• Au Liban, la mémoire de la guerre de 2006 pousse les Libanais du Sud sur les routes
    Le collectif Public Works Studio publie une carte des localités évacuées (en rouge) et des localités de refuge (en bleu), sur la base des données rassemblées par l’Agence des Nations Unies auprès des municipalités
    Elle montre que les localités perçues comme dangereuses se concentrent dans le Sud, le long de la frontière mais avec une certaine profondeur, ainsi que dans la banlieue sud de Beyrouth. Les localités du Sud situées plus loin de la zone frontalière, ainsi que les localités de l’Est et du Nord de Beyrouth, sont perçues comme moins dangereuses et servent de refuge. Des mouvements similaires sont enregistrées aussi dans la Beqaa, Baalbek apparaissant particulièrement peu sûre.

    https://twitter.com/publicworks_lb/status/1729196891525754995

    La signification de la colonne de gauche n’est pas très claire pour moi. Elle semble indiquer qu’il n’y a pas d’information de provenance pour près de 9500 personnes, mais pourtant les données sont cartographiées au niveau des villages d’origine.
    #déplacés #réfugiés #guerre #Gaza #Liban_Sud

  • Survivre à #Gaza : un berlinois témoigne | Tracks East | ARTE - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=bqrCUWlmWXY&pp=ygUQU3Vydml2cmUgw6AgR2F6YQ%3D%3D

    La guerre au Proche-Orient domine l’actualité. Abed, un horloger berlinois, était avec sa mère en visite dans la famille à Gaza. Mais début octobre, tout a basculé et il a été pris au piège. Pour Tracks East, il filme la situation sur place. Et un mois plus tard, il parvient enfin à quitter l’enclave palestinienne.

    Le Berlinois Abed Hassan, 27 ans, a vécu au plus près la guerre à Gaza. Début octobre, il part avec sa mère rendre visite à leur famille palestinienne. Mais lorsque le conflit éclate entre Israël et le Hamas, il est pris au piège. Sur les réseaux sociaux, il commence alors à documenter les destructions, la perte d’êtres chers et la lutte des Gazaouis pour leur survie. Ses vidéos sont vues par des millions de personnes. Près de cinq semaines plus tard, il réussit à entrer en Égypte en passant par Rafah.

    Aujourd’hui, Abed et sa mère sont de retour dans la capitale allemande.

    Tracks East l’a rencontré à Berlin : Abed témoigne de ce qu’il a vécu là-bas, sa fuite et aussi du destin de ses proches restés à Gaza, sous le feu des bombardements.

  • The Palestine Laboratory : How Israel Exports the Technology of Occupation Around the World – Antony Loewenstein (Verso)
    https://www.versobooks.com/en-gb/products/2684-the-palestine-laboratory

    1. Selling Weapons to Anybody Who Wants Them
    2. September 11 Was Good for Business
    3. Preventing an Outbreak of Peace
    4. Selling Israeli Occupation to the World
    5. The Enduring Appeal of Israeli Domination
    6. Israeli Mass Surveillance in the Brain of Your Phone
    7. Social Media Companies Don’t Like Palestinians

    À noter : l’ebook est gratuit mais chiant à télécharger : il faut prépayer 1 centime sur paypal et attendre de recevoir un mail.

  • « Il convient de tout faire pour prolonger la trêve, de façon qu’elle se transforme en un véritable cessez-le-feu », une tribune d’ex-diplomates français
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/25/guerre-israel-hamas-il-convient-de-tout-faire-pour-prolonger-la-treve-de-fac

    L’horrible massacre perpétré le 7 octobre par le Hamas, mouvement qualifié de terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne, marque le début d’une « guerre totale » dont on peut déjà mesurer les conséquences désastreuses. Par-delà l’opacité de la situation, nourrie par les déclarations difficilement vérifiables de part et d’autre, les amalgames destinés à disqualifier l’adversaire, des propos outranciers ou mensongers et le déchaînement le plus souvent haineux des réseaux sociaux, il est clair que les populations civiles en sont les principales victimes.

    Depuis le 8 octobre, tandis que près de 240 otages israéliens, mais également d’autres nationalités, notamment française, sont aux mains du Hamas, la bande de Gaza subit des bombardements massifs indiscriminés et disproportionnés, occasionnant des morts, essentiellement civils, des déplacements de la population, un cauchemar humanitaire insoutenable. Des deux côtés, on s’accuse de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et même de génocide. Les risques d’un embrasement de la Cisjordanie et de l’extension de la guerre vers le Liban, voire vers l’Iran, sont de plus en plus évidents.
    Par-delà cet affrontement, Israéliens comme Palestiniens ressentent cette guerre comme impliquant un enjeu majeur : leur existence sur cette terre qu’ils estiment, d’un côté comme de l’autre, leur appartenir.

    Exigence prioritaire

    Face à cette situation, que faire ? Pérenniser la trêve est un objectif immédiat et accessible. Elle répond à l’exigence prioritaire, réclamée par une grande partie de l’opinion israélienne, malgré les réticences du premier ministre, Benyamin Nétanyahou. La trêve de quatre jours négociée efficacement par l’intermédiaire du Qatar est un élément très positif. Il convient de tout faire pour la prolonger de façon qu’elle conduise à la libération complète des otages et se transforme en un véritable #cessez-le-feu.

    Cela n’a pas, jusqu’ici, été rappelé en termes suffisamment forts et explicites, malgré les appels du secrétaire général des Nations unies, qu’il convient de soutenir. En effet, le droit international condamne toute mesure de sanctions punitives à caractère collectif sur les populations civiles, entre autres le blocus total décidé immédiatement par le gouvernement israélien sur l’approvisionnement en biens essentiels. De même, il convient de condamner les attaques aériennes sur des objectifs civils comme des lieux de culte, des hôpitaux, des écoles. Israël s’en défend, affirmant que ces lieux cachent des installations militaires. Le fait que des édifices des Nations unies, d’ONG, voire d’Etats tiers comme la France, aient été touchés, invalide quelque peu cette argumentation. Il appartiendra à la Cour pénale internationale de faire la lumière, à terme, sur ce point.

    Le bilan de six semaines de combats dans la bande de #Gaza est effectivement accablant : plus de 13 000 morts, essentiellement des civils, dont 5 300 enfants ; la moitié du patrimoine immobilier de l’enclave détruit.
    #Israël, sous le vocable de « guerre totale », développe une stratégie punitive aussi brutale que vaine, et de plus en plus contestée. « Eradiquer le Hamas » relève plus du slogan que d’un objectif réaliste. En 2006, Israël avait déjà proclamé qu’il voulait « éradiquer le Hezbollah », avec le succès que l’on sait.

    Réfléchir au « jour d’après »

    Une telle stratégie est illusoire. Le Hamas, qui a déjà été visé par cinq campagnes militaires meurtrières, renaîtra immanquablement. L’armée ne pourra pas venir à bout d’une mouvance soutenue par une grande partie de la population palestinienne, à Gaza comme en Cisjordanie, face à une Autorité palestinienne disqualifiée. Emanation des Frères musulmans, le #Hamas, qui dispose de bases arrière dans le monde arabo-musulman, n’aura aucun mal à recruter de nouveaux combattants parmi des jeunes sans espoir, et à reconstituer son stock d’armement. Il restera un acteur incontournable.

    Il convient, dès maintenant, de réfléchir au « jour d’après ». Le règlement de la guerre à Gaza passe par une solution politique de la question palestinienne sur la base du droit international.

    La solution à deux Etats est devenue de plus en plus difficile à bâtir. Son assise possible s’est réduite comme peau de chagrin du fait de l’annexion du grand Jérusalem et de l’encouragement à la construction de colonies juives en Cisjordanie, qui regroupent maintenant près de 500 000 habitants. Cette solution vaut toutefois d’être tentée.

    La solution à un seul Etat binational, évoquée avant même le 7 octobre, reprend de l’actualité. Mais le dilemme est toujours le même. Soit Israël, Etat par essence démocratique, accepte le principe de l’égalité des droits, avec le risque de perdre la majorité pour la population juive, actuellement à égalité avec la population arabe sur le territoire de la Palestine historique ; soit Israël refuse un tel principe, perd une part essentielle de son âme et s’expose à une accusation d’apartheid.

    Cohabitation nécessaire

    Une mise en garde devrait être vigoureusement exprimée à l’égard de toute tentation de transfert de population vers les pays voisins, qui ne peut qu’être assimilée à un nettoyage ethnique inacceptable et qui, en toute hypothèse, ne saurait régler le problème de la sécurité d’Israël. La volonté de « détruire » l’Etat d’Israël est également inacceptable.
    Il est clair que, après ce choc traumatique subi de part et d’autre, et cette « #guerre_totale » condamnée à échouer, la sécurité d’Israël ne peut être assurée que par le juste règlement de la question palestinienne et l’affirmation de droits égaux entre deux populations qui doivent cohabiter.

    Un renouvellement des classes politiques va s’opérer de part et d’autre, tant celles qui sont en place actuellement ont perdu de leur légitimité. Du côté palestinien, des élections devront, dès que possible, être organisées et associer toutes les forces politiques en présence.
    Un fort engagement de la communauté internationale, notamment des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et des pays arabes, est indispensable. La France, qui a perdu beaucoup de sa crédibilité au Moyen-Orient et a vu son image se dégrader fortement dans le monde arabo-musulman, doit y prendre part. Encore faudrait-il qu’elle mène une politique équilibrée, cohérente et indépendante des pressions extérieures. Or, malgré un certain rééquilibrage, ce n’est pas ainsi que celle-ci est perçue par de nombreux pays et par l’opinion publique. Cette politique demande du courage et de la lucidité, par-delà les réactions émotionnelles que suscite cette « guerre totale ».

    Liste des signataires : Yves Aubin de la Messuzière, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères (MAE) ; Charles-Henri d’Aragon, ancien ambassadeur ; Denis Bauchard, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au MAE, ancien président de l’Institut du monde arabe ; Jean-Claude Cousseran, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au MAE, ancien directeur général de la DGSE ; Serge Degallaix, ancien ambassadeur ; Didier Destremau, ancien ambassadeur ; Yves Doutriaux, ancien ambassadeur, conseiller d’Etat honoraire ; Jean Felix-Paganon, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au MAE, ancien directeur des Nations unies ; Michel Foucher, ancien ambassadeur, ancien directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du MAE ; Patrick Gautrat, ancien ambassadeur ; Stéphane Gompertz, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique au MAE ; Stanislas de Laboulaye, ancien ambassadeur, ancien directeur général des affaires politiques et de sécurité au MAE ; Bernard Miyet, ancien ambassadeur, ancien secrétaire général adjoint des Nations unies ; Nicolas Normand, ancien ambassadeur ; Alain Remy, ancien consul général à Jérusalem, ancien ambassadeur ; Hadelin de La Tour du Pin, ancien ambassadeur ; Pierre-Jean Vandoorne, ancien ambassadeur ; Nada Yafi, ancienne ambassadrice.

  • Jamais la Palestine n’a autant souffert, par Jean-Pierre Filiu
    https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/11/26/jamais-la-palestine-n-a-autant-souffert_6202438_6116995.html

    La répression du soulèvement arabe de 1936-1939 contre le mandat britannique sur la Palestine a fait plus de 5 000 morts, avant que la Nakba, la « catastrophe » de l’exode palestinien de 1948, n’inflige des pertes bien supérieures, avec environ 13 000 morts, majoritairement civils, soit 1 % de la population arabe d’une Palestine désormais disparue.

    Jamais autant de morts
    L’ampleur de cette hécatombe a, durant les soixante-quinze années écoulées, paru indépassable, en dépit des tragédies qui ont marqué depuis lors l’histoire palestinienne. Le bilan des plus sanglantes d’entre elles s’est élevé à un millier de morts lors de la première occupation israélienne de Gaza, en 1956-1957 ; à quelques milliers de morts en 1970 lors du « Septembre noir » en Jordanie ; à quelques milliers de morts lors des massacres de 1976 au Liban dans le bidonville de la Quarantaine et le camp de Tal Al-Zaatar ; de 800 à 3 000 morts lors du massacre de 1982 dans les camps de Sabra et de Chatila ; à 1 200 morts lors de la répression israélienne de la première Intifada, de 1987 à 1993 ; à 3 000 morts lors de la répression israélienne de la seconde Intifada, de 2000 à 2005 ; à plus de 4 000 morts au bout des différentes offensives israéliennes contre Gaza, de 2008 à 2022.

    Le bilan de la guerre en cours est d’ores et déjà de 14 854 morts à Gaza au 22 novembre. Ces chiffres du ministère de la santé du Hamas sont jugés fiables par l’Organisation des Nations unies (ONU), qui a pu vérifier la crédibilité de telles sources lors des nombreux conflits précédents. Un mois et demi d’hostilités a donc fait plus de morts que l’interminable année de la Nakba. Surtout, le nombre de 6 150 enfants tués, soit plus de 40 % des victimes, est sans aucun précédent, même par les terribles standards de la tragédie palestinienne. Mille deux cents enfants sont en outre portés disparus, selon l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, qui craint que les dépouilles de beaucoup d’entre eux soient ensevelies sous les décombres.
    La plus grande ville de Palestine dévastée
    [...]
    Aujourd’hui, 40 % à 50 % du bâti de la plus grande ville palestinienne sont détruits ou endommagés, ses réseaux de distribution d’eau et d’électricité sont inutilisables et un seul de ses hôpitaux est en état de fonctionner. Même la Nakba n’avait pas connu une telle dévastation : environ deux cents localités palestiniennes ont certes été détruites par Israël à partir de 1948, mais Nazareth est demeurée la principale ville arabe d’Israël, tandis que Haïfa, Acre, Lod et Jaffa voyaient cohabiter les populations arabes et juives.

    Jamais autant de déplacés
    Les trois quarts de la population de Gaza ont été contraints de fuir leur foyer, soit 1,7 million de déplacés, dont la moitié s’entassent dans les centres d’hébergement de l’ONU. Les risques d’épidémie, en l’absence d’eau potable, sont alarmants.

  • Israël : le calvaire d’Esther, violée et mutilée par les terroristes du Hamas
    https://www.leparisien.fr/international/israel/israel-le-calvaire-desther-violee-et-mutilee-par-les-terroristes-du-hamas

    Les cas de viols et de mutilations sexuelles commis lors des massacres du 7 octobre sont en train de faire surface. Alors que les survivantes peinent encore à parler, l’une d’elles, qui participait au festival Tribe of Nova, a accepté de nous raconter ce qu’elle a subi.

    Dans les déliés de cette courte conversation, Esther (le prénom a été changé) n’est jamais vraiment là. Assise dans son lit, elle cherche du regard le moindre recoin de la pièce, pour fuir les yeux de son interlocuteur. Qui n’en est même pas vraiment un, pour elle : « À l’intérieur, je suis à moitié morte », dit la jeune femme de sa voix tremblante et mécanique.
    Elle a choisi « Esther » pour apparaître comme victime de sévices sexuels. En hébreu, l’une des significations métaphoriques de ce prénom désigne celle qui est « cachée ». La Bible raconte l’histoire de cette princesse juive qui se dissimulait pour ne pas être conduite au harem. « Prise de force par le roi, elle finit par utiliser sa position de nouvelle épouse pour éviter le massacre des #juifs », dit-elle en secouant la tête. « Moi, je ne vais sauver personne, je ne tiens même pas debout. »

    « Je serai toujours l’image vivante du pogrom »

    C’est en un rien de temps qu’Esther a été arrachée au monde des vivants. Le 7 octobre, lorsque la violence du #Hamas a déferlé sur le désert de Be’eri, son petit ami les a entraînées, elle et sa marraine, sous une bâche du bar de la rave party, pour passer inaperçus en faisant les morts. Elle tremblait trop de peur, les terroristes l’ont vue.
    Depuis, Esther n’a pas réussi à se lever. « Littéralement, puisque ma jambe ne répond plus à ma volonté », précise-t-elle. En langage médical, elle a subi une « lésion du pédicule nerveux innervant le membre inférieur. » Dans son souvenir, elle a été violée et en même temps tabassée devant son copain, forcé de regarder avec un couteau sous la gorge : « C’était si douloureux que j’ai perdu connaissance, ils ont arrêté lorsqu’ils m’ont crue morte. » Puis sont arrivées les #mutilations. L’un d’eux s’est mis à utiliser un couteau, ou un tesson de verre, comment savoir ? Elle en garde une paralysie, qui pourrait ne jamais disparaître. « Et même si je remarche, je boiterai. Je serai toujours l’image vivante du #pogrom. »

    Des cas similaires ont été relevés par les médecins légistes sur les cadavres — ou ce qu’il en reste. Nombre d’entre eux ont été tellement dégradés que le travail d’identification continue, six semaines après le massacre, sur la base militaire de Shura. Reconvertie en morgue, elle accueille des conteneurs réfrigérés qui y font office de chambres mortuaires. La plupart de ces #viols, particulièrement cruels, avec des objets, ont été faits post mortem.
    À l’image de la manière dont les terroristes se sont acharnés sur le corps encore chaud de la marraine d’Esther. « Ils ne l’ont pas violée de manière traditionnelle, on va dire, raconte encore la survivante. Peut-être parce qu’elle était beaucoup moins jeune que la moyenne de la rave. C’était une fêtarde, qui aimait sortir avec nous pour danser dans la nature. »

    Une stratégie pour jeter la honte sur la société ?

    Même lorsqu’elle évoque son deuil, sa voix est vierge de sanglots. Les mots s’abattent de façon clinique, froide, « comme s’il ne s’agissait pas de son histoire », observe un psychiatre hospitalier. « C’est typique du syndrome de stress post-traumatique, en particulier lors d’un viol », poursuit le médecin, expert de ces sujets. « Le cerveau de la victime met sa subjectivité et toutes ses émotions sur pause pendant l’agression, comme un animal qui se fige, pris dans le danger », poursuit-il. « Elles disent que c’est comme si elles s’étaient détachées de leur corps, laissé à l’agresseur, afin de protéger leur intégrité psychique. » Le problème survient lorsque certaines restent bloquées dans cette dissociation.

    Encore peu couverte, la question de #crimes_sexuels de masse commis ce jour-là plonge la nation israélienne dans la souffrance supplémentaire de l’incompréhension. Ces profanations des attributs sexuels féminins interpellent Noémie Issan, philosophe franco-israélienne. Selon elle, « alors que les informations sortent au compte-gouttes pour protéger les rares qui ont survécu et les familles des victimes, il est difficile de savoir si ce sadisme a découlé d’un ordre, comme un élément de stratégie » destiné à jeter la honte sur la société, à la déliter. « Je n’ai pas honte, glisse Esther. Pour ressentir ça, il faudrait que je sois plus que demi-vivante. »

    https://archive.is/LLQeY

    #7_oct #7_octobre_2023

    • #BigGrizzly n’a pas eu le clavier très léger sur cette remarque. J’ai fait l’effort de lire ce texte, avec ses détails horribles. Et j’espère - même si quelque part ce serait mieux pour elle - que ce n’est pas un mensonge de plus dans la longue liste au "crédit" des autorités israéliennes. Quand bien même tout y serait vrai (c’est bien peu sourcé, et l’anonymat n’arrange rien), la présentation (et la publication dans ce type de presse) est clairement manipulée. Quelques exemples :
      – "En hébreu, l’une des significations métaphoriques de ce prénom désigne celle qui est « cachée ». La Bible raconte l’histoire de cette princesse juive qui se dissimulait pour ne pas être conduite au harem" . Conduite au harem, voilà qui sent bon le sable chaud de l’islamophobie...
      – « Je serai toujours l’image vivante du pogrom » C’est en un rien de temps qu’Esther a été arrachée au monde des vivants. "Pogrom", comme "terroriste" n’est pas choisi au hasard. Et la phrase suivante !...
      – Des cas similaires ont été relevés par les médecins légistes sur les cadavres — ou ce qu’il en reste. Nombre d’entre eux ont été tellement dégradés qe le travail d’identification continue, six semaines après le massacre : : peut-être faudrait-il signaler que la presse israélienne elle-même reconnaît que les médecins légistes n’ont pas pu (voulu ?) faire le travail...
      – "crimes_sexuels de masse" (c’est toi le hashtag, Colporteur ?), espérons des faits, moins de manipulations, et si possible moins d’affects...

    • sur le terme pogrom, j’ai l’impression que cette remarque de l’historien Omer Bartov n’a pas été référencée sur @seenthis

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/27/omer-bartov-historien-israel-ne-semble-disposer-d-aucun-plan-politique-il-ne

      Au sujet de ces attaques, Israël et ses partisans ont parlé de « pogrom » et ont, de façon plus générale, fait référence à la Shoah. Que pensez-vous de cette comparaison ?
      Recourir au mot « pogrom » est faux et trompeur. Le terme est par ailleurs surdéterminé sur le plan idéologique. Le mot « pogrom » désignait des agressions commises contre les communautés juives, tout particulièrement dans le sud de la Russie et en Ukraine. Des foules étaient incitées à s’attaquer à ces communautés, parfois avec le soutien des autorités. Depuis, ce terme a aussi été utilisé pour désigner des actes perpétrés ailleurs par d’autres populations contre d’autres minorités.

      L’intention première du sionisme était de fonder un Etat majoritairement juif sur le sol duquel les pogroms ne seraient par définition plus possibles, puisque les autorités politiques, militaires et de maintien de l’ordre seraient toutes juives. Il est donc parfaitement anachronique de recourir à ce terme pour désigner l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas. Mais la raison pour laquelle on utilise aujourd’hui ce mot a à voir avec la référence intentionnelle ou subconsciente à la violence antijuive et spécifiquement à la Shoah, cet événement historique qui est précisément à l’origine de la fondation de l’Etat d’Israël.

      En parlant de « pogrom », on attribue au Hamas, et par extension à toutes les autres organisations palestiniennes, ou même aux Palestiniens en général, un antisémitisme féroce caractérisé par une propension à la violence vicieuse, irrationnelle et meurtrière, dont l’unique objectif serait de tuer des juifs. En d’autres termes, conformément à cette logique, il n’y aurait pas lieu de négocier avec les Palestiniens. C’est la logique du « eux ou nous » : si nous ne les tuons pas, ce sont eux qui nous tueront. Dans une telle logique, il importe au moins de les enfermer derrière des murs et des clôtures barbelées.

    • dans Haaretz (au moins) le terme pogrom a été employé à de multiples reprises pour désigner les exactions commises par des soldats ou des colons israéliens contre des palestiniens en Cisjordanie, y compris en l’absence d’homicides, au moins depuis 2021 (sans doute avant)
      https://www.haaretz.com/opinion/editorial/2021-09-30/ty-article-opinion/a-pogrom-and-silence/0000017f-e3d0-d7b2-a77f-e3d7bac80000
      https://www.haaretz.com/israel-news/twilight-zone/2022-11-18/ty-article-magazine/.highlight/theres-only-one-way-to-describe-this-settler-attack-a-pogrom/00000184-89c7-d9ce-a1f6-9be796390000
      et ensuite
      https://www.haaretz.com/opinion/2023-03-19/ty-article-opinion/.premium/the-pogrom-against-palestinians-that-brought-the-occupation-home-to-jewish-israelis/00000186-f983-d711-a9de-fdebab2b0000
      https://www.haaretz.com/opinion/editorial/2023-06-23/ty-article-opinion/.premium/standing-orders-for-a-pogrom-against-palestinians/00000188-e459-d5fc-ab9d-ff79bc690000
      https://www.haaretz.com/israel-news/2023-03-04/ty-article/.premium/israeli-settlers-threaten-another-hawara-pogrom-on-saturday-night/00000186-ad5d-de2a-a1ee-af5f092f0000
      etc.

      pour ma part, je trouvais ça un peu léger, non pas que les persécutions et les meurtres de palestiniens me paraissent anodins, mais parce que l’aspect quotidien ou presque, étalé dans le temps en "petites" quantités me semblait distinct de ce que furent les pogroms (y compris ceux contre des ouvriers italiens en France en 1893), avec leur aspect éruptif, ou la répétition ne venait qu’après des moments d’accalmie. de ce point de vue, ce qui a lieu en Cisjordanie ressemble aussi à ce que fut le traitement des esclaves dans les états du sud US, une terreur continue, le meurtre autorisé au premier prétexte.

      qu’aujourd’hui on puisse décrire les crimes du 7 octobre, dont on sait, sans détails suffisants, qu’ils ont aussi été le fait de civils palestiniens et pas seulement de soldats du Hamas ou du Djihad, sans compter les morts et blessés dus à l’armée israélienne, là aussi sans qu’on sache dans quelle proportion), ne devrait surprendre personne. de là à dire qu’ils faut tuer les palestiniens, il y a une marge, faite pour être franchie de part et d’autre, israéliens et pro-israéliens, palestiniens et pro-palestiniens. mais ce n’est pas obligatoire, y compris au sein des quatre catégories citées.

      sinon, cette survivante parle dans des termes qui sont les siens, visiblement religieux. je ne m’en étonne pas plus que lorsque je vois un gazaoui qui découvre son fils mort avoir pour premier réflexe de se prosterner pour prier. rien de mieux que la terreur et le désespoir pour renouer pour renouer avec sa religion (sens et consolation, aussi insuffisants soient-ils) lorsque l’on dispose de ce secours.

      Reddit quant à Omer Bartov il dit également dans ce même article

      De nombreux universitaires qui se disent de gauche et autres soutiens de la Palestine ont salué les massacres haineux perpétrés par le Hamas et se sont exprimés avec virulence contre le droit d’Israël à défendre ses citoyens en ripostant contre le mouvement islamiste, qui utilise les populations civiles comme boucliers humains dans la bande de Gaza, très densément peuplée. Même ceux qui ne saluent pas explicitement les massacres ont fait preuve d’un manque total d’empathie pour les centaines de victimes et les otages juifs. Et de fait, bien souvent, les déclarations condamnant les bombardements israéliens sur Gaza n’évoquent même pas l’attaque du 7 octobre.

      Omer Bartov, historien : « Israël ne semble disposer d’aucun plan politique, il ne dispose que d’un plan militaire très hasardeux »
      https://archive.is/Fcbjs

    • Habituellement, les récits de violences sexuelles font l’objet d’avertissement, de trigger warnings, de précautions.
      Habituellement, les témoignages de violences sexuelles font l’objet d’euphémisations, de conditionnels, de réécritures, voire de mise sous silence, en donnant carrément la parole à l’agresseur.
      Habituellement, le pathos dans les violences sexuelles est mal vu, parce qu’empêchant la bonne distance aux faits, à la froide compréhension que les journalistes souhaitent nous donner accès.

      Ces transgressions aux bonnes habitudes journalistiques doivent pouvoir s’expliquer.
      Par exemple, il se peut que le fait que nous soyons dans le contexte du viol parfait, le seul qui mérite d’être condamné sans jugement, sans présomption d’innocence. La victime bien blanche, l’agresseur bien « autre », étranger, et même arabislamiste, carrément.

      Un snuff movie, sous sa forme d’image ou sous sa forme textuelle, reste un snuff movie. Et en imposer le visionnage reste une violence.

      Et n’allez pas m’accuser de vouloir cacher quoi que ce soit. Je ne nie rien de tout ce qui est écrit, filmé, ni de l’horreur, ni des souffrances.

      A quel moment ceux qui relaient vont-ils cesser de nier le double standard que les transgressions que j’évoque représentent ? Hier, je lisais un texte tout en pudeur du récit d’une famille massacrée sous des tonnes de gravats, récit que l’on sait pouvoir multiplier par milliers. A quel moment est-ce que le Parisien et tous les autres vont-ils accepter de rendre la pareille à ces victimes là, moins blanches, moins conformes, moins susceptibles d’empathies de la part de leurs lecteurs ?

      Hier, colporteur, ton partage m’a mis mal à l’aise, oui, parce qu’une fois de plus, sans remords et sans vergogne, on me fout sous le nez ce qui ne ressort qu’avec difficultés quand le bourreau est du bon côté du manche, à savoir l’horreur crue que représente la barbarie débridée.

    • Même ceux qui ne saluent pas explicitement les massacres ont fait preuve d’un manque total d’empathie pour les centaines de victimes et les otages juifs.

      Concurrence victimaire.
      A chaque fois que tu réclames la prise en compte des victimes palestiniennes, n’oublie pas de rappeler que tu penses aussi aux victimes israéliennes, sinon, ton propos est disqualifié.

      Tiens, à chaque fois que tu parles des victimes d’Hiroshima, si tu veux être pris au sérieux, et ne pas être pris en flagrant délit de double standard, tu te dois de rappeler toutes les victimes de Pearl Harbour. Sinon, c’est la preuve que ton propos est malveillant.

      Procès d’intention crétin.

      Mais je comprends. L’ensemble de ces 75 années d’occupation sont une immense démonstration de la malveillance et de la crétinerie humaine.

    • Le titre du Parisien, calvaire, viol, mutilation, est explicite.
      L’entretien Bartov date du 27 octobre. Son refus de caractériser le 7 octobre comme un pogrom est discutable, comme le montre l’utilisation répétée du terme par des israéliens à propos d’actes antérieurs commis par des israéliens. Sa manière de parler du « droit d’Israël à défendre ses citoyens » est dans ce passage discutable (après 19 jours de bombardements massifs...) mais ses propos critiquer l’orientation exclusivement militaire le passage qui suit immédiatement critique aussi l’état d’esprit de nombreux israéliens et de leurs soutiens : 3A l’inverse, les soutiens d’Israël, pour l’essentiel des juifs, qui se sentent profondément trahis par leurs collègues de gauche et leur absence totale d’empathie pour les victimes du 7 octobre, et qui peuvent eux-mêmes se montrer ambivalents face aux destructions immenses actuellement infligées à Gaza par les forces israéliennes, refusent généralement de reconnaître les causes politiques plus profondes de cet état des choses". Le manque d’empathie pour les morts et blessés du 7 octobre ne peut être nié qu’en raison du déferlement compassionnel médiatique et gouvernemental qui l’accompagnait et de l’absence de toute empathie, pour les palestiniens, les tutsis et tant d’autres.

      je crois avoir été parmi les premiers ici à signaler le témoignage dune kibboutzim discrètement épargnée par un combattant du Hamas le 7/10, qui semble contredire la thèse qu’’instruction aurait été donnée de tuer le maximum de civils, comme celui d’une autre indiquant que ce sont des tirs de char des FDI qui ont tué une partie des habitants de son kibboutz, élément tout à fait contradictoire avec la propagande israélienne à l’époque et aujourd’hui.

      Merci d’éviter de me chercher systématiquement des poux dans la tête pour me couper la langue.

      edit selon Physicians for Human Rights, des viols ont bien eu lieu le 7 octobre confirme
      https://seenthis.net/messages/1029266#message1029298

    • De l’indifférenciation à l’indifférence. Sur les viols de masse le 7 octobre en Israël.
      https://k-larevue.com/de-lindifferenciation-a-lindifference-sur-les-viols-de-masse-le-7-octobre

      Que dire des crimes sexuels perpétrés par les hommes du Hamas le 7 octobre – documentés un peu plus chaque jour par le travail d’un groupe israélien de gynécologues, médecins légistes, psychologues et juristes du droit international ? Et comment comprendre l’occultation de la violence faite aux femmes ce jour-là par une partie de l’opinion mondiale – supposées « féministes » comprises ? Cette occultation ne revient-elle pas à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas et était dépourvu de signification ?

      Chaque viol est un acte. La « femme », s’il est possible de la définir, se caractérise par le fait de savoir que cet acte en quoi le viol consiste peut toujours lui arriver à elle. Elle est cet être humain qui vit, grandit, évolue et se transforme avec ce savoir intime qu’elle peut toujours se faire violer. « Sachante », cela la rend alors plus directement interrogative : comment un tel acte est-il réellement possible ? Comment fait-on pour violer une femme ? La question se pose, parce que le viol comme destruction du corps de l’autre a ceci de spécifique que l’agent destructeur use pour y parvenir de son propre corps : l’homme qui viole le plus souvent ne recourt pas à des outils, des prolongations techniques du corps humain, mais se sert de son corps propre comme d’une arme ; et plus précisément, non pas d’une partie corporelle que la fermeté constitutive rend toujours potentiellement disponible pour servir d’arme, tels le pied ou le poing, mais de son pénis, qui doit se durcir pour pouvoir devenir un moyen de destruction. Le viol à proprement parler, celui qui déchire les parties intimes de la femme par pénétration sauvage, ne peut effectivement s’accomplir que si l’homme est en érection. Qu’est-ce qui, face à une femme hurlant de terreur et de douleur, produit, puis soutient cette érection ? Quel est le processus psycho-physiologique qui rend possible cet acte ?
      Quiconque s’attèle à une enquête dans son entourage masculin se trouve peu renseigné. Interrogez les hommes autour de vous sur la question de savoir comment ces hommes-là font pour bander, et vous obtiendrez une fin de non-recevoir, dont le plus étrange est qu’elle n’est absolument pas soupçonnable d’insincérité : le viol, c’est le crime de l’autre par excellence, avec qui on n’a rien de commun. Comme si les hommes qui violent faisaient partie d’une autre espèce avec laquelle ils ne partagent rien et qu’ils ne comprennent pas.
      Les femmes, quant à elles, n’y comprennent rien non plus. Pour elles, en matière de sexualité, les hommes sont tout aussi compliqués qu’elles-mêmes. Rien de simple dans l’érection d’un homme. La sexualité leur est tout aussi désirable qu’à elles, tout aussi peu évidente également – et ce savoir partagé entre hommes et femmes se maintient contre une société qui ne cesse de colporter le fantasme d’une sexualité simple, directe et quasi-animale pour les hommes et fort compliquée pour les femmes.
      Aussi l’affirmation qui parfois est censée servir d’explication à la possibilité du viol, selon laquelle les hommes sont constitutivement et potentiellement tous des violeurs, en vérité tous excités devant n’importe quel corps de femme nue ou potentiellement dénudable et seulement tenus en respect par la crainte de sanction, n’éclaire-t-elle strictement rien. Pour quiconque d’un peu sincère, le mystère du « comment » reste entier. Peut-être même est-ce cette incompréhension absolue qui est à l’origine de la thèse étrangement rassurante de « tous des violeurs ». Comme un refus de se confronter au caractère abyssal de la question, qui ne vise pas seulement la possibilité de l’érection en vue de la destruction d’une femme, mais aussi le mystère qu’un homme puisse accepter de jouir en réalisant cette œuvre destructrice à laquelle, il faut le répéter, celui qui l’accomplit assiste à chaque seconde.
      On n’a donc aucune hypothèse à présenter pour expliquer comment ont fait les membres des commandos du Hamas pour user de leur intimité comme arme pendant leurs raids sur le festival de musique et les vingt villages israéliens à la frontière de la Bande de Gaza. On peut en revanche dire une petite partie de ce qui a été fait aux femmes, et émettre une interprétation qui éclaire non pas les faits, mais leur occultation par l’opinion mondiale. Comme cette occultation revient à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas, était dépourvu de sens et de signification, commençons par les faits.

      Le viol, l’un des objectifs – occulté – de l’attaque du 7 octobre…

      On sait désormais partiellement, grâce au travail courageux d’un groupe de professionnelles israéliennes – gynécologues, médecins légistes, juristes du droit international et psychologues[1] –, ce qu’ont fait les hommes du Hamas : ils ont violé de façon répétée, et l’ont fait en groupe. Ils ont tellement violé que l’on voit l’entrejambe des pantalons des femmes kidnappées rouges de sang, et des flaques de sang entre les jambes de femmes et de filles assassinées après les viols. Ils les ont tant violées que certaines, retrouvées mortes, ont eu les os pelviens brisés. Ils ont violé des adolescentes, des femmes et des femmes âgées. Ils ont coupé des seins. Ils ont mutilé les parties sexuelles de leurs victimes – en ce cas, y compris des hommes. Ils ont torturé les femmes après le viol. Ils se sont filmés le faisant. Ils ont envoyé les vidéos des viols et tortures aux proches, qui durent y assister à distance, là où ils n’étaient pas contraints d’assister en direct à ce qui était fait à leurs amies, compagnes, épouses, mères, sœurs et filles. Ces femmes, ils les ont presque toutes tuées après les viols, ou laissées pour mortes[2]. La plupart des victimes survivantes dont on a connaissance à l’heure actuelle, ou plutôt qu’on espère encore vivantes, sont les femmes qui ont été entraînées, déjà violées, à Gaza. On a trouvé un glossaire arabe – hébreu sur l’un des combattants morts du Hamas, indiquant, entre autres, des phrases utiles en hébreu pour faciliter l’acte de violer : « enlève ton pantalon », « retourne-toi » … Les terroristes ayant survécu et été faits prisonniers expliquent à ce propos que le viol était l’un des objectifs de l’attaque.

  • Ce correspondant de la BBC appelle à faire pression sur l’état sioniste non seulement à cause du degré de destruction et du taux de victimes civiles, mais aussi du discrédit occidental.

    Saul Staniforth sur X :

    The BBCs diplomatic correspondent on the reputational damage the west is suffering over their response to Israels actions in Gaza.

    Those double standards have always existed, but what the west have done is trash the pretence that they uphold international law.

    https://twitter.com/SaulStaniforth/status/1728111557333381394

    https://video.twimg.com/ext_tw_video/1728110407670169600/pu/vid/avc1/1280x700/c3yG4Vk_5F3pJZGG.mp4?tag=12

  • Israël éradique le journalisme à Gaza : dix journalistes tués en trois jours, 48 depuis le début de la guerre
    https://rsf.org/fr/isra%C3%ABl-%C3%A9radique-le-journalisme-%C3%A0-gaza-dix-journalistes-tu%C3%A9s

    En trois jours seulement, du 18 au 20 novembre, dix journalistes palestiniens ont péri à Gaza – dont au moins trois dans le cadre de leurs fonctions. Cela porte à 48 le nombre total de journalistes tués par des frappes israéliennes à Gaza – dont 11 en raison de leur mission d’informer le monde de l’actualité –, selon les informations recueillies à ce jour par RSF.

  • Guerre entre Israël et le Hamas : comment les otages israéliens libérés vont-ils être pris en charge ?
    https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-entre-israel-et-le-hamas-comment-les-otages-israeliens-liberes-v

    C’est très bien ce genre d’article, on en trouve dans toutes les langues (j’ai un peu vérifié). Pourquoi personne ne se demande jamais comment les otages palestiniens vont être libérés, eux ?

    Treize premières personnes doivent être évacuées vendredi de la bande de Gaza, où elles sont retenues depuis le 7 octobre. Elles bénéficieront toutes d’une prise en charge médicalisée après un transfert qui s’organisera depuis l’Egypte.

    Le débat peut être déplacé (https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/liberation-des-otages-du-hamas-une-situation-aussi-dechirante-sur-le-plan-et) pour aborder des « enjeux vertigineux » (savoir qui élire ou non)... Mais, là encore, ça ne concerne pas les Palestiniens. Eux, c’est juste du « bétail » apparemment...

    Qui sera sauvé, au risque d’exposer encore plus les autres, et selon quels critères ? Alors que doit s’accomplir une première libération d’otages détenus par le Hamas, Frédérique Leichter-Flack, professeure d’humanités au Centre d’histoire de Sciences Po, détaille dans une tribune au « Monde » les vertigineux enjeux éthiques auxquels cette situation confronte l’ensemble des Israéliens.

  • une réunion de demandeurs de salaire dans une agence Policemploi : menacer pour être obéi, via Yann Gaudin
    https://twitter.com/yanngaudin/status/1728029593922044217

    Voici un témoignage au sujet d’une réunion d’usagers dans une agence Pôle emploi, c’est édifiant. Si un·e journaliste veut enquêter sur cette réunion, me contacter en DM.

    « Le mardi 21 novembre 2023, à 9h, je dois assister à la réunion collective intitulée Présentation du suivi intensif, réunion animée par deux conseillères Pôle emploi. Dès l’entrée de l’agence le ton est donné : on dispatche les demandeurs d’emploi, en vociférant Vous à gauche, vous à droite ! Mon groupe rentre dans une salle trop petite pour le nombre de personnes présentes. Conséquence : des gens restent debout pendant environ 2h.

    D’emblée l’une des deux conseillères prend la parole, elle la gardera pendant tout la session, c’est à peine si nous entendrons la seconde conseillère. La conseillère en chef prend alors un ton autoritaire et vexatoire, voici un florilège de ses propos :

    Si vous êtes dans cette salle, c’est que vous êtes à PE depuis trop longtemps et qu’on veut plus vous voir.

    Y’a du boulot, si vous ne trouvez pas c’est de votre faute.

    La restauration, le bâtiment, la sécurité pour les JO recrutent, on va vous faire travailler pour les #JO.

    Si vous avez des problèmes de santé, ce n’est pas notre problème, mettez-vous en arrêt maladie.

    Personne ne sortira de cette salle sans avoir une prestation.

    Si vous sortez de la salle, je vous déclare absent.

    Tant que vous n’avez pas d’emploi, Pôle emploi est votre employeur et vous devez obéir.

    Vous avez 12 mois pour trouver un emploi, sinon c’est dehors.

    Ceux qui ne savent pas parler français on va leur apprendre.

    Un chômeur à réagi, en demandant à la conseillère de ne pas humilier l’assemblée. Elle a répondu qu’elle faisait son boulot, point barre. La conseillère a refusé aux gens de s’entraider pour remplir le questionnaire en fin de réunion. Certaines personnes avaient des difficultés à écrire. Elle a estimé que ces personnes doivent apprendre à devenir autonomes. »

    dans la logique du suivi, « être autonome » c’est réussir seul à faire ce qu’il faut pour s’adapter aux contraintes, obéir

    #schlague #suivi_intensif #Pôle_emploi #France_travail_nous_voilà

    • Nous sommes trois historiens, Tal Bruttmann, Frédéric Sallée et Christophe Tarricone, spécialistes du nazisme et de la Shoah. La tribune est une réaction à l’entrevue accordée le 11 décembre 2017 par un historien du nazisme, Johann Chapoutot, à un média en ligne de la France Insoumise, Le vent se lève.

    • Merci @mfmb j’avais raté ca à l’époque. J’ai pas les connaissances pour tranché et l’émission que j’ai mise n’est pas celle dont ces 3 historiens discutent. Chapoutot met plutot en parallèle la philosophie du managment avec la manière des nazis de voire les ressources humaines et s’oppose à la philosophie des lumières. C’est vrai que Chapoutot surf sur le point godwin mais est-ce que toute comparaison avec le nazisme doit etre interdite ? Si on a pas le droit de reflechir sur cette periode ni de la nommé ni de la comparer à rien, est-ce qu’on se fabrique pas une autoroute pour que ca recommance et sans qu’on puisse le dire vu que c’est un crime de mauvaise pensée à la orwell de le faire ? Les nazis ont commencé par affamé les personnes internées en psychiatrie, si ca se reproduit en macronny est-ce qu’on peu dire que ca ressemble à du nazisme ou bien c’est antisémite/nazitophile d’y pensé ?

    • @mad_meg Merci. J’ai pas non plus toutes les billes mais je fais confiance à Bruttmann en tant que spécialiste de la Shoah et j’ai trouvé important d’apporter cette info . On peut et doit réfléchir sur cette période qu’est le nazisme. Ce que fait la macronny c’est de la macronny ! C’est dangereux, nocif, capitaliste, anti pauvre, violent, policier , sexiste, fasciste mais pas nazi. Ca ressemble à nombre tyrans cyniques...C’est pas du Poutine ou du Hitler . C’est du Macron et c’est violent c’est de l’Extrême Droite . Le nazisme c’est pas un étalon de mesure. On affame déjà en France il n’y a qu’à voir les chiffres de la pauvreté...Comparer au nazisme ça empêche de penser. C’est pas antisémite/nazitophile de comparer, ça embrouille.

    • @colporteur : j’avais pensé qu’illustrer la conclusion que tu donnais suite au « tweet » (on dit toujours comme ça ?) cité dans ton post, c’était certes un peu « impertinent » mais à peine exagéré. Non, parce que dire à des chômeurs : « Vous avez 12 mois pour trouver un emploi, sinon c’est dehors », si ce n’est pas exercer un droit de vie et de mort sur des individus qu’elle a l’air au demeurant de tenir en un profond mépris, c’est quoi d’autre ? Parce que « s’adapter à la contrainte, obéir », ce ne serait pas la seule issue proposée à toutes ces personnes si elles veulent envisager pour elles-mêmes une toute petite chance de ... survivre ?
      En outre, la dame en question m’a l’air d’appartenir à une certaine aristocratie managériale que n’auraient pas reniée les Waffen-SS de l’époque.

      A propos de la loi de Godwin :

      En réalité, la loi de Godwin est une conjecture — non mathématique — relevant de la sociologie. Dans cette perspective, la popularité de la loi de Godwin peut être considérée comme « un révélateur parmi d’autres de la fragilité de notre société, de son incapacité à se doter de référents universels clairs, et de notre propension à refouler une tendance humaine lourde et enfouie à aimer malgré nous la force, la consistance et le pouvoir dont les régimes totalitaires axés sur la volonté de puissance constituent les effrayants paroxysmes. »

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Godwin

      Désolé @colporteur et @mfmb si je vous ai choqué·es. Ce n’était pas une attaque « ad Hitlerum » dirigée contre vous. Mais c’est vrai que le contexte actuel est terriblement clivant.

    • on ne dit plus « le travail rend libre », surtout en allemand, mais on peut dire, en français, « Le travail, c’est la liberté » (Sarkozy, 2007 https://www.cip-idf.org/spip.php?article4193 ) après avoir revendiqué « préférer une société de travail à une société d’assistance » (Jospin,1998 https://www.cip-idf.org/spip.php?article5633). je crois pas que Jospin soit plus nazi que Saint-Paul (« qui ne travaille pas ne mange pas », mot d’ordre repris par Staline), et pas non plus que Macron soit nazi (bien que Sarkozy le conseille). il semble que l’idéologie du travail ait plusieurs visages et s’accompagne de modalités diverses qu’il est nécessaire de distinguer plutôt que de les amalgamer.

      Cet impératif d’autonomie individuelle que le travail et l’emploi viennent démontrer ne promet pas l’éradication du mal mais l’accès au bien. L’impératif se formule ainsi depuis la moitié des années 70, on a mis en oeuvre des "politiques d’insertion". C’est tout autre chose que l’animalisation et l’extermination du juif (ou du tzigane). C’est une gestion politique des précaires qui oscille entre incitation et contrainte. Depuis la défaite des mouvements de chômeurs et précaires en 1998, stigmatisation et coupes budgétaires (revenus en baisse, au chômage comme au RSA et à la retraite) et, puisque la honte -aussi intériorisée puisse-t-elle être- et l’opprobre - aussi répandue soit-elle- ne sauraient suffire, discipline renforcée.
      Sans point d’arrêt ça ne peut que s’aggraver.

      #idéologie_du_travail

    • @sombre, rien de si grave, tkt. comme dit, ça me semble préférable de distinguer. tout ça reste inexplicable (comment tombe-t-on si bas ?) c’est effectivement à des phénomènes troublants que l’on a affaire. cette manière de surjouer le rôle de chiourme attendu (chez les contrôleurs, les agents pôle, tant d’autre), fait s’inquiéter sur notre espèce (et oui, les nazis étaient pas autre chose que des humains). pour Pôle on peut sans souci parler de management toxique ! oui, la jouissance du pouvoir (même au plus bas niveau) est une énorme souci. fragilité de la société, je crois pas. fragilités des contre pouvoirs effectifs, tacites (effondrement éthique) ou affirmés (effondrement politique). mais j’en sais rien. ça reste incompréhensible pour moi. raison de plus de trouver forte cette société, disons autoritaire : ce qui la constitue reste en bonne partie opaque.

      #jouissance #pouvoir

    • les SS l’auraient bien sur « renié », elle s’est même pas enquis des juifs dans ce groupe, on sait pas si elle peut dessouder quelqu’un de sang froid, ou mieux une série de gens, séparer des enfants de leurs parents à la main, que dalle !
      la question se poserait plutôt depuis le présent, jusqu’où irait cette dame pour kiffer d’incarner un pouvoir ?

      par ailleurs, que les chômeurs soient souvent dans la survie n’est pas une nouvelle. et la survie n’est pas l’extermination. au pire, on se suicide (ce qui n’est pas la même chose que d’être tué en nombre, industriellement et sciemment), on dort dehors, on va en prison, on prend un taf pourri et mal payé, et mille autre choses pas toujours ragoûtantes.

      [toujours prêts ?] à propos de survie, et du degré d’abjection auquel elle peut conduire, non pas cette fois parmi les bourreaux mais chez les enfermés, Hilsenrath raconte de l’intérieur un ghetto ukrainien entre 1941 et 1945 dans Nuit.

    • mettons de côté les torts et dégâts matériels et physiques, c’est davantage d’une mort symbolique du (supposé) « non-travailleur » qu’il est question. tomber au chômage, ça arrive, mais faut vectoriser ça vers la norme sociale. empresse toi de déjouer ton devenir déchet (là ça consonne sévère avec le fascisme)
      toute l’exigence théâtrale imposée au chômeur (le rôle de candidat, de demandeur d’emploi, de chercheur de dignité, d’aspirant à la réalisation de soi dans le canon capitaliste) vient de là. vénère nos fétiches ou cette fois tu tomberas pour de bon hors de la société.

    • @mad_meg @mfmb sur ce point Jacques Ellul disait des choses proches longtemps avant, dès le mois suivant la signature de fin du Reich : les nazis ne sont pas une exception mais un des aboutissements possibles de la logique industrielle, ils ont utilisé et mis en œuvre la plupart des techniques du management industriel, et surtout : après leur défaite, tout ça a continué d’être utilisé et diffusé en masse dans tous les autres pays, ce qui est une victoire du mode de gestion nazi.
      http://1libertaire.free.fr/EllulContreHitler.html

    • @mad_meg oui Chapoutot n’empêche pas de penser. C’est de ramener tout et rien au nazisme qui m’empêche de penser ! C’est un raccourci comme un mot magique repoussoir. ( pour moi).

    • tout ça reste inexplicable (comment tombe-t-on si bas ?) c’est effectivement à des phénomènes troublants que l’on a affaire. cette manière de surjouer le rôle de chiourme attendu (chez les contrôleurs, les agents pôle, tant d’autre), fait s’inquiéter sur notre espèce (et oui, les nazis étaient pas autre chose que des humains).

      Alors justement, on peut se référer à Hannah Arendt qui, à l’issue du procès de Adolf Eichmann à Jérusalem avait élaboré la thèse de la « banalité du mal », non pas qu’elle pensât que le « Mal » était, après les atrocités commises par les nazis, devenu banal mais plutôt que ceux qui l’avaient perpétré avait une personnalité effroyablement banale. Voici le passage que j’ai retenu de cette lecture :

      C’est donc dans le rapport consacré au procès Eichmann qu’Arendt a utilisé pour la première fois cette expression afin de désigner le « manque de profondeur évident » qui caractérisait le coupable, en sorte que le mal absolu, extrême, indéniable qui organisait ses actes ne pouvait être imputé ni à des convictions idéologiques fortes ni à des motivations spécifiquement malignes : « Les actes étaient monstrueux mais le responsable – tout au moins le responsable hautement efficace qu’on jugeait alors – était tout à fait ordinaire, comme tout le monde, ni démoniaque, ni monstrueux. » La seule caractéristique notable qu’on pouvait déceler dans sa conduite (passée et au cours du procès) était entièrement négative : ce n’était pas exactement de la stupidité mais un manque de pensée. L’homme était médiocre, dépourvu de motivations, caractérisé par l’absence de pensée et l’usage constant d’un langage stéréotypé, de clichés standardisés, destinés à le préserver des atteintes de la réalité. Son incapacité à penser était avant tout une incapacité à penser du point de vue d’autrui. « Il était impossible de communiquer avec lui, non parce qu’il mentait mais parce qu’il s’entourait du plus efficace mécanisme de défense contre les mots et la présence des autres et, partant, contre la réalité en tant que telle. » 
      On peut, à ce propos, faire deux remarques.
      1 / Il est clair que ce qui intéresse Hannah Arendt dans le cas Eichmann ce n’est pas la description psychosociologique d’un individu déterminé mais la mise en évidence de l’exemplarité d’un prototype : prototype issu d’un système, d’une organisation sociale et politique (le système totalitaire) dont elle avait analysé l’émergence et le déploiement dans les Origines du totalitarisme et plus particulièrement dans le Système totalitaire. Dans ce dernier ouvrage (mais déjà dans certains textes de l’immédiat après-guerre), Arendt tenait la « normalité » – d’abord sociologique – des complices, des exécutants et des chefs pour constitutive de la logique de mobilisation totale puis du meurtre de masse. L’amplification du système et l’organisation de la machine administrative n’ont pas été mises en œuvre par quelques dizaines de milliers de criminels monstrueux ou sadiques mais par des agents qui, a priori, moralement et socialement ne différaient en rien du reste de la population. Comme le remarque de son côté Raoul Hilberg, des « individus parfaitement ordinaires allaient accomplir un travail qui, lui, ne l’était pas ». Les analyses d’Arendt et celles de Hilberg convergent sur ce point : toutes les opérations nécessaires s’accomplissaient avec le personnel qu’on avait sous la main. « De quelque manière, remarque Hilberg, qu’on veuille tracer les limites de la participation active, la machine de destruction constituait un remarquable échantillon de la population allemande. Toutes les professions, toutes les spécialisations, tous les statuts sociaux y étaient représentés. »
      Cette normalité sociologique et statistique renvoie en premier lieu à des échantillons représentatifs de la population globale. Et c’est à ce titre qu’Eichmann pouvait être qualifié de « banal ». Il était le prototype exemplaire d’une société qui, dans son ensemble, avait été « protégée » par les mêmes voies des atteintes de la réalité : par le mensonge généralisé, par la constitution d’un monde fictif échappant au contrôle des expériences individuelles, par la perte du jugement, c’est-à-dire de la capacité à juger.
      Mais Eichmann était « banal » en un autre sens : dans la mesure où aucun fond, aucun sol, aucun enracinement ne se découvrait à travers son comportement mais plutôt, comme le souligne encore Hannah Arendt, un abîme de niaiserie, d’automatismes conditionnés, de justifications fictives et de bavardage. Il était « banal » parce qu’il n’était pas monstrueux au sens où se seraient affirmés en lui une détermination diabolique, une cruauté essentielle, une volonté ou un parti de faire le mal pour le mal : ce qui aurait témoigné d’une sorte d’altérité radicale échappant pour ainsi dire à l’humanité commune. Comme le remarquait un psychiatre au moment du procès de Jérusalem : Eichmann est « plus normal que je ne le suis moi-même ».
      2 / Sur les intentions et la position d’Arendt elle-même, il ne peut donc y avoir aucune méprise : en renvoyant le (ou les) auteur(s) du mal – cette nouvelle espèce de criminels « ennemis du genre humain » – à la commune humanité, Arendt n’a nullement banalisé ou minimisé le mal. C’est exactement l’inverse : qu’à l’incommensurable monstruosité du mal extrême réponde l’apparente normalité sociologique ou clinique des criminels est de fait l’un des problèmes les plus difficiles qu’il nous soit donné d’affronter aujourd’hui. Voilà donc en quoi réside très précisément ce qu’elle appelle, dans Eichmann à Jérusalem, « la terrible, l’indicible, l’impensable banalité du mal ». Ce qui signifie, en d’autres termes, la présence de l’inhumain au cœur de l’humain : une condition humaine inhumaine. Mais une fois récusée cette idée – très rassurante, il faut bien l’avouer – que les criminels portent en eux une malfaisance innée ou une disposition diabolique dont nous serions a priori exceptés, il faut se garder de basculer dans la tentation inverse en prenant acte qu’un petit Eichmann potentiel dort en chacun de nous. Prétendre que chacun de nous, parce qu’il est un homme, recèle en lui un Eichmann potentiel, c’est s’interdire d’appréhender ce nouveau visage du mal, c’est le diluer dans une sorte de culpabilité universelle qui dissout toute responsabilité : nous sommes tous coupables, personne n’est responsable.
      C’est bien à mon sens cette dernière tentation qu’induit le récent roman de Jonathan Littell, Les bienveillantes, et c’est peut-être l’une des raisons de la « fascination » qu’il a pu exercer, comme l’atteste son succès en librairie. Il est hors de propos dans ce cadre de revenir sur l’ouvrage dans sa globalité et de s’interroger sur les raisons de l’engouement qu’il a provoqué, mais on ne peut qu’être extrêmement frappé (je me contenterai de citer ce passage) par l’adresse au lecteur qui ouvre le premier chapitre : « Frères humains, laissez-moi vous raconter comment ça s’est passé. On n’est pas votre frère, rétorquerez-vous, et on ne veut pas le savoir. » Ainsi parle le narrateur, le bourreau SS qui, à la fin du chapitre, poursuit en ces termes : « Je vis, je fais ce qui est possible, il en est ainsi de tout le monde, je suis un homme comme les autres, je suis un homme comme vous. Allons, puisque je vous dis que je suis comme vous ! »
      En un sens, cette phrase récapitule les ambiguïtés, les confusions, les mésinterprétations qui ont accompagné l’émergence de la notion de « banalité du mal » et qui touchent essentiellement à la question cruciale de l’identification.
      En effet, face au mal extrême commis par des hommes ordinaires, nous nous trouvons dans une situation paradoxale : nous ne pouvons pas a priori nous excepter de cette humanité commune à laquelle, comme eux, nous appartenons. Mais nous ne pouvons pas non plus nous identifier à leur « normalité » au sens où elle fait corps avec la monstruosité des crimes commis. Comme le disait Primo Levi, nous ne pouvons ni ne devons les « comprendre » au sens où comprendre, c’est « se mettre à la place de », c’est mettre en soi celui qui est responsable, c’est s’identifier à lui. En récusant l’idée d’une compréhension qui serait « identification » – c’est-à-dire reconnaissance du semblable par le semblable – Primo Levi rejoint la remarque d’Hannah Arendt dans Le système totalitaire, à propos de cette nouvelle sorte de criminels qui se trouve « au-delà des limites où la solidarité humaine peut s’exercer dans le crime ». Aussi sommes-nous confrontés – par le biais de la « terrible », de l’ « impensable » banalité du mal à une crise de l’identification au semblable.

      L’ouvrage auquel cet article fait référence :
      Eichmann à Jérusalem, Rapport sur la banalité du mal

      https://www.cairn.info/revue-cites-2008-4-page-17.htm

    • Et aussi, cette référence en lien avec le post de @rastapopoulos :

      Arendt dégage les caractéristiques propres du totalitarisme. Pour Arendt, le totalitarisme est avant tout un mouvement, une dynamique de destruction de la réalité et des structures sociales, plus qu’un régime fixe. Un mouvement totalitaire est « international dans son organisation, universel dans sa visée idéologique, planétaire dans ses aspirations politiques ». Le régime totalitaire, selon Arendt, trouverait sa fin s’il se bornait à un territoire précis, ou adoptait une hiérarchie, comme dans un régime autoritaire classique : il recherche la domination totale, sans limites.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Origines_du_totalitarisme

    • la passion de bien faire n’a pas à se soucier de faire le bien. mais elle peut aussi s’y attacher (le bien étant, par exemple, de peupler les prestations du Pôle emploi, de faire que ça tourne, ou d’éliminer les juifs, objectifs rigoureusement incommensurables). le contrôleur qui me dit « c’est la règle » alors que l’amende qu’il m’inflige est manifestement ubuesque aime à se faire objet et à me chosifier (une guichetière m’a vendu sans que je m’aperçoive de l’erreur - malintentionnée ?- un a/r daté du même jour pour un trajet de 2heures et demi qui ne m’aurait laissé qu’une heure sur le lieu de ma destination, ce qui lui permet de me sanctionner deux jours après cette dépense lors de mon retour). Eichmann avait la niaque pour faire l’imbécile, les variantes de ce que Jean Oury a désigné comme #normopathie n’interdisent pas la jouissance. éviter la psychologisation n’a pas à se payer de l’évitement de déterminations libidinales et pulsionnelles. on bute là sur l’opaque de l’époque.

  • Israël/Gaza  : les réseaux sociaux entre censure des voix palestiniennes et démultiplicateur de haine (Publié le 02.11.2023)

    https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/israel-gaza-reseaux-sociaux-entre-censure-des-voix-palestiniennes-et-demulti

    Hausse alarmante de la haine en ligne, censure des contenus palestiniens, faille de modération… depuis la vague de violence qui a éclaté le 7 octobre en Israël et à Gaza, nous sommes préoccupés par la haine et la censure qui profilèrent sur les réseaux sociaux. Nos équipes d’Amnesty Tech ont analysé plusieurs exemples, réunis dans cet article.

    Des publications antisémites

    Nos équipes ont aussi recensé plusieurs publications antisémites, dont un grand nombre appellent à la haine et à la violence contre les personnes juives. Des recherches menées dernièrement par le Centre de lutte contre la haine numérique (CCDH) ont d’ailleurs révélé une prolifération des contenus antisémites sur X ces derniers mois.

    Sur fond d’escalade de violences en Israël et à Gaza nous appelons les entreprises qui gèrent les réseaux sociaux à s’attaquer à la vague de haine et de racisme qui déferle en ligne contre les communautés palestinienne et juive.

    «  Shadow ban  » des contenus palestiniens

    Certains contenus issus de comptes de Palestiniens ou de personnes défendant leurs droits ou relayant simplement des informations sur la situation à Gaza auraient été censurés par les réseaux sociaux. C’est ce que l’on appelle le «  shadow banning  » ou «  bannissement furtif  » qui signifie donc que des contenus palestiniens auraient bénéficié d’une visibilité presque nulle. La directrice d’Amnesty Tech, Rasha Abdul-Rahim, s’est dite vivement préoccupée par ces informations.

    « Tandis qu’Israël intensifie ses bombardements sans précédent sur la bande de Gaza, nous sommes extrêmement préoccupés par les informations faisant état du blocage partiel, parfois même de la suppression de contenus publiés par des défenseur·e·s des droits des Palestinien·ne·s » Rasha Abdul-Rahim, directrice d’Amnesty Tech

    La population palestinienne de la bande de Gaza est de plus en plus soumise à des coupures des moyens de communications, qui limitent sa capacité à chercher, recevoir et transmettre des informations. Les inégalités dans la modération des contenus par les plateformes de réseaux sociaux risquent d’affaiblir encore plus la capacité des Palestinien·ne·s à l’intérieur comme à l’extérieur de la bande de Gaza d’exercer leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

    Les failles abyssales des réseaux sociaux dans la gestion des contenus

    Des recherches ont montré que, sous couvert de neutralité, les systèmes fondés sur l’Intelligence Artificielle (IA) reproduisaient souvent les préjugés existant déjà dans la société. Le 19 octobre 2023, META s’est excusée d’avoir ajouté le mot « terroriste » dans des traductions de profils Instagram contenant les mots « Palestinien » et « Alhamdulillah » (qui signifie Dieu soit loué), ainsi que l’émoji drapeau palestinien. Elle a aussi abaissé de 80 % à 25 % le seuil de certitude requis pour « cacher » un contenu hostile, pour les contenus provenant en grande partie du Moyen-Orient. Cette mesure était une tentative d’endiguer le flux de propos hostiles, mais risque aussi d’entraîner des restrictions excessives des contenus.

    En mai 2021, un rapport de l’organisation Business for Social Responsibility a montré que les contenus en langue arabe faisaient d’avantage l’objet d’une «  modération excessive  » sur les plateformes de Meta contrairement à des contenus dans d’autres langues, dont l’hébreu. Des publications signalées à tort ont contribué à réduire la visibilité et l’engagement de publications en arabe.

    La responsabilité des réseaux sociaux

    Plusieurs de nos recherches [1] ont déjà révélé comment les algorithmes de plateforme comme Facebook ont contribué à de graves violations des droits humains.

    Ces enquêtes sur la responsabilité de Facebook dans des violations commises en Ethiopie ou au Myanmar ont montré la nuisance du modèle économique de Meta basé sur les algorithmes. Conçus pour générer un maximum d’engagement, les algorithmes entraînent souvent une amplification disproportionnée de contenus comme les appels à la haine incitant à la violence, à l’hostilité et à la discrimination.

    Dans ce contexte, il est impératif que les géants technologiques s’emploient à remédier aux conséquences réelles de leurs activités sur les droits humains afin qu’elles ne contribuent pas et ne permettent pas à la haine, au racisme et à la désinformation de proliférer.

    [1] https://www.amnesty.fr/actualites/facebook-a-contribue-au-nettoyage-ethnique-des-rohingyas et https://www.amnesty.fr/actualites/meta-facebook-a-contribue-a-des-violations-dans-le-conflit-en-ethiopie

  • À Paris, l’emprise d’Airbnb dépasse désormais le périph’

    Des chercheurs viennent de publier un site qui cartographie l’emprise d’Airbnb à Paris et en #Île-de-France. Résultat : le nombre d’annonces a explosé, et les #tarifs ont bondi.

    C’est une synthèse inédite sur la croissance d’Airbnb à Paris et en Île-de-France. Une équipe de chercheuses et chercheurs de l’université Paris Cité et du CNRS ont mis en ligne en septembre dernier un site internet dressant un état des lieux très précis de l’ampleur prise par le géant étasunien de la location de courte durée.

    Premier constat : au-delà de Paris, Airbnb a étendu son empire locatif aux villes de petite et de grande couronne. La capitale, qui représentait 81 % des nuitées réservées en Île-de-France en 2016, n’en pèse plus que 54 % en 2022, chiffrent les chercheurs.

    En #Seine-Saint-Denis, la progression est impressionnante : le nombre d’annonces est passé de 1 311 en 2015, à 9 341 en 2022. De même, dans les Hauts-de-Seine, on passe de 2 668 annonces actives en 2015, à 12 498 en 2022.

    Des prix en hausse de 36 % en six ans

    « Le Covid n’a été qu’une parenthèse dans cette progression. Certaines zones autour de Roissy ou d’Orly ont des pressions aussi importantes que dans des villes très touristiques », explique Marianne Guérois, maîtresse de conférences en géographie à l’université Paris-Diderot et membre de Géographie-cités, qui a travaillé sur le projet de recherche.

    Et certains secteurs avaient déjà bien résisté pendant la crise sanitaire : sans surprise, les communes à proximité de grandes forêts comme #Fontainebleau, #Rambouillet, le parc naturel de la #vallée_de_Chevreuse ou encore les alentours du parc #Disneyland.

    Autre phénomène : les loueurs ne sont plus des individus lambda qui mettent leur résidence principale en location le temps de leurs vacances. Il s’agit désormais de professionnels multipropriétaires. Les #annonces_commerciales ont en effet représenté 42 % de l’offre en 2022, contre 24 % en 2016.

    Les tarifs ont aussi augmenté : toujours en 2022, une nuit réservée en Île-de-France a coûté en moyenne 40 dollars (environ 37 euros), ce qui représente une hausse de 36 % depuis 2016. L’#inflation la plus forte s’est faite à Paris (+63 %).

    Faciliter la surveillance d’Airbnb

    Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont acheté des données à #AirDNA, une entreprise privée étasunienne qui aide les investisseurs à choisir le meilleur endroit où acquérir un appartement afin de rentabiliser au maximum leur achat.

    « Il faudrait mutualiser toutes ces #données qui sont aujourd’hui payantes, car c’est un gaspillage d’argent public de les acheter. Avec ce travail, nous aimerions promouvoir une démarche de sciences ouvertes et participatives », explique Ronan Ysebaert, ingénieur en sciences de l’information géographique de l’université Paris Cité.

    En 2019, l’Institut Paris Région avait déjà publié un état des lieux avant la crise du Covid-19. Et une autre plateforme open source, #Inside_Airbnb, a été lancée en 2016 par l’activiste new-yorkais anti-Airbnb Murray Cox. Mais ses données concernent uniquement la capitale, occultant la croissance exponentielle de la plateforme de l’autre côté du périphérique.

    Dans le futur, les chercheurs de l’université Paris Cité et du CNRS aimeraient comparer l’évolution des prix sur Airbnb avec celle du parc locatif classique et mesurer son impact sur la hausse de l’immobilier.

    Leur but est aussi d’aider à mieux encadrer l’essor de la plateforme étasunienne : « Nous voulons donner des outils pour faciliter la surveillance d’Airbnb aux communes qui manquent de moyen pour le faire », conclut Ronan Ysebaert. Actuellement, seule Paris possède une brigade de contrôle des annonces illégales, qui a infligé 6,5 millions d’euros d’amende depuis 2021.

    https://reporterre.net/A-Paris-l-emprise-d-Airbnb-depasse-desormais-le-periph
    #urbanisme #AirBnB #Paris #France #prix #cartographie #visualisation

    ping @visionscarto

  • https://www.humanite.fr/monde/bande-de-gaza/derriere-la-guerre-a-gaza-gaz-petrole-et-pipelines

    Se réserver les routes du gaz, de pétrole. Devenir un hub mondial des câbles sous-marins. Creuser un canal alternatif au canal de Suez : les véritables enjeux géo-économiques qui expliquent la détermination d’Israël à occuper Gaza.

    Cet article a fait l’objet d’une rare critique de la revue de presse de France Inter (plutôt consensuelle en général) hier matin. Un signe que l’Huma met le doigt là où ça coince.

    #gaza #moyen-orient #pétrole #gaz #cables_sous_marins #canal_de_suez #Israël #Palestine

  • Yagil Levy, sociologue : « Le système politique d’Israël est complètement paralysé »
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/24/yagil-levy-sociologue-le-systeme-politique-d-israel-est-completement-paralys

    Je ne connais aucun exemple dans l’histoire militaire récente [depuis la seconde guerre mondiale] où l’on observe ce ratio de pertes entre soldats et civils. Côté israélien, les pertes se montent à environ 60 soldats, comparé à 14 000 personnes tuées dans Gaza, dont au moins 6 000 enfants. C’est un ratio de un contre cent.
    On ne voit nulle part un tel rapport. C’est à ce prix qu’est économisée la vie des soldats, et cela entre en contradiction avec le besoin de légitimation vis-à-vis de l’extérieur. On n’entend pas en Israël de discours mettant en cause l’action militaire à Gaza, car dès que l’on prend en considération la morale, Israël ne peut plus se battre à Gaza, sauf à perdre plus de soldats. Si le coût humain de l’opération montait en flèche, elle deviendrait illégitime, mais cette fois aux yeux de la population.

    #Gaza

    • Une partie de l’opinion considère que ceux et celles qui ont été enlevés sont des gens de gauche, ceux des kibboutz, qui ne sont pas des endroits où l’on trouve des ultrareligieux. Ce n’est pas l’électorat du Likoud [parti de droite du premier ministre, Benyamin Nétanyahou] ou de l’extrême droite. On peut entendre, en ce moment, des expressions de haine, parfois, à l’égard de ces otages, estimant qu’ils empêchent l’armée de se consacrer à sa tâche, qui est d’annihiler le Hamas.

      (...)
      On ne peut pas commencer une guerre sans définir de buts clairs, avec, par conséquent, un plan de sortie. Or, nous n’en avons pas. Il n’y a pas de plan pour le « jour d’après ». De plus, dans les médias israéliens, il n’y a presque rien au sujet de l’impact des opérations à Gaza sur la population. Une forme de déshumanisation est à l’œuvre, mais elle n’est pas neuve. Historiquement, depuis l’effondrement des accords d’Oslo [1993], nous avons déshumanisé les Gazaouis, non seulement en refusant de regarder le sort qui était le leur dans l’enclave, mais aussi par simple mépris. Le fait que nous n’accordions pas d’attention aux destructions là-bas est dans la continuité de ce que nous avons fait depuis vingt ans.

    • Que vous inspire le niveau de destructions opérées dans Gaza ?

      En sociologie des conflits, on parle de « transfert de risque ». Cela signifie que des troupes d’une armée régulière opérant contre un groupe armé dissimulé au sein de la population, obligées de minimiser leurs pertes, transfèrent le risque qui pesait sur elles sur l’ennemi, y compris sur les civils.

      Ce que les Américains et les Britanniques ont commencé à faire dans les dernières décennies, c’est de transférer le risque. Par exemple, en opérant des bombardements massifs à distance. C’est pratique, si l’on veut, mais ce n’est pas soutenable, du point de vue de la légitimité de l’action. Il faut donc tenter de relégitimer les opérations militaires conduites ainsi.

      Il y a plusieurs méthodes pour tenter d’y parvenir. L’une d’entre elles consiste à décrire votre ennemi comme ne méritant pas d’être protégé, et impliquant qu’il n’est pas nécessaire d’établir une distinction entre combattants et civils. Les Américains ont tenté cela, en Irak et en Afghanistan, et ils ont arrêté en comprenant que c’était une erreur. Ce que font les Israéliens, c’est brouiller toute distinction, en sous-entendant que le Hamas, Gaza et les terroristes tueurs du 7 octobre, c’est un peu la même chose.

      [...]

      Quelle aurait pu être l’alternative ?

      Peut-être tirer un avantage du cessez-le-feu [il a débuté vendredi 24 novembre au matin pour une durée de quatre jours] pour dire : très bien, voici nos exigences, nous voulons stopper les hostilités à la condition, par exemple, que l’Autorité palestinienne prenne le contrôle de Gaza, avec ou sans notre aide, dans l’idée de bâtir une solution à deux Etats. C’est le moment d’avoir un plan. Sinon la guerre va se poursuivre dans les mêmes conditions. Personnellement, je souffre de voir ce que nous faisons à Gaza.

      Ce contexte n’est-il pas un facteur qui menace, à terme, la stabilité d’Israël ?

      Bien sûr, ce qui est à l’œuvre, c’est la construction politique du futur, liée à la manière dont se définira notre sécurité. Pour commencer, il faut pouvoir traiter avec une entité politique en mesure de gouverner l’enclave. La grande peur, c’est de se retrouver avec Gaza sans direction, sous le contrôle de milices, comme Mogadiscio en Somalie. Il est encore temps de changer d’approche. Nous n’avons pas le choix : il faut trouver un accord avec l’Autorité palestinienne pour administrer la bande. Il faut aussi cesser de détruire Gaza et de tuer des milliers de gens.

  • Des dizaines de policiers sont d’intervenus dans la Halte-Saint-Jean d’Emmaus pour réprimer violemment les « compagnons » sans papiers grévistes. Gazage général et des blessés. La police a confisqué (volé) la caisse de grève. Les grévistes ne savent pas comment mangeront leurs enfants ce soir. D’après @JeremieRochas
    https://twitter.com/JeremieRochas/status/1727582851607023782

    #sans_papiers #grève #grévistes #Emmaus #police

    • La police intervient chez Emmaüs à Saint-André-lez-Lille - France Bleu
      https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/la-police-intervient-chez-emmaues-a-saint-andre-lez-lille-8431861

      La police intervient chez Emmaüs à Saint-André-lez-Lille
      Saint-André-lez-Lille
      De Antoine Barège , Lison Bourgeois

      Jeudi 23 novembre 2023 à 11:33
      Par France Bleu Nord

      La police est intervenue ce jeudi matin à la halte Saint-Jean, l’entrepôt d’Emmaüs à Saint-André-lez-Lille. Après 147 jours de grève de plusieurs compagnons, des convocations ont été remises.
      Une trentaine de policiers étaient présents pour l’intervention Une trentaine de policiers étaient présents pour l’intervention
      Une trentaine de policiers étaient présents pour l’intervention © Radio France - Lison Bourgeois

      Après 147 jours de grève d’une vingtaine de compagnons, tous en situation irrégulière, qui dénoncent depuis début juillet une « traite d’être humain » et du « travail dissimulé », une vingtaine de policiers sont intervenus ce jeudi matin à Saint-André-lez-Lille. Selon la préfecture du Nord, il ne s’agit pas d’expulsion mais d’une opération « visant à faire cesser les troubles à l’ordre public et l’entrave à la circulation ». Une « opération maîtrisée », les policiers ont remis une dizaine de convocation au commissariat.
      « Intimidation »

      Les compagnons grévistes sont convoqués lundi au commissariat, ils vont être entendus un à un. Le 8 novembre, le tribunal de Lille a demandé la libération et l’arrêt du blocage de la Halte Saint Jean à Saint-André-lez-Lille dans une ordonnance. La CGT qui soutient les compagnons grévistes dénonce « une responsabilité » du préfet du Nord et une « action d’intimidation ». Selon la porte-parole des grévistes Alixe Kombila, deux membres de la communauté ont été envoyés à l’hôpital.
      Un calvaire pour les habitants aux alentours

      Les habitants de la rue du Général Leclerc décrivent un véritable calvaire. Pauline explique qu’elle a du mal à faire dormir son petit garçon avec le bruit. « On se réveille, on a les tambours. On ouvre nos fenêtres, on a les tambours. C’est du matin au soir ! », regrette-t-elle. Pourtant les voisins l’assurent : ils soutiennent le combat des grévistes. Mais ils souhaitent que le bruit cesse.

  • Henry Laurens : « On est sur la voie d’un processus de destruction de masse » à Gaza, entretien avec Rachida El Azzouzi (19 novembre 2023).

    Pour l’historien, spécialiste de la Palestine, professeur au collège de France, « l’effondrement des conditions sanitaires et l’absence de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse » dans la bande de Gaza.

    L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du #Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du #monde_arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard).
    Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. »

    Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ?

    Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le #génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la #CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques.

    La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le #Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la #guerre_froide.

    Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations.

    Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’#extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire.

    On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes.

    L’inconvénient de cette #logique_judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. 

    Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de #Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts.

    Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. 

    La solution à deux États n’est plus possible.

    La crainte d’une seconde « #Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les #Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ?

    La Nakba peut être considérée comme un #nettoyage_ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’#intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une #expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières.

    Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba.

    Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ?

    En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence.

    Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ?

    Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur.

    Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le #conflit_israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ?

    La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements.

    Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ?

    La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des #colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en #Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons.

    C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette #décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

    Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis.

    Qu’entendez-vous par là ?

    Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer.

    Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ?
     
    Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la #colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique.

    Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la #haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens.

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre.

    Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ?

    Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise.

    Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des #symboles_religieux, mais qui sont aussi des #symboles_nationaux, aussi bien pour les #juifs que pour les #musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu.

    De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur.

    Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ?

    Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’#Occident dans la région et conserve le #discours_colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes.

    Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. 

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La #confiscation des #terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950.

    Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le #Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé.

    Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ?

    Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie.

    Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ».

    Israël depuis sa fondation n’a pas de #frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes.

    Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP), faire l’#État_palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime.

    Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant.

    Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…

    Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé #terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël…

    Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. 

    Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté.

    La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens.

    D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’#autorité_palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? 

    Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les #Frères_musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du #Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un #sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. 

    Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. 

    Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ?

    Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer.

    Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ?

    En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent.

    Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ?

    En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. 

    Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ?

    Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un #conflit_israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle.

    Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le #problème_arabe est en train de redevenir une #question_juive.

    Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? 

    La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains…

    La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant.

    Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ?

    C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs.

    Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ?
     
    Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza

    #discours_génocidaire #religion (s) #sionisme

  • Comment le Hamas est devenu le visage violent de la résistance palestinienne | Entretien avec #Tareq_Baconi
    https://aurdip.org/comment-le-hamas-est-devenu-le-visage-violent-de-la-resistance-palestinienne

    les Palestiniens n’ont pas été récompensés de leurs concessions par la moindre forme d’autodétermination. À la place, leur concession a été utilisée pour étouffer toute voix palestinienne effectivement capable d’obtenir des concessions d’#Israël. La leçon durable acquise par le #Hamas auprès de l’#OLP, c’est qu’on ne peut pas concéder, qu’on ne peut assurément pas engager quelque forme de négociation que ce soit, à partir d’une position de faiblesse.

    Et nous voyons cet enseignement revenir avec le Hamas dans les années ultérieures lorsqu’il envisage réellement des négociations avec Israël, mais continue à dire qu’il ne déposera pas ses armes tant que les négociations ne seront pas terminées. À la différence de l’OLP, qui a fait des concessions puis s’est attendue à en être récompensée, le Hamas a vraiment compris que ces parties n’étaient pas de bonne foi dans la négociation et qu’aucune concession n’est possible à partir d’une position de faiblesse. Les concessions ou les négociations doivent partir d’une position de résistance armée.

    #Palestine

    • Quant à la tactique spécifique de l’attentat-suicide, c’est une pratique acquise auprès du #Hezbollah. En 1994, le gouvernement israélien a raflé des centaines de responsables et de membres du Hamas et les a déportés au Liban. C’était en fait un déplacement forcé de Palestiniens sous souveraineté israélienne hors des limites de l’État. Le résultat a été l’inverse de ce qui était attendu car, au lieu de chasser le Hamas et de le repousser dans l’ombre, l’opération a braqué un projecteur sur la situation difficile des Palestiniens et a permis au Hamas de commencer réellement à s’organiser et à entrer en relation avec le Hezbollah au Liban.

      C’est là que le mouvement a rencontré pour la première fois la tactique de l’attentat-suicide. Quand le mouvement a adopté cette tactique dans les années 90, il se centrait sur un élément. Sa priorité était d’entraver les discussions d’Oslo, parce qu’il était convaincu, à juste titre, que ces négociations ne feraient pas progresser les droits des Palestiniens, qu’elles consolideraient les défaites palestiniennes. Le recours aux attentats-suicides servait très précisément à compromettre les négociations, à gêner pour ainsi dire l’OLP qui s’appuyait, pour négocier, sur l’idée qu’elle sécurisait les territoires palestiniens et assurait la sécurité des Juifs israéliens, et à exercer une pression sur le gouvernement israélien pour l’éloigner des négociations, d’une manière ou d’une autre.

      C’était donc en grande partie une tactique de sabotage, ce n’était pas une tactique franche. Elle suscitait des questionnements moraux et stratégiques colossaux à l’intérieur du mouvement pour savoir s’il devait, ou pas, adopter cette politique. Mais, rétrospectivement, cette politique — là encore, en mettant de côté les aspects éthiques — est réellement parvenue à entraver les négociations.

      le texte de Baconi vaut pour l’histoire du Hamas, du moins n’ai-je rien lu de si détaillé et analytique. mais il est pas dépourvu d’affirmations discutables et souffre d’un angle mort bien trop conventionnel. il affirme deux fois que le génocide est inscrit dans la nature de l’état colonial israélien (là où Sambar, par exemple soulignait que la politique d’expulsion n’était pas une politique d’extermination et sans que la propension aux crimes, de guerre, contre l’humanité, du colonialisme ne démontre une "nécessité" du génocide d’"inférieurs" qui sont aussi une main d’oeuvre et une clientèle), et n’évoque qu’une fois l’antisémitisme (de manière banale, il n’en parle qu’en terme de "chantage à", la chose même ne le concerne en rien, il se refuse à la penser).
      or, avant même l’invention allemande au XIXe de l’antisémtisme, à l’instar de la judéophobie chrétienne, la judéophobie est inscrite dans la tradition musulmane (dhima), un archaïsme qui reste présent et depuis lequel on fait de part et d’autre bouillir les marmites de l’avenir.

      on pourra lire en regard, cet entretien de Laurens, historien de la Palestine, qui conclue lucidement sur un retour de la « question juive »
      https://seenthis.net/messages/1028271

      #attentats_suicide

  • Montée de l’islamophobie : Darmanin maintient le flou statistique | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/221123/montee-de-l-islamophobie-darmanin-maintient-le-flou-statistique

    Pas de comptabilité

    Dans un entretien à Ouest-France vendredi 17 novembre, le ministre citait le chiffre de « 140 actes antimusulmans » répertoriés cette année, avec « une montée depuis début octobre », sans plus de détails, tout en rappelant les « 1 780 actes ou événements antisémites depuis le 1er janvier ».

    Des données que le ministre continue lui-même à mettre en concurrence avec les actes antichrétiens. « Il y a une montée des actes antireligieux en France depuis plusieurs années. En premier contre les juifs, en deuxième contre les chrétiens avec plus de 500 actes depuis le 1er janvier », a-t-il indiqué.

    Les éléments transmis par le ministre sur l’islamophobie paraissent bien en deçà de la réalité. À titre d’exemple, pour la seule période du mois d’octobre, l’Observatoire de l’islamophobie, rattaché au Conseil français du culte musulman (CFCM), indiquait avoir reçu à titre personnel « 42 lettres d’insultes ». Il recensait également « 14 mosquées taguées et 17 lettres de menaces contre des mosquées ».

    Déjà épinglée par Mediapart pour sa gestion du sujet, la France est, de fait, l’un des rares pays occidentaux à ne pas tenir une comptabilité précise des faits antimusulmans, contrairement aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne, où les crimes de haine sont indistinctement passés à la loupe.

    « L’antisémitisme couscous »

    Si le phénomène islamophobe hexagonal est bien loin de s’être illustré comme aux États-Unis, marqués par l’assassinat récent d’un enfant, il est malgré tout palpable. Depuis le 7 octobre, les chaînes d’info en continu alimentent les principaux tropes antimusulmans et anti-arabes.

    Gérald Darmanin lui-même n’est pas en reste. Dans une séquence médiatique remarquée, le ministre de l’intérieur s’est attaché à démontrer – toujours sans preuve pour l’heure – les accointances supposées de Karim Benzema avec les Frères musulmans, renforçant le préjugé pugnace d’une affiliation naturelle entre tout musulman et l’islamisme.

    Quelques jours plus tard, sur LCI, c’est un éditorialiste qui évoquait l’existence d’un « antisémitisme couscous ». Le 8 octobre, lendemain des attentats du Hamas, la mosquée de Roanne voyait ainsi ses murs tagués d’un « mort à l’islam », accolé d’une étoile de David.

    Découverte similaire à Saint-André-de-Cubzac (Gironde), où, au petit matin du 20 octobre, le mur adjacent de la mosquée était maculé de croix gammées et de deux inscriptions difficilement lisibles mais non moins haineuses : « Crevez vous êtes des cibles » et « Cachez-vous assassins », ainsi que d’une étoile de David. Le jour même, une plainte a été déposée à la gendarmerie nationale.

    Au pôle national de lutte contre la haine en ligne, c’est une plainte d’une mosquée d’une grande ville des Yvelines qui a atterri après la réception le 1er novembre de deux courriels d’éloges à Hitler. « Il y est écrit qu’il aurait dû décimer les Arabes plutôt que les juifs », confie le responsable d’une des nombreuses associations de mosquées destinatrices de ce message. « C’était écrit dans un français décousu mais parfaitement compréhensible, manière de brouiller les pistes façon “Omar m’a tuer”. »

    Le 15 novembre, la mosquée Koba, dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon (Rhône), était à son tour visée, recouverte des inscriptions « islam = antisémitisme ». « C’est la police qui a découvert le tag vers 11 heures », indique à Mediapart Djamel Hellal, président de l’association Croix-Rousse Koba, un lieu de culte historique du quartier installé en bas d’un immeuble des canuts. « Ce qui m’a choqué, c’est que la mosquée n’est pas indiquée, nous sommes surtout connus du quartier et des fidèles. »

  • Conflit israélo-palestinien : une #chape_de_plomb s’est abattue sur l’université française

    Depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le milieu de la #recherche, en particulier les spécialistes du Proche-Orient, dénonce un climat de « #chasse_aux_sorcières » entretenu par le gouvernement pour toute parole jugée propalestinienne.

    « #Climat_de_peur », « chasse aux sorcières », « délation » : depuis les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, et le déclenchement de l’offensive israélienne sur #Gaza, le malaise est palpable dans une partie de la #communauté_scientifique française, percutée par le conflit israélo-palestinien.

    Un #débat_scientifique serein, à distance des agendas politiques et de la position du gouvernement, est-il encore possible ? Certains chercheurs et chercheuses interrogés ces derniers jours en doutent fortement.

    Dans une tribune publiée sur Mediapart (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/151123/defendre-les-libertes-dexpression-sur-la-palestine-un-enjeu-academiq), 1 400 universitaires, pour beaucoup « spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes », ont interpellé leurs tutelles et collègues « face aux faits graves de #censure et de #répression […] dans l’#espace_public français depuis les événements dramatiques du 7 octobre ».

    Ils et elles assurent subir au sein de leurs universités « des #intimidations, qui se manifestent par l’annulation d’événements scientifiques, ainsi que des entraves à l’expression d’une pensée académique libre ».

    Deux jours après l’attaque du Hamas, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, avait adressé un courrier de mise en garde aux présidents d’université et directeurs d’instituts de recherche.

    Elle y expliquait que, dans un contexte où la France avait « exprimé sa très ferme condamnation ainsi que sa pleine solidarité envers Israël et les Israéliens » après les attaques terroristes du 7 octobre, son ministère avait constaté « de la part d’associations, de collectifs, parfois d’acteurs de nos établissements, des actions et des propos d’une particulière indécence ».

    La ministre leur demandait de « prendre toutes les mesures nécessaires afin de veiller au respect de la loi et des principes républicains » et appelait également à signaler aux procureurs « l’#apologie_du_terrorisme, l’#incitation_à_la_haine, à la violence et à la discrimination ».

    Un message relayé en cascade aux différents niveaux hiérarchiques du CNRS, jusqu’aux unités de recherche, qui ont reçu un courrier le 12 octobre leur indiquant que l’« expression politique, la proclamation d’opinion » ne devaient pas « troubler les conditions normales de travail au sein d’un laboratoire ».

    Censure et #autocensure

    Le ton a été jugé menaçant par nombre de chercheurs et chercheuses puisque étaient évoquées, une fois de plus, la possibilité de « #poursuites_disciplinaires » et la demande faite aux agents de « signaler » tout écart.

    Autant de missives que des universitaires ont interprétées comme un appel à la délation et qu’ils jugent aujourd’hui responsables du « #climat_maccarthyste » qui règne depuis plusieurs semaines sur les campus et dans les laboratoires, où censure et autocensure sont de mise.

    Au point que bon nombre se retiennent de partager leurs analyses et d’exprimer publiquement leur point de vue sur la situation au Proche-Orient. Symbole de la chape de plomb qui pèse sur le monde académique, la plupart de celles et ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ont requis l’anonymat.

    « Cela fait plus de vingt ans que j’interviens dans le #débat_public sur le sujet et c’est la première fois que je me suis autocensurée par peur d’accusations éventuelles », nous confie notamment une chercheuse familière des colonnes des grands journaux nationaux. Une autre décrit « des échanges hyper violents » dans les boucles de mails entre collègues universitaires, empêchant tout débat apaisé et serein. « Même dans les laboratoires et collectifs de travail, tout le monde évite d’évoquer le sujet », ajoute-t-elle.

    « Toute prise de parole qui ne commencerait pas par une dénonciation du caractère terroriste du Hamas et la condamnation de leurs actes est suspecte », ajoute une chercheuse signataire de la tribune des 1 400.

    Au yeux de certains, la qualité des débats universitaires se serait tellement dégradée que la production de connaissance et la capacité de la recherche à éclairer la situation au Proche-Orient s’en trouvent aujourd’hui menacées.

    « La plupart des médias et des responsables politiques sont pris dans un #hyperprésentisme qui fait commencer l’histoire le 7 octobre 2023 et dans une #émotion qui ne considère légitime que la dénonciation, regrette Didier Fassin, anthropologue, professeur au Collège de France, qui n’accepte de s’exprimer sur le sujet que par écrit. Dans ces conditions, toute perspective réellement historique, d’une part, et tout effort pour faire comprendre, d’autre part, se heurtent à la #suspicion. »

    En s’autocensurant, et en refusant de s’exprimer dans les médias, les spécialistes reconnus du Proche-Orient savent pourtant qu’ils laissent le champ libre à ceux qui ne craignent pas les approximations ou les jugements à l’emporte-pièce.

    « C’est très compliqué, les chercheurs établis sont paralysés et s’interdisent de répondre à la presse par crainte d’être renvoyés à des prises de position politiques. Du coup, on laisse les autres parler, ceux qui ne sont pas spécialistes, rapporte un chercheur lui aussi spécialiste du Proche-Orient, qui compte parmi les initiateurs de la pétition. Quant aux jeunes doctorants, au statut précaire, ils s’empêchent complètement d’évoquer le sujet, même en cours. »

    Stéphanie Latte Abdallah, historienne spécialiste de la Palestine, directrice de recherche au CNRS, a été sollicitée par de nombreux médias ces dernières semaines. Au lendemain des attaques du Hamas, elle fait face sur certains plateaux télé à une ambiance électrique, peu propice à la nuance, comme sur Public Sénat, où elle se trouve sous un feu de questions indignées des journalistes, ne comprenant pas qu’elle fasse une distinction entre l’organisation de Daech et celle du Hamas…

    Mises en cause sur les #réseaux_sociaux

    À l’occasion d’un des passages télé de Stéphanie Latte Abdallah, la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, membre du CNRS comme elle, l’a désignée sur le réseau X, où elle est très active, comme membre d’une école de pensée « antisioniste sous couvert de recherche scientifique », allant jusqu’à dénoncer sa « fausse neutralité, vraie détestation d’Israël et des juifs ».

    S’est ensuivi un déluge de propos haineux à connotation souvent raciste, « des commentaires parfois centrés sur mon nom et les projections biographiques qu’ils pouvaient faire à partir de celui-ci », détaille Stéphanie Latte Abdallah, qui considère avoir été « insultée et mise en danger ».

    « Je travaille au Proche-Orient. Cette accusation qui ne se base sur aucun propos particulier, et pour cause (!), est choquante venant d’une collègue qui n’a de plus aucune expertise sur la question israélo-palestinienne et aucune idée de la situation sur le terrain, comme beaucoup de commentateurs, d’ailleurs », précise-t-elle.

    Selon nos informations, un courrier de rappel à l’ordre a été envoyé par la direction du CNRS à Florence Bergeaud-Blackler, coutumière de ce type d’accusations à l’égard de ses collègues via les réseaux sociaux. La direction du CNRS n’a pas souhaité confirmer.

    Commission disciplinaire

    À l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), après la diffusion le 8 octobre d’un communiqué de la section syndicale Solidaires étudiant·e·s qui se prononçait pour un « soutien indéfectible à la lutte du peuple palestinien dans toutes ses modalités et formes de lutte, y compris la lutte armée », la direction a effectué un signalement à la plateforme Pharos, qui traite les contenus illicites en ligne.

    Selon nos informations, une chercheuse du CNRS qui a relayé ce communiqué sur une liste de discussion interne, en y apportant dans un premier temps son soutien, est aujourd’hui sous le coup d’une procédure disciplinaire. Le fait qu’elle ait condamné les massacres de civils dans deux messages suivants et pris ses distances avec le communiqué de Solidaires étudiant·e·s n’y a rien fait. Une « commission paritaire » – disciplinaire en réalité – sur son cas est d’ores et déjà programmée.

    « Il s’agit d’une liste intitulée “opinions” où l’on débat habituellement de beaucoup de sujets politiques de façon très libre », nous précise un chercheur qui déplore le climat de suspicion généralisée qui s’est installé depuis quelques semaines.

    D’autres rappellent l’importance de la chronologie puisque, le 8 octobre, l’ampleur des crimes contre les civils perpétrés par le Hamas n’était pas connue. Elle le sera dès le lendemain, à mesure que l’armée israélienne reprend le contrôle des localités attaquées.

    Autre cas emblématique du climat inhabituellement agité qui secoue le monde universitaire ces derniers jours, celui d’un enseignant-chercheur spécialiste du Moyen-Orient dénoncé par une collègue pour une publication postée sur sa page Facebook privée. Au matin du 7 octobre, Nourdine* (prénom d’emprunt) poste sur son compte une photo de parapentes de loisir multicolores, assortie de trois drapeaux palestiniens et trois émoticônes de poing levé. Il modifie aussi sa photo de couverture avec une illustration de Handala, personnage fictif et icône de la résistance palestinienne, pilotant un parapente.

    À mesure que la presse internationale se fait l’écho des massacres de civils israéliens auxquels ont servi des ULM, que les combattants du Hamas ont utilisés pour franchir la barrière qui encercle la bande de Gaza et la sépare d’Israël, le chercheur prend conscience que son post Facebook risque de passer pour une célébration sordide des crimes du Hamas. Il le supprime moins de vingt-quatre heures après sa publication. « Au moment où je fais ce post, on n’avait pas encore la connaissance de l’étendue des horreurs commises par le Hamas, se défend-il. Si c’était à refaire, évidemment que je n’aurais pas publié ça, j’ai été pétri de culpabilité. »

    Trop tard pour les regrets. Quatre jours après la suppression de la publication, la direction du CNRS, dont il est membre, est destinataire d’un mail de dénonciation. Rédigé par l’une de ses consœurs, le courrier relate le contenu du post Facebook, joint deux captures d’écran du compte privé de Nourdine et dénonce un « soutien enthousiaste à un massacre de masse de civils ».

    Elle conclut son mail en réclamant « une réaction qui soit à la mesure de ces actes et des conséquences qu’ils emportent », évoquant des faits pouvant relever de « l’apologie du terrorisme » et susceptibles d’entacher la réputation du CNRS.

    On est habitués à passer sur le gril de l’islamo-gauchisme et aux attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues.

    Nourdine, chercheur

    Lucide sur la gravité des accusations portées à son égard, Nourdine se dit « démoli ». Son état de santé préoccupe la médecine du travail, qui le met en arrêt et lui prescrit des anxiolytiques. Finalement, la direction de l’université où il enseigne décide de ne prendre aucune sanction contre lui.

    Également directeur adjoint d’un groupe de recherche rattaché au CNRS, il est néanmoins pressé par sa hiérarchie de se mettre en retrait de ses fonctions, ce qu’il accepte. Certaines sources universitaires affirment que le CNRS avait lui-même été mis sous pression par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour sanctionner Nourdine.

    Le chercheur regrette des « pratiques vichyssoises » et inédites dans le monde universitaire, habitué aux discussions ouvertes même lorsque les débats sont vifs et les désaccords profonds. « Des collègues interloqués par mon post m’ont écrit pour me demander des explications. On en a discuté et je me suis expliqué. Mais la collègue qui a rédigé la lettre de délation n’a prévenu personne, n’a pas cherché d’explications auprès de moi. Ce qui lui importait, c’était que je sois sanctionné », tranche Nourdine. « On est habitués à passer sur le gril de l’#islamo-gauchisme et aux #attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues », finit-il par lâcher, amer.

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    Sciences Po en butte aux tensions

    Ce mardi 21 novembre, une manifestation des étudiants de Sciences Po en soutien à la cause palestinienne a été organisée rue Saint-Guillaume. Il s’agissait aussi de dénoncer la « censure » que subiraient les étudiants ayant trop bruyamment soutenu la cause palestinienne.

    Comme l’a raconté L’Obs, Sciences Po est confronté à de fortes tensions entre étudiants depuis les attaques du Hamas du 7 octobre. Le campus de Menton, spécialisé sur le Proche-Orient, est particulièrement en ébullition.

    Une boucle WhatsApp des « Students for Justice in Palestine », créée par un petit groupe d’étudiants, est notamment en cause. L’offensive du Hamas y a notamment été qualifiée de « résistance justifiée » et certains messages ont été dénoncés comme ayant des relents antisémites. Selon l’hebdomadaire, plusieurs étudiants juifs ont ainsi dit leur malaise à venir sur le campus ces derniers jours, tant le climat y était tendu. La direction a donc convoqué un certain nombre d’étudiants pour les rappeler à l’ordre.

    Lors d’un blocus sur le site de Menton, 66 étudiants ont été verbalisés pour participation à une manifestation interdite.

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    En dehors des cas particuliers précités, nombre d’universitaires interrogés estiment que le climat actuel démontre que le #monde_académique n’a pas su résister aux coups de boutoir politiques.

    « Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit », retrace Didier Fassin. « On l’avait vu, sous la présidence actuelle, avec les accusations d’islamo-gauchisme contre les chercheuses et chercheurs travaillant sur les discriminations raciales ou religieuses. On l’avait vu, sous les deux présidences précédentes, avec l’idée qu’expliquer c’est déjà vouloir excuser », rappelle-t-il en référence aux propos de Manuel Valls, premier ministre durant le quinquennat Hollande, qui déclarait au sujet de l’analyse sociale et culturelle de la violence terroriste : « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. »

    « Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre d’entre nous, nous continuons à essayer de nous exprimer, à la fois parce que nous croyons que la démocratie de la pensée doit être défendue et surtout parce que la situation est aujourd’hui trop grave dans les territoires palestiniens pour que le silence nous semble tolérable », affirme Didier Fassin.

    Contactée, la direction du #CNRS nous a répondu qu’elle ne souhaitait pas s’exprimer sur les cas particuliers. « Il n’y a pas à notre connaissance de climat de délation ou des faits graves de censure. Le CNRS reste très attaché à la liberté académique des scientifiques qu’il défend depuis toujours », nous a-t-elle assuré.

    Une répression qui touche aussi les syndicats

    À la fac, les syndicats sont aussi l’objet du soupçon, au point parfois d’écoper de sanctions. Le 20 octobre, la section CGT de l’université Savoie-Mont-Blanc (USMB) apprend sa suspension à titre conservatoire de la liste de diffusion mail des personnels, par décision du président de l’établissement, Philippe Galez. En cause : l’envoi d’un message relayant un appel à manifester devant la préfecture de Savoie afin de réclamer un cessez-le-feu au Proche-Orient et dénonçant notamment « la dérive ultra-sécuritaire de droite et d’extrême droite en Israël et la politique de nettoyage ethnique menée contre les Palestiniens ».

    La présidence de l’université, justifiant sa décision, estime que le contenu de ce message « dépasse largement le cadre de l’exercice syndical » et brandit un « risque de trouble au bon fonctionnement de l’établissement ». La manifestation concernée avait par ailleurs été interdite par la préfecture, qui invoquait notamment dans son arrêté la présence dans un rassemblement précédent « de nombreux membres issus de la communauté musulmane et d’individus liés à l’extrême gauche et ultragauche ».

    La section CGT de l’USMB n’a pas tardé à répliquer par l’envoi à la ministre Sylvie Retailleau d’un courrier, depuis resté lettre morte, dénonçant « une atteinte aux libertés syndicales ». La lettre invite par ailleurs le président de l’établissement à se plier aux consignes du ministère et à effectuer un signalement au procureur, s’il estimait que « [le] syndicat aurait “troublé le bon fonctionnement de l’établissement” ». Si ce n’est pas le cas, « la répression syndicale qui s’abat sur la CGT doit cesser immédiatement », tranche le courrier.

    « Cette suspension vient frontalement heurter la #liberté_universitaire, s’indigne Guillaume Defrance, secrétaire de la section CGT de l’USMB. C’est la fin d’un fonctionnement, si on ne peut plus discuter de manière apaisée. »

    Le syndicat dénonce également l’attitude de Philippe Galez, qui « veut désormais réguler l’information syndicale à l’USMB à l’aune de son jugement ». Peu de temps après l’annonce de la suspension de la CGT, Philippe Galez a soumis à l’ensemble des organisations syndicales un nouveau règlement relatif à l’utilisation des listes de diffusion mail. Le texte limite l’expression syndicale à la diffusion « d’informations d’origine syndicale ou à des fins de communication électorale ». Contacté par nos soins, le président de l’USMB nous a indiqué réserver dans un premier temps ses « réponses et explications aux organisations syndicales et aux personnels de [son] établissement ».

    Interrogé par Mediapart, le cabinet de Sylvie Retailleau répond que le ministère reste « attaché à la #liberté_d’expression et notamment aux libertés académiques : on ne juge pas des opinions. Il y a simplement des propos qui sont contraires à la loi ».

    Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fait état de « quelques dizaines de cas remontés au ministère ». Il reconnaît que des événements ont pu être annulés pour ne pas créer de #trouble_à_l’ordre_public dans le climat actuel. « Ils pourront avoir lieu plus tard, quand le climat sera plus serein », assure l’entourage de la ministre.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/211123/conflit-israelo-palestinien-une-chape-de-plomb-s-est-abattue-sur-l-univers
    #université #Israël #Palestine #France #7_octobre_2023 #délation #ESR

  • Egalité climatique : une planète pour les 99% - Oxfam France
    https://www.oxfamfrance.org/rapports/egalite-climatique-une-planete-pour-les-99

    À quelques jours de la COP28, Oxfam publie un nouveau rapport sur les inégalités climatiques dans le monde. Ce rapport révèle que les 1% les plus riches émettent plus de CO2 que les deux tiers les plus pauvres de l’humanité soit 5 milliards de personnes.

    Alors que les individus, les entreprises et les pays les plus riches continuent de détruire la planète, les personnes les plus pauvres, celles qui sont les plus marginalisées, sont parallèlement les plus durement touchées par la crise climatique.

  • Bon, d’accord, le nouveau taré argentin a l’air sévèrement taré. Mais est-ce quelqu’un aurait des articles avec un peu de fond qui analysent pourquoi ce nouvel étron bolsonaro-trumpiste est parvenu à se faire élire ? (Culture-war réactionnaire ? Nullité du camp d’en face ? Gauche qui aurait abandonné les pauvres ? Classes moyennes barbarisées ?)

    • Notamment cette partie je pense :
      "Le discours de M. Milei touche surtout les jeunes, particulièrement exposés aux réseaux sociaux et aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. « Jamais, depuis la fin de la dictature, la droite radicale n’a eu une résonance aussi puissante auprès des jeunes », constate Ariel Goldstein, chercheur au Conseil national de la recherche scientifique et technique (Conicet) à Buenos Aires. Selon un sondage du cabinet de conseil Synopis (9), la moitié des militants de M. Milei, majoritairement des hommes issus des classes moyenne et populaire urbaines, ont moins de 29 ans. Pendant la pandémie, « l’État est devenu leur ennemi », explique Sergio Morresi, politiste de l’université nationale du Littoral. « À leurs yeux, le discours progressiste selon lequel l’État est celui qui prend soin de nous, nous protège, nous aide, n’a pas de sens. Leur seule expérience est celle d’un État qui ne fonctionne pas. »"

    • taux de participation de 76 %

      Ils veulent apparemment le changement, quel qu’il soit.

      De mon côté, suivi de loin, je me souviens :
      – accusations de corruption contre les dirigeants de gauche
      – arrivée au pouvoir de la droite corrompue, marasme économique
      – retour d’une certaine gauche, mais sans retour à la normale
      – tensions sur la monnaie, historique lourd de ce point de vue, marchés internationaux peu amicaux
      – inflation incontrôlable

    • une salve de « vive la liberté, bordel ! », son slogan préféré, crié d’une voix rocailleuse de rockeur.

      « On peut s’attendre à un scénario de grande conflictualité sociale », estime Lara Goyburu, politiste à l’université de Buenos Aires, avec la probable mobilisation des syndicats et des organisations sociales. A moins, ajoute-t-elle, que Javier Milei n’opte pour la répression afin d’imposer ses réformes.
      Le président élu ne dispose pas de majorité au Congrès, ni de gouverneur provincial ou de maire appartenant à sa coalition : les doutes sur sa capacité à gouverner restent entiers. « Cela peut provoquer une paralysie institutionnelle. Car même en comptant sur les députés d’une partie de la droite, il n’aura pas de majorité qualifiée, observe la politiste. Aussi, il ne pourra peut-être pas retirer l’avortement légal ou dollariser l’économie, mais il va pouvoir couper de nombreuses dépenses publiques en gouvernant par décret. »

      dans Le Monde
      https://archive.ph/YfWEQ

      edit vu l’ampleur de la #pauvreté et le taux d’#inflation, on voit mal comme un ministre de l’économie aurait pu contrer ce sale type

      #Argentine

    • à propos de Milei un seen de @deun, " extrême droite et misère de position"
      https://seenthis.net/messages/1019616

      cite DES INSURRECTIONS SANS LUMIÈRES
      https://lundi.am/Des-insurrections-sans-lumieres

      à quoi ont ajouter la parution aujourd’hui de
      QUI EST JAVIER MILEI LE NOUVEAU PRÉSIDENT ARGENTIN LIBERTARIEN ? (D’après Pablo Stefanoni, La rébellion est-elle passée à droite ?)
      https://lundi.am/Qui-est-Javier-Milei-le-nouveau-president-argentin-libertarien

      une ode punk a icelui

      https://www.youtube.com/watch?v=6-g2OjuuNCs

      « Allez vous faire foutre, salauds d’empresaurios[empresario (entrepreneur) et dinosaurio (dinosaure) ] / Allez vous faire foutre, sodomites du capital / On en a marre des ordures keynésiennes / Le moment libéral est arrivé / Nous avons un leader, et c’est un référent majeur / Qui arrive toujours à incommoder l’État / Javier Milei, notre futur président / Javier Milei le dernier des punks / Toujours mobilisé contre la pression fiscale / Toujours mobilisé contre l’étatisme prédateur / Luttant pour une Argentine libertarienne / Et pour la liberté du peuple travailleur. »

      un résumé vidéo du Monde via @sandburg
      https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/11/19/qu-est-ce-que-la-figure-de-javier-milei-nous-dit-des-crises-que-traverse-l-a

      #extrême_droite #paléolibertarianisme #libertariens

    • Argentine : Javier Milei n’est ni Trump ni Bolsonaro, il est pire,
      Ludovic Lamant
      https://www.mediapart.fr/journal/international/201123/argentine-javier-milei-n-est-ni-trump-ni-bolsonaro-il-est-pire

      L’Argentin Javier Milei est le dernier avatar d’un mouvement de fond des droites extrêmes « anti-système » qui s’épanouissent dans les failles et insuffisances des démocraties actuelles. Mais les rapprochements avec Donald Trump ou Jair Bolsonaro échouent à saisir la spécificité du phénomène.
      Le « saut dans le vide » tant redouté par les gauches argentines s’est produit : le #libertarien Javier Milei a été élu dimanche 19 novembre, avec un score sans appel et bien supérieur à ce qu’annonçaient des instituts de sondage décidément très peu fiables pour prendre le pouls du malaise qui traverse ce pays.
      Milei a devancé de plus de onze points son adversaire péroniste, le ministre de l’économie sortant, Sergio Massa, rassemblant pas moins de 14,5 millions de voix (sur 36 millions d’inscrit·es) . Sa formation, La liberté avance, s’est imposée dans 21 des 24 provinces du pays. Il a profité d’un report massif des voix des candidat·es arrivé·es en troisième et quatrième places au premier tour.

      Sans surprise, Donald Trump est l’un des premiers à avoir félicité sur X le vainqueur : « Je suis très fier de toi. Tu transformeras ton pays et lui redonneras de nouveau sa grandeur ! » Lors du premier tour, le 22 octobre, le fils de l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro, Eduardo Bolsonaro, député à Brasilia, avait fait le déplacement à Buenos Aires pour soutenir Milei : « Javier incarne l’espoir que les choses changent », avait-il dit, alors qu’il arborait ce jour-là une pince à cravate en forme de pistolet devenue virale sur les réseaux.
      Dès le mois d’août dernier, à l’approche des primaires dont Milei était déjà sorti vainqueur, Jair Bolsonaro en personne s’était fendu d’une vidéo de soutien : « [Milei et moi] partageons beaucoup de choses en commun. [...] Nous défendons la famille, la #propriété_privée, le #libre_marché, la liberté d’expression, le droit à se défendre. »

      Le énième avatar d’une « internationale national-populiste » ?

      Le triomphe de l’outsider Milei s’inscrit dans ce mouvement de montée en puissance des #droites les plus extrêmes, engagées dans une #guerre_culturelle contre les gauches progressistes. Milei tempête contre « la caste » comme Trump l’a fait contre « l’establishment » de Washington. Milei s’est fait connaître en tant qu’expert des plateaux de télévision à partir de 2015, comme Trump est passé par la télé-réalité dans les années 2000 pour accroître sa notoriété.
      En plus de leur style agressif, extravagant et télégénique, les trois – avec Jair Bolsonaro – tonnent contre « le communisme » et/ou « le socialisme » et défendent - sur des registres à peine différents - le droit de chaque citoyen à porter une arme pour se défendre. Trump, Milei ou encore Boris Johnson du temps du Brexit se sont nourris d’une explosion des inégalités dans leur pays, capitalisant sur le mal-être d’une classe moyenne appauvrie.

      « Des petits commerçants, des indépendants, qui gagnent peu, sont très remontés contre le #péronisme, et voient qu’ils gagnent quasiment la même chose que des chômeurs qui bénéficient de plans sociaux, expliquait à Mediapart le sociologue Gabriel Vommaro, du centre de recherche argentin Conicet et de l’EHESS à Paris. C’est une vieille histoire en sociologie politique, qui se répète : celle du jeune Blanc aux États-Unis, ou du Brexiter en Angleterre. »
      Interrogé par le site en espagnol de CNN, le patron de la version argentine du Monde diplomatique, José Natanson, identifie un autre point commun : tous ont profité, avant leur victoire, d’une « sous-estimation » : « Il y a l’idée qu’ici, cela ne peut pas arriver, qu’un personnage pareil ne peut pas devenir président de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay... Jusqu’à ce que cela arrive. »
      Mais le jeu des échos et comparaisons s’arrête là, au sein de cette « internationale national-populiste ». Les raccourcis qui présentent Milei comme un « Trump argentin » ne suffisent pas à comprendre ce qui se joue à Buenos Aires. L’ascension de Milei s’inscrit d’abord dans un contexte de dégradation du système politique argentin. Et beaucoup de ses caractéristiques sont très spécifiques.

      Un homme sans parti

      Aux États-Unis, Donald Trump s’est imposé aux primaires du parti républicain. Au Royaume-Uni, les partisans du Brexit ont pris d’assaut le parti conservateur (Tories). À Buenos Aires, Milei a construit son ascension sans ancrage national. Son pseudo-parti, La liberté avance, a enchaîné les mauvais scores aux différentes élections régionales qui ont ponctué l’année 2023, preuve que cette entité peine à exister si Milei ne se présente pas.
      Cela signifie d’abord que Milei a les mains libres pour fixer sa ligne radicale, en toute indépendance, avec quelques personnes clés de son entourage. À commencer par son énigmatique sœur cadette, Karina, qu’il surnomme, au masculin, « El jefe » (le chef), ou encore « Le messie », et qui fut la stratège en chef de sa campagne victorieuse.
      Revers de la médaille : à ce stade, son parti est loin de détenir les clés de la Chambre des député·es. Milei ne détiendra que 38 élu·es à la chambre basse (contre trois sur le mandat précédent). La majorité absolue est à 129. Il devra donc convaincre des député·es de la droite plus traditionnelle, par exemple au sein du PRO de Patricia Bullrich et Mauricio Macri.
      D’où les analyses de certains observateurs, qui font déjà de l’ancien président #Mauricio_Macri (2015-2019), le premier à avoir soutenu Milei durant l’entre-deux-tours, le « parrain » de la présidence Milei à venir.

      Une ascension éclair

      Au Chili, le candidat néo-pinochetiste José Antonio Kast, qui a failli l’emporter face à Gabriel Boric en 2021, est élu pour la première fois député en 2002. Au Salvador, Nayib Bukele, devenu l’une des figures les plus inquiétantes de l’extrême droite au pouvoir dans les Amériques après son élection à la présidence en 2019, a démarré sa carrière politique en 2012, depuis la gauche.
      Là encore, Milei tranche avec ce type de parcours. Il a été élu député national pour la première fois en décembre 2021. L’ascension éclair de ce novice en politique, dénué a priori de toute capacité de négociation politique, s’explique en grande partie par un contexte très local : le bilan calamiteux de la présidence péroniste d’Alberto Fernández depuis 2019. En particulier sur le front économique : une inflation de 648 % sur la période, des dévaluations du peso à répétition, et un taux de pauvreté en hausse, à 40,1 % de la population (18,5 millions d’Argentin·es).

      Un candidat « mono-thématique »

      Milei a longtemps été le candidat d’une seule proposition, la dollarisation de l’économie argentine face à l’inflation galopante (et son pendant, la fermeture de la Banque centrale), qu’il a martelée sur les plateaux télé. « Trump parlait d’économie mais de beaucoup d’autres choses, notamment d’international. Milei est davantage mono-thématique : il critique la caste et parle d’économie », relève le sociologue Gabriel Vommaro.
      Carlos Pagni, l’éditorialiste du quotidien La Nación l’explique autrement à Mediapart : « Milei n’est pas Bolsonaro, il serait plutôt comme la fusion de Bolsonaro et [Paulo] Guedes dans la même personne », en référence au conseiller économique ultralibéral de la présidence Bolsonaro.
      Si l’attention des médias, surtout à l’étranger, s’est fixée sur la personne extravagante de Milei, le triomphe électoral de dimanche est bien le fruit d’un binôme. Son choix de s’entourer de Victoria Villaruel comme candidate à la vice-présidence, a été un coup de maître.
      Il lui a permis de se faire entendre sur d’autres sujets que l’économie (critique des féminismes, opposition au droit à l’#avortement, dénonciation de la politique mémorielle sur la dictature menée par les Kirchner, etc.). Villaruel a permis à Milei à se relier à cette internationale ultra-conservatrice, de Giorgia Meloni en Italie à Santiago Abascal en Espagne, pour laquelle le libertarien n’avait jusqu’alors montré que peu d’intérêt.

      Un programme encore plus extrême

      Milei se dit « libéral libertarien » ou encore « anarcho-capitaliste ». Au-delà du vertige des étiquettes, son programme semble aller encore plus loin que ceux de Bolsonaro, Trump ou Kast. L’économiste portègne veut tout à la fois supprimer les ministères de l’environnement et de l’éducation, privatiser les médias publics et les compagnies énergétiques. « Tout ce qui peut se retrouver aux mains du secteur privé, sera remis aux mains du secteur privé », a-t-il déclaré lundi 20 novembre, lors de son premier entretien post-élection.
      Il veut encore libéraliser les ventes d’organes, faciliter le port d’armes et abroger le #droit_à_l’avortement. Il est revenu en fin de campagne sur ses promesses de privatiser l’école et l’éducation, reconnaissant lundi qu’il s’agit d’une compétence des provinces... Victoria Villaruel a de son côté encore électrisé la fin de campagne en promettant de fermer le musée ouvert depuis 2015 dans l’un des principaux centres de torture de la dictature argentine (1976-1983) à Buenos Aires, l’ESMA.
      À ce stade, celles et ceux qui pariaient sur un assouplissement de Milei une fois élu, contraint à des compromis avec des partis traditionnels pour former des majorités au sein de la Chambre, comme l’anticipait durant la campagne Guillermo Francos, annoncé comme son futur ministre de l’intérieur, en sont pour leurs frais. L’économiste de 53 ans, qui préfère « la mafia à l’État », a prévenu dès dimanche soir : « Il n’y a pas de place pour le gradualisme, la tiédeur ou les demi-mesures. »

      Un autre rapport à la religion ?

      Donald Trump et surtout Jair Bolsonaro ont pu compter sur le soutien des évangéliques. Milei confère lui aussi une place centrale au religieux, mais cela s’est surtout traduit, durant sa campagne, par une série de vives critiques à l’encontre du pape argentin François, accusé par des pans de la droite d’être trop progressiste (et de soutenir la campagne des péronistes). Bousculé sur le sujet par Sergio Massa durant le premier débat télévisé début octobre, Milei avait dû faire en partie marche arrière.
      Surtout, Milei assume une forme de mysticisme, qui transparaît dans les entretiens qu’il a donnés sur un registre plus personnel. Lorsqu’il était un peu moins connu, Milei a par exemple expliqué que la Banque centrale était « le malin », et que le socialisme avait été inventé par « le diable ». Son biographe, le journaliste Juan Luis González, auteur d’El Loco (Le fou, Planeta, 2023), décrit un « leader messianique », qui compare ses actions à des passages des textes sacrés, mais se compare aussi lui-même à des figures de la Bible, comme Moïse.
      Milei est persuadé que Dieu, non seulement existe et qu’il est libertarien, mais aussi qu’il lui est arrivé d’échanger avec lui. Il a déjà expliqué très sérieusement qu’il parlait à Dieu à travers son chien, Conan, mort en 2017, et dont il avait fait réaliser, peu de temps avant sa mort, six clones aux États-Unis.
      L’économiste reprend aussi souvent à son compte une citation de l’Ancien Testament, devenue très populaire sur les réseaux : « À la guerre, la victoire ne dépend pas du nombre de soldats, mais des forces du ciel. » L’un de ses autres slogans durant les meetings – « Je suis venu pour réveiller les lions », en référence à ses électeurs –, porte aussi cette couleur messianique, dont on peine à savoir, à ce stade, comment elle jouera sur sa manière de présider l’Argentine.

      #messianisme (de bazar)

    • #Milei_fou_furieux Après le #narco_capitalisme, l’#anarcho_capitalisme (en tant que dernier avatar du #capitalisme_de_désastre)

      L’économiste reprend aussi souvent à son compte une citation de l’Ancien Testament, devenue très populaire sur les réseaux : « À la guerre, la victoire ne dépend pas du nombre de soldats, mais des forces du ciel. » L’un de ses autres slogans durant les meetings – « Je suis venu pour réveiller les lions », en référence à ses électeurs –, porte aussi cette couleur messianique, dont on peine à savoir, à ce stade, comment elle jouera sur sa manière de présider l’Argentine.

      Pour ce dernier point, c’est pourtant assez facile à imaginer ...

    • En Argentine, la naissance du fascisme religieux de marché
      https://legrandcontinent.eu/fr/2023/08/21/en-argentine-la-naissance-du-fascisme-religieux-de-marche

      On pourrait nommer « fascisme religieux de marché » ou « autoritarisme technocratique » le type de régime que les libertariens et les nationalistes conservateurs entendent fonder en Argentine. Une pareille formule a déjà existé dans l’histoire de l’Amérique latine : dans le Chili de Pinochet, dans l’Argentine de Videla, dans le Pérou de Fujimori et dans le Brésil de Bolsonaro. Elle combine des réformes néolibérales avec l’autoritarisme politique, qui s’est exprimé dans les régimes dictatoriaux des années 1970 en Amérique latine et au Brésil ces dernières années. Une différence avec le phénomène Bolsonaro pourrait être que ce dernier bénéficiait d’un fort soutien de la part des militaires et des évangélistes, ce qui ne serait pas si évident à réaliser pour Milei.

      " La victoire de Milei aux primaires montre qu’une partie importante de la société considère que la voie de la recomposition sociale par le biais d’une proposition conflictuelle et autoritaire est plus appropriée. "
      Ariel Goldstein

      Le libéralisme de Milei et la démocratie libérale ne sont pas compatibles. Aucune société démocratique ne peut supporter ces réformes d’ajustement sans autoritarisme. Ce qui est intéressant, c’est la façon dont son langage combine les appels religieux avec la doctrine économique néolibérale. Il utilise des versets bibliques pour justifier ses positions économiques de réduction des dépenses publiques, telles que « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (Genèse 3 : 19).

      Une phrase revient souvent dans La révolution libérale, un documentaire de Santiago Oría qui défend l’héritage de Milei, ainsi que dans sa campagne : « la guerre la victoire ne va pas aux plus nombreux, car c’est du Ciel que vient la force » (Maccabées 3 : 19).

      Milei est l’instrument de la revanche d’une partie de la société contre une classe politique perçue comme inutile, parasitaire et uniquement tournée vers ses propres intérêts. L’adhésion à un leader désigné comme celui qui punira un ennemi explique la montée en puissance de Milei, comme tous les phénomènes de droite radicale16.

      « Ceux qui jettent des pierres, je vais les mettre en prison et s’ils encerclent la Casa Rosada, ils devront me sortir mort » a-t-il déclaré lors de l’une de ses dernières apparitions télévisées. Milei mise ainsi sur une violence rédemptrice qui le montre, dans cette vision guerrière et religieuse, comme le grand illuminé. Il semble, en ce sens, avoir un profil plus fondamentaliste que Trump et Bolsonaro, qui dérive peut-être du fait qu’il a moins d’expérience politique que ces derniers.

      Ce que nous vivons est une nouvelle destruction de la composante rationaliste du libéralisme par un autoritarisme et un fondamentalisme religieux qui se l’approprient. Il appartient à la gauche, aux sociaux-démocrates, aux progressistes et aux libéraux de s’unir pour défendre cet ensemble d’idées et de valeurs afin de préserver la démocratie. En effet, le processus de normalisation, sous Milei, a été extraordinairement rapide. Aucun cordon sanitaire n’a été formé comme en Europe.

      Milei semble avoir un profil plus fondamentaliste que Trump et Bolsonaro, en raison de sa moindre expérience politique.

      Il a une vision fanatique de la réalité dans laquelle il fait une distinction entre les personnes « pures » et « impures ». Par exemple, cette réflexion adressée à la dirigeante de l’opposition, Elisa Carrió : « Chacun est gouverné par la morale et l’éthique, les gris disparaissent et les tièdes deviennent de parfaits complices des criminels (ils ne diffèrent que par les formes) ». Dans ce type de réflexion, il défend une croisade morale contre les « impurs », qui est évidemment dangereuse pour la pérennité du système démocratique. Dans cette vision complotiste, ceux qui ne sont pas d’accord avec lui sont transformés en ennemis qui représentent un danger pour son existence.

    • L’ouragan Milei. Les sept clés de l’élection argentine
      https://www.contretemps.eu/argentine-milei-libertarien-extreme-droite-macri

      Cette victoire d‘un économiste qui se définit comme « anarcho-capitaliste » – et qui appartient plus précisément au courant « paléolibertarien » analysé notamment par Pablo Stefanoni – ouvre en tout cas un scénario inédit et imprévisible. Comment comprendre ce basculement politique qui a porté au pouvoir un homme sans expérience politique ni véritable mouvement structuré derrière lui, mais appartenant à une nouvelle extrême droite globale ?

    • « La victoire de Javier Milei en Argentine s’inscrit dans un contexte mondial de consolidation des droites radicales », Olivier Compagnon, Historien, David Copello, Politiste
      https://archive.ph/p1Uu3

      Une fois que l’on s’est accoutumé au spectacle de foules saccageant le Capitole à Washington, comme cela s’est produit le 6 janvier 2021, ou le palais du Planalto à Brasilia, le 8 janvier 2023, on se formalise moins qu’un nouveau venu, étranger à la scène politique il y a encore trois ans, fasse campagne, tronçonneuse à la main et insultes aux lèvres, en promettant de libéraliser le port d’armes et le commerce d’organes.
      La victoire de Milei s’inscrit donc dans un contexte régional – mais aussi global – de consolidation de droites radicales qui ne cherchent plus à masquer les aspects les plus extrêmes de leur programme, mais les mettent en scène pour en faire des produits d’appel. (...) l’essentiel réside désormais dans l’hubris, la démesure, la provocation, voire la bouffonnerie.

      Ces droites ont des phobies communes, du nord au sud de l’Amérique et de part et d’autre de l’Atlantique – l’avortement, la « théorie du genre » [terme employé pour marquer un rejet des études de genre], les communautés LGBTQIA+, le « marxisme culturel » [une théorie conspirationniste mettant en cause les élites intellectuelles], les migrants, etc. Elles désignent à la vindicte populaire leurs nouveaux ennemis de l’intérieur, qui se sont substitués aux communistes depuis la fin de la guerre froide. Se présentant sous les atours de la nouveauté, leur discours de rejet de la « caste » politique ne s’en accommode pas moins du recyclage de barons de la politique locale, changeant d’étiquettes partisanes au gré des occasions, ou de vieilles gloires des années passées.

      (...) Seize années de kirchnérisme (2003-2015 et 2019-2023), entrecoupées par le mandat du libéral Mauricio Macri (qui n’a pas hésité une seconde avant d’apporter son soutien à Milei), n’ont pas permis de réenchanter durablement le politique, de stabiliser une économie minée par la dette et les crises cycliques ni de mettre en place des politiques de redistribution pérennes.
      Epuisés par l’un des confinements les plus stricts du monde au plus fort de la pandémie de Covid-19, asphyxiés par une inflation qui pourrait atteindre, selon la Banque centrale du pays, plus de 180 % fin 2023, lassés des scandales de corruption, les Argentins ont voté en majorité pour une altérité radicale, bien que celle-ci ne présage pas vraiment de jours meilleurs.
      Le suffrage des plus jeunes, particulièrement prononcé en faveur de Milei, attire l’attention. Celles et ceux qui, nés en 2007, ont voté pour la première fois lors de ces élections n’ont connu, leur vie durant, que des taux d’inflation et des indices de pauvreté supérieurs à 20 %. Face à la misère, la relativisation des crimes passés de la dictature par Milei et sa vice-présidente, Victoria Villarruel, ainsi que leur dénigrement du travail de mémoire ne suscitent guère que l’indifférence.

    • Bon, je ne vois pas beaucoup de réponses à ta question dans les commentaires, donc en voici une réponse largement pompé de cet article :
      https://www.humanite.fr/monde/argentine/argentine-javier-milei-la-victoire-du-fmi

      1ere raison : le fond de crise

      C’est bien la droite de Mauricio Macri, président de 2015 à 2019, qui a créé les conditions de l’arrivée de Milei à la Casa Rosada (maison rose), avec l’aide de l’organisme financier siégeant à Washington.

      En doublant le poids de la dette publique extérieure (69 % du PIB) et en signant, fin 2018, le prêt le plus important jamais accordé par le FMI à un pays (56 milliards de dollars), le gouvernement Macri s’est plié aux recettes du FMI et a plongé l’économie dans une spirale récessionniste. En effet, la stratégie de « l’austérité expansionniste » promue par le programme de réajustement du FMI n’a en rien fonctionné.

      Ce que prédisaient déjà à l’époque nombre de détracteurs de l’accord. « Si le gouvernement s’en tient aux objectifs de ce programme, des millions d’Argentins connaîtront des souffrances et des difficultés accrues à mesure que le chômage et la pauvreté augmenteront avec la récession », prévenaient, fin 2018, les économistes Mark Weisbrot et Lara Merling.

      Ainsi, avec son couteau placé sous la gorge de la banque centrale argentine, le FMI n’a fait qu’accentuer ses difficultés macroéconomiques. Fuite de capitaux, dépréciation du peso, hausse du poids des devises étrangères dans la dette, croissance du déficit de la balance courante…

      L’« assainissement budgétaire » et le resserrement monétaire, appliqué à la lettre par le gouvernement de droite, ont piégé le pays dans le bourbier d’une dette ingérable, alimentée par une spirale inflationniste et dépréciative au coût humain catastrophique.

      Au terme du mandat de Macri, la pauvreté a augmenté de 50 % et l’inflation atteint les 54 %. Seuls vrais gagnants de ce désastre économique : les fonds vautours états-uniens, véritables charognards des marchés financiers, n’hésitant pas à traîner le pays devant les tribunaux américains pour empocher des milliards de dollars, après avoir racheté pour une bouchée de pain des parts de la dette extérieure de Buenos Aires.

      2eme raison : une gauche pas à la hauteur

      Fin 2019, la gauche péroniste reprend les rênes du pays. Mais, dans ces conditions, il est bien difficile pour le président Alberto Fernandez (centre gauche) de redresser la barre. Avec son ministre de l’Économie, Sergio Massa, il hérite d’une situation exécrable et la renégociation d’une partie du prêt du FMI, ramené à « seulement » 44 milliards, n’y changera rien, bien au contraire.

      Contrairement à Néstor Kirchner (2003-2007) et à Cristina Fernandez de Kirchner (2007-1015), qui avaient réussi à relever le pays après la terrible crise de 1998-2002 qui avait poussé 65 % des Argentins en dessous du seuil de pauvreté, lui est pieds et poings liés par un FMI qui se retrouve en position de force, accentuée par un défaut de paiement dès mai 2020.

      Le Fonds continue ainsi d’imposer des coupes à la hache dans les dépenses publiques et sociales. Le contexte mondial ne joue pas en la faveur de l’Argentine, avec d’abord les conséquences économiques de la pandémie de Covid, puis une sécheresse exceptionnelle qui a diminué de 20 % les recettes du secteur des exportations agro-industrielles, pilier de l’économie nationale.

      4,9 milliards d’euros d’« aide » ont été de nouveau débloqués, en avril dernier. En échange de ces crédits, le FMI impose baisse du déficit budgétaire et politique de contrôle des dépenses, avec, par exemple, une suspension des subventions sur l’énergie. « Ce sont des usuriers, ils nous asphyxient avec les intérêts de l’argent qu’ils nous ont prêté », dénoncera plus tard le président Fernandez, conspuant des positions aussi inflexibles qu’« idéologiques ». Le pays est alors traversé par des mouvements sociaux contre l’austérité et l’inflation qui conspuent autant le FMI et sa dette « illégitime » que le gouvernement qui met en place ses exigences.

      Finalement, avec des taux d’inflation frôlant tous les records, les classes populaires subissent une précarisation accélérée et le bilan des années Fernandez est – forcément – mauvais. C’est dans ce contexte que surgit Javier Milei. Quoi de plus simple pour lui que de s’en prendre à l’« establishment », de surfer sur le mécontentement populaire et, au final, de remporter la mise, avec le soutien de la droite qui lui aura préparé le terrain.

      3eme raison : le soutien de la droite traditionnelle entre les 2 tours

      Avec des mesures d’austérité que la gauche n’a pas été en mesure de résilier, la droite a en effet ouvert la porte à l’arrivée de l’extrême droite, ce qui s’est d’ailleurs confirmé après le premier tour. En effet, entre le maintien au pouvoir du centre gauche et l’arrivée d’un néofasciste, celle-ci n’a pas longtemps hésité à se prononcer en faveur de Milei.

      Après sa qualification pour le second tour, celui-ci a en effet reçu le soutien de Patricia Bullrich (22 % au premier tour), candidate malheureuse de la droite traditionnelle, ainsi que de l’ancien président Mauricio Macri en personne.

      4eme raison, en finir avec le Péronisme

      Particularité de ce tribun facho : Il avait en face de lui les héritiers du péronisme, (donc de la dictature, des escadrons de la mort, etc.) . Il ne pouvait donc pas se réclamer du soutien de l’armée comme Bolonaro. Voilà pourquoi son camp a communiqué sur son pseudo « anarchisme de droite » (avec plein de guillemets, hein ? parce que l’anarchie, ça ne peut pas être de droite). Parce qu’il a connoté dans sa campagne, le dépassement de toute forme d’autoritarisme (c’est un comble, mais ça a fonctionné).

      C’est bien résumé ici :
      https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/peron-peronismo-argentine-election-politique-javier-milei

  • MAGISTRAL DISCOURS DE LA REPRÉSENTANTE DE LA PALESTINE A L’ONU

    https://x.com/caissesdegreve/status/1726408789283242011?s=20

    Nada Abu Tarbush Représentante de la Palestine à l’ONU

    A DIFFUSER MASSIVEMENT
    Je ne pense pas qu’il ne passera dans les médias occidentaux car elle dit la vérité.

    Les dirigeants occidentaux (à l’exception de l’Irlande et peut-être de l’Espagne) devraient démissionner pour n’avoir pas été capables de dire ce qu’elle dit. Ils devraient probablement être traduits en Justice.

    #Palestine #ONU #Israël #France #Royaume-Uni #Allemagne #Italie #Droit-International #Crimes-de-guerre #Genocide #Juif #Palestinien #Femme

  • Liberté de la presse : comment la DGSI piétine le secret des sources – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/police-justice/liberte-de-la-presse-comment-la-dgsi-pietine-le-secret-des-sources-202311

    Comme le révèle un rapport de la DGSI, six journalistes se sont retrouvés au cœur des investigations après la publication d’un livre sur les entrailles du renseignement. Son auteur, Alex Jordanov, a été mis en examen en 2022.

    par Laurent Léger
    publié aujourd’hui à 17h26

    En France, en 2023, un journaliste qui publie des informations couvertes par le secret-défense peut s’attendre à être perquisitionné, à voir ses téléphones et ordinateurs fouillés, à être géolocalisé, mis en garde à vue, poursuivi par la justice devant un tribunal. Et le pire, pour celles et ceux qui font le métier d’informer : voir ses sources dévoilées.

    Les lois antiterroristes au service de la défense des secrets d’état. Et ça se prétend encore état de droits.