’énergie performative du monde ne permettrait pas d’inscrire un signe égal entre des valeurs intrinsèquement dissemblables. L’égalité hommes-femmes est une contradiction, un oxymore qui n’a aucun espoir de réalisation : parce qu’il ne peut exister ce qu’on appelle aujourd’hui « des hommes », et qu’ils soient les égaux de celles qu’on appelle « des femmes »."

    https://pantherepremiere.org/texte/lhorizon-sans-les-hommes

    #féminisme #inégalités #masculinité #genre

    • Marc, effaré : alors à travail égal salaire égal on devrait s’en foutre ? Allez racontez çà à la caissière du supermarché à temps partiel qui se tape 4 heures de RER tous les jours pour venir vous servir à Paname et élever toute seule ses deux gosses au fond du 93 !

    • À propos de la notion de privilège, au moment où elle sert de support à des actes de contrition publique aux USA suite au meurtre de George Floyd par la police.

      Partager ou abolir, il faut choisir

      Cet horizon trompeur nous amène à croire que c’est par le partage qu’on pourra parvenir à cette égalité fantasmée. Partage de leurs privilèges et partage de nos fardeaux, grande redistribution générale entre hommes et femmes où, chacun·e faisant et recevant autant que l’autre, tou·tes pourraient vivre enfin en bonne intelligence. Cette idée paraît sensée lorsqu’on énumère les choses en quantité limitée qu’ils possèdent en surnombre parce qu’à nos dépens : salaires et patrimoine3, opportunités d’emploi et postes à responsabilité4, exposition médiatique et mandats publics5, mais également temps de loisir et liberté d’esprit6.

      S’il est possible de vouloir partager avec eux ces avantages, il est moins évident d’imaginer partager nos servitudes. L’exemple du travail domestique est éclairant. Christine Delphy, théoricienne de l’exploitation économique des femmes, définit le travail domestique comme un travail réalisé pour autrui (et surtout, pour son conjoint) de manière gratuite : peut-on dès lors souhaiter son partage ? Souhaiter mieux partager le joug pour amoindrir son poids ? Delphy propose une solution plus radicale : elle refuse de considérer les tâches ménagères comme le lot commun du couple qu’il s’agirait de partager plus ou moins équitablement entre les partenaires. Elle propose au contraire de rétablir l’autonomie de ces dernier·es afin que, chacun·e prenant en charge ses besoins, aucun·e ne travaille plus pour l’autre. Dès lors, le partage dans le couple n’a de sens que pour l’entretien nécessaire des éventuels enfantset des personnes dépendantes : il ne concerne jamais le couple cohabitant sans personne à charge. Du travail domestique (pour, ou plutôt à la place d’autrui), elle dit : « ce n’est pas son partage que l’on doit viser, mais son abolition7 », et de ces mots on pourrait plus largement s’inspirer : non pas tenter de répartir les poids et les gains inhérents au système patriarcal, mais s’attaquer à la balance.

      Or, que l’on parle de genre, de classe ou de race, on envisage aujourd’hui principalement le rapport de domination comme une répartition inégale de biens, de capitaux, de statuts, de dispositions — des ressources donc, que chacun·e posséderait à parts inégales et qu’il serait possible de distribuer autrement. À ces ressources, nous avons donné un nom, devenu commun dans le langage militant, celui de « privilèges ». Il permet de désigner l’ensemble des bénéfices dont les membres du groupe dominant sont susceptibles de profiter : gagner plus d’argent, ne pas se faire agresser, avoir confiance en soi, être considéré·e comme un·e individu·e, obtenir du respect ou un emploi, jouir de droits fondamentaux, etc. — autrement dit, « un paquet invisible d’avantages immérités8 », dont l’expérience est quotidienne et bien souvent inconsciente. C’est un terme utile, en ce qu’il étend le champ du dicible, incluant des bénéfices de toute nature et traquant la domination jusque dans les espaces les plus intimes. Il a, par ailleurs, une force évocatoire certaine : les privilèges sont toujours injustes, et c’est bien pour ça qu’on les abolit. Enfin, cette notion permet une approche parallèle du fonctionnement des systèmes de domination : il y a des privilèges masculins, des privilèges blancs, des privilèges hétérosexuels, etc., détenus par des groupes dominants, aux dépens de groupes dominés.

       

      Être et avoir

      Pourtant, la notion de privilèges porte les mêmes obstacles que celle d’égalité hommes-femmes : toutes deux reposent sur l’idée qu’il y aurait des ressources (matérielles, symboliques, affectives, etc.) qui pourraient être mieux réparties. Autrement dit, qu’il pourrait exister, hors du rapport de domination dans lequel ils sont pris, un groupe « hommes » et un groupe « femmes » (des « blanc·hes » et des « racisé·es », des « bourgeois·es » et des « prolétaires », etc.), qui auraient pu — et pourraient donc — vivre en égaux, mais qu’un processus socio-historique contingent et malheureux aurait rendus inégaux. Parler de privilèges implique de penser le sujet — dominant ou dominé — comme précédant l’exercice de la domination, de supposer l’existence d’un être masculin préexistant à la minoration des femmes9 : qu’il y ait donc eu des hommes et, indépendamment, qu’ils aient eu des privilèges. Peut-être la naturalisation des différences entre les sexes est-elle si résistante qu’elle empêche de saisir immédiatement la difficulté. Elle apparaît plus claire, transposée au système raciste : l’idée que les privilèges seraient simplement détenus, et non incarnés, laisse entendre que le groupe blanc et les groupes racisés auraient une existence autonome, qu’ils ne seraient pas seulement le produit de processus d’altérisation et de racisation, mais leur préexisteraient et pourraient continuer à exister indépendamment d’eux, indépendamment du racisme. Que le sujet dominé ne serait finalement pas le produit d’un processus de domination (de classe, de race, de genre), mais qu’il aurait une essence particulière, en dehors de l’histoire de sa minoration et de son exploitation.

      Parler des choses qu’on a, et non des choses qu’on est, empêche donc de remettre en question l’existence même des catégories. Pourtant, comment pourrait-on imaginer l’existence d’hommes sans privilèges ? Comment pourrait-il y avoir des hommes sans que n’existent la virilité, la paternité, la valorisation de la puissance et de la force, la violence physique, l’hétérosexualité et le foyer ? Qu’est-ce qui ferait la spécificité des hommes s’ils n’étaient pas censés être plus forts, plus grands, plus intelligents, plus indépendants, plus inventifs, plus égoïstes, moins tendres, moins coquets, moins bons cuisiniers, plus employables, plus responsables, mieux payés, plus aptes au commandement et au combat que les femmes ? En réalité, il ne reste rien de la masculinité, une fois évacué ce qu’elle nous enlève et nous prend, ce dont elle nous exclut et à quoi elle nous force. Par masculinité, j’entends non pas la « nature masculine » — ce que seraient les hommes par nature et de tout temps —, non pas la « virilité » — l’expression dominatrice et violente de ce que devrait être un homme —, mais bien l’ensemble des principes, valeurs, pratiques, représentations, manières d’être, de penser, de bouger et de faire, associées aux hom­mes. Cette masculinité a évidemment des expressions plurielles, elle est toujours médiée par les autres dimensions de la position sociale des individus. Toutes les manières d’être homme ne se valent pas, mais même celles qui font l’objet d’une sanction sociale participent à l’asymétrie du système patriarcal en ce qu’elles tracent la ligne de ce qui devrait être à eux et ne pourrait vraiment être à nous. Ceux qui ne sont pas de « vrais hommes » jouent en quelque sorte le rôle de frontière vivante de leur classe : parce qu’ils sont punis d’adopter des pratiques jugées inadaptées à leur sexe, ils ne sont pas hors des grilles du genre mais participent, à corps défendant, à sa structuration.

      En finir avec la masculinité, ce n’est pas refuser aux femmes de s’approprier des traits jugés masculins, mais au contraire brûler les étiquettes. C’est pourquoi on ne pourrait se contenter d’une simple réforme : les hommes peuvent bien développer leur sensibilité, mais tant que cette disposition sera « féminine », elle n’aura pas de valeur. Elle sera à la fois le signe et la justification d’une minoration des femmes qui en font preuve et sont bien comme on dit qu’elles sont, des femmes qui n’en font pas preuve et à qui il manque quelque chose, des hommes qui en font preuve et qui, se féminisant, avilissent un peu leur classe. Si les comportements de genre alternatifs ou subversifs sont une pratique politique émancipatrice et l’une des voies vers la destruction des groupes de sexe, c’est bien celle-ci qui doit servir d’horizon : la fin du système cohérent du genre qui, en classant des attributs, classe les individus.

      En réaffirmant une approche fondamentalement constructiviste du genre10, on s’oblige donc à réévaluer à la hausse les objectifs de la lutte féministe. Comme il n’est plus question de ressources — qu’il serait possible de distribuer équitablement entre des groupes —, mais bien de l’existence de groupes dont la spécificité même repose sur leur accès inégal aux ressources, c’est aux catégories qu’il faut s’en prendre et au principe qui les produit. De la même manière qu’on ne pourrait songer à former le projet politique d’une « égalité bourgeois·es-prolétaires », de même, racisée, je ne peux pas souhaiter être l’égale des blanc·hes : je veux que soit détruit le principe de distinction qui nous sépare et me minore. Je veux que les catégories raciales perdent tout sens et toute réalité, qu’elles ne disent plus rien des individu·es qu’elles prétendent contenir, définir et enfermer : ni de ce qu’elles sont ou de ce qu’ils devraient être, ni de leurs conditions matérielles d’existence, ni de leurs expériences sociales et intimes. Féministe, que pourrais-je donc souhaiter d’autre qu’un horizon sans hommes ? Car tant qu’il y aura des hommes, il y aura des femmes : des mortes, des exploitées, des humiliées.

       

      L’impossible déconstruction personnelle

      L’autre écueil de la notion de privilège réside dans les pratiques militantes qu’elle encourage. Prendre conscience que l’on appartient à un groupe dominant, c’est-à-dire que l’on aurait des privilèges, est aujourd’hui souvent considéré comme un jalon nécessaire à la démarche militante, en particulier féministe et antiraciste. Le propre de ces privilèges étant qu’ils sont pour la plupart inconscients — avantages ignorés dont jouissent les gens normaux et qu’ils et elles n’imaginent même pas usurper à d’autres —, les mettre en lumière permet en effet de dénaturaliser la position de neutralité propre au groupe dominant, en comprenant que, pour que certain·es soient discriminé·es, il en faut d’autres qui en tirent avantage.

      Mais après ce premier pas, on est souvent tenté d’en faire un second : affliction face à une position imméritée, volonté de rendre des privilèges indus et conviction qu’il est possible, à force d’efforts, de déconstruire son appartenance au groupe dominant11. Or, nous l’avons vu, la domination n’est pas affaire de privilèges dont on pourrait se séparer, mais d’une position de pouvoir qu’on incarne dans son être et jusque dans sa chair. On ne peut cesser d’en être, même avec toute la bonne volonté du monde. Dominant, on est aussi coincé que le sont les dominées : comme on ne peut s’enfuir d’être une femme — c’est-à-dire d’être assignée à un rôle et réduite à des conditions d’existence matérielles spécifiques, desquelles on ne peut que se débattre12 —, on n’abandonne pas ses privilèges d’homme en prétendant demeurer homme. Ces derniers relèvent en effet bien peu de la volonté individuelle, en ce qu’ils déterminent notre position sociale, l’ensemble des interactions quotidiennes, des trajectoires et des capitaux auxquels on peut prétendre et des dispositions qui sont les nôtres. Et il n’existe aucune île sanctuaire dans l’océan patriarcal, ni celle du couple, ni celle du for intérieur, jamais imperméable au monde social et façonnée jusque dans ses replis les plus intimes par l’assignation du genre. Indignation, honte et dégoût ne pourraient rien y faire : la poursuite d’une rédemption morale personnelle est vouée à l’échec. J’oserais même dire qu’elle témoigne d’une préoccupation nombriliste — un nouveau privilège, peut-être, à inscrire à la liste.

       

      Pour une théorie du genre et de son abolition

      Hommes et femmes — et quand je dis « hommes », quand je dis « femmes », je parle de tout ce que charrient ces mots, des robes à rubans jusqu’au chef de famille, de l’instinct maternel à l’odeur du musc — ne sont pas des catégories innées et nécessaires. Mais elles n’ont rien, non plus, de catégories fictives, qu’une simple volonté personnelle suffirait à dissiper. Masculinité et féminité ne sont que des constructions, mais leur réalité sociale est puissante et tenace : « Cela n’existe pas. Cela pourtant produit des morts13 ». Dépasser l’objectif insensé d’une possible égalité entre hommes et femmes, c’est donc prendre au sérieux la réalité matérielle du genre, définitivement et violemment binaire, c’est prendre toute la mesure de l’emprise qu’il exerce sur les individu·es qu’il distingue et hiérarchise. C’est comprendre qu’il n’est pas un principe distributeur de ressources et de privilèges, mais un principe producteur de distinction d’êtres. Et c’est pour cela que le féminisme ne peut se réduire ni à une politique publique d’égalité, ni à une démarche personnelle de déconstruction, puisqu’il s’agit bien de collectivement transformer les modes d’existence.

      On voit mal dès lors comment concevoir la fin du patriarcat sans la disparition des hommes — et donc celle des femmes. L’ambition paraît folle, elle consiste en la destruction systématique de l’ensemble des distinctions sociales qui font le genre. Celles des inégalités matérielles de droit et de ressources, qui font les femmes mineures et dépendantes. Celles des rôles assignés et obligés ; des dispositions de corps, qui enferment les femmes et les font petites ; et d’esprit, qui les font pratiques et conciliantes. Celles du rapport au pouvoir, à la violence, à l’autre et à son intégrité, qui fait les mortes, les battues et les violées, les tueurs, les cogneurs et les violeurs. Celles des images, des mots, des évidences, de toutes les choses qui font les hommes hommes et les femmes autres. Le féminisme ne pourrait se contenter de slogans consensuels ; ce n’est pas dans le consensus qu’on met à bas des civilisations. Car c’est bien après l’éducation, les arts, le marché, le langage, les institutions politiques et sociales, la famille, le droit, l’amour et la vie quotidienne que nous en avons. ✺

      #privilège

  • #Petits_chefs 1/2 : les repentis
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/petits-chefs-12-les-repentis


    Hatice et Frédéric ont été des petits chefs incompétents, autoritaires, pervers ou perdus.
    • Crédits : Isabelle Rozenbaum / Alto Press - Maxppp

    Ils reviennent aujourd’hui sur ces méthodes de management qui faisaient pleurer leurs subordonnés.

    –---

    Petits chefs 2/2 : les victimes
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/petits-chefs-22-les-victimes


    Charlotte, Anne et Pascal ont vécu des relations singulières avec leurs managers.
    • Crédits : © Phanie Garo - AFP

    Trois histoires de petits chefs incompétents, autoritaires, pervers ou perdus. Au choix.

    #harcèlement #violence #travail #entreprise #management

  • Inégalités : « La réforme des retraites pénalisera encore plus les femmes » – Le blog de Christine Delphy
    https://christinedelphy.wordpress.com/2019/12/11/inegalites-la-reforme-des-retraites-penalisera-encore-plu

    Mais l’écart de pensions entre les femmes et les hommes reste très important, il amplifie les inégalités de salaires. Tous régimes confondus, il est de 42% pour les pensions de droit direct, contre 24% pour les salaires. Les femmes sont contraintes de partir en moyenne plus tard à la retraite que les hommes, elles subissent plus souvent la décote du fait de carrières trop courtes. Leur pension, trop faible, est plus souvent rehaussée par un dispositif de minimum de pension.

    Dans un régime par points, en effet, la pension doit refléter au plus près la somme des cotisations versées au long de la vie active. C’est une logique d’individualisation. En prenant en compte toute la carrière au lieu des vingt-cinq meilleures années pour le régime général ou des six derniers mois pour la fonction publique, un tel régime ne peut que faire baisser le niveau des pensions pour de nombreux et nombreuses fonctionnaires, et pour toutes les personnes aux carrières heurtées, d’abord des femmes. Il intègre en effet les plus mauvaises années dans le calcul de la pension, alors qu’elles en sont actuellement exclues. Chaque période non travaillée, à temps partiel, en congé parental, au chômage, ou mal rémunérée, fournit peu ou pas de points : autant de manque à gagner pour la pension.

    Concernant les droits familiaux, ce que propose le rapport Delevoye est, en tout et pour tout, une majoration de pension de 5% par enfant, attribuée au choix du couple à l’un ou l’autre, ou par moitié à chaque parent. Cette proposition remplacerait à la fois l’actuelle majoration de 10% pour trois enfants attribuée à chacun des parents, et les majorations de durée d’assurance attribuées aux mères pour chaque enfant, qui sont, elles, supprimées !

    On peine à croire que ce système serait plus avantageux pour les femmes. On peut au contraire craindre que les couples préfèrent attribuer la majoration aux pères du fait de leur pension plus forte. Que se passera-t-il pour les femmes en cas de séparation du couple ?

    Eh bien madame, il ne fallait pas quitter votre mari ! Et il fallait lui mitonner de bons petits plats (et de bonnes petites pipes), accepter de se prendre des torgnoles de temps en temps pour qu’il reste !
    L’individualisation du revenu et de la fiscalité des femmes est une nécessité !

    Avec le nouveau calcul, de nombreuses personnes aux pensions pourtant modestes percevraient, lors du décès de leur conjoint, une pension de réversion bien plus faible qu’aujourd’hui. Or la réversion représente aujourd’hui en moyenne le quart de la pension des femmes (et une part négligeable de celle des hommes) ; 90% de ses bénéficiaires sont des femmes.

    Tribune parue initialement dans Le Monde du 28 novembre 2019
    #retraites #femmes #travail

    • Tribune d’…un collectif de seize femmes – syndicalistes, féministes et économistes – dénonce l’aggravation des inégalités de pensions entre hommes et femmes qu’engendrerait un système de retraite par points.

      Agathe, collectif Nos retraites ; Ana Azaria, présidente de Femme égalité ; Sophie Binet, pilote du collectif femmes Mixité de la CGT ; Claire Charlès, secrétaire générale les Effrontées ; Ismahane Chouder, Collectif des féministes pour l’égalité ; Sigrid Gérardin, secrétaire nationale FSU ; Cécile Gondard Lalanne, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires ; Bernadette Groison, secrétaire générale FSU ; Murielle Guilbert, secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires ; Sabina Issehnane, pour les Economistes atterrés ; Christiane Marty, pour la Fondation Copernic ; Céline Piques, porte-parole d’Osez le féminisme ! ; Suzy Rojtman, porte parole du CNDF ; Sabine Salmon, présidente nationale de Femmes solidaires ; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac ; Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT.

  • Le lacrymo et les 1 % | Anna Feigenbaum
    http://www.contretemps.eu/petite-histoire-gaz-lacrymo-feigenbaum

    « Une préoccupation fondamentale traverse le débat sur le gaz lacrymogène : quelle est la relation entre le profit financier et la violence policière ? » D’abord utilisé sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, le gaz lacrymogène fut peu à peu intégré, non sans entorses aux conventions internationales, à la panoplie du maintien de l’ordre civil aux États-Unis puis dans l’Empire colonial britannique et, enfin, partout dans le monde. Il a fini par jouer, dans le raidissement du contrôle social, un rôle central, qui en fait l’un des piliers des pouvoirs établis ainsi qu’un fructueux produit pour l’industrie de l’armement. Source : (...)

  • Panthère Première » Luta ca caba inda / La lutte n’est pas finie

    Filipa César et les archives de la guerre d’indépendance en Guinée-Bissau

    En quarante ans, les pellicules des films du mouvement de libération de Guinée-Bissau ont réduit comme peau de chagrin. « Sans intérêt », selon la cinémathèque portugaise. L’artiste Filipa César y voit au contraire une matière vivante à bouturer dans les trous de la mémoire collective.

    https://pantherepremiere.org/texte/luta-ca-caba-inda-la-lutte-nest-pas-finie

    Par Alice Leroy

    #archives #guerre_d'indépendance #guinée-bissau #mémoire

    • L’algorythme de youtube m’a fait enchainé la video ci dessus avec la suivante :
      Quand les gendarmes doivent sauver les enfants
      https://www.youtube.com/watch?v=3wAIm7g_FJk


      A partir de 46 minutes il y a l’histoire d’une petite fille de 8 ans et c’est un défilé des clichés dénoncé par la video précédente. Le plus terrible est d’apprendre que cette cellule de gendarmerie « spécialisé » dans les violences faites aux enfants est la seule de France et serait en pointe... une pointe plutot un gouffre. Le pire est à la fin lors de la « perquisition » organisé après que la belle-mère et le père aient eu le temps de faire disparaitre les rares preuves susceptible d’etre reconnu par cette parodie de justice.

  • Médecins du monde : « La grève des urgences, signe d’une dégradation généralisée de l’accès aux soins »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/17/medecins-du-monde-la-greve-des-urgences-signe-d-une-degradation-generalisee-

    <b>Tribune</b>. La grève des personnels de santé travaillant dans les services d’urgence des hôpitaux partout en France était prévisible. Ce mouvement, …

  • Et un autre article à lire ou relire, extrait de notre dossier consacré aux réflexions alternatives sur l’héritage.

    Matière à vies collectives
    Voyage à Muche : conditions, usages et enjeux d’une expérience d’ancrage

    https://pantherepremiere.org/texte/matiere-a-vies-collectives

    Comment une expérience concrète de vie communautaire, passant notamment par la propriété collective, intègre-t-elle la question des disparités économiques des membres qui y prennent part ? De la famille « biologique » à la famille politique, comment se réorganise la solidarité matérielle ? En février 2018, plusieurs membres d’une communauté politique composée d’une soixantaine de personnes ont pris le temps de revenir sur leur installation dans le village de Muche en abordant plus précisément les enjeux collectifs, notamment matériels, auxquels ils et elles font face.

    #héritage #patrimoine #communauté #solidarité

  • Ordre successoral et inégalités de genre
    Inventaire alphabétique du patrimoine

    https://pantherepremiere.org/texte/ordre-successoral-et-inegalites-de-genre

    Dès lors qu’une famille possède du patrimoine, comment et à qui est-il transmis ? Un acrostiche critique qui montre que les arrangements patrimoniaux se font encore largement au détriment des femmes.

    P comme (le nom du) Père

    A comme Aînesse

    T comme Terres productives

    ...

    par #Sybille_Gollac #Céline_Bessière

    #patrimoine #héritage #genre #discrimination

  • Les fautes du cantonnier Rabito
    Éditer et traduire une œuvre « brute ». Questions de déplacements

    https://pantherepremiere.org/texte/les-fautes-du-cantonnier-rabito

    "Comment transmettre une œuvre contrevenant involontairement aux conventions linguistiques ? En plaçant la faute d’orthographe au centre de la réflexion, la traductrice française de l’autobiographie de Vincenzo Rabito confronte expression populaire et inventivité langagière aux jugements littéraires."

    Par #Laura_Brignon

    Thèmes : #orthographe #traduction #langue #littératurebrute

  • Représentation(s) des femmes dans le jeu vidéo - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=7GgdbzgEyj0

    Le 15 juin, la Cité des sciences et de l’industrie a invité le public à s’interroger sur l’évolution de la place de la femme dans l’univers vidéoludique. Les femmes, aujourd’hui, représentent en effet la moitié des joueuses. Valorisant la mixité et la diversité des profils dans l’industrie du jeu vidéo, des chercheuses, des créatrices et des développeuses sont venues dans l’e-Lab partager avec le public leurs expériences et donner leurs conseils à celles et ceux qui souhaitent en faire leur métier. La conférence aborde le traitement de l’image des femmes dans le jeu vidéo allant des rôles des personnages à l’hypersexualisation graphique.

    Intervenantes Sophie Krupa : Directrice de publication de JV le mensuel de la culture du jeu vidéo Nat’Ali : Streameuse de jeux vidéo Marie-Eline Guillet : Psychologue clinicienne et chercheuse Chloé Desmoineaux : Artiste, curatrice La table ronde est modérée par Peter Pescari, chargé de médiation jeux vidéo

    Je trouve que c’est une redite du travail de Mare_lard en moins fouillé et moins incisif et sans la cité. Le présentateur explique que aujourd’hui les genres sont déconstruits car les hommes peuvent être féminins grâce aux LGBT++
    Au niveau du contenu c’est principalement sur Bayonetta qui serait un exemple d’hypersexualisation positive.

    #genre #libéralisme

  • « 160 000 »
    Les footballeuses à l’assaut du stade
    https://pantherepremiere.org/texte/160-000

    par#MickaëlCorreia

    #foot #footféminin #sexisme

    160 000. C’est le nombre de footballeuses adhérentes à la Fédération française de football (FFF). Une goutte d’eau dans un océan mâle de deux millions de licenciés. Contrairement à l’Amérique du Nord où la moitié des huit millions de footballeurs sont des footballeuses, la vieille Europe, et encore plus la France, relègue le foot féminin sur le banc de touche. Le sexisme et le conservatisme d’une institution sportive dirigée en très grande majorité par des hommes, le fait que le foot incarne depuis ses origines un bastion de la masculinité ainsi que les enjeux de pouvoir autour du sport roi sont les raisons habituellement avancées pour expliquer cette disqualification. Mais le statut marginal du foot féminin se comprend également au regard de l’histoire de sa pratique dans l’Hexagone.

  • Panthère Première » HP, l’ère du vide
    https://pantherepremiere.org/texte/hp-lere-du-vide

    par Sila B.

    Dans l’unité fermée où les patient·es passent 24h/24 pendant des semaines, parfois des mois, se trouvent leurs chambres, des chiottes, des douches, des bureaux pour les consultations (avec un psychiatre, deux internes et une psychologue) et pour les infirmières, ainsi qu’un « lieu de vie ». Pas franchement conviviale, cette grande pièce évoque plutôt des bureaux. Une partie est dotée de tables à tout faire dont la principale activité : manger trois fois par jour. Dans un coin, une télévision reste toujours branchée sur TF1 et la clope est autorisée à l’intérieur – c’était dans les années 2000. Regarder Le maillon faible avec des gens qui vont mal et à qui la famille n’a pas pu ou voulu payer de meilleurs soins dans une clinique privée, voir l’animatrice humilier le maillon faible et les pubs qui défilent où il n’est question que de beaux cheveux, d’intérieurs bien tenus et d’automobiles filant dans des décors de cinéma. Regarder la télé et éprouver l’ennui absolu d’une discussion entre « cas psy » comme moi. L’administration n’a pas prévu de nous faire faire un tour dehors, en plein air, ni une activité physique ou créative qui donne un peu de plaisir et de fierté – ou qui, tout bêtement, maintienne dans une santé physique correcte. Maillon faible tu es, maillon faible tu resteras, avec un peu plus de gras autour du bide et des muscles atrophiés. Nous faisons l’objet d’injonctions contradictoires : il faut s’habiller avec ses propres vêtements et ne pas rester en pyjama mais les fringues sales mettent dix jours à revenir de la buanderie ; il faut passer la ma­tinée en-dehors des chambres mais il n’y a rien à faire dans les parties communes.

    #psychiatrie #HP #handicap #dépression #exclusion

    • #revenu_garanti

      À ma sortie, je reçois l’allocation adulte handicapé·e (AAH) qui me permet de poursuivre mes études jusqu’à un master pro, puis de chercher un boulot sans me mettre la pression, puis de me démotiver car me contenter de ce petit revenu est plus facile que de me confronter à la nécessité de gagner ma vie. J’occupe mon chômage par des engagements bénévoles. Ils me valent des collègues qui n’en sont pas vraiment, personnes en emploi ou en études pour qui notre engagement commun se cale dans les interstices d’une vie bien remplie. La mienne ne l’est toujours pas. Je peine à m’occuper et régulièrement la vacuité de mon existence me cause de sévères remises en question. La liberté dont je jouis – et profite – est aussi un grand vide. Je raconte les hauts et les bas de ma reche­r­che d’emploi au chef de service de l’HP, que je revois une fois par mois après ce séjour. Chaque fois, il écarte le sujet : « Parlons plutôt de vous », comme si ce n’était pas de moi qu’il s’agissait au moment de me présenter à un employeur. Alors que l’HP et les asso­ciations offrent tout un tas d’aides aux patient·es pour leur permettre de surmonter les difficul­tés (y compris matérielles) de l’existence, je me conf­ronte seule à celles que, dépres­sive, je rencontre sur le marché de l’emploi.

  • Rebecca Solnit : « Réduire les femmes au silence a toujours été la stratégie en vigueur »
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/idees/reduire-les-femmes-au-silence-strategie-en-vigueur

     ?

    Jugez-vous toujours le terme « mansplaining » (ou « mecsplication » en français) imparfait ? Vous regrettiez, à l’époque, qu’il essentialise un défaut masculin.

    Aujourd’hui, il me plaît. J’avais des réserves mais, il y a plusieurs années, une jeune femme m’a confié que jusqu’à l’apparition de ce mot, ces expériences vécues ne pouvaient pas être nommées, empêchant ainsi le lien avec des tendances plus vastes et des courants plus souterrains. Le terme est donc très utile et souvent utilisé en anglais. J’aimerais que la blogueuse qui l’a inventé en réponse à mon essai se l’approprie car, à l’origine, il ne vient pas de moi…

    En quoi la répartition de la parole est-elle genrée ?

    Des études ont démontré que les femmes sont plus souvent interrompues – même à la Cour suprême ! Le statut et le respect dont bénéficient traditionnellement les hommes se manifestent par la place que prennent leur parole et l’écoute suscitée. Mais cela évolue puisque les femmes accèdent à des postes à responsabilités et que de plus en plus de personnes sont prêtes à les écouter – même si, paradoxalement, les femmes sont aussi éduquées à se discréditer les unes les autres.

    Spéciale dédicace aux Seenthisien·nes (@intempestive et @simplicissimus, au moins) qui avaient contribué à la traduction du titre dans une autre version.

    [infokiosques.net] - Quand les hommes m’expliquent
    https://infokiosques.net/spip.php?article1501

    Oui, des personnes des deux sexes surgissent lors d’événements publics pour disserter sur des choses qui n’ont rien à voir ou des théories complotistes mais cette pure confiance en soi agressive de parfaits ignorants est, dans mon expérience, genrée. Les hommes m’expliquent, à moi et à d’autres femmes, qu’ils sachent ou non de quoi ils parlent. Certains hommes.

    • Ils sont nombreux mais se résument globalement à : « N’écoutez pas cette personne, ne la croyez pas, ne laissez pas ses mots avoir de conséquences. » Ce qui sous-entend que la femme serait folle, qu’elle se fait des idées, qu’elle a tout inventé (voire, selon Freud, qu’elle aurait aimé que cela arrive). Les femmes seraient donc toujours trop (ou pas assez !) émotives. Les victimes doivent même faire très attention à leur « performance » lors des procès, sinon leur témoignage pourrait être perçu comme l’expression d’une rancune pour blesser un homme, là se trouve la formule magique qui permet de détourner l’attention du délit commis par un homme – par exemple, un viol – pour se concentrer sur les conséquences dramatiques que ce crime aura pour lui. Comme si la victime, et non pas le système judiciaire (ou l’accusé), était responsable des conséquences.

      Réduire au silence et ignorer les femmes a toujours été la stratégie en vigueur, c’est d’ailleurs ainsi que Harvey Weinstein a pu s’en prendre à 109 femmes sans aucune conséquence, tout comme (ndlr : le comédien) Bill Cosby, qui aurait agressé et drogué des femmes pendant une cinquante d’années. Ces femmes ont été raillées, voire punies pour avoir élevé la voix. Aux États-Unis, 70 % des femmes qui se plaignent de harcèlement sexuel au travail subissent d’ailleurs des représailles. Cela encourage les femmes à se taire tout en permettant à la violence sexiste de perdurer.

    • Désolée le curieux, tu peux te garder tes remarques anti-féministe super bien argumentées à coups de memes. Tu ne feras pas de vieux os sur Seenthis, c’est pas le genre d’endroits où le trolling sexiste est apprécié.

      Et oui, @simplicissimus, la discussion a disparu mais son souvenir demeure ;-).

      Encore une ressource autour de ce chouette texte.
      http://blog.ecologie-politique.eu/post/Quand-les-hommes-m-expliquent

  • Encore une interview de panthères. Comme on est nombreuses, ça change à chaque fois.

    Panthère Première | Lilith, Martine et les autres
    https://blogs.radiocanut.org/lilithmartineetlesautres/2018/01/17/panthere-premiere

    Dans le coin érotique de la librairie Lyonnaise « le bal des ardents », nous avons interviewé deux meufs du collectif non mixte de la revue « panthère première ».

    Elles nous parlent de leurs motivations à créer cette revue en non mixité, des choix des sujets, de l’organisation de la revue, des projets à venir et enfin, du pourquoi de ce titre…

    #audio

  • 09/02 – 19h30 – Panthère Première | BAM !
    http://www.b-a-m.org/2018/01/0902-19h30-panthere-premiere

    Nous avons le plaisir d’accueillir quelques rédactrices de l’équipe de la revue Panthère Première, revue indépendante de critique sociale dont le premier numéro est sorti en septembre 2017.

    Venez à la rencontre de l’équipe de la revue !Et comme d’habitude apportez à grignoter sur le modèle de l’auberge espagnole.

    #Malakoff #bibliothèque