RastaPopoulos

Développeur non-durable.

  • Il n’y aura pas de paix dans cette région par des traités […] Mon but est d’exterminer complètement les Sioux si j’en ai le pouvoir et même si cela nécessite de mener campagne durant toute l’année prochaine. Détruisez tout ce qui leur appartient et chassez-les dans les plaines, à moins que, comme je le suggère, vous puissiez les capturer. Ils doivent être traités comme des fous ou des bêtes sauvages et en aucun cas comme des personnes avec lesquelles des traités ou des compromis peuvent être conclus.

    lettre du général John Pope à Henry Sibley, le 28 septembre 1862
    https://www.usdakotawar.org/history/aftermath
    citée dans…

    Nommer ce qui s’est passé cet été de 1862 est aujourd’hui complexe. Le XXe siècle avait imposé deux termes quasi synonymes : « outbreak » et « uprising », que l’on peut traduire par « révolte » ou « soulèvement » en leur accolant en général le terme de « Sioux ». D’autres solutions avaient des difficultés à émerger, telle la « Minnesota Indian War of 1862 ». Mais en 2012, en même temps que les États-Unis dans leur ensemble commémoraient la guerre de Sécession, le Minnesota devait revenir sur son histoire propre. La grande exposition organisée à la Minnesota Historical Society s’intitulait « The US-Dakota War of 1862 ». Il s’agit désormais de penser deux adversaires à part égale et de ne pas globaliser en « Sioux » ce qui ne concerne qu’une partie d’entre eux. Mais l’appellation est à double tranchant car elle occulte la dissymétrie du conflit : ce n’est pas une guerre entre égaux qui commence en 1861-1862 mais bien un soulèvement d’opprimés dans un contexte colonial. Et la nommer « Dakota War » comme ce fut le cas très récemment, ne change rien à l’affaire : Gary Clayton Anderson refuse, dans un ouvrage majeur, le terme d’« outbreak » puisque, dit-il, il s’agissait « d’un conflit sanglant qui s’est transformé en guerre totale ». Mais celle-ci n’a duré que six semaines, et encore les morts se comptent-ils surtout dans les quatre à cinq premières semaines. Ce n’est pas nier l’importance de l’événement que de revenir à l’idée d’un soulèvement mais bien mettre l’accent sur l’agentivité des Dakotas qui se révoltent contre le processus colonial comme sur la brièveté de l’affaire et la violence de la répression.

    in Nouvelle histoire de l’Ouest. Canada, États-Unis, Mexique, (fin XVIIe-début XXe), Soazig Villerbu, Passés/Composés, 2023


    Passés / Composés
    https://passes-composes.com/book/383

    Le grand récit de l’Ouest américain recèle sa part de mythe, forgé par un discours nationaliste et une culture western diffusée massivement par le cinéma et la bande dessinée. L’Ouest y est synonyme de ruées vers l’or, de pionniers héroïques, d’affrontements entre cowboys et Indiens, d’étendues désertiques à conquérir. Sans s’y soustraire, Soazig Villerbu corrige la légende et propose, avec détails et nuances, une nouvelle histoire de l’Ouest.

    Quand commence cette histoire, à la fin du XVIIIe siècle, l’Ouest est avant tout une frontière, un espace de projets et de projections, où individus et société se construisent quand les corps politiques y envisagent leur avenir, où l’échec n’est jamais loin et où la réussite peut se révéler partielle ou éphémère. Il n’y avait rien, dans les annés 1770, qui annonçait comme inévitable l’histoire des cent-cinquante années suivantes, il n’y eut pas une trajectoire linéaire de cet espace partagé entre empires coloniaux et puissances indiennes, rien qui laissait présager les trois États-nations (Canada, États-Unis et Mexique) qui, au début du XXe siècle, apparaissent nettement dessinés sur les cartes du continent. Il y est donc question de rencontres, de conflits et de faux départs, d’Indiens, de métis et de colons, de chasse au bison, de pêche au saumon et de commerce de fourrures, de transcontinentaux, de parcs nationaux et de réserves, mais aussi de déplacements de populations, d’épidémies et de génocide culturel. Autant d’histoires, de légendes et de parcours qui font la richesse de ce Far West.

  • Un petit #shameless_autopromo dont je suis très content (et assez fier) : les Archives de Montpellier m’ont commandé un nouveau mini-site cette année : Gouverner Montpellier au XVIIIe siècle
    https://musee.info/Gouverner-Montpellier-au-XVIIIe-siecle

    Le terme de « gouvernement » ou l’action de gouverner s’appliquent généralement au XVIIIe siècle aux États. À la fin du XVIIIe siècle, on trouve parfois la mention du « bon gouvernement » dans les villes, par exemple dans le tome 4 de la série « Économie politique et Diplomatique » de l’Encyclopédie méthodique de Panckoucke (1786). Cela est dû au fait que les autorités locales ont progressivement pris en charge une administration plus large et complète des espaces urbains.

    Montpellier, capitale de la province de Languedoc avec Toulouse, est ainsi un terrain d’action majeur pour ceux qui veulent procurer le « bon ordre ». Mais au-delà des mots, qu’en a-t-il été réellement ?

    Pour le savoir, il est nécessaire de comprendre comment les individus du siècle des Lumières ont agi. Ils ont tout d’abord voulu contrôler une réalité matérielle et physique problématique, en améliorant la ville. Ils l’ont fait par des micro-aménagements qui ont complété les embellissements urbains. Ces aménagements ont été réalisés au nom de la sécurité et de la police de la ville, en mobilisant les institutions scientifiques de la cité. Ces évolutions ont suscité deux mouvements contraires : une participation plus large au gouvernement de la ville, et des réactions d’hostilité. Ces mouvements séculaires ont participé – entre autres – à la remise en cause plus générale du gouvernement de la ville qui est intervenue dans les années 1780-1791.

    Il y a beaucoup à lire, énormément de documents, et je trouve certains passages tout à fait passionnants, sur ce tournant de la ville vers la « modernité », et le contrôle de l’espace public. Il y a des choses qui devraient vous intéresser sur la police et sur les femmes (dangereuses…).
    https://musee.info/IMG/mp3/capsule_6.mp3

    Pour rappel, l’année dernière on avait fait pour les Archives le mini-site 1622, Montpellier assiégé :
    https://musee.info/1622-Montpellier-assiege

  • Gaza Civilians, Under Israeli Barrage, Killed at Historic Pace - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2023/11/25/world/middleeast/israel-gaza-death-toll.html

    More children have been killed in #Gaza since the Israeli assault began than in the world’s major conflict zones combined — across two dozen countries — during all of last year, even with the war in Ukraine, according to U.N. tallies of verified child deaths in armed conflict.

    #civils #victimes_civiles #enfants #génocide

  • D’une violence génocidaire à l’autre, l’impossible destruction de la Palestine - CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/violence-genocidaire-destruction-palestine

    D’une violence génocidaire à l’autre, l’impossible destruction de la Palestine
    Saree Makdisi 25 novembre 2023

    Dans cet article, l’universitaire palestinien Saree Makdisi examine les conséquences catastrophiques de la campagne de violence génocidaire contre Gaza. À travers une perspective historique, l’auteur montre en outre que l’objectif israélien d’éliminer le Hamas est sans doute vain, et que la seule issue possible au conflit israélo-palestinien est le démantèlement de l’État colonial d’Israël, soit la libération de la Palestine et le retour des réfugiés.

    Saree Makdisi est professeur d’anglais à l’Université de Californie de Los Angeles (UCLA). Il est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Tolerance is a Wasteland : Palestine and the Culture of Denial (University of California Press, 2022).

    *

    J’ai grandi pendant la guerre civile au Liban. Avec mes parents et mes frères, j’ai enduré le siège israélien de Beyrouth en 1982. Je me souviens également de ce que nous pensions être la violence inégalée de l’invasion israélienne du Liban en 2006. Mais rien de ce que j’ai vu, de ce que mes proches ont vu, n’égale même de loin ce dont nous sommes les témoins impuissants à Gaza aujourd’hui.

    Depuis le 7 octobre, les Israéliens bombardent la bande de Gaza et ont tué plus de 11 000 personnes, dont près de 5 000 enfants [au 14 novembre]. L’ampleur et l’horreur de ces chiffres, l’étendue de la calamité infligée méthodiquement à toute une population aux yeux du monde entier, deviennent encore plus évidente lorsqu’on les considère en termes comparatifs. En trois semaines, Israël a tué plus de civil.es que les Russes en près de deux ans de guerre totale en Ukraine, un pays dont la population est vingt fois supérieure à celle de Gaza et dont la superficie en est plus de mille fois supérieure[1]. Save the Children a indiqué qu’Israël avait tué plus d’enfants au cours des trois premières semaines de bombardement de Gaza que le nombre d’enfants tués chaque année depuis 2019 dans toutes les zones de conflit du monde[2]. Cette déclaration date d’il y a environ deux semaines : plus de 2 000 enfants ont été tués depuis. En une journée à Gaza, Israël tue en moyenne 136 enfants. Vingt-huit mille Gazaoui.es, dont plus d’un millier d’enfants, ont été blessé.es, et d’innombrables autres sont enterré.es, vivant.es ou mort.es, sous les décombres d’immeubles d’habitation détruits. Des familles entières, de plusieurs générations, ont été anéanties : grands-parents, pères, mères, sœurs, frères, cousins, tantes, oncles et enfants. Chacun.e d’entre eux a un nom, une famille, un visage, une voix, un sourire, un rire. Que ce soit en termes absolus ou comparatifs, ces chiffres mettent à l’épreuve notre capacité à la fois intellectuelle et morale à saisir l’ampleur des pertes et des dégâts. Et nous ne sommes pas au bout du compte.

    Le gouvernement israélien publie de manière quotidienne un décompte des « installations terroristes », des « infrastructures terroristes », des « positions terroristes » et des « cellules terroristes » qu’il prétend avoir « éliminées ». Ces déclarations sont prises pour argent comptant et répétées par les salles de presse anglophones du monde entier, dans un contexte où les médias sont limités par la censure des grands patrons qui en sont souvent propriétaires et par celle qu’exercent les gouvernements, et où l’information est rendue difficile par les conditions de terrain, à savoir les bombardements, l’état de siège et le harcèlement des journalistes à Gaza. Par ailleurs, tous les reportages en provenance d’Israël sont soumis à la censure militaire, qui contrôle strictement ce qui peut et ne peut pas être dit.[3] En parallèle, le gouvernement américain a demandé à plusieurs reprises à Al Jazeera de « modérer » sa couverture jugée trop crûe de ce qui se déroule à Gaza, où trente-cinq journalistes ont été tué.es par des tirs à l’aveugle israéliens.[4]

    Malgré les censures, les images provenant en direct des ruines dans les quartiers détruits de Gaza révèlent la réalité dans toute son horreur. Ce ne sont pas seulement des immeubles d’habitation, mais des voisinages entiers qui ont été réduits à l’état de décombres. On y voit des cratères de vingt mètres de diamètre et de dix mètres de profondeur, d’où les survivant.es s’efforcent désespérément de sauver des personnes piégées sous des morceaux de ciment. Vidéo après vidéo, des équipes de civil.es non formé.es et sans équipement tentent d’aider les ambulanciers à récupérer les blessé.es dans les ruines de ce qui était, il y a à peine quelques semaines, leurs maisons. Parmi ces blessé.es, des enfants terrifiés, ensanglantés, hurlant, le visage recouvert de cendres, pleurent leurs parents à présent disparus.[5]

    Le 31 octobre, des bombardiers israéliens ont largué une série de bombes soigneusement calibrées, de plus de 900 kilogrammes chacune, au milieu du camp de réfugié.es de Jabalia, détruisant en un seul instant un pâté de maisons entier et blessant ou tuant des centaines de civil.es. Israël a déclaré que la cible visée était un responsable spécifique du Hamas, dont la présence n’avait même pas été confirmée, et que ces centaines de personnes se trouvaient simplement au mauvais endroit.[6] « Quand bien même ce commandant du Hamas se trouvait-il au milieu de toustes ces réfugié.es palestinien.nes dans le camp de Jabalia, comment Israël a-t-il décidé de bombarder cet endroit tout en sachant que de nombreux civil.es innocent.es, hommes, femmes et enfants, seraient vraisemblablement tué.es ? », a demandé sur CNN Wolf Blitzer, incrédule, à un porte-parole militaire israélien. « C’est la tragédie de la guerre, Wolf », lui a répondu le porte-parole. « Comme nous le disons depuis des jours, les populations doivent partir vers le sud ». Même pour Blitzer, c’en était trop : « Donc vous saviez qu’il y avait des réfugié.es, toutes sortes de réfugié.es, mais vous avez quand même largué une bombe sur ce camp pour tenter de tuer le commandant du Hamas ».[7]

    La justification des responsables israéliens est que tout homme, femme ou enfant parmi les quelque 300 000 personnes restées dans le nord de Gaza peut être considéré.e comme « complice des terroristes », justifiant ainsi leur assassinat.[8]En suivant cette logique, le bombardement de Jabalia du 31 octobre a été répété le lendemain sur ce qui restait de Jabalia. Le surlendemain, fut pris pour cible le camp de réfugié.es de Bureij, et le surlendemain celui de Maghazi… et ainsi de suite dans tout Gaza, que ce soit dans les zones dites « sûres » (au sud et au centre) ou dans le nord de l’enclave. Israël a beau évoquer à tout bout de champ des « cibles terroristes », les vidéos ne montrent que les corps brisés et ensanglantés de pères, mères et enfants.[9] D’une scène de carnage et de dévastation à l’autre, d’une soi-disant « cible terroriste » à l’autre, les caméras montrent aussi quelques survivant.es émergeant des débris et demandant ce qu’ielles avaient fait pour mériter d’être bombardé.es sans avertissement. « Nous étions chez nous, disent-ielles ; nous étions en famille, nous fêtions l’anniversaire d’un enfant, nous prenions le thé, nous célébrions une nouvelle naissance ». (Car, guerre ou pas, 150 bébés naissent chaque jour à Gaza[10] : chaque naissance apporte une brève lueur de joie et de vie aux nouveaux parents, même si, comme cela s’est produit à maintes reprises, ces nouvelles vies s’éteignent souvent trop vite).

    Plus que les séquences vidéo, ce sont les enregistrements audios des suites de ces bombardements qui viennent marquer au fer chaud nos consciences : les cris des blessé.es, d’hommes demandant du matériel – « tirez avec moi, allez, un, deux, trois, tirons ensemble » – suivis des gémissements des survivant.es qui, à l’agonie, appellent les mort.es, les démembré.es, les disparu.es : « Où est ma femme ? Ma fille ? Mon fils ? Où sont mes parents ? Où sont mes enfants ? ». L’autre jour, j’ai vu dans un reportage un adolescent qui pleurait en répétant doucement « baba, baba, baba » (papa, papa, papa) alors qu’un infirmier plaçait les parties démembrées du corps de son père sur une civière. Même s’il survit physiquement, comment cet enfant pourra-t-il se remettre émotionnellement du traumatisme auquel il est soumis sans aucun ménagement, comme un million d’autres enfants à Gaza ?

    Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies souligne que les deux tiers des personnes tuées par Israël à Gaza sont des femmes et des enfants, et que les personnes âgées constituent également un pourcentage important des victimes. Cela prouve la nature aveugle des bombardements israéliens et le prix si élevé que paient les quartiers résidentiels qui en sont les cibles principales. Étant donné la pénurie alarmante de nourriture à Gaza (selon l’ONU, les stocks de riz, de sucre et de légumineuses sont réduits à zéro, et le pain est très rare), les pères, les maris et les fils passent la majeure partie de la journée à chercher des vivres ou à rassembler les maigres provisions qu’ils peuvent trouver : lorsqu’il y en a, l’attente pour une demi-ration de pain peut durer jusqu’à six heures et implique fréquemment des bousculades, voire pire. Les mères et les enfants restent à la maison. « J’envoie mes fils à la boulangerie et huit heures plus tard, ils reviennent avec des bleus et parfois sans pain », a déclaré une femme.[11] Ainsi, lorsque les pilotes israéliens lancent « avec précaution » leurs bombes de « haute technologie » sur les immeubles d’habitation, ce sont généralement les femmes et les enfants qui subissent le plus gros des dégâts.

    Les bombardiers israéliens ont attaqué des mosquées, des églises, des écoles et des universités (279 établissements d’enseignement ont été endommagés ou détruits)[12] ; ils ont frappé des ambulances aux portes même des hôpitaux, et ont visé les hôpitaux eux-mêmes. Les 9 et 10 novembre, cinq grands hôpitaux ont été les cibles de tirs israéliens directs : l’hôpital pour enfants al-Rantissi, l’hôpital turc, l’hôpital indonésien, l’hôpital al-Quds et le centre médical al-Shifa. Le 10 novembre, un opérateur de drone israélien a tiré un missile Hellfire RX9 sur la cour de l’hôpital al-Shifa : il s’agit d’une variante du missile, qui ne porte non pas une ogive explosive mais une série d’imposantes lames (proches de celle d’une épée de samouraï) qui se déploient à l’explosion. Elles tuent et démembrent toute personne sur leur passage, et ont éparpillés sur le parvis de l’hôpital des membres et des torses ensanglantés.[13]

    Le même jour, à la tombée de la nuit, tous les hôpitaux du nord de Gaza ont déclaré être sous le feu de l’artillerie et des missiles israéliens : averses de phosphore incendiaire à l’extérieur, bâtiments secoués par des explosions successives et recouverts à l’intérieur de poussière et de débris et, dans certains cas, d’éclats et de douilles d’obus. Médecins Sans Frontières a rapporté que des tireurs d’élite israéliens visaient les hôpitaux. Des dizaines de milliers de réfugié.es terrifié.es s’étaient mis à l’abri dans les hôpitaux, et celleux qui ont tenté de quitter l’hôpital Rantissi et al-Shifa ce jour-là ont essuyé des tirs des troupes israéliennes et ont dû rentrer dans les établissements sous le feu. Les deux hôpitaux ont signalé des corps éparpillés à l’extérieur, hors de portée des médecins, lesquels ont également été visés par des tirs lorsqu’ils ont tenté de les secourir.

    Au matin du 11 novembre, le centre médical al-Shifa, la plus ancienne et la plus grande institution médicale de Gaza, s’est déclaré hors service en raison des tirs israéliens : il n’y avait plus d’eau, d’électricité ou de lumière. Six cents patient.es gravement blessé.es ne pouvaient plus être soigné.es. En l’absence d’électricité, le personnel a tenté des réanimations manuelles pour les trente-neuf bébés prématurés en couveuse et les autres patient.es en soins intensifs sous respirateur, mais il savait que, sans oxygène, il y avait peu de chance de survie. Les bébés ont commencé à mourir un par un. Les médecins de l’hôpital pédiatrique Nasr, qui fait partie du complexe Rantissi, ont pris les enfants qu’ils pouvaient sauver alors qu’ils s’enfuyaient pour échapper aux tirs d’obus israéliens, mais ils n’ont pas eu d’autre choix que de laisser derrière eux cinq bébés, livrés à eux-mêmes dans les couveuses qui clignotaient. « Voilà la situation : laisser les bébés seuls sur les ventilateurs », a déclaré un médecin en état de choc. Dans le grand hôpital al-Shifa, les médecins semblaient déterminés à rester sur place. Le directeur, Muhammad abu Salmiya, a promis que le personnel médical resterait auprès de ses patient.es jusqu’à la fin : « Nous ne partirons pas, car nous savons que si nous quittons l’hôpital, des dizaines de patient.es mourront », a-t-il déclaré à Al Jazeera.[14]

    Mais tout cela remonte au 10 novembre. Depuis lors, les hôpitaux du nord de Gaza sont restés silencieux, entièrement coupés du monde extérieur. Pour l’instant, personne ne connaît le sort des médecins, des patient.es et des milliers de réfugié.es qui y sont hébergé.es. Sous les bombardements incessants, la ville de Gaza est désormais privée de services médicaux. L’armée israélienne n’autorise aucune ambulance à pénétrer dans la zone depuis le sud : toutes les personnes blessées par les incessants bombardements israéliens vont très certainement mourir, même si leurs blessures auraient pu être soignées. Il ne reste plus aucun journaliste et toutes les lignes de communication ont été coupées. Quelles que soient les horreurs qui s’y déroulent, elles ont lieu dans l’obscurité, à l’abri des regards du monde.

    Israël est convaincu que le Hamas avait des quartiers généraux souterrains sous les hôpitaux, une affirmation réfutée non seulement par le Hamas et les hôpitaux eux-mêmes, mais aussi par des médecins étrangers qui les connaissent bien. Mads Gilbert, un médecin norvégien qui a travaillé à Gaza pendant des années et qui est actuellement bloqué en Égypte, pour essayer, à l’âge de 76 ans, de retourner à Gaza pour apporter son aide, a réfuté catégoriquement l’affirmation israélienne concernant al-Shifa. « Pendant seize ans, je me suis promené librement à l’intérieur du complexe hospitalier. Nous entendons ces affirmations depuis 2009 et ils [les Israéliens] menacent de bombarder al-Shifa depuis lors, sans fournir aucune preuve ».[15] Ils ont finalement réussi à bombarder l’hôpital.

    En d’autres termes, ce à quoi nous assistons à Gaza n’est pas de l’autodéfense, c’est une grande offensive opportuniste. Il ne s’agit pas d’une « guerre », mot utilisé de manière mensongère et trompeuse par la plupart des grands médias occidentaux, mais d’une campagne de violence génocidaire. En effet, il s’agit d’un « cas d’école de génocide », comme l’a dit Craig Mokhiber dans la lettre de démission de son poste de directeur du bureau de New York du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.[16] Ses propos ont été repris par de nombreux.ses spécialistes des génocides et de l’Holocauste. Après tout, le génocide est le terme utilisé par le droit international pour désigner une situation dans laquelle un groupe impose à un autre « une soumission intentionnelle (..) à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », en plus d’« atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ».[17]

    Outre les 11 000 civil.es tué.es, l’ONU a estimé que 262 000 unités résidentielles avaient été endommagées ou détruites, soit environ la moitié de l’ensemble des logements de Gaza, et que 1,7 million de personnes avaient été déplacées de leur domicile. Les infrastructures de base du territoire, à savoir les réseaux d’électricité, d’eau et d’égouts, maintes fois malmenées lors des précédents assauts israéliens, ont été abimées au point d’être irréparables. Les panneaux solaires nouvellement installés ont été délibérément pris pour cible et détruits. Israël a détruit onze boulangeries produisant l’aliment de base dont la population dépend pour sa survie ; il a bombardé les bateaux de pêcheurs qui sont, ou étaient, une autre source potentielle d’alimentation ; il a bombardé les champs qui assurent la survie de l’agriculture de Gaza ; il a bombardé les conduites d’eau et les réservoirs. Les habitant.es sont contraint.es de boire de l’eau sale, polluée, contaminée ou saumâtre, ce qui entraîne inévitablement des diarrhées et des maladies. Des centaines de cadavres pourrissent sous les décombres. Les survivant.es des bombardements devront boire de l’eau de mer et manger du blé non cuit, s’ielles ne meurent pas de faim ou des maladies qui prolifèrent déjà à cause des eaux usées qui s’écoulent dans les rues. Et ielles n’auront nulle part où vivre.

    Depuis des années, les Israéliens parlent ouvertement d’éliminer Gaza ou de pousser sa population dans le désert, voire dans la mer. Aujourd’hui, ils semblent avoir l’occasion de le faire, avec la bénédiction sans réserve des capitales occidentales. Les gouvernements occidentaux, ne semblent avoir aucun scrupule, se précipitent pour apporter leur soutien financier et fournir davantage de bombes à Israël – se rendant ainsi complices de toutes ces atrocités et des violations grotesques du droit humanitaire international commises par Israël. A la question de savoir s’il y a une limite au nombre de victimes civiles que les Etats-Unis accepteraient à Gaza, le sénateur Lindsay Graham a répondu catégoriquement : « Non ».[18] Le porte-parole de la Maison Blanche pour la sécurité nationale, John Kirby, a déclaré que l’administration Biden ne fixerait aucune ligne rouge pour Israël, ce qui signifie qu’en ce qui les concerne, aucune atrocité ne va trop loin. Il en va de même à Londres, Paris, Berlin et Bruxelles qu’à Washington. Tout cela, nous dit la classe politique occidentale d’un ton moralisateur, revient au droit d’Israël à « l’autodéfense ».[19]

    Les politiciens israéliens, en ce qui les concerne, utilisent pourtant un langage tout à fait différent pour décrire leurs actions. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, l’a exprimé avec sa franchise caractéristique, sans sophistication, dès le 9 octobre : « Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant. Tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agirons en conséquence ». S’il subsistait un doute quant aux intentions d’Israël, il a été dissipé par le rappel de Benjamin Netanyahou au public israélien et à l’armée : « la Bible nous appelle à nous souvenir d’Amalek ». Son allusion biblique, sans équivoque, réfère au passage suivant : « Maintenant, allez frapper Amalek, et détruisez tout ce qu’ils possèdent, sans les épargner ; tuez hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et moutons, chameaux et ânes » (1 Samuel 15:3). Netanyahou n’est pas le seul à faire des déclarations génocidaires. Il a lui-même dû retenir l’un des membres de son gouvernement, Amichai Eliyahu, qui a déclaré que l’utilisation d’armes nucléaires sur Gaza « est l’une des possibilités ».[20]

    Israël a l’habitude de tuer aveuglément des habitants de Gaza (1 400 en 2008 et 2009 ; 2 100 en 2014 ; et 260 en 2021)[21], utilisant l’expression obscène de « tondre la pelouse » pour désigner ces punitions périodiques. Aussi désastreux qu’aient été ces épisodes précédents, ce qu’Israël fait aujourd’hui est une punition collective d’une toute nouvelle ampleur. Il s’agit de la mise en œuvre de la doctrine israélienne dite de Dahieh, en référence à la banlieue sud de Beyrouth, que l’armée de l’air israélienne a pratiquement rayée de la surface de la terre par des bombardements intensifs au cours de l’été 2006. Après la guerre de 2006 au Liban, l’armée israélienne a élaboré un plan visant à infliger un niveau de dommages similaire aux zones civiles lors de futurs conflits : « Nous déploierons une puissance disproportionnée contre chaque village d’où des coups de feu sont tirés sur Israël, et nous causerons d’immenses dégâts et destructions », s’est vanté un général israélien de haut rang, Gadi Eisenkot, en exposant la doctrine au journal Ha’aretz. « Il ne s’agit pas d’une suggestion, a-t-il ajouté, mais d’un plan qui a déjà été autorisé ».[22] Le plan est maintenant en cours de mise en œuvre : comme l’a dit un responsable militaire israélien en décrivant l’offensive actuelle, « l’accent est mis sur les dégâts et non sur la précision ». En d’autres termes, l’abandon total des principes de proportionnalité et de distinction qui sous-tendent le droit international humanitaire est désormais au cœur de la stratégie militaire israélienne.[23] Ce à quoi nous assistons à Gaza est une série de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité prémédités et assumés en direct à la télévision, sous les yeux du monde entier.

    Mais dans quel but ? Le 17 octobre, l’Institut Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste, qui entretient des liens étroits avec le gouvernement israélien actuel, a publié un document de synthèse appelant à la « relocalisation et la réinstallation définitives de l’ensemble de la population de Gaza ».[24] Le moment actuel offre « une occasion unique et rare d’évacuer l’ensemble de la bande de Gaza en coordination avec le gouvernement égyptien », indique le document. Il décrit plusieurs scénarios dans lesquels l’ensemble de la population de Gaza – plus de deux millions de personnes, dont la moitié sont des enfants – peut être transférée (pour utiliser un terme sioniste dont l’héritage remonte aux années 1920) en Égypte. Le gouvernement israélien n’a pas officiellement approuvé ce plan, mais ses actions vont certainement dans ce sens. « En ce moment, un seul objectif : la Nakba », a déclaré le député israélien Ariel Kallner. « Une Nakba qui éclipsera la Nakba de 1948. Une Nakba à Gaza, une Nakba pour tous ceux qui osent en redemander ! », a-t-il ajouté.[25] « S’ils sont déjà réfugié.es, il vaut mieux être réfugié.e au Canada qu’à Gaza », a déclaré Ram Ben Barak, l’ancien directeur adjoint du Mossad. « Répartissons donc les Gazaoui.es dans le monde entier. Ils sont 2,5 millions. Chaque pays en accueille 25 000. Cent pays. C’est humain et c’est ce qu’il faut faire ».[26]

    Bien que les États-Unis affirment qu’ils ne soutiennent pas le nettoyage ethnique de Gaza et qu’ils s’opposent aux attaques israéliennes contre les civil.es de Gaza, ils ne font rien pour les arrêter et, en fait, les encouragent activement. Selon certaines informations, les soutiens occidentaux d’Israël, en particulier les États-Unis, ont fait pression sur l’Égypte pour qu’elle déverrouille le point de passage de Rafah, à la frontière égyptienne, afin de permettre à la population de Gaza d’affluer dans le Sinaï, en promettant notamment au pays une remise de sa dette. La question de savoir si les Égyptiens céderont et laisseront entrer une partie ou la totalité de la population de Gaza est réelle. Quant à savoir si les habitant.es de Gaza elleux-mêmes accepteront ce nettoyage ethnique (alors que 80 % des habitant.es de Gaza sont déjà des survivant.es de la Nakba de 1948, ou leurs descendant.es), c’est une toute autre question.

    Pour que les Israéliens réussissent à expulser la population palestinienne de Gaza, il faudrait non seulement poursuivre la destruction aérienne, mais aussi intervenir sur le terrain pour rassembler les gens et les forcer à partir, selon la méthode consacrée des génocides passés. Mais chaque pas que les Israéliens font dans la bande de Gaza est vivement contesté et a un coût difficilement supportable pour leur gouvernement, comme l’a montré leur histoire récente. Ainsi, lorsqu’Israël a envahi le Liban en 2006, il a infligé des dommages considérables aux infrastructures civiles libanaises et tué plus de 1 100 personnes, pour la plupart des civils ; mais les 156 décès israéliens (des militaires pour la plupart) infligés par la résistance libanaise ont suffi pour qu’Israël renonce à ses objectifs déclarés et abandonne la guerre dans une défaite amère. Aujourd’hui, à Gaza, les chars et les véhicules blindés d’Israël – complètement scellés et tirant donc en grande partie à l’aveugle – sont détruits par des attaques à bout portant de la part de combattants de la résistance palestinienne, à une distance rapprochée contre laquelle aucun blindage au monde n’est suffisant.[27] L’infanterie inefficace d’Israël, plus habituée à harceler les Palestinien.nes aux points de contrôle qu’à affronter des ennemis entrainés et qui ripostent réellement, n’est pas préparée au combat rapproché dans un paysage de ruines urbaines, ce qui, depuis la bataille de Stalingrad, a toujours donné l’avantage aux défenseurs sur les attaquants.

    « Malgré la pression exercée » par l’armée israélienne, a rapporté le correspondant militaire du Ha’aretz, Amos Harel, le 5 novembre, « il n’y a pas d’effet significatif apparent sur le commandement et le contrôle du Hamas, qui continue de fonctionner ». Quiconque a regardé les vidéos d’attaques palestiniennes contre des troupes et des blindés israéliens sur Al Jazeera Arabic aurait pu arriver à la même conclusion.[28] Depuis son incursion terrestre dans la bande de Gaza il y a deux semaines, Israël a reconnu que des centaines de soldats ont été tués ou blessés : comme l’armée impose des limites strictes à la déclaration de ces pertes, les journalistes affirment que les chiffres réels sont sans aucun doute plus élevés. Il est difficile de savoir combien de pertes supplémentaires l’armée israélienne peut supporter en son propre camp – en dépit de l’indifférence face aux victimes que son acharnement aveugle cause parmi les civil.es palestinien.nes.

    Pour parer à toute éventualité au cas où Israël ne parviendrait pas à mettre en œuvre un processus massif de nettoyage ethnique, les soutiens étasuniens d’Israël, en particulier le secrétaire d’État Anthony Blinken, ont concocté divers scénarios en partant du principe que la majeure partie de la population de Gaza resterait à Gaza et que le Hamas disparaîtrait miraculeusement d’une manière ou d’une autre. Peut-être, suggèrent-ils, les cadres politiques et militaires du Hamas peuvent-ils être persuadés d’abandonner leurs positions et leur peuple à la merci d’Israël, comme l’Organisation de libération de la Palestine a été persuadée de le faire après le siège de Beyrouth en 1982 ? De toute évidence, non : chaque Palestinien.ne vous rappellera que ce qui a immédiatement suivi le retrait de l’OLP a été le massacre, supervisé par Israël, de civil.es palestinien.nes sans défense dans les camps de réfugié.es de Sabra et Chatila. Tenant pour acquis le départ ou la défaite du Hamas – qui ne montre pourtant aucun signe de fléchissement – une force multinationale de maintien de la paix a également été proposée.[29] Les États-Unis ont manifestement oublié ce qui est arrivé à la dernière force multinationale de maintien de la paix qu’ils ont imposée pour nettoyer le chaos laissé par Israël au Liban en 1982 – par exemple, les bombardements de la caserne des Marines américains à l’aéroport de Beyrouth en 1983 [qui ont contribué au retrait de la force multinationale du Liban en 1984].[30]

    Peut-être les Nations Unies peuvent-elles gouverner Gaza ? Peut-être les États-Unis peuvent-ils faire appel à l’Autorité palestinienne de Cisjordanie, ouvertement collaborationniste et détestée, pour diriger Gaza ? Depuis début novembre, Blinken se rend d’une capitale arabe à l’autre, s’inspirant du manuel diplomatique américain des années 1970, selon lequel les États-Unis peuvent parler des Palestinien.nes à tout le monde, sauf aux Palestinien.nes. Pendant ce temps, Netanyahou – acculé et luttant pour sa survie politique – a proposé la réoccupation de Gaza. D’autres responsables israéliens ont appelé à la démolition de la ville de Gaza et au confinement de la population survivante sur la moitié du territoire de l’enclave. Un ministre, Itamar Ben-Gvir, a proposé de réoccuper les ruines de Gaza grâce à l’installation de nouveaux colons juifs.[31] Un autre, Avi Dichter, a déclaré, de manière plus directe, qu’il s’agissait de la Nakba de Gaza : « Nous lançons la Nakba 2023 », a-t-il annoncé à la télévision.[32] Tous ces projets imaginaires reposent sur une victoire israélienne. Et que se passera-t-il si Israël ne parvient pas à déloger le Hamas et s’essouffle avant de terminer sa campagne de violence génocidaire ? Ou bien si les gouvernements britannique et américain estiment à un moment que les dommages infligés à Gaza nuisent trop à leurs propres intérêts, à leur propre situation intérieure ? Que se passera-t-il alors ?

    Personne ne sait ce que les semaines à venir apporteront à part des morts et de la misère. Mais le plus probable est que, s’étant une fois de plus fixé un objectif irréalisable (la destruction ou l’élimination du Hamas) Israël échouera, comme il a échoué à maintes reprises dans le passé, parce que sa capacité à tuer et à détruire n’a jamais produit de solution politique durable. Les Israéliens auront tué dix, vingt, trente mille personnes et fait de la vie à Gaza un véritable enfer pour celleux qui resteront. Ils n’auront rien accompli de plus que de montrer leur soif de sang et de vengeance. En revanche, ils auront alimenté le sentiment de plus en plus puissant autour du monde, qui circule non pas dans les couloirs du pouvoir occidental mais dans les rues où des manifestant.es se réunissent par centaines de milliers, que les véritables racines du problème ne sont pas les acteurs et actions qui ont émergé en réponse à ces sept décennies d’occupation et d’apartheid (tel que le Hamas) mais bien l’occupation et l’apartheid eux-mêmes.

    La triste ironie est que c’est Gaza qui représente l’exemple le plus clair de cette situation et qui peut provoquer cette prise de conscience. Gaza est le résultat tangible de la politique de dépossession des Palestinien.nes par Israël depuis 1948. La nature transitoire de la vie à Gaza, où les habitant.es vivent dans d’immenses quartiers urbains toujours appelés, à tort, « camps » [alors qu’ils se sont pérennisés], nous rappelle constamment que l’écrasante majorité des habitant.es de Gaza ne sont pas originaires de Gaza. Ils viennent d’Isdood, de Simsim, de Najd et d’autres villages situés à une heure de marche des clôtures et des murs qui les isolent de leur propre terre. Elleux-mêmes ou leurs parents ont été poussé.es vers Gaza lors de la création d’un État qui exigeait leur expulsion ; ielles y sont enfermé.es depuis lors parce que leur liberté est inconciliable avec un projet d’État fondé sur l’épuration ethnique et la violence génocidaire. Ce projet d’État est le principal moteur du conflit. Il l’est depuis 1948 et le restera jusqu’à ce que cette entreprise d’exclusion raciale impliquant l’apartheid, l’occupation et la mort prenne fin et qu’un nouvel État soit formé à sa place, constitué sur la base de l’inclusion, de la démocratie et de l’égalité pour toustes. Il s’agit de la seule issue possible, et la situation à Gaza le montre clairement : si seulement ces clôtures et ces murs étaient démantelés et si la majorité des habitant.es de Gaza étaient autorisé.es à rentrer chez elleux, tout ce cauchemar prendrait fin.

    https://seenthis.net/messages/1024080

  • Ceux qui ont banalisé « l’idée folle » du « grand remplacement » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/221123/ceux-qui-ont-banalise-l-idee-folle-du-grand-remplacement

    De Renaud Camus à Éric Zemmour en passant par « les deux Michel » (Onfray et Houellebecq), l’écrivain Alain Roy démonte les discours qui ont banalisé un imaginaire décliniste et islamophobe. Il montre leur absence de cohérence interne et la dangerosité de leurs implications.

    • En plus de leur faible consistance argumentative, vous pointez le pessimisme foncier de ces discours, tout en montrant que certains auteurs en tirent des conséquences violentes, quand d’autres n’osent pas aller au bout de leur logique.

      Renaud Camus et Éric Zemmour sont les plus belliqueux. Michel Onfray et Alain Finkielkraut sont davantage dans une déploration mélancolique. Ils ne vont pas jusqu’à annoncer un programme violent de guerre civile ou de déportation de musulmans. Mais quand Finkielkraut présente les musulmans comme un« Autre » haineux et inassimilable, cela peut tout de même nourrir les pires dérives politiques.

      Récemment, l’écrivain Michel Houellebecq est allé jusqu’à prédire, dans la revue d’Onfray Front populaire, des « Bataclan à l’envers ». Il a certes rédigé un mea culpa à ce sujet, mais il aura fallu attendre qu’une polémique se déclenche. Sa clarification est assez bizarre, dans un livre où sont également évoquées ses frasques à propos d’un film pornographique auquel il a participé et qui aurait été tourné à son insu…

      Vous dites que tous ces auteurs « font corpus ». Qu’est-ce que cela veut dire ?

      L’idée, c’était de montrer comment le discours du grand remplacement, élaboré par Renaud Camus en 2010, s’est installé dans les médias grand public. Cette banalisation s’est faite par des porte-voix qui passent à la télévision régulièrement, et publient des best-sellers. Ce sont eux que j’ai ciblés.

      https://justpaste.it/bhrcr

  • Federico Corriente - Sur le passage de certains ultra-gauchistes à travers une assez courte unité de temps : les origines de la théorie de la communisation
    https://dndf.org/?p=21186

    Il y a encore un peu plus d’une décennie, même en France, très peu de gens connaissaient l’existence —et encore moins la pertinence— de groupes comme Négation, Le Mouvement Communiste ou Intervention Communiste, et encore moins auraient pu imaginer qu’ils avaient contribué à une « rupture dans la théorie de la révolution », comme le dit le titre de l’anthologie dans laquelle ils ont été republiés en 2003.

    Pour que ces groupes soient mieux connus, il a fallu que la crise de 2008 fasse émerger au niveau international un « courant communisateur » déjà clairement différencié de l’ancienne ultra-gauche française des années 1970, qui a sauvé de l’oubli ses ancêtres et précurseurs. Et c’est ce qui explique qu’un texte comme Théorie révolutionnaire et cycles historiques —dont l’une des thèses principales est précisément le sort des théories révolutionnaires en fonction de la période historique dans laquelle elles se trouvent— soit publié aujourd’hui en espagnol.

    #communisation #communisme #théorie

  • Les conférences d’Euskal Herria Burujabe 2023 – Bizi !
    https://bizimugi.eu/sinformer-formations/les-conferences-deuskal-herria-burujabe-2023

    Quelques heures de confs…

    Retrouvez ici les conférences données les 7 et 8 octobre à Bayonne lors de l’événement Euskal Herria Burujabe 2023.

    Pendant deux jours, une centaine d’intervenant·es ont discuté des enjeux écologiques, sociaux, de l’aménagement du territoire et des manières d’agir justes et efficaces face aux bouleversements qui s’annoncent. Partages d’analyses, expériences inspirantes, et réflexions sur les nouvelles solutions pour mener la métamorphose au Pays Basque ont été au rendez-vous.

    Ces conférences contribuent, au côté des alternatives concrètes qui s’expérimentent au quotidien, à nourrir un horizon soutenable, souverain et solidaire pour le Pays basque, celui d’un territoire qui décide de changer le système plutôt que le climat. Nous vous invitons à les redécouvrir dès à présent. Bonne écoute !

    #Bizi #Pays_Basque #Euskal_Herria_Burujabe #conférence #audio

  • Patrick Marcolini, Héritiers situationnistes, 2009
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/11/23/marcolini-heritiers-situ

    En vingt-neuf numéros et plus de mille cinq cents pages publiées, Le Tigre avait réussi l’exploit de ne jamais se pencher sur l’œuvre de Guy Debord. Non sans raisons, l’invocation du mouvement situationniste étant devenue, dans les médias, un poncif. Dans le dossier du volume précédent du Tigre, consacré pour une part aux textes de Julien Coupat et de ses proches, il manquait une analyse précise de la filiation entre ces derniers et les situationnistes. La voici.

    #situationnistes #histoire #héritage #Tiqqun #Patrick_Marcolini

    • Une chose m’est propre dans la mesure où elle rentre dans le domaine de mes usages, et non en vertu de quelque titre juridique. La propriété légale n’a d’autre réalité, en fin de compte, que les forces qui la protègent. La question du communisme est donc d’un côté de supprimer la police, et de l’autre d’élaborer entre ceux qui vivent ensemble des modes de partage, des usages.

      J’avais complètement oublié ce passage de l’Appel !

      Heureusement que 20 ans après, on est allé au delà de l’idée que _La propriété légale n’a d’autre réalité [...] que les forces qui la protègent._

      https://clip.ouvaton.org

  • Henry Laurens : « On est sur la voie d’un processus de destruction de masse » à Gaza, entretien avec Rachida El Azzouzi (19 novembre 2023).

    Pour l’historien, spécialiste de la Palestine, professeur au collège de France, « l’effondrement des conditions sanitaires et l’absence de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse » dans la bande de Gaza.

    L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du #Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du #monde_arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard).
    Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. »

    Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ?

    Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le #génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la #CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques.

    La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le #Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la #guerre_froide.

    Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations.

    Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’#extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire.

    On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes.

    L’inconvénient de cette #logique_judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. 

    Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de #Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts.

    Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. 

    La solution à deux États n’est plus possible.

    La crainte d’une seconde « #Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les #Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ?

    La Nakba peut être considérée comme un #nettoyage_ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’#intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une #expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières.

    Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba.

    Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ?

    En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence.

    Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ?

    Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur.

    Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le #conflit_israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ?

    La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements.

    Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ?

    La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des #colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en #Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons.

    C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette #décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

    Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis.

    Qu’entendez-vous par là ?

    Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer.

    Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ?
     
    Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la #colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique.

    Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la #haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens.

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre.

    Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ?

    Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise.

    Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des #symboles_religieux, mais qui sont aussi des #symboles_nationaux, aussi bien pour les #juifs que pour les #musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu.

    De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur.

    Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ?

    Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’#Occident dans la région et conserve le #discours_colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes.

    Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. 

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La #confiscation des #terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950.

    Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le #Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé.

    Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ?

    Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie.

    Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ».

    Israël depuis sa fondation n’a pas de #frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes.

    Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP), faire l’#État_palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime.

    Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant.

    Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…

    Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé #terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël…

    Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. 

    Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté.

    La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens.

    D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’#autorité_palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? 

    Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les #Frères_musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du #Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un #sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. 

    Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. 

    Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ?

    Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer.

    Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ?

    En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent.

    Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ?

    En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. 

    Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ?

    Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un #conflit_israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle.

    Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le #problème_arabe est en train de redevenir une #question_juive.

    Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? 

    La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains…

    La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant.

    Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ?

    C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs.

    Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ?
     
    Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza

    #discours_génocidaire #religion (s) #sionisme

  • Avis de recherche !

    Perdu : bonnes nouvelles dans ce monde.

    Y a t’il quelque part un espoir que tout ne parte pas en vinaigre ?
    Climat, Biodiversité, Extrême droite, Racisme, Pauvreté, etc…

    C’est moi où c’est l’impasse et/ou le recul partout ?
    Faut se désabonner de toutes les actualités pour survivre ?
    Y a un monde quantique parallèle où ça peut bien se finir ?

    #Question #Futur

    (nan à part ça, sinon, ça va hein !)

  • Comment en finir avec le wokisme ?
    https://www.youtube.com/watch?v=x_Y7twLsy3M

    Europe1 vraiment complètement bolorisé, attention c’est chaud à écouter. C’est tellement un gros mélange de trucs décontextualisés que je vois même pas comment on peut répondre à ça. Par le rire peut-être, l’absurde, mais c’est plus pour ne pas devenir fou et rigoler entre gens du même bord, ça ne répond pas à celleux qui peuvent écouter ça et avoir peur…

    • Évidemment, le lien wokisme-genre-antisémitisme était déjà mis en scène par Israël :
      https://seenthis.net/messages/1025122

      Encore une fois, ce genre de talking point réactionnaire surgit « spontanément » partout en même temps.

      Sinon, sans surprise, très prévisible de terminer sur le thème de la liberté d’expression, après avoir commencé par dénoncer les discours pro-palestiniens dans les universités.

    • « Ah oui, c’est ça », en guise de relance de la part de l’animatrice de l’atelier de déblatération.

      « Le wokisme, c’est le politiquement correct, le NYT c’est la pravda du politiquement correct, le politiquement correct, c’est stalinien, ... et... le wokisme est antisémite, évidemment. »

    • « c’est un ensemble de doctrine politiquement correctes »

      Remarque que la définition du wokisme est à un point de ridicule politique bien bas, elle est faite par les conservateurs qui inversent la charge sexiste, raciste, xénophobe et haineuse, qui permet à leur mantra wokisme wokisme de devenir un grand fourre tout pour désigner ce qu’ils haïssent et qui ressemble pourtant à une suite de vertus humaines élévatrices :

      – défendre ses droits sociaux
      – manger des chips avec ses doigts
      – réclamer plus d’égalité
      – boire du vin plutôt bio
      – réclamer la fin du racisme, du sexisme
      – user de l’écriture inclusive
      – retirer ses chaussures en entrant dans une maison
      – exiger le droit de vivre sur une planète écologique
      – aimer la vie et ses enfants

      Et pour avoir fait un tour sur le site qu’elle propose, cf Observatoire du decolonialisme.fr waaa, c’est triste autant de vieux mollusques accroché·es à leur rocher qu’ils nomment en inversion « décolonialisme » alors que leur premier souhait semble surtout de stagner dans les eaux croupies du XIXem siècle.

  • Conflit israélo-palestinien : une #chape_de_plomb s’est abattue sur l’université française

    Depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le milieu de la #recherche, en particulier les spécialistes du Proche-Orient, dénonce un climat de « #chasse_aux_sorcières » entretenu par le gouvernement pour toute parole jugée propalestinienne.

    « #Climat_de_peur », « chasse aux sorcières », « délation » : depuis les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, et le déclenchement de l’offensive israélienne sur #Gaza, le malaise est palpable dans une partie de la #communauté_scientifique française, percutée par le conflit israélo-palestinien.

    Un #débat_scientifique serein, à distance des agendas politiques et de la position du gouvernement, est-il encore possible ? Certains chercheurs et chercheuses interrogés ces derniers jours en doutent fortement.

    Dans une tribune publiée sur Mediapart (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/151123/defendre-les-libertes-dexpression-sur-la-palestine-un-enjeu-academiq), 1 400 universitaires, pour beaucoup « spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes », ont interpellé leurs tutelles et collègues « face aux faits graves de #censure et de #répression […] dans l’#espace_public français depuis les événements dramatiques du 7 octobre ».

    Ils et elles assurent subir au sein de leurs universités « des #intimidations, qui se manifestent par l’annulation d’événements scientifiques, ainsi que des entraves à l’expression d’une pensée académique libre ».

    Deux jours après l’attaque du Hamas, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, avait adressé un courrier de mise en garde aux présidents d’université et directeurs d’instituts de recherche.

    Elle y expliquait que, dans un contexte où la France avait « exprimé sa très ferme condamnation ainsi que sa pleine solidarité envers Israël et les Israéliens » après les attaques terroristes du 7 octobre, son ministère avait constaté « de la part d’associations, de collectifs, parfois d’acteurs de nos établissements, des actions et des propos d’une particulière indécence ».

    La ministre leur demandait de « prendre toutes les mesures nécessaires afin de veiller au respect de la loi et des principes républicains » et appelait également à signaler aux procureurs « l’#apologie_du_terrorisme, l’#incitation_à_la_haine, à la violence et à la discrimination ».

    Un message relayé en cascade aux différents niveaux hiérarchiques du CNRS, jusqu’aux unités de recherche, qui ont reçu un courrier le 12 octobre leur indiquant que l’« expression politique, la proclamation d’opinion » ne devaient pas « troubler les conditions normales de travail au sein d’un laboratoire ».

    Censure et #autocensure

    Le ton a été jugé menaçant par nombre de chercheurs et chercheuses puisque étaient évoquées, une fois de plus, la possibilité de « #poursuites_disciplinaires » et la demande faite aux agents de « signaler » tout écart.

    Autant de missives que des universitaires ont interprétées comme un appel à la délation et qu’ils jugent aujourd’hui responsables du « #climat_maccarthyste » qui règne depuis plusieurs semaines sur les campus et dans les laboratoires, où censure et autocensure sont de mise.

    Au point que bon nombre se retiennent de partager leurs analyses et d’exprimer publiquement leur point de vue sur la situation au Proche-Orient. Symbole de la chape de plomb qui pèse sur le monde académique, la plupart de celles et ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ont requis l’anonymat.

    « Cela fait plus de vingt ans que j’interviens dans le #débat_public sur le sujet et c’est la première fois que je me suis autocensurée par peur d’accusations éventuelles », nous confie notamment une chercheuse familière des colonnes des grands journaux nationaux. Une autre décrit « des échanges hyper violents » dans les boucles de mails entre collègues universitaires, empêchant tout débat apaisé et serein. « Même dans les laboratoires et collectifs de travail, tout le monde évite d’évoquer le sujet », ajoute-t-elle.

    « Toute prise de parole qui ne commencerait pas par une dénonciation du caractère terroriste du Hamas et la condamnation de leurs actes est suspecte », ajoute une chercheuse signataire de la tribune des 1 400.

    Au yeux de certains, la qualité des débats universitaires se serait tellement dégradée que la production de connaissance et la capacité de la recherche à éclairer la situation au Proche-Orient s’en trouvent aujourd’hui menacées.

    « La plupart des médias et des responsables politiques sont pris dans un #hyperprésentisme qui fait commencer l’histoire le 7 octobre 2023 et dans une #émotion qui ne considère légitime que la dénonciation, regrette Didier Fassin, anthropologue, professeur au Collège de France, qui n’accepte de s’exprimer sur le sujet que par écrit. Dans ces conditions, toute perspective réellement historique, d’une part, et tout effort pour faire comprendre, d’autre part, se heurtent à la #suspicion. »

    En s’autocensurant, et en refusant de s’exprimer dans les médias, les spécialistes reconnus du Proche-Orient savent pourtant qu’ils laissent le champ libre à ceux qui ne craignent pas les approximations ou les jugements à l’emporte-pièce.

    « C’est très compliqué, les chercheurs établis sont paralysés et s’interdisent de répondre à la presse par crainte d’être renvoyés à des prises de position politiques. Du coup, on laisse les autres parler, ceux qui ne sont pas spécialistes, rapporte un chercheur lui aussi spécialiste du Proche-Orient, qui compte parmi les initiateurs de la pétition. Quant aux jeunes doctorants, au statut précaire, ils s’empêchent complètement d’évoquer le sujet, même en cours. »

    Stéphanie Latte Abdallah, historienne spécialiste de la Palestine, directrice de recherche au CNRS, a été sollicitée par de nombreux médias ces dernières semaines. Au lendemain des attaques du Hamas, elle fait face sur certains plateaux télé à une ambiance électrique, peu propice à la nuance, comme sur Public Sénat, où elle se trouve sous un feu de questions indignées des journalistes, ne comprenant pas qu’elle fasse une distinction entre l’organisation de Daech et celle du Hamas…

    Mises en cause sur les #réseaux_sociaux

    À l’occasion d’un des passages télé de Stéphanie Latte Abdallah, la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, membre du CNRS comme elle, l’a désignée sur le réseau X, où elle est très active, comme membre d’une école de pensée « antisioniste sous couvert de recherche scientifique », allant jusqu’à dénoncer sa « fausse neutralité, vraie détestation d’Israël et des juifs ».

    S’est ensuivi un déluge de propos haineux à connotation souvent raciste, « des commentaires parfois centrés sur mon nom et les projections biographiques qu’ils pouvaient faire à partir de celui-ci », détaille Stéphanie Latte Abdallah, qui considère avoir été « insultée et mise en danger ».

    « Je travaille au Proche-Orient. Cette accusation qui ne se base sur aucun propos particulier, et pour cause (!), est choquante venant d’une collègue qui n’a de plus aucune expertise sur la question israélo-palestinienne et aucune idée de la situation sur le terrain, comme beaucoup de commentateurs, d’ailleurs », précise-t-elle.

    Selon nos informations, un courrier de rappel à l’ordre a été envoyé par la direction du CNRS à Florence Bergeaud-Blackler, coutumière de ce type d’accusations à l’égard de ses collègues via les réseaux sociaux. La direction du CNRS n’a pas souhaité confirmer.

    Commission disciplinaire

    À l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), après la diffusion le 8 octobre d’un communiqué de la section syndicale Solidaires étudiant·e·s qui se prononçait pour un « soutien indéfectible à la lutte du peuple palestinien dans toutes ses modalités et formes de lutte, y compris la lutte armée », la direction a effectué un signalement à la plateforme Pharos, qui traite les contenus illicites en ligne.

    Selon nos informations, une chercheuse du CNRS qui a relayé ce communiqué sur une liste de discussion interne, en y apportant dans un premier temps son soutien, est aujourd’hui sous le coup d’une procédure disciplinaire. Le fait qu’elle ait condamné les massacres de civils dans deux messages suivants et pris ses distances avec le communiqué de Solidaires étudiant·e·s n’y a rien fait. Une « commission paritaire » – disciplinaire en réalité – sur son cas est d’ores et déjà programmée.

    « Il s’agit d’une liste intitulée “opinions” où l’on débat habituellement de beaucoup de sujets politiques de façon très libre », nous précise un chercheur qui déplore le climat de suspicion généralisée qui s’est installé depuis quelques semaines.

    D’autres rappellent l’importance de la chronologie puisque, le 8 octobre, l’ampleur des crimes contre les civils perpétrés par le Hamas n’était pas connue. Elle le sera dès le lendemain, à mesure que l’armée israélienne reprend le contrôle des localités attaquées.

    Autre cas emblématique du climat inhabituellement agité qui secoue le monde universitaire ces derniers jours, celui d’un enseignant-chercheur spécialiste du Moyen-Orient dénoncé par une collègue pour une publication postée sur sa page Facebook privée. Au matin du 7 octobre, Nourdine* (prénom d’emprunt) poste sur son compte une photo de parapentes de loisir multicolores, assortie de trois drapeaux palestiniens et trois émoticônes de poing levé. Il modifie aussi sa photo de couverture avec une illustration de Handala, personnage fictif et icône de la résistance palestinienne, pilotant un parapente.

    À mesure que la presse internationale se fait l’écho des massacres de civils israéliens auxquels ont servi des ULM, que les combattants du Hamas ont utilisés pour franchir la barrière qui encercle la bande de Gaza et la sépare d’Israël, le chercheur prend conscience que son post Facebook risque de passer pour une célébration sordide des crimes du Hamas. Il le supprime moins de vingt-quatre heures après sa publication. « Au moment où je fais ce post, on n’avait pas encore la connaissance de l’étendue des horreurs commises par le Hamas, se défend-il. Si c’était à refaire, évidemment que je n’aurais pas publié ça, j’ai été pétri de culpabilité. »

    Trop tard pour les regrets. Quatre jours après la suppression de la publication, la direction du CNRS, dont il est membre, est destinataire d’un mail de dénonciation. Rédigé par l’une de ses consœurs, le courrier relate le contenu du post Facebook, joint deux captures d’écran du compte privé de Nourdine et dénonce un « soutien enthousiaste à un massacre de masse de civils ».

    Elle conclut son mail en réclamant « une réaction qui soit à la mesure de ces actes et des conséquences qu’ils emportent », évoquant des faits pouvant relever de « l’apologie du terrorisme » et susceptibles d’entacher la réputation du CNRS.

    On est habitués à passer sur le gril de l’islamo-gauchisme et aux attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues.

    Nourdine, chercheur

    Lucide sur la gravité des accusations portées à son égard, Nourdine se dit « démoli ». Son état de santé préoccupe la médecine du travail, qui le met en arrêt et lui prescrit des anxiolytiques. Finalement, la direction de l’université où il enseigne décide de ne prendre aucune sanction contre lui.

    Également directeur adjoint d’un groupe de recherche rattaché au CNRS, il est néanmoins pressé par sa hiérarchie de se mettre en retrait de ses fonctions, ce qu’il accepte. Certaines sources universitaires affirment que le CNRS avait lui-même été mis sous pression par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour sanctionner Nourdine.

    Le chercheur regrette des « pratiques vichyssoises » et inédites dans le monde universitaire, habitué aux discussions ouvertes même lorsque les débats sont vifs et les désaccords profonds. « Des collègues interloqués par mon post m’ont écrit pour me demander des explications. On en a discuté et je me suis expliqué. Mais la collègue qui a rédigé la lettre de délation n’a prévenu personne, n’a pas cherché d’explications auprès de moi. Ce qui lui importait, c’était que je sois sanctionné », tranche Nourdine. « On est habitués à passer sur le gril de l’#islamo-gauchisme et aux #attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues », finit-il par lâcher, amer.

    –-

    Sciences Po en butte aux tensions

    Ce mardi 21 novembre, une manifestation des étudiants de Sciences Po en soutien à la cause palestinienne a été organisée rue Saint-Guillaume. Il s’agissait aussi de dénoncer la « censure » que subiraient les étudiants ayant trop bruyamment soutenu la cause palestinienne.

    Comme l’a raconté L’Obs, Sciences Po est confronté à de fortes tensions entre étudiants depuis les attaques du Hamas du 7 octobre. Le campus de Menton, spécialisé sur le Proche-Orient, est particulièrement en ébullition.

    Une boucle WhatsApp des « Students for Justice in Palestine », créée par un petit groupe d’étudiants, est notamment en cause. L’offensive du Hamas y a notamment été qualifiée de « résistance justifiée » et certains messages ont été dénoncés comme ayant des relents antisémites. Selon l’hebdomadaire, plusieurs étudiants juifs ont ainsi dit leur malaise à venir sur le campus ces derniers jours, tant le climat y était tendu. La direction a donc convoqué un certain nombre d’étudiants pour les rappeler à l’ordre.

    Lors d’un blocus sur le site de Menton, 66 étudiants ont été verbalisés pour participation à une manifestation interdite.

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    En dehors des cas particuliers précités, nombre d’universitaires interrogés estiment que le climat actuel démontre que le #monde_académique n’a pas su résister aux coups de boutoir politiques.

    « Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit », retrace Didier Fassin. « On l’avait vu, sous la présidence actuelle, avec les accusations d’islamo-gauchisme contre les chercheuses et chercheurs travaillant sur les discriminations raciales ou religieuses. On l’avait vu, sous les deux présidences précédentes, avec l’idée qu’expliquer c’est déjà vouloir excuser », rappelle-t-il en référence aux propos de Manuel Valls, premier ministre durant le quinquennat Hollande, qui déclarait au sujet de l’analyse sociale et culturelle de la violence terroriste : « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. »

    « Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre d’entre nous, nous continuons à essayer de nous exprimer, à la fois parce que nous croyons que la démocratie de la pensée doit être défendue et surtout parce que la situation est aujourd’hui trop grave dans les territoires palestiniens pour que le silence nous semble tolérable », affirme Didier Fassin.

    Contactée, la direction du #CNRS nous a répondu qu’elle ne souhaitait pas s’exprimer sur les cas particuliers. « Il n’y a pas à notre connaissance de climat de délation ou des faits graves de censure. Le CNRS reste très attaché à la liberté académique des scientifiques qu’il défend depuis toujours », nous a-t-elle assuré.

    Une répression qui touche aussi les syndicats

    À la fac, les syndicats sont aussi l’objet du soupçon, au point parfois d’écoper de sanctions. Le 20 octobre, la section CGT de l’université Savoie-Mont-Blanc (USMB) apprend sa suspension à titre conservatoire de la liste de diffusion mail des personnels, par décision du président de l’établissement, Philippe Galez. En cause : l’envoi d’un message relayant un appel à manifester devant la préfecture de Savoie afin de réclamer un cessez-le-feu au Proche-Orient et dénonçant notamment « la dérive ultra-sécuritaire de droite et d’extrême droite en Israël et la politique de nettoyage ethnique menée contre les Palestiniens ».

    La présidence de l’université, justifiant sa décision, estime que le contenu de ce message « dépasse largement le cadre de l’exercice syndical » et brandit un « risque de trouble au bon fonctionnement de l’établissement ». La manifestation concernée avait par ailleurs été interdite par la préfecture, qui invoquait notamment dans son arrêté la présence dans un rassemblement précédent « de nombreux membres issus de la communauté musulmane et d’individus liés à l’extrême gauche et ultragauche ».

    La section CGT de l’USMB n’a pas tardé à répliquer par l’envoi à la ministre Sylvie Retailleau d’un courrier, depuis resté lettre morte, dénonçant « une atteinte aux libertés syndicales ». La lettre invite par ailleurs le président de l’établissement à se plier aux consignes du ministère et à effectuer un signalement au procureur, s’il estimait que « [le] syndicat aurait “troublé le bon fonctionnement de l’établissement” ». Si ce n’est pas le cas, « la répression syndicale qui s’abat sur la CGT doit cesser immédiatement », tranche le courrier.

    « Cette suspension vient frontalement heurter la #liberté_universitaire, s’indigne Guillaume Defrance, secrétaire de la section CGT de l’USMB. C’est la fin d’un fonctionnement, si on ne peut plus discuter de manière apaisée. »

    Le syndicat dénonce également l’attitude de Philippe Galez, qui « veut désormais réguler l’information syndicale à l’USMB à l’aune de son jugement ». Peu de temps après l’annonce de la suspension de la CGT, Philippe Galez a soumis à l’ensemble des organisations syndicales un nouveau règlement relatif à l’utilisation des listes de diffusion mail. Le texte limite l’expression syndicale à la diffusion « d’informations d’origine syndicale ou à des fins de communication électorale ». Contacté par nos soins, le président de l’USMB nous a indiqué réserver dans un premier temps ses « réponses et explications aux organisations syndicales et aux personnels de [son] établissement ».

    Interrogé par Mediapart, le cabinet de Sylvie Retailleau répond que le ministère reste « attaché à la #liberté_d’expression et notamment aux libertés académiques : on ne juge pas des opinions. Il y a simplement des propos qui sont contraires à la loi ».

    Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fait état de « quelques dizaines de cas remontés au ministère ». Il reconnaît que des événements ont pu être annulés pour ne pas créer de #trouble_à_l’ordre_public dans le climat actuel. « Ils pourront avoir lieu plus tard, quand le climat sera plus serein », assure l’entourage de la ministre.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/211123/conflit-israelo-palestinien-une-chape-de-plomb-s-est-abattue-sur-l-univers
    #université #Israël #Palestine #France #7_octobre_2023 #délation #ESR

  • Owen Jones sur X :

    #génocide

    Gaza is a ’textbook genocide’. This is according to #Raz_Segal - an Israeli associate professor of Holocaust and genocide studies at Stockton University in the US. Listen carefully to what he says. It’s based on facts, law and precedent - and it should terrify you.

    https://twitter.com/OwenJones84/status/1726948242531782961

    https://video.twimg.com/amplify_video/1726946337399181312/vid/avc1/540x540/Hc9ceFDVP3rfU5Dz.mp4?tag=14

    Le génocidaire n’est bien entendu pas que rhétorique. Raz Segal :

    […] Then we have Israeli prime minister Netanyahu who early on promised to turn Gaza into, quote, rubble, which indeed Israel did. Right ? It’s also important to see that Israeli authorities and the Israeli army did what they said, right ?

  • Du siège génocidaire de Gaza, l’appel à la libération
    https://www.contretemps.eu/siege-gaza-appel-liberation

    En resituant l’actuel assaut génocidaire contre Gaza dans le temps long de l’histoire, Hanna Daoud montre dans cet article les lignes de continuité entre les différentes séquences d’un conflit colonial qui dure depuis près d’un siècle en Palestine. Elle offre en outre une compréhension sensible de l’expérience de la lutte palestinienne, notamment en rappelant que cette dernière est fondamentalement liée à la question de la terre et de la libération.

    --- « Le conflit en Palestine est la lutte pour arracher aux autochtones le contrôle de la terre », Edward Said, 1992 ---

    Depuis plus d’un mois, la bande de Gaza est pilonnée par l’unique puissance nucléaire du Moyen-Orient. Le feu et le fer s’y déversent sans pause, ils éventrent les immeubles, fracassent hôpitaux, écoles, boulangeries, églises, mosquées et infrastructures de l’ONU. Des camps de réfugiés sont réduits en poussière, des quartiers entiers sont rasés, desquels jaillit l’odeur de la mort. Plus de 11 200 victimes dont 4 630 enfants sont recensées par le ministère de la Santé de Gaza [au 14 novembre]. 1,5 millions de personnes sont déplacées. La famine, la déshydratation et les maladies provoquées par le siège complet de l’enclave guettent 2,3 millions de Palestinien.nes.

    Le monde assiste à un probable génocide-en-cours. Un génocide, le mot est lourd mais il est pesé. 800 universitaires et juristes spécialistes de l’étude des génocides s’alarment de sa répétition à Gaza. Sur un territoire de 360 km2, plus petit que le tiers de Londres, 25 000 tonnes d’explosifs ont été larguées en un mois, l’équivalent de deux bombes atomiques. Hiroshima retentit sur Gaza, sans possibilité pour quiconque de fuir. Les technologies militaires de pointe s’associent à un projet génocidaire. À cette expérimentation macabre, l’Occident a donné son blanc-seing.

  • L’expérience est tellement édifiante qu’elle devrait interroger ceux qui rêvent des promesses que leur fait la technologie. Quand on compare les résultats de deux algorithmes de reconnaissance faciale depuis une même image de suspect, tournant sur la même base de données d’images de résultats, et bien apprenez qu’aucun des 2 ne renvoie dans leurs 10 premières correspondance une personne similaire ! Selon le système utilisé, vous n’aurez donc pas les mêmes suspects en retour !

    Ces systèmes qui produisent toujours des résultats sont en grande partie défaillants. Et ce n’est pas seulement la technique qui est défaillante (qui est « vendue » comme une technique d’analyse des traits du visage, alors qu’elle est sensible à bien d’autres éléments comme les poses, la qualité des images, etc.), mais la façon même dont elle produit du résultat, en n’expliquant jamais les raisons de ses limites. Et le pire, c’est qu’il n’y a pas que la technique qui est défaillante. Les « humains dans la boucle », ceux qui utilisent ces systèmes sont capables de croire en toute confiance en leurs capacités à travailler avec la machine quand celle-ci, bien souvent ne propose qu’amplifier leurs biais et leur confiance en eux.

    Regardons donc comment la reconnaissance faciale fonctionne, ou plutôt comment elle échoue, c’est le seul moyen de bien saisir que cette technologie n’a rien de magique, au contraire. https://hubertguillaud.wordpress.com/2023/11/21/la-reconnaissance-faciale-en-ses-limites #reconnaissancefaciale

  • Egalité climatique : une planète pour les 99% - Oxfam France
    https://www.oxfamfrance.org/rapports/egalite-climatique-une-planete-pour-les-99

    À quelques jours de la COP28, Oxfam publie un nouveau rapport sur les inégalités climatiques dans le monde. Ce rapport révèle que les 1% les plus riches émettent plus de CO2 que les deux tiers les plus pauvres de l’humanité soit 5 milliards de personnes.

    Alors que les individus, les entreprises et les pays les plus riches continuent de détruire la planète, les personnes les plus pauvres, celles qui sont les plus marginalisées, sont parallèlement les plus durement touchées par la crise climatique.

  • MAGISTRAL DISCOURS DE LA REPRÉSENTANTE DE LA PALESTINE A L’ONU

    https://x.com/caissesdegreve/status/1726408789283242011?s=20

    Nada Abu Tarbush Représentante de la Palestine à l’ONU

    A DIFFUSER MASSIVEMENT
    Je ne pense pas qu’il ne passera dans les médias occidentaux car elle dit la vérité.

    Les dirigeants occidentaux (à l’exception de l’Irlande et peut-être de l’Espagne) devraient démissionner pour n’avoir pas été capables de dire ce qu’elle dit. Ils devraient probablement être traduits en Justice.

    #Palestine #ONU #Israël #France #Royaume-Uni #Allemagne #Italie #Droit-International #Crimes-de-guerre #Genocide #Juif #Palestinien #Femme

  • Ne pas renoncer à penser – réponse de Didier Fassin à Bruno Karsenti et al.
    Posted on novembre 19, 2023 | Didier Fassin | AOC – Aurdip
    https://aurdip.org/ne-pas-renoncer-a-penser-reponse-a-bruno-karsenti-et-al

    Mis en cause dans l’édition du 13 novembre de AOC par Bruno Karsenti, Jacques Ehrenfreund, Julia Christ, Jean-Philippe Heurtin, Luc Boltanski et Danny Trom pour son Opinion « Le spectre d’un génocide » publiée dans AOC le 1er novembre, Didier Fassin leur répond. (...)

  • Le climat, la gauche et l’histoire | #Jean-Baptiste_Fressoz
    https://legrandcontinent.eu/fr/2023/11/03/le-climat-la-gauche-et-lhistoire

    Plusieurs auteurs, cités par Paul Magnette ont cru discerner dans l’histoire de l’énergie le capitalisme dans ses basses œuvres : la machine à vapeur aurait simplement servi à échapper à la contrainte de localisation et à exploiter une main d’oeuvre urbaine et abondante (Andreas Malm) ; le pétrole aurait eu pour effet, voire fonction, de contourner les mineurs et leurs syndicats grâce à sa fluidité (Timothy Mitchell). Ces récits séduisants ne résistent pas à l’analyse : le charbon sert surtout à produire de la chaleur. En Angleterre son extraction commence quand le prix du bois de feu augmente, tirée par la croissance urbaine — la machine à vapeur est davantage un symbole que la cause de l’Anthropocène. Quant au pétrole, il ne contourne pas les mineurs, tout simplement parce qu’il ne remplace pas le charbon ; il sert avant tout à faire avancer des voitures qui pour leur fabrication consomment énormément de charbon ; en outre, la baisse du nombre des mineurs n’est pas causée par le pétrole mais par le progrès technologique dans les mines. L’attrait de l’histoire « politique » de l’énergie qui est aussi son défaut, est qu’elle tend à présenter le changement climatique comme l’effet secondaire d’une entreprise de domination capitaliste. Cette historiographie, apparemment radicale mais rassurante pour la gauche anti-capitaliste, sous-estime l’énormité du défi climatique : sortir du carbone sera autrement plus difficile que sortir du capitalisme, une condition tout aussi nécessaire qu’insuffisante.

    [...]

    Le réchauffement est un phénomène historique, mais comme il fait la somme de l’ensemble de l’agir humain sur la planète il échappe largement à l’histoire. S’il est assez facile pour un historien d’expliquer le réchauffement, identifier ce qui pourrait l’arrêter dépasse l’imagination historique.

    Face au titan climatique, les sciences sociales proposent souvent des « solutions » sans avoir jaugé la profondeur du problème. Les verrous techniques sont écartés, laissés à l’expertise du groupe III du GIEC. On fait comme si la décarbonation était un simple problème d’investissements, un problème d’ingénierie sociale, un problème de volonté politique. [...]

    Dans les années 1990-2000, beaucoup d’énergie a été dépensée pour débattre des avantages respectifs de la taxe carbone ou des droits à polluer, alors qu’il aurait fallu expliquer qu’on ne saurait décarboner l’acier, le ciment, l’aviation etc. et donc convenir des moyens démocratiques et équitables d’en réduire drastiquement la consommation. Il en découlerait une redéfinition du débat climatique centré sur la répartition juste et efficace des biens matériels à l’échelle mondiale : la grande question de la gauche depuis son origine et le trait d’union qui relie le socialisme à l’éco-socialisme.

    • Contrairement à l’expression de « crise environnementale » qui sous-entendait une épreuve brève dont l’issue serait imminente, l’Anthropocène désigne un point de non-retour. Ce que nous vivons n’est pas une simple crise mais une bifurcation à l’échelle de l’histoire géologique de la Terre. Le développement économique des derniers siècles modifiera l’environnement de ceux à avenir. Nous ne nous sortirons pas de l’Anthropocène et nous ne connaîtrons plus les climats de l’Holocène. Ce qui a été moins compris — et la faute en revient à une vision aberrante de l’histoire matérielle — est que cette irréversibilité s’appliquait presque autant à l’anthropos qu’à la planète. L’Anthropocène désigne une double irréversibilité, une double accumulation, un cumul de cumuls : non seulement les flux de matière s’empilent dans les différents compartiments du système-terre, mais les flux matériels anthropogéniques suivent eux-aussi une logique additive.

      Toute discussion sérieuse sur les questions environnementales devrait partir du constat historique quelque peu inquiétant que les innovations technologiques n’ont, jusqu’à présent, jamais fait disparaître un flux de consommation matérielle. Au cours du XXe siècle, dans le monde, l’éventail des matières premières s’est élargi et chacune a été consommée en quantité croissante [3]. Les processus de substitution technologiques ont donc pour l’instant toujours été compensés par l’élargissement des marchés, par les effets rebonds et par les réorientations d’usage.

      [3] Sur les soixante-dix matières premières principales, Christopher L. Magee et Tessaleno C. Devezas ne recensent que six qui ont décru depuis 1960 : l’amiante, le mercure, le beryllium, le tellurium, le thallium et la laine de mouton, auxquels on pourrait ajouter l’huile de baleine.

  • Pierre Vidal-Naquet : « De Faurisson et de Chomsky ». Ressources documentaires sur le génocide nazi / Documentary Resources on the Nazi Genocide © Michel Fingerhut, auteurs et éditeurs, 1996-8
    http://www.anti-rev.org/textes/VidalNaquet81a

    Plus inquiétante, parce qu’elle émane d’un homme à qui sa valeur scientifique, combinée au juste et courageux combat qu’il a mené contre la guerre américaine au Vietnam, ont valu un grand prestige, est la préface du livre de Faurisson, qui est due à #Noam_Chomsky. L’aubaine est riche : soutenir que le génocide des Juifs est un « mensonge historique » et être préfacé par un illustre linguiste, fils d’un professeur d’hébreu, libertaire et ennemi de tous les impérialismes, voilà qui est de meilleur effet que l’appui de Jean-Gabriel Cohn-Bendit...

    J’ai lu ce texte avec attention, et avec une surprise croissante. Des adjectifs me sont venus au bout de la plume, qui exprimaient, sous la forme d’une progression, et ma surprise et mon indignation. J’ai décidé, finalement, de retirer ces adjectifs de mon texte. Les linguistes, et même les non-linguistes, les restitueront aisément (4). Je procéderai par ordre.

    1) La préface en question relève d’un genre assez nouveau dans la République des lettres. En effet, Noam Chomsky n’a lu ni le livre qu’il préface, ni les travaux antérieurs de cet auteur, ni les critiques qui en ont été faites, et il est incompétent dans le domaine dont il traite : « Je ne dirai rien ici des travaux de Robert Faurisson ou de ses critiques, sur lesquels je ne sais pas grand-chose, ou sur les sujets qu’ils traitent, sur lesquels je n’ai pas de lumières particulières (5). » Voilà donc qui le qualifie remarquablement. Mais comme il faut cependant savoir affirmer à la fois une chose et son contraire, Chomsky n’en proclame pas moins, quelques pages plus loin, sa compétence. Faurisson est accusé d’être un antisémite : « Comme je l’ai dit, je ne connais pas très bien ses travaux. Mais d’après ce que j’ai lu, en grande partie à cause de la nature des attaques portées contre lui, je ne vois aucune preuve qui appuierait de telles conclusions » (Préface, p. XV). Il a lu aussi ses critiques, en l’espèce mon article d’Esprit (septembre 1980) et même les lettres personnelles que je lui ai adressées à ce sujet, « une correspondance privée qu’il ne serait pas convenable de citer en détail ici ». Bel exemple de scrupule, bel exemple aussi de double langage, car Chomsky ne s’est pas rendu compte qu’il préfaçait un livre où sont reproduites, sans autorisation, toute une série de lettres privées (6), et il ne se prive pas lui-même de résumer, en les falsifiant, mes propres lettres. Je lui dirai donc simplement ceci : « Publiez donc, je vous y autorise, l’ensemble de cette corrrespondance. On verra donc si vous êtes qualifié pour me donner une leçon d’honnêteté intellectuelle. »

    2) Chomsky-le-double a donc lu Faurisson et il ne l’a pas lu, il a lu ses critiques et il ne les a pas lues. Essayons de préciser et de sérier les questions. Qu’a-t-il lu de Faurisson qui lui permette de lui accorder ainsi un beau certificat ? N’est-il pas « une sorte de libéral relativement apolitique » (p. XIV-XV) ? Comme Chomsky ne se réfère à rien, je ne puis le savoir, et je dirai simplement ceci : l’antisémitisme personnel de Faurisson m’intéresse à vrai dire peu. Il existe et je puis en témoigner, mais il n’est rien à côté de l’#antisémitisme de ses textes. Écrire le plus tranquillement du monde qu’en imposant aux Juifs à partir de l’âge de six ans le port de l’étoile jaune « Hitler se préoccupait peut-être moins de la question juive que d’assurer la sécurité du soldat allemand » ( Vérité..., p. 190), est-ce de l’antisémitisme ? Certainement pas, dans la logique de Faurisson, puisqu’à la limite il n’y a pas d’antisémitisme pratique possible. Mais dans la logique de Chomsky ? Inventer de toute pièce une imaginaire déclaration de guerre à Hitler, au nom de la communauté juive internationale, par un imaginaire président du Congrès juif mondial (7), est-ce de l’antisémitisme ou est-ce un faux ? Peut-être Chomsky peut-il pousser l’imagination linguistique jusqu’au point de découvrir qu’il existe des faux antisémites ?

    [...] comment admettre qu’il accorde aujourd’hui sa caution à un faussaire ?

    #négationnisme #pétochard #faussaire #histoire

    • Quatre ans après que Chomsky ait préfacé Faurisson chez La vieille taupe, il publie Réponses inédites à mes détracteurs parisiens (1984) préfacé par Pierre Guillaume...
      L’argument selon lequel il n’aurait rien fait d’autre que prendre la défense de la liberté d’expression (une liberté dont Faurisson ne manquait pas plus que Thion...) est littéralement pulvérisé par PVN dans le texte cité ci-dessus. C’est comme légende qu’il en subsiste quelque chose.

      #falsification

  • Toujours pas de grande indignation sur le fait qu’on n’impose pas le visionnage des images de charniers, de ces dizaines de corps alignés, dans leurs linceuls blancs, que l’on voit pourtant tous les matins sur touiteur, tous frais du massacre de la veille.

    Est-ce qu’il faut en faire une compilation, est-ce qu’il faut les montrer à l’Assemblée nationale, est-ce qu’il faut l’imposer aux journalistes qui continuent de relayer la propagande génocidaire israélienne, est-ce qu’il faut exiger que les pro-israéliens s’expliquent sur leur refus de voir ces images, etc.?

    Apparemment, ce n’est pas une question qui se pose.

    (Pour être clair : je n’y suis personnellement pas favorable, quand je tombe sur ces images je passe parce que je ne gère pas ça du tout ; simplement je constate que la question ne se pose pas dans ce sens-là.)

  • Combien faut-il de smartphones pour faire une vie humaine ?
    https://tagrawlaineqqiqi.wordpress.com/2023/11/18/combien-faut-il-de-smartphone-pour-faire-une-vie-humaine

    Pour environ la quarante-deux millionième fois, on m’a expliqué que ne pas avoir et ne pas vouloir de smartphone, c’est être un individu archaïque réfractaire au progrès. Parce que depuis le début du XIXe siècle, on nous présente tout nouvel objet, et désormais toute nouvelle automatisation comme un progrès inéluctable, insistant sur le fait qu’il […]

    #Article #autonomie #chroniques_agricoles #Société #contrôle_social
    https://0.gravatar.com/avatar/cd5bf583a4f6b14e8793f123f6473b33bb560651f18847079e51b3bcad719755?s=96&d=