RastaPopoulos

Développeur non-durable.

  • Exemple de cette idéologie dominante, embarquée dans un processus de décomposition fasciste, procédant par amalgame, stigmatisation et dissociation : un article bien pourri du JDD, stigmatisant ici la Cimade. L’association humaniste est, non seulement, tenue comme portant une responsabilité dans l’assassinat du professeur Dominique Bernard mais on l’accable de négationnisme (équivalent Faurisson, Soral, etc.), sous prétexte qu’elle qualifie la politique d’Israël d’apartheid.

    Le propos est tellement ordurier, qu’il m’est impossible de rendre compte de son existence (surtout, ne pas le relayer) autrement que par son URL :

    https://www.lejdd.fr/societe/la-cimade-une-association-militante-qui-partage-les-combats-de-lextreme-gauche

    • Pas le courage de lire cet article du JDD mais ailleurs ce n’est guère mieux et depuis le 7/10/2023 le marasme médiatique français a pris une accélération fulgurante. A croire qu’il y a un concours ouvert entre les déclarations toutes plus ignominieuses les unes que les autres et le nombre de victimes du conflit qui ne cesse de grandir de jour en jour. Pour échapper aux images commentées par des militaires ou anciens militaires (trop présent à la télé). La réflexion des sempiternels politologue médiatique est bien souvent dans la ligne éditoriale de ce journal d’extrême droite.

      Conflit israélo-palestinien : calomnies médiatiques contre LFI ou « La Formation infréquentable »
      https://www.acrimed.org/Conflit-israelo-palestinien-calomnies-mediatiques

      Depuis le 7 octobre, la couverture médiatique des événements en Israël et en Palestine est massive. Nous l’avons étudiée dans un premier article au prisme de « l’information internationale ». Mais en parallèle, le journalisme politique s’est largement focalisé sur des controverses politico-médiatiques. Les médias dominants, qui relaient complaisamment les campagnes menées par ceux qui dominent le champ politique, sont passés tel un rouleau-compresseur sur La France insoumise, contre laquelle tout semble désormais permis. Ses positions, « résumées », déformées, conspuées, lui ont valu une double condamnation, pour complicité de barbarie et antisémitisme nazi.

      Caroline Fourest sur France 5 (11/10)

      « Comme Marine Le Pen est impeccable, on n’a pas prise, nous, journalistes, pour parler de cette extrême droite antisémite. Alors que comme Mélenchon dérape et que Mathilde Panot bredouille, on a plus de facilité à parler de l’extrême gauche antisémite. Mais encore une fois, les deux se rejoignent sur les juifs. »

    • on me dit que par prudence bon nombre d’assos et collectifs de soutien aux immigrés, réfugiés, étrangers ont, au lendemain de l’assassinat du professeur d’histoire Dominique Bernard à Arras, annulé par prudence 15 jours de rendez-vous publics des plus ordinaires.

      la baisse des financements publics de diverses assos (du Planning familial à la Cimade) est en cours et des Ciotti JDD insistent, dans le cas de la Cimade et d’autres structures d’appui aux étrangers, pour qu’elles soient plus drastiques, voire totales.

      ce n’est pas pour son humanisme que la Cimade est visée mais bien en raison des pratiques qu’elle met en oeuvre : une défense des droits des étrangers qui fait effectivement obstacle à des expulsions, facilite l’obtention de droits (asile, séjour, régularisation) et contribue à une forme d’accueil.

      par ailleurs, aujourd’hui, dans une fac de Lille, ce sont les vigiles qui ont appelé la police (et non la présidence qui en théorie en a seule le droit, lorsque le préfet ne prend pas l’initiative : on en a fini avec des siècles de « franchise universitaire ») contre une table de presse de l’Unef en solidarité avec les palestiniens.

      edit Borne a aussi livré ce jour les perpectives du régime suite aux émeutes de l’été : une série de graves dispositions sécuritaires

    • J’ai eu confirmation aujourd’hui que la Cimade continue ses permanences. à Paris.

      Si j’évoquais le caractère « humaniste » de la Cimade c’était une manière de dire qu’il s’agit d’une asso caritative bien établie depuis des lustres et reconnue par les institutions parmi les principales références de « défense des Droits de l’Homme », au même titre que la LDH ou Amnesty. Ce n’est pas du tout une organisation révolutionnaire (contrairement à ce qu’on pourrait croire en lisant le JDD).
      De ce que j’en connais (je connais très bien une personne qui en est membre), ce sont des bénévoles qui font tourner les lieux d’accueil (il y a quelques salariéEs mais iels ne sont pas à l’accueil). Je pense qu’avec ce gouvernement, les membres de la Cimade vont rencontrer de graves difficultés pratiques et psychologiques pour obtenir la régularisation des personnes qu’iels reçoivent.
      Les actions de la Cimade, pour l’essentiel, ne consistent qu’à faire de l’accompagnement individuel. Cela se résume à essayer d’aider les personnes à débroussailler le maquis administratif et réglementaire. Tout ceci demande du temps, les procédures sont longues et c’est parfois compliqué. Souvent, l’issue de la démarche est totalement tributaire du bon vouloir de la préfecture. Aujourd’hui, autant dire que le refus est désormais la règle. Rien à voir avec les régularisations politiques de salariéEs comme on a eu sur les chantiers des JO récemment, suite à une lutte syndicale collective (grève) organisée par la CNT-SO et la CGT.
      Les bénévoles de la Cimade se tapent en réalité le (sale) boulot que devrait faire l’administration, sachant que tout est fait pour que la procédure de régularisation ne fonctionne pas, à commencer par l’impossibilité de prendre un RDV en préfecture. De fait, beaucoup d’étrangers considèrent les membres de la Cimade comme faisant partie de la chaîne administrative pour obtenir leurs papiers. L’administration en abuse. C’est parfois compliqué pour ces bénévoles d’établir une relation claire, distanciée et équilibrée avec les personnes qu’iels reçoivent. Le fait qu’il s’agisse d’une asso d’origine religieuse n’arrange pas les choses. Bref, ce n’est pas du tout mon truc mais je leur tire mon chapeau parce que ça devient de plus en plus dur.

      Voilà pourquoi je trouve que c’est vraiment dégueux de cibler la Cimade, tel que le fait ce journal raciste et haineux.

    • je parlais des rendez dans l’espace public, pas des permanences d’accueil. cette suspension de 15 jours a été une décision prise au niveau national (par crainte d’attaques racistes ?), appliquée partout.
      l’accueil est effectivement tributaire de cet aspect para-officiel mais aussi du paternalisme humanitaire de nombreux bénévoles. malgré cela, il va bien au-dela de ce que feraient des services d’État puisqu’il s’agit de conseiller des non citoyens sur la manière de faire valoir des droits face à une administration qui s’y oppose. de plus, la Cimade se porte partie en justice contre les préfectures ou l’État. on a tendance à dédaigner les « cas » au prétexte qu’ils seraient individuels, mais c’est aussi depuis des cas qui sont au croisement du cours des vies et de la jurisprudence formelle et réelle que l’on a prise.

      c’est à une attaque généralisée contre toute forme de contre pouvoir que cet organe de presse contribue, et avec lui bien d’autres acteurs.

    • De ce que j’en sais, il y a des permanences de standard téléphonique assurées, à tour de rôle par les bénévoles à leur domicile (à partir d’un service de téléphonie en ligne). De là, on prend les infos pour débroussailler et, le cas échéant, orienter vers les permanence physiques (une sorte de pré-rendez-vous). Ce sont les mêmes personnes qui font l’accueil et l’accompagnement au cas par cas et, à ma connaissance, sur Paris, rien n’a changé sur les permanences physiques mais il est vrai que beaucoup de personnes manifestent leur inquiétude à cause du climat actuel particulièrement malsain.

      Concernant ce que j’ai indiqué plus haut, à propos du caractère de « prétraitement administratif » dans l’activité de ces associations d’aide aux clandestins, je tiens à préciser que ce n’est que mon interprétation et que cela ne correspond absolument pas à la position de la Cimade, qui, au contraire, revendique haut et fort qu’elle ne doit pas suppléer aux insuffisances de l’État. Mon propos, évidemment, n’est nullement dédaigneux mais il vise à souligner les contradictions auxquelles peuvent être exposées, avec les meilleures intentions du monde, les personnes de ces associations. C’est le cas, aussi, des syndicalistes qui peuvent être conduitEs à traiter des situations identiques, au cas par cas, en s’appuyant pour l’essentiel, tels des avocats, sur des moyens juridiques.

      Précisément, à propos de la différence entre « accompagnement de cas individuel » et « lutte sociales collectives », je suis d’accord avec toi, @colporteur qu’il ne faut pas l’opposer systématiquement et que le contact personnel avec des individus en difficulté n’est que la résultante d’une pratique réelle de solidarité sociale. Ceci doit être rappelé, d’autant plus que les syndicats cités, font, eux-aussi, de l’accompagnement juridique de cas individuels de sans-papiers (avec leur recettes « spéciales », pour obtenir des résultats qui semblent inaccessibles à d’autres, mais ça c’est une autre affaire).

      Je voulais juste indiquer, qu’au-delà du cas des régularisations de sans-papiers, la lutte juridique peut s’avérer totalement inadaptée, surtout quand on s’engage dans la voie autoritaire que nous connaissons actuellement, avec ce gouvernement qui impose, avec le soutien parlementaire d’une droite dure, des lois de plus en plus nazes. L’accompagnement individuel juridique est indispensable mais, dans la pratique syndicale, en tous cas, il s’avère particulièrement chronophage et peut décourager les volontés les plus endurcies car les résultats sont plus qu’aléatoires.

    • je ne prends pas le temps de rassembler mes idées et de développer, pardon, mais cette tension individuel (chronophage et dépolitisant)/collectif (jamais assuré de son existence et/ou soumis à de terribles exigences surmoïques) est un classique des pratiques de lutte, et spécialement de celles qui ont lieu hors de l’emploi (sans papiers, chômeurs et précaires).

      quoi qu’il en soit des intentions (révolutionnaires ou pas, par exemple), sans conflictualité y compris sur le terrain juridique, il n’y a pas de production de jurisprudence, où plutôt celle-ci est laissé à l’initiative adverse (et là le pouvoir législatif, exécutif, les pratiques de guichet triomphent), je renvoie faute de temps et par paresse à ces quelques lignes
      Court éloge de la jurisprudence, Laurent de Sutter
      https://www.cairn.info/qu-est-ce-que-la-pop-philosophie--9782130816348-page-51.htm

      ou à celles-ci

      « La jurisprudence est la philosophie du droit, et procède par singularités, prolongement de singularités », disait Gilles Deleuze (1925-1995). La philosophie sait penser la loi. Mais le droit ne se laisse pas réduire aussi facilement. Ce prodigieux meccano impose son jeu à la pensée et s’offre ainsi comme un modèle possible, inventif et foisonnant, rigoureux pourtant, souverainement indifférent au jugement

      https://liseuse.michalon.fr/978-2-84186-482-9

      et enfin, faute de temps et à défaut de contacter une amie qui cimade afin de fournir des exemples spécifiques, à un vieil exemple de « montée en généralité » depuis le cas concret (sachant que Deleuze distingue à raison ce qui relève de la jurisprudence formelle, comme c’est le cas d’un arrêt de la Cour de cassation, et de la jurisprudence réelle, au plus près des usages concrets)
      Jurisprudence, Pôle Emploi condamné pour insuffisance d’information
      https://www.cip-idf.org/spip.php?article6073

      #droit #jurisprudence

  • Communiqué du vendredi 27 octobre
    Dissolution - Audience à risque pour les libertés publiques au Conseil d’Etat ! Rassemblement avec les Soulèvements de la terre
    https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/dissolution-audience-a-risque-pour-les-libertes-publiques-

    Cette audience prend une dimension préoccupante puisqu’a contrario des décisions prises par ses pairs en leur qualité de juges des référés pour suspendre la dissolution de la GALE et des Soulèvements de la terre, le rapporteur public a annoncé qu’il se prononcerait vendredi, quant à lui, en faveur de leur dissolution, ainsi que de celle des deux autres groupes visés (1). En ce qui concerne les Soulèvements de la Terre, rien ne justifierait matériellement une décision qui irait à rebours de celle prise en août. Aucun fait tangible nouveau n’a pu être apporté par le ministère de l’Intérieur dans ses écrits (2). Il est donc à craindre que le rapporteur public propose une nouvelle interprétation, visant à faire jurisprudence quant au champ d’application de la dissolution, avec une vision extensive et liberticide de la notion de « provocation », dont la définition même a justifié la saisine de la formation solennelle de jugement du Conseil d’Etat pour se prononcer sur ces affaires. Dans ce contexte de « tir groupé », le rapporteur public semble vouloir mettre sur un même pied des mouvements on ne peut plus différents, voire clairement antagonistes, pour l’intérêt public que sont l’écologie et l’antiracisme face à un groupement à visées ouvertement néofasciste et xénophobe. On doit craindre enfin le risque de surveillance massive qu’aggraverait une telle jurisprudence dans un contexte où la représentante du ministère de l’intérieur n’avait déjà pas hésité à asséner en référé que « les personnes [154 884 à ce jour] qui ont choisi d’adhérer aux soulèvements de la terre entrent ipso facto dans le scope des services de renseignements ».

    Nous attendons pour notre part évidemment, à l’issue du délibéré de cette nouvelle audience, que les juges du Conseil d’État confirment les arguments de fond et sans ambiguïtés qui les ont amenés à suspendre la dissolution en août (3). C’est-à-dire, entre autres :

    que « le doute sérieux » quant à la légalité du décret de dissolution soit confirmé ;
    que « ni les pièces versées au dossier, ni les échanges lors de l’audience, ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes » ;
    que nos actions « ne peuvent pas être qualifiées de provocation à des agissements troublant gravement l’ordre public de nature à justifier l’application des dispositions précitées du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure » permettant une mesure de dissolution en Conseil des ministres. (4)

    Gageons que les membres du Conseil d’État continueront à condamner l’inaction gouvernementale face à l’urgence climatique et à l’effondrement de la biodiversité plutôt que de prohiber les mouvements qui assument la nécessité d’agir en conséquence.

    #SLT

  • Juifs et décoloniaux ? entretien avec le collectif #Tsedek !

    À la suite d’un article sur l’antisémitisme co-écrit par David (https://www.frustrationmagazine.fr/5-pistes-pour-combattre-lantisemitisme-a-gauche), juif révolutionnaire, nous avions démarré une discussion avec le #Collectif_Tsedek qui avait manifesté des points de désaccords. Celui-ci se décrit dans son manifeste comme “un collectif de juifs et juives décoloniaux·ales luttant contre le racisme d’État en France et pour la fin de l’apartheid et de l’occupation en Israël-Palestine” et se situe “en rupture avec les discours promulgués par les institutions juives censées nous représenter et par la majeure partie des collectifs juifs antiracistes français”. Le collectif a aussi fait parler de lui récemment grâce à une interview pour Konbini qui a beaucoup fait réagir. Entre le début et la fin de notre discussion, la situation en Palestine et Israël a connu une nouvelle crise majeure suite aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui ont donné une grande actualité à cette dernière. Il est plus que jamais nécessaire, contre toutes les simplifications et les caricatures, de faire entendre et connaître les voix juives contre le colonialisme israélien. Dans ce grand entretien, nous avons parlé de la représentation des juives et juifs en France, de l’antisémitisme, du sionisme, de l’anticapitalisme et de la situation en Israël-Palestine. Propos recueillis par Nicolas Framont.
    Pourquoi avez-vous décidé de créer votre collectif ? Quel vide vient-il combler ?

    Tsedek ! (https://tsedekdecolonial.wordpress.com) est le fruit de la rencontre de militant·e·s juifs et juives issu·e·s d’horizons différents et convaincu·e·s de la nécessité d’une voix juive décoloniale. Il est né aussi du refus d’être représenté·e·s par les institutions juives et par la majorité des collectifs juifs antiracistes actuels en France. Il nous paraissait urgent de créer une nouvelle maison politique afin de lutter simultanément contre le racisme d’État en France, l’instrumentalisation de l’antisémitisme et contre l’apartheid en Israël-Palestine. Le mot “Tsedek” renvoie au concept de justice dans la tradition juive. Une idée qui est totalement absente du discours des organisations juives se réclamant de la lutte contre l’antisémitisme et qui selon nous doit être au cœur du combat antiraciste.

    Certain·e·s d’entre nous se sont rencontré·e·s au sein de l’UJFP – l’Union Juive Française pour la Paix – un des piliers du mouvement de la solidarité avec la Palestine et de la lutte contre l’apartheid israélien en France. Notre formation politique doit beaucoup à ses militant·e·s ainsi qu’à l’antiracisme politique, porté notamment par le QG Décolonial et le média Paroles d’Honneur. D’ailleurs, la collaboration avec d’autres collectifs antiracistes est une de nos priorités.

    Nous nous opposons au discours de plus en plus répandu, y compris à gauche, qui vise à singulariser l’antisémitisme, à en faire un racisme exceptionnel, déconnecté des autres racismes tout comme un enjeu essentiellement moral, d’individu·e·s à éduquer et à former. Il est urgent de dénoncer les angles morts et les effets délétères de cet “anti-antisémitisme”, qui en plus d’éviter soigneusement d’analyser les structures qui produisent l’antisémitisme en France aujourd’hui – l’État-nation français et l’État colonial israélien – est bien souvent indifférent voire complaisant à l’égard des autres formes de racismes.

    Faire ce constat nous amène à intégrer des réflexions qui gagneraient à être abordées dans les milieux militants de gauche, portant sur la politique assimilationniste envers la communauté juive, le sionisme, le philosémitisme ou encore la mise en concurrence des minorités raciales et la colonialité de l’État français en général. Ce que nous apportons peut-être de nouveau au champ politique, c’est que nous voulons mettre l’expérience de la judéité et le rapport aux traditions juives au cœur de notre inspiration politique. Cela se traduit, entre autres, par l’organisation à venir d’événements culturels. Nous souhaitons inscrire ce rapport au culturel en rupture avec une identité juive unique telle que promue par le sionisme et le colonialisme français – par ailleurs nos émissions Twitch, intitulées Haolam Hazeh et diffusées sur la chaîne Paroles d’Honneur, traitent des fractures créées par la blanchité.
    Par qui est-on représenté.e, quand on est juive ou juif en France, et en quoi est-ce problématique pour vous ?

    Les juives et juifs en France constituent une population très diversifiée, que ce soit sur le plan social, culturel ou religieux. Il faut donc avoir conscience des limites de la question de la représentativité, d’autant plus que cette dernière relève d’abords d’enjeux politiques et de pouvoir. Pour nous, les représentants des juif·ve·s en France en disent plus sur la relation de la société française aux juif·ve·s que sur les juif·ve·s eux-mêmes.

    Les représentants les plus officiels sont, pour les plus anciens, directement issus du pouvoir napoléonien, avec l’enjeu à l’époque de placer les juif·ve·s français sous contrôle politique. C’est le cas, par exemple, du Consistoire central, qui s’occupe des affaires cultuelles. Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), sans doute le plus connu de ces représentants, est quant à lui issu de la résistance à l’occupation allemande et à la politique nazie. À l’origine distant de la politique française et sans position sur la question du sionisme, il devient, sous l’impulsion de Mitterrand et du pouvoir en France, un acteur politique aligné sur les intérêts de la classe dirigeante et de l’État d’Israël. Le CRIF s’est d’ailleurs souvent illustré ces dernières années par des déclarations islamophobes et réactionnaires, n’hésitant pas à relativiser l’antisémitisme de l’extrême droite et du RN en particulier, pour mieux faire de la gauche et de la jeunesse des quartiers les principaux vecteurs d’antisémitisme en France.

    Différentes ONG et associations telles que l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), AJC France (l’antenne française de l’American Jewish Committee) ou encore des collectifs juifs se revendiquant antiracistes sont également appelés à la barre dès qu’il s’agit de parler d’antisémitisme.

    Tous ces groupes alimentent à leur manière les poncifs de la droite conservatrice, en particulier la thèse du « nouvel antisémitisme », attribuant la haine des juif·ve·s aux populations musulmanes issues de l’immigration post-coloniale. Ils participent aussi à renforcer de différentes manières l’amalgame “juif·ve = sioniste”, et jouent un rôle crucial dans la délégitimation des soutiens aux droits des Palestinien·ne·s, en accusant par exemple les militant·e·s BDS d’être antisémites ou en propageant l’amalgame “antisionisme = antisémitisme”. En tant que juifs et juives, nous ne nous retrouvons donc ni dans les organisations qui défendent l’apartheid israélien ou qui attribuent l’antisémitisme aux musulman·e·s, ni dans celles qui, à gauche, tentent d’implanter ces idées sous couvert d‘un discours antiraciste.
    Dans votre manifeste, vous dîtes que l’État français fait de vous des citoyens à part : comment cela se traduit ?

    Le racisme d’État se fonde sur des catégories raciales informelles et organise la société à partir de ces catégories qu’il hiérarchise et met en concurrence les unes avec les autres. La place qu’occupent les juif·ve·s est paradoxale : les juif·ve·s sont d’un côté insolubles dans la nation, des éternels étranger·ère·s, mais feraient en même temps partie de la “civilisation judéo-chrétienne“, leurs intérêts se fondant supposément dans ceux de l’Occident. Cette articulation bancale entre antisémitisme et philosémitisme est, sans le déterminer entièrement, caractéristique du processus de racialisation des juif·ve·s aujourd’hui.

    Ajoutons que le philosémitisme [Attitude favorable envers les Juifs, en raison de leur religion, de qualités attribuées collectivement aux Juifs, et de leur statut de peuple élu de Dieu, NDLR] (qui reste une forme d’antisémitisme), de par son statut opportuniste, n’est pas une constante : il y a des séquences plus ou moins philosémites alternant avec des séquences antisémites plus explicites, selon ce que l’État bourgeois blanc juge le plus utile à ses intérêts. Ces dernières années, Macron semble trouver plus judicieux de rassurer la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie en lui envoyant nombre de signaux antisémites à peine voilés : les hommages aux figures historiques de l’extrême droite (Pétain, Maurras, Bainville), la présence dans son gouvernement d’un ministre qui a écrit pour l’Action Française et publiquement relayé les thèses antisémites de Napoléon, ou le silence gênant de la majorité lors de la réhabilitation en bonne et due forme de Maurice Barrès par le député LR Jean-Louis Thiériot. Cette ligne idéologique tranche nettement avec celle du gouvernement Valls par exemple, qui était plus IIIe République dans son approche, par la valorisation du rôle des juif·ve·s dans la constitution de la République et de la nation française.

    Cela n’empêche pas certains représentants politiques, y compris issus du RN, et certaines institutions de l’État de se placer comme les protecteurs des juif·ve·s afin de mieux légitimer des politiques répressives. La loi Sarah Halimi adoptée en 2021 l’illustre très bien. Ayant été présentée comme une loi venant répondre au sentiment d’insécurité de la communauté juive, elle n’a finalement abouti qu’à plus de répression pour les populations non blanches marginalisées et a renforcé l’appareil autoritaire de l’État. Comme l’illustre “l’affaire Médine” de cet été, nous traversons une séquence où la prétendue défense des juif·ve·s sert à justifier l’islamophobie d’Etat, à museler des organisations et figures des droits de l’Homme ou à créer des fractures au sein du mouvement social et de la gauche.

    Enfin, le soutien affiché de la Macronie aux juif·ve·s passe en grande partie par un soutien sans faille à Israël, avec un lobbying intense au sein du groupe parlementaire Renaissance pour faire taire dans ses rangs toute critique de l’apartheid israélien. L’adhésion de l’État français à l’idéologie sioniste fait des juif·ve·s des citoyen·ne·s de facto à part. Elle renforce l’idée que les juif·ve·s français·e·s ne sont pas entièrement français·e·s car ils appartiendraient à une nation juive qui a sa place sur le sol historique de la Palestine. Si nous ne sommes vraiment chez nous qu’en Israël, qu’est ce que cela veut dire pour nos droits, notre sécurité et notre émancipation en France ?

    Vous définissez le sionisme comme “un projet raciste colonial et ethno-nationaliste” : comment cela se fait-il qu’en France l’antisionisme soit à ce point diabolisé et amalgamé avec l’antisémitisme ? Comment sortir de ce piège ?

    L’amalgame entre antisionisme et antisémitisme relève d’abord d’un effort des organisations sionistes et des gouvernements israéliens successifs pour associer la solidarité avec les Palestinien·ne·s à l’expérience occidentale de l’antisémitisme. Ce discours se développe en réaction à la dégradation de l’image de l’État israélien sur la scène internationale, suite au début de l’occupation en 1967 et à la résolution 3379 de l’ONU adoptée en 1975 (et révoquée depuis) qui déclarait que le sionisme était une forme de racisme. Cette dégradation s’est accélérée à partir des années 80 avec l’invasion du Liban et la première Intifada.

    Partant de cet amalgame, l’identité juive passe forcément par le sionisme, l’adhésion à un projet ethnonationaliste. Juif·ve = sioniste et judaïsme = sionisme. Cette politique de propagande a rencontré un accueil bienveillant auprès des classes dirigeantes occidentales qui partagent des intérêts et des valeurs avec l’État israélien.

    En France, cet amalgame est un élément central de la construction nationale, révèle comment la France se rêve – c’est-à-dire en protectrice des juif·ve·s – et comment elle rêve les juif·ve·s de France – faisant partie d’une autre nation.

    Cet amalgame est à la fois un bouclier et une épée. Il permet à l’État français de s’absoudre à peu de frais de sa responsabilité dans la persécution des juif·ve·s d’Europe – comment pourrait-il être antisémite puisqu’il est un fervent soutien de “l’État des juif·ve·s” ? Il est aussi un moyen efficace de marginaliser socialement et politiquement les classes populaires issues de l’immigration post-coloniale, historiquement critiques du colonialisme israélien, mais aussi les militant·e·s anticolonialistes et antiracistes qui se revendiquent antisionistes.

    Aujourd’hui, la défense des intérêts de l’État d’Israël – l’impensé du colonialisme sioniste et la négation des droits des Palestinien·ne·s – est assurée par cet amalgame. Les droits et les libertés des Palestinien·ne·s sont d’abord en jeu ici, mais la sécurité des juif·ve·s en France en est aussi impactée. Car en liant le sort des juif·ve·s de France à celui d’un projet colonial suprémaciste entre la Mer et le Jourdain, elle les place inexorablement entre le marteau et l’enclume.

    Evidemment, on peut être antisémite et antisioniste, les années Dieudonné-Soral nous l’ont bien montré et ont d’ailleurs donné un élan à l’amalgame. Mais assimiler par principe l’un à l’autre relève d’une escroquerie politique et intellectuelle. Surtout si l’on ignore systématiquement les liens politiques de plus en plus visibles qui unissent les défenseurs de l’idéologie sioniste aux politicien·ne·s suprémacistes blancs et aux antisémites européen·ne·s ou étasunien·ne·s.

    Sortir du piège que constitue cet amalgame, c’est d’abord ne pas se laisser intimider par de tels dispositifs, comprendre comment ils fonctionnent et quels intérêts ils servent. C’est s’alarmer du fait qu’il dépouille l’antisémitisme de toute signification. Les crimes du colonialisme israélien étant commis par des individu·e·s se réclamant du judaïsme ou de la judéité, au nom de “l’État des juif·ve·s”, par des hommes et des femmes politiques exigeant des juif·ve·s du monde entier une solidarité inconditionnelle sous peine d’être qualifié·e·s de traîtres, nous pensons que c’est la politique israélienne, et non la lutte contre celle-ci, qui renforce l’antisémitisme.
    Dans Frustration magazine, nous avons publié un texte de David, qui se définit comme juif et révolutionnaire, sur les postures antisémites à éviter quand on est de gauche, un texte qui vous a fait réagir. Sans entrer dans les détails, qu’est-ce qui vous a fondamentalement déplu dans ce texte ?

    Sur le papier, comment ne pas être d’accord avec le postulat de David ? Il faut combattre l’antisémitisme partout, y compris à gauche. Néanmoins, David s’appuie principalement sur l’expérience individuelle de certain·e·s militant·e·s juif·ve·s de gauche. La place que prennent les récits subjectifs dans sa démonstration est problématique au regard de la pauvreté de l’étayage matériel censé soutenir son analyse. Celle-ci est dépolitisante et véhicule une conception morale de l’opposition au racisme (« le racisme, c’est mal » sic), ce à quoi nous répondons que, certes, le racisme est moralement condamnable, mais que ce n’est pas le sujet quand il s’agit de lutter contre. L’antisémitisme est réduit à ses symptômes et la question des structures qui le produisent est laissée de côté.

    Même en admettant le postulat d’un problème structurel et spécifique à « la gauche » vis-à-vis de l’antisémitisme, rien dans le texte ne constitue un début de levier permettant de le résorber. Le décalage entre son ambition louable (mettre en évidence l’antisémitisme comme point aveugle à gauche) et la faiblesse de la démonstration nous interpelle, et devrait interpeller tout·e militant·e entendant prendre la question de l’antisémitisme au sérieux.

    Les limites et impasses méthodologiques du texte de David sont porteuses de confusion. Ainsi, elles l’amènent à mettre sur un même plan d’analyse une anecdotique histoire de falafels – dont on se demande encore le rapport avec la question de l’antisémitisme à gauche – et le fait de demander à un·e juif·ve de se justifier de la politique israélienne uniquement parce qu’il ou elle est juif·ve. De même, la gauche n’étant jamais définie, on ne sait pas vraiment de qui il est question. Qui commente « Free Palestine » sous une photo de vacances d’une personne identifiée comme juive ? Est-il ou est-elle « la gauche » ? Un·e internaute lambda partageant du contenu de gauche ? Un·e militant·e encarté·e ? Un·e responsable politique ? Quel impact a réellement ce commentaire sur la sécurité des juif·ve·s et peut-il sérieusement être caractérisé d’acte antisémite ?

    Au final, deux éléments pourtant centraux dans la production et la circulation de l’antisémitisme sont ignorés. D’une part, la manière dont le sionisme et la politique israélienne sont venus percuter la question de l’antisémitisme : en associant le nom « juif » à une entreprise coloniale, en conditionnant la réalisation supposée des intérêts juifs à la spoliation et l’oppression des Palestinien·nes, l’État israélien et ses soutiens cultivent dangereusement le terrain d’un antisémitisme d’autant plus dangereux qu’il pourrait s’auto-justifier par la cause juste de la lutte contre le colonialisme et l’oppression. D’autre part, l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par un pouvoir d’État de plus en plus islamophobe et antisocial est ignorée. Pourtant, cette instrumentalisation nourrit l’antisémitisme et favorise sa circulation.

    Enfin, nous ne pouvons ignorer le contexte d’énonciation depuis lequel nous parlons. Ce texte s’inscrit dans une controverse lancée il y a quelques années et qui consiste à affirmer, à partir d’une position de militant révolutionnaire de gauche, que la gauche à un problème spécifique avec l’antisémitisme. Un discours qui arrive en écho à ce que l’on entend du côté de la droite et des soutiens de la politique israélienne depuis bien plus longtemps. Au regard des enjeux politiques extrêmement graves de notre époque et, notamment, ceux relatifs à la lutte contre l’antisémitisme et l’islamophobie, une telle démarche nous pose question. Nous pensons, au contraire, qu’il est urgent d’identifier clairement les structures de production de l’antisémitisme là où elles sont : à droite, à l’extrême-droite, dans le pouvoir d’Etat en France, dans la politique israélienne.

    Enfoncer des portes ouvertes ou aligner des apories n’est d’aucune utilité dans la lutte contre l’antisémitisme. Oui, il peut y avoir des personnes ou des propos antisémites « à gauche », comme on peut y trouver des personnes ou des propos sexistes, islamophobes, homophobes. Cela ne veut pas dire pour autant que « la gauche », en tant que telle, est un lieu spécifique de production de l’antisémitisme. Et, a fortiori, que la cibler est une priorité.

    Les formations ou les textes de développement personnel “5 pistes pour combattre l’antisémitisme” tel que celui de David, publié qui plus est dans une revue de gauche que nous apprécions par ailleurs, sont le symptome du manque d’analyses sérieuses de l’antisémitisme aujourd’hui ainsi que de sa dépolitisation. Une des raisons pour laquelle Tsedek ! a été fondé est justement de répondre à ce manque, et de proposer une alternative décoloniale et véritablement antiraciste.
    De nombreux intellectuels dominants ont pour habitude d’associer anticapitalisme et antisémitisme. S’en prendre à la grande bourgeoisie, ce serait toujours, dans le fond, s’en prendre aux juives et aux juifs. Que répondre à ce genre d’attaque ? Est-ce qu’elles s’inscrivent dans l’instrumentalisation des juives et juifs que vous dénoncez ?

    Dès le Moyen Âge, les juif·ve·s ont joué un rôle important dans le commerce et la finance en Europe, poussé·e·s par la théologie chrétienne dominante condamnant le prêt d’argent à intérêt, elle laissait ces activités aux « juifs maudits ». Bien qu’essentiel·le·s à l’économie médiévale, les juif·ve·s étaient, dans la pensée chrétienne, doublement damné·e·s en tant que tueurs du Christ et parasites économiques. Cette perception a perduré, constituant un substrat pour les discours antisémites et complotistes émergeant du XIXe siècle, y compris dans des courants anticapitalistes de gauche romantique, qui octroient aux juif·ve·s une relation spéciale à l’argent et au pouvoir.

    Ces discours restent en circulation aujourd’hui mais peuvent prendre des formes différentes, ré-adaptés aux besoins du moment, pour atteindre de nouveaux publics. Une chose ne change pas : ces théories permettent encore de faire passer un discours raciste pour un discours anti-système ou anti-élites et peuvent surgir partout sur l’échiquier politique. Néanmoins, elles sont produites et propagées par les extrêmes droites et dans une moindre mesure par une droite républicaine de plus en plus ouvertement raciste : le « grand remplacement » de Renaud Camus a pu être mobilisé par Pécresse, la candidate de la droite républicaine lors des élections présidentielles.

    Les éditorialistes, polémistes, think-tanks, politiques, et même certain·e·s militant·e·s antiracistes qui se font les défenseur·euse·s de la théorie du « fer à cheval », si chère au bloc bourgeois qui aime à penser que les « extrêmes se rejoignent », ont compris que l’association du « socialisme des imbéciles » avec l’anti-capitalisme et la critique de la financiarisation de l’économie portée par la gauche aujourd’hui est un moyen efficace de la décrédibiliser et de créer des fractures en son sein. Il s’agit d’une autre facette de l’instrumentalisation de l’antisémitisme et de sa redéfinition.

    L’antisémitisme a signifié des choses différentes pour différentes personnes à différentes époques. Mais cet « antisémitisme de gauche » basé sur l’association entre anticapitalisme et antisémitisme repose sur une conception rigide et confuse de l’antisémitisme, presque caricaturale. Pour essayer de trouver une cohérence dans ces accusations à la volée, cette lecture renonce à considérer la politique de façon matérialiste pour se focaliser sur ce qu’elle identifie comme des « tropes » – des phrases, des mots ou des images qui dans certains contextes politiques et historiques précis charriaient des idées antisémites mais qui, lorsqu’elles sont prises au pied de la lettre et déconnectées du contexte politique dans lequel elles sont prononcées, ne sont plus que des signifiants vides. Ainsi, de simples mots utilisés pour décrire des faits – la négation du droit international par l’Etat israélien lorsqu’il déporte Salah Hamouri, le maintien d’une personne en poste suite au remaniement ministériel d’un gouvernement en crise en la personne d’Elisabeth Borne qualifiée de “rescapée” par Mathilde Panot ou le caractère parasitaire de la classe bourgeoise – deviennent les éléments d’un discours antisémite car pouvant l’être hypothétiquement dans une autre réalité politique. Cela signifie que pour être désigné publiquement comme antisémite, il n’est plus nécessaire d’adhérer à une vision du monde antisémite caractérisée par la haine des juif·ve·s, la croyance en un complot juif, la croyance que les juif·ve·s ont engendré le communisme et/ou contrôlent le capitalisme, la croyance en l’infériorité raciale des juif·ve·s, etc. La seule présence d’un trope, qui hors d’un contexte et d’un programme politique structurellement antisémite n’est plus qu’une coquille vide, permet de dégager une soi-disant intention antisémite.

    Certes, en tant qu’anti-racistes nous savons que le discours, les mots et les images ont un rôle historique central dans la consolidation du système raciste. Mais les actes antisémites d’aujourd’hui ne reposent pas sur le système raciste de la France du XXe siècle ou de l’Allemagne des années 1930. L’antisémitisme, contrairement à l’islamophobie, n’occupe plus une place centrale dans l’idéologie dominante. Au vu de l’urgence antiraciste, nous ne pouvons laisser ces accusations fondées sur des signifiants vides et déconnectés dicter le cadre de nos luttes antiracistes.

    Il est faux et surtout dangereux d’affirmer que l’antisémitisme aujourd’hui est une production de la gauche anti-capitaliste et anti-impérialiste. Ce n’est pas de là qu’il surgit et ce n’est pas à partir de là qu’il se propage. Nous comprenons l’émotion et le sentiment d’insécurité qui est suscité lorsque l’antisémitisme est discuté en France, mais nous refusons d’en faire le vecteur de notre politique. Nous devons comprendre pourquoi des voix juives attirées par la gauche se sentent menacées par celle-ci et œuvrer pour dépasser la peur et son instrumentalisation. Mais participer à cette chasse au tropes sans la questionner pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un outil au service de la réaction, ne fait que mettre en avant les juif·ve·s comme des victimes éternelles et permanentes. Cela marginalise celles et ceux qui subissent une violence bien plus grande aujourd’hui et fracture davantage un front antiraciste fragile qu’il nous faut construire et renforcer au plus vite.

    En conséquence, Tsedek ! veut aussi repolitiser la question de l’antisémitisme à gauche. La confusion autour de ce qu’est l’antisémitisme n’a jamais été aussi grande. Alors que d’autres organisations se focalisent sur cette chasse aux tropes, s’évertuent à séparer l’antisémitisme des autres racismes, participent à propager l’idée du nouvel antisémitisme et normalisent le sionisme, nous pensons qu’il est dangereux de déplorer les effets de cette confusion tout en en chérissant les causes.
    Depuis le début de nos échanges, la situation en Israël-Palestine a pris une tournure dramatique. Les morts se comptent par milliers. Quelle est votre analyse de l’attaque perpétrée par le Hamas en Israël le samedi 7 octobre, ainsi que de la riposte de Tsahal ? Comment vous positionnez vous dans le débat sémantique qui déchire les forces de la gauche institutionnelle quant à la caractérisation de l’attaque du Hamas ?

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 1300 Israéliens et plus de 3000 Palestiniens de Gaza ont perdu la vie, dont de nombreux enfants. Ce décompte macabre nous donne la nausée. Nous sommes convaincus que ces morts auraient pu être évitées. Tout en déplorant l’attaque indiscriminée d’un nombre inégalé de non-combattants en Israël – enfants, femmes et hommes -, nous refusons pour autant de mobiliser la catégorie politique de terrorisme.

    Cette notion a acquis un sens bien particulier depuis les attentats du 11 septembre et de 2015 en France. Non, contrairement à ce que nous pouvons entendre en Israël et sur de nombreux plateaux français, le Hamas ne s’en ait pris ni à la présence juive en Palestine par antisémitisme, ni aux valeurs occidentales dont Israël serait le garant dans un ensemble régional hostile et arriéré. Dire cela, c’est occulter la dimension coloniale de ce qui se joue en Israël-Palestine. Relayer cette thèse, c’est insulter l’ensemble des Palestiniens qui sont victimes depuis plus d’un siècle d’une politique radicale de dépossession sur leur propre terre qui a pris et continue à prendre de nombreuses formes : exils forcés, états d’urgence militaire, assassinats ciblés, répression féroce de l’opposition pacifique, fragmentation en divers statuts juridiques du peuple palestinien, enfermement sans procès de milliers de personnes, colonisation, blocus, apartheid.

    Nous saluons le courage politique du NPA, mais aussi de LFI qui, sans pour autant épouser nos positions antisionistes (le mouvement continue de militer pour la solution à deux États par exemple), résiste aux injonctions morales violemment portées par toutes les composantes du bloc bourgeois. Contre vents et marées, elle se refuse toujours à parler de terrorisme pour caractériser l’attaque du 07/10, et ce pour deux raisons que nous partageons également. Premièrement, le terrorisme n’est pas une catégorie juridique encadrée par le droit international. Il est donc logiquement impossible d’envoyer les auteurs devant la CPI pour qu’ils répondent de leurs crimes. Deuxièmement, la catégorie de terrorisme empêche de penser et de contextualiser. Avec elle, les combattants du Hamas ne sont que des barbares assoiffés de sang juif. Ils peuvent donc être neutralisés sans que le statu quo colonial qui étouffe Gaza depuis 2007 sous la forme d’un blocus cruel ne soit remis en cause. Les autres forces de la NUPES jouent un jeu dangereux qui relève par ailleurs de l’instrumentalisation cynique d’une guerre violente : ils cherchent à isoler LFI, mais joignent la meute des soutiens inconditionnels du colonialisme israélien en épousant leur agenda sémantique – le tout, bien évidemment, sur le dos de la solidarité avec les Palestiniens.

    Et de cette solidarité, les Palestiniens en ont plus que jamais besoin ! La violence des représailles qui s’abat sur les Gazaouis est incommensurable. Elle vise indistinctement combattants et civils, au mépris des conventions les plus élémentaires du droit international. Imaginez bien, en moins de deux semaines, l’armée israélienne a déversé plus de bombes sur le territoire exigu de 360 km2 composé d’une part importante d’enfants (près de 50% de la population) que l’armée étasunienne sur l’Afghanistan en une année. En choisissant de participer au cirque organisé par la Macronie visant à exclure LFI de “l’arc républicain”, les autres composantes de la NUPES se déshonorent et ne mobilisent pas leurs forces pour exiger de la France qu’elle appelle à un cessez-le-feu immédiat, condition indispensable mais non suffisante à la reprise d’une discussion politique entre les colons et les colonisés ensauvagés par des décennies de sionisme réellement existant.
    Comment vit-on la situation actuelle, quand on est juif décolonial, au niveau individuel comme collectif ? On peut imaginer que ça doit être particulièrement violent de vivre des positions très antagonistes au sein de la communauté juive par exemple. Comment on tient le coup, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

    Au niveau individuel, nous vivons évidemment une période extrêmement difficile et douloureuse. Les attaques du 7 octobre nous ont profondément attristés. Nous partageons cette peine avec nos proches en Israël, mais aussi en France, auprès de nos familles elles aussi extrêmement touchées par ce qu’il s’est passé. Nous avons en même temps vécu un décalage terrible et parfois déchirant avec nos proches, qui ne partagent pas toujours la même compassion que nous éprouvons pour les Palestiniens, qui meurent par milliers sous les bombardements israéliens dans la bande de Gaza. Entendre des membres de nos familles reprendre mot pour mot la rhétorique génocidaire du gouvernement israélien nous bouleverse profondément et nous rappelle à quel point la parole juive antisioniste est lourde à porter d’un point de vue individuel et affectif. Et en même temps, ces moments nous rappellent l’importance de notre engagement contre le colonialisme, et la perte d’humanité qu’il induit.

    Collectivement, nous sommes aussi extrêmement inquiets du climat actuel en France, qui transforme la situation en Israël-Palestine en un affrontement entre juifs et musulmans, un narratif qui n’aura pour répercussion que la multiplication d’actes islamophobes et antisémites. A l’échelle politique, la sécurité des juifs et des juives est une fois encore instrumentalisée pour justifier des mesures autoritaires et racistes : interdiction de manifestations en soutien à la Palestine, suspicion à l’égard des musulmans, arrestations et expulsions. En tant qu’antiracistes, nous combattons l’islamophobie et l’antisémitisme , tout en restant lucides quant à ses lieux de productions, que ce soit l’antisémitisme historique européen ou l’amalgame entre Juifs et Israël. Mais cette position, sur une ligne de crête, peut nous rendre inaudibles pour une partie de notre communauté, qui voit Israël comme la seule solution possible pour nous protéger. Nous rappellerons tant qu’il le faudra que la sécurité des juifs et des juives ne sera pas garantie tant que l’existence d’un pays qui se revendique comme foyer national du peuple juif se basera sur la négation des droits des Palestiniens. Tout comme elle ne la sera pas tant, qu’en France, la persistance de l’antisémitisme européen continuera de prospérer, tout en étant niée, au profit de l’idée fallacieuse que les musulmans représenteraient aujourd’hui la menace existentielle pour les juifs et les juives.

    https://www.frustrationmagazine.fr/juifs-tsedek

    #Israël #Palestine #Juifs_en_France #antiracisme #anticolonialisme #7_octobre_2023 #colonialisme #colonialisme_israélien #à_lire #antisémitisme #antisionisme #sionisme #anticapitalisme #décolonial #entretien #apartheid #racisme_d'Etat #justice #racisme #Juifs_de_France #manifeste #ethno-nationalisme #propagande

  • Le Manifeste de Ljubljana, pour la lecture “longue durée”
    https://actualitte.com/article/113846/international/le-manifeste-de-ljubljana-pour-la-lecture-longue-duree

    Les smartphones ont mis dans nos poches un réservoir quasi infini de textes en tout genre, popularisant la lecture à des niveaux inespérés. Mais faut-il pour autant s’en contenter ? Quatre chercheurs, auteurs d’une étude consacrée à la « lecture de haut niveau », veulent attirer l’attention des responsables politiques avec un appel solennel, le Manifeste de Ljubljana...

    Publié le :

    11/10/2023 à 12:08

    Antoine Oury

    « Pourquoi la lecture de haut niveau est importante » : ainsi s’intitule l’article scientifique publié par André Schüller-Zwierlein, Anne Mangen, Miha Kovač et Adriaan van der Weel, une équipe internationale réunissant Allemagne, Norvège, Slovénie et Pays-Bas.

    En septembre 2022, ils lançaient un avertissement, dans les pages de la revue First Monday. « Si les technologies numériques présentent un potentiel infini pour de nouvelles formes de lecture, des recherches empiriques récentes montrent que l’environnement numérique a un impact négatif sur la lecture, en particulier la lecture longue et la compréhension des textes », annonçaient-ils en introduction.
    La lecture, unique en son genre

    Partant du postulat que la pratique de la lecture longue recule dans un certain nombre de pays et de sociétés, les chercheurs tentent d’en déterminer les causes. La concurrence d’autres loisirs (vidéo, jeu vidéo, notamment) est bien connue, mais les multimodalités au sein d’un texte (l’intégration d’audio ou de vidéo au sein de l’écrit, par exemple) ont aussi une influence.

    L’illectronisme, une menace parfois bien identifiée par les sociétés modernes — mais pas forcément bien combattue pour autant —, vient aussi distordre la lecture numérique. Parce qu’ils ne maitrisent pas toujours les tenants et aboutissants du texte numérique, les lecteurs peuvent être plus facilement manipulés, notamment par de fausses informations. Un phénomène qui s’observe aussi avec le livre imprimé, bien sûr, mais qui s’avère bien plus véloce en ligne.

    Les chercheurs citent également le livre audio : sans nier son intérêt, ils rappellent que « l’écoute et la lecture sont des activités cognitives différentes, qui mobilisent des capacités mentales distinctes ». D’une manière assez évidente, le livre audio ne suscite pas le développement de la littératie, puisqu’il ne nécessite pas le décodage de la suite de symboles qu’est le texte écrit. D’autre part, l’auditeur est bien plus éloigné du narrateur que l’est le lecteur, lorsqu’il lit et « met en scène » un texte, en dissociant par exemple les voix de tel ou tel personnage.

    L’équipe pointe aussi une tendance à la simplification des textes — utile dans certains cas, bien entendu —, et surtout des carences éducatives dans l’apprentissage de la lecture. Si cette dernière reste cruciale dans la plupart des programmes, elle est considérée comme un simple « outil », utile à la « résolution de problèmes ». Les chercheurs appellent à appréhender et valoriser « la lecture lente, la lecture gratuite, la lecture littéraire et la lecture longue pour elles-mêmes ».

    En guise de conclusion, l’étude proposait différents leviers d’action, comme la multiplication des recherches interdisciplinaires consacrées à la lecture, l’établissement de statistiques nationales sur la pratique de la lecture, tout au long de la vie, ou encore une réforme des systèmes éducatifs, afin de faire une place à la lecture pour le plaisir et d’entretenir la pratique de cette dernière après la sortie d’études.
    L’avenir de la lecture, l’avenir des sociétés

    Le « Manifeste de Ljubljana » entend faire connaitre ces différents objectifs, pour le développement de la lecture longue. Il reprend les observations, les conclusions et les recommandations formulées par les quatre chercheurs, en invitant les individus et les organisations à relayer le message auprès des responsables politiques.

    Comment inverser la tendance à la baisse des compétences en lecture est l’un des défis urgents auxquels la société est aujourd’hui confrontée. Pour participer en tant que citoyens informés à une société démocratique, nous avons besoin de compétences et pratiques de lecture de haut niveau, qui vont bien au-delà du simple décodage de textes. La lecture n’est pas seulement la voie principale de développement personnel, le fondement de l’apprentissage tout au long de la vie et la base d’une grande partie de nos échanges d’informations, mais aussi une dimension centrale de l’interaction et de la participation sociales.

    – Manifeste de Ljubljana

    « Nous demandons donc que l’éducation et la promotion de la lecture, l’évaluation et la recherche, afin de reconnaître l’importance de la lecture de haut niveau en tant que capacité de la vie et de la société », soulignent les chercheurs et les signataires, parmi lesquels l’Union Internationale pour les Livres de Jeunesse (IBBY).

    Cette organisation internationale décerne chaque année le Prix Hans-Christian-Andersen, considéré comme le Prix Nobel de la littérature jeunesse, et milite pour la mise en avant des livres et de la lecture auprès des plus jeunes.

    Outre l’IBBY, plusieurs structures internationales du livre et de l’édition ont apporté leur soutien, comme l’Union internationale des éditeurs, la Fédération des Éditeurs Européens, PEN International ou encore la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques.

    Le Manifeste, en français, est accessible à cette adresse.

    #Lecture

  • Vu hier soir en avant première ce magnifique docu animé sur la très triste histoire de Tenorio Junior, ce pianiste de jazz prodigieux que TOUS les musiciens brésiliens considéraient comme le meilleur, et qui était une personne très gentille et drôle apparemment, un peu dans sa bulle de musique… et qui fut kidnappé, torturé, et disparu, par la dictature argentine pendant la continentale opération Condor. Avec les vraies interviews d’une tonne de musiciens brésiliens dont les légendes encore vivantes. Par les auteurs du non moins magnifique (et non moins triste !) Chico et Rita. Sortie en janvier 2024.

    They shot the piano player
    https://www.youtube.com/watch?v=OWm-HEyRyzc

    À écouter bien sûr :

    TENORIO JR. - EMBALO
    https://www.youtube.com/watch?v=IYYpbiqDwp4&list=PLbkLV7jiZi_MuznJWkRibYXqt8-BtF-il

    #musique #jazz #samba #Brésil #MPB #Tenorio_Junior #piano #documentaire #cinéma #film #film_d'animation #Fernando_Trueba #Javier_Mariscal

  • Raconter le déclin de la « petite bourgeoisie culturelle », Élie Guéraut
    https://theconversation.com/raconter-le-declin-de-la-petite-bourgeoisie-culturelle-215318


    Un vernissage devant un local associatif. J.F., Fourni par l’auteur

    Assiste-t-on à la remise en cause progressive d’un choix de société qui plaçait la culture, l’émancipation par la connaissance et la démocratisation du savoir au cœur d’un projet politique ? À partir d’une enquête au long cours dans une ville moyenne du centre de la France, mon ouvrage récemment paru (Raisons d’agir, 2023) propose de raconter le déclin d’une fraction particulière de la « petite bourgeoisie » dont l’ascension sociale a reposé, dès les années 1970, sur l’acquisition de #capital_culturel plus que sur l’accumulation de capital économique, sur les #diplômes scolaires plus que sur l’augmentation de ses revenus.

    Cette #petite_bourgeoisie_culturelle connaît aujourd’hui une importante déstabilisation sous les effets conjugués du désengagement de l’État, des défaites politiques de la gauche ou de l’affaiblissement du poids de la culture savante au sein des classes supérieures, contribuant à faire émerger, chez ses membres, un sentiment de déclassement. Raconter l’histoire de ce groupe social permet ainsi de rendre compte des dynamiques qui fragilisent le pôle culturel de l’espace social.

    À l’origine de la « petite bourgeoisie culturelle »

    Dans les années 1960 et 1970, au bénéfice de la croissance économique de l’après-guerre, des politiques éducatives et culturelles, et plus généralement du développement de l’État social, un ensemble de groupes sociaux ayant en commun une position intermédiaire entre les classes populaires et la bourgeoisie émerge massivement dans l’espace public.

    « Nouvelles couches moyennes » ou « petite bourgeoisie nouvelle », cet ensemble hétérogène est composé des professions salariées des secteurs éducatif (professeurs et instituteurs, conseillers d’orientation, etc.), culturel (bibliothécaires, artistes, intermédiaires du travail artistique, etc.) et social (travailleurs sociaux, psychologues, etc.) ou encore des « professions de présentation et de représentation » pouvant relever de l’indépendance ou du secteur privé (cadres commerciaux, designers, publicitaires, etc.). Ce périmètre élargi réunit des groupes sociaux parfois éloignés dans le monde du travail, qui peuvent néanmoins être rapprochés sous l’angle de leur style de vie, tourné vers des formes de #culture en « voie de consécration », c’est-à-dire dont la valeur, le plus souvent montante, n’est pas encore stabilisée (bande-dessinée, le cinéma, le jazz, le rock).

    #sociologie #livre

  • Internationalisme et anti-impérialisme aujourd’hui

    http://www.palim-psao.fr/2023/10/internationalisme-et-anti-imperialisme-aujourd-hui-par-moishe-postone-ine

    [...] je propose de comprendre la propagation de l’antisémitisme et des formes antisémites apparentées de l’islamisme, à l’image de celles présentes chez les Frères musulmans égyptiens et leur branche palestinienne, le Hamas, comme la diffusion d’une idéologie anticapitaliste fétichisée, qui prétend donner un sens à un monde perçu comme menaçant. Même si cette idéologie a été attisée et aggravée par Israël ou la politique israélienne, sa caisse de résonance réside dans le déclin relatif du monde arabe sur fond d’une transition structurelle profonde du fordisme au capitalisme mondial néolibéral. Le résultat est un mouvement populiste anti-hégémonique profondément réactionnaire et dangereux, notamment pour tout espoir de politique progressiste au Moyen-Orient. Cependant, au lieu d’analyser cette forme de résistance réactionnaire dans le but de soutenir des formes de résistance plus progressistes, la gauche occidentale l’a soit ignorée, soit rationalisée comme une réaction regrettable mais compréhensible à la politique israélienne et aux États-Unis. Cette manifestation d’un refus de voir s’apparente à la tendance à concevoir l’abstrait (la domination du capital) dans les termes du concret (l’hégémonie américaine). J’affirme que cette tendance constitue l’expression d’une impuissance profonde et fondamentale, tant conceptuelle que politique.

    • L’une des ironies de la situation actuelle est qu’en adoptant une position anti-impérialiste fétichisée, l’opposition aux États-Unis ne s’adossant plus à un soutien à un changement progressiste, les libéraux et les progressistes ont permis à la droite néoconservatrice américaine de s’approprier, voire de monopoliser, ce qui a traditionnellement été le langage de la gauche : le langage de la démocratie et de la libération.

      […]

      Alors que pour la génération précédente, s’opposer à la politique américaine impliquait encore de soutenir explicitement des luttes de libération considérées comme progressistes, aujourd’hui, s’opposer à la politique américaine est en soi considéré comme anti-hégémonique. Il s’agit là paradoxalement d’un héritage malheureux de la Guerre froide et de la vision dualiste du monde qui l’accompagne. La catégorie spatiale du « camp » a remplacé les catégories temporelles des possibilités historiques et de l’émancipation en tant que négation historique déterminée du capitalisme. Cela n’a pas seulement conduit à un rejet de l’idée du socialisme comme dépassement historique du capitalisme, mais aussi à un déséquilibrage de la compréhension des évolutions internationales.

      […]

      La Guerre froide semble avoir effacé de la mémoire le fait que l’opposition à une puissance impériale n’était pas nécessairement progressiste et qu’il existait aussi des anti-impérialismes fascistes. Cette distinction s’est estompée pendant la Guerre froide, notamment parce que l’Union soviétique a conclu des alliances avec des régimes autoritaires, en particulier au Moyen-Orient, comme les régimes du Baas en Syrie et en Irak, qui n’avaient pas grand-chose en commun avec les mouvements socialistes et communistes. Au contraire, l’un de leurs objectifs était de liquider la gauche dans leurs propres pays. Par la suite, l’anti-américanisme est devenu un code progressiste en soi, bien qu’il y ait toujours eu des formes profondément réactionnaires d’anti-américanisme à côté des formes progressistes.

      #campisme #anti-impérialisme

    • Il est significatif qu’une telle attaque n’ait pas été menée il y a deux ou trois décennies par des groupes qui avaient toutes les raisons d’être en colère contre les États-Unis, comme les communistes vietnamiens ou la gauche chilienne. Il est important de comprendre l’absence d’une telle attaque, non pas comme un hasard, mais comme l’expression d’un principe politique. Pour ces groupes, une attaque visant en premier lieu des civils demeurait hors de leur horizon politique.

      […]

      Il existe une différence fondamentale entre les mouvements qui ne choisissent pas comme cible une population civile au hasard (comme le Viêt-Minh, le Viêt-Cong et l’ANC) et ceux qui le font (comme l’IRA, Al-Qaïda ou le Hamas). Cette différence n’est pas simplement tactique, elle est hautement politique, car la forme de la violence et la forme de la politique sont en relation l’une avec l’autre. Cela signifie que la nature de la société et de la politique futures sera différente selon que les mouvements sociaux militants feront ou non une distinction entre les objectifs civils et militaires dans leur pratique politique. S’ils ne le font pas, ils ont tendance à mettre l’accent sur l’identité. Cela les rend radicalement nationalistes dans le sens le plus large du terme, car ils travaillent avec une distinction ami/ennemi qui essentialise une population civile en tant qu’ennemie et rend ainsi impossible la possibilité d’une coexistence future. C’est pourquoi les programmes de ces mouvements ne proposent guère d’analyses socio-économiques visant à transformer les structures sociales (à ne pas confondre avec les institutions sociales que ces mouvements mettent en partie à disposition). Dans ces cas, la dialectique de la guerre et de la révolution du xxe siècle se transforme en une subordination de la « révolution » à la guerre. Ce qui m’intéresse ici, cependant, a moins à voir avec de tels mouvements qu’avec les mouvements d’opposition actuels dans les métropoles et leurs difficultés évidentes à faire la distinction entre ces deux formes différentes de « résistance ».

      Joseph Andras disait cela aussi dans ces dernières interviews ou textes

      #morale #terrorisme #civils

  • Gaza : « Macron n’a même pas la décence élémentaire d’appeler à un cessez-le-feu » - Regards.fr
    https://regards.fr/gaza-macron-na-meme-pas-la-decence-elementaire-dappeler-a-un-cessez-le-feu

    Socialisme et morale révolutionnaire, solution à deux États, impasse Hamas-Netanyahu, terrorisme et crime de guerre, « déraison » française… On a causé avec l’écrivain Joseph Andras.

    #hamas #Palestine #Israël #terrorisme

  • Le Haaretz publie des données sur les victimes israéliennes qui semblent contredire les informations précédentes sur le nombre de morts comme sur leurs âges

    Sulaiman Ahmed sur X : « BREAKING : ISRAEL HAVE RELEASED THEIR OWN UNVERIFIED STATS ABOUT DEATH - NO BABIES HAVE BEEN KILLED https://t.co/Bg8Ac8FhuB » / X
    https://twitter.com/ShaykhSulaiman/status/1715801373735018695

    Sulaiman Ahmed

    @ShaykhSulaiman
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    BREAKING: ISRAEL HAVE RELEASED THEIR OWN UNVERIFIED STATS ABOUT DEATH - NO BABIES HAVE BEEN KILLED

    Source : https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-19/ty-article-magazine/israels-dead-the-names-of-those-killed-in-hamas-massacres-and-the-israel-hamas-war/0000018b-325c-d450-a3af-7b5cf0210000 (#paywall)

    • Déjà rien que sur le nombre total ya mensonge dès le départ

      western media reporting that Hamas allegedly killed around 1,400 Israeli

      the news outlet has released information on 683 Israelis killed during the Hamas-led offensive, including their names and locations of their deaths on 7 October

      Moins de la moitié donc de ce qui était annoncé pendant des jours (et encore récemment).

      Of these, 331 casualties – or 48.4 percent - have been confirmed to be soldiers and police officers, many of them female. Another 13 are described as rescue service members, and the remaining 339 are ostensibly considered to be civilians.

      Donc 352 civils, dont 16 enfants.

      The numbers and proportion of Palestinian civilians and children among those killed by Israeli bombardment over the past two weeks – over 5,791 killed, including 2,360 children and 1,292 women, and more than 18,000 injured - are far higher than any of these Israeli figures from the events of 7 October.

    • sauf erreur, il semble que ce chiffrage concerne les morts identifiés et dont l’identité et l’âge sont rendus publics. en ce qui concerne les français morts là bas, ce chiffre augmente quotidiennement (aujourd’hui on lit 30). en revanche, pour ce chiffrage, la proportion de militaire et personnel de sécurité est bien plus élevée qu’attendu et contredit la com israélienne reprise par les gouvernements elles média occidentaux

      #Israël #7_octobre_2023 #Hamas #civils_israéliens #propagande #propagande_de_guerre #palestiniens

  • Ivan Illich (1926-2002) : la ville conviviale (2013)
    https://theses.hal.science/tel-00849958/document

    Une thèse de doctorat consacrée à l’application des concepts d’Illich aux prolématiques de la ville et de l’urbanisme. De plus d’après l’intro de l’autrice sous l’égide de La ligne d’horizon, les amis de François Partant, donc ça m’inspirait confiance. Pas encore lu, je référence pour feuilleter…

    Je vois dans le sommaire déjà une critique de la résilience et de la transition, en 2013

    Ivan Illich (1926-2002) propose dans ses ouvrages une critique radicale des
    « institutions » (Église, école, hôpital, transports, machines, etc.) qui toutes, à un moment de leur déploiement, se révèlent contre-productives. Peut-on transposer au domaine de l’urbain ses analyses ? Si oui, en quoi contribuent-elles à rendre intelligible ce qui « travaille » les villes à l’ère de l’urbanisation planétaire ? Cette recherche propose une lecture illichienne de « l’entreprise-ville » et suggère des pistes pour sortir de l’impasse productiviste dans laquelle elle est engagée. Elle s’articule autour de deux axes :

    Premièrement, dans le contexte du paradigme économiciste de la rareté et du paradigme cybernétique des systèmes, la Ville a été substituée par une entreprise urbaine contreproductive : une anti-ville. L’urbanisme devient iatrogène. C’est « le grand enfermement ».

    Deuxièmement, les idées d’Ivan Illich projetées sur l’espace habité nourrissent –et très généreusement– un nouveau paradigme pour sortir de l’industrialisme et reconstruire le territoire à travers des processus de réduction / reconduction. C’est la ville conviviale.

    #Ivan_Illich #urbanisme #urban_matters #ville #architecture #convivialité #critique_techno

    @cdb_77 @odilon @tranbert que ça peut intéresser :)

  • Marie-Laure Piazza devant le CSM : « le ministre a les mains sales »
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/dans-le-pretoire/dans-le-pretoire-du-vendredi-20-octobre-2023-1455665

    Mais diable, qui en veut autant à Marie-Laure Piazza ?
    La magistrate a bien sa petite idée - doux euphémisme. Car le 26 septembre 2016, alors qu’elle préside un procès d’assises tendu à Bastia, elle croise dans une coursive du palais de justice un des avocats de la défense qui lui adresse, je cite, des clins d’œil appuyés, et des mouvements de langue sur ses lèvres en se grattant la braguette. Sous le choc, Marie-Laure Piazza établit un rapport, déclenche une enquête, l’avocat est sanctionné d’un rappel à la loi. Et quatre ans plus tard, l’avocat est devenu garde des Sceaux.

  • Présenter l’IA comme une évidence, c’est empêcher de réfléchir le numérique
    https://theconversation.com/presenter-lia-comme-une-evidence-cest-empecher-de-reflechir-le-nume

    Au printemps dernier, des personnalités aussi diverses que Elon Musk, Yuval Noah Harari ou Steve Wozniak s’associaient à plus de 1 000 « experts » pour mettre en garde face aux « risques majeurs pour la société et l’humanité » que représente l’intelligence artificielle et demander une pause de six mois dans d’entraînement des modèles plus puissants que GPT-4. Du Monde au Figaro, en passant par FranceInfo ou Libération, les médias ont volontiers relayé les termes de ce courrier qui appelle à une pause pour mieux affirmer le caractère inéluctable et la toute-puissance des systèmes d’IA à venir.

    Ce qui frappe dans la réception médiatique immédiate de ce courrier, c’est la myopie face à un processus théorisé depuis maintenant bientôt 30 ans : « l’impensé numérique » (ou informatique, avant lui). Ce concept d’« impensé » désigne les stratégies discursives par lesquelles la technologie est présentée comme une évidence, souvent sous l’influence des acteurs dont elle sert les intérêts économiques ou politiques.

  • Lettre ouverte au président de la République française - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1354010/lettre-ouverte-au-president-de-la-republique-francaise.html

    Lettre ouverte au président de la République française
    OLJ / Par Dominique EDDÉ, le 20 octobre 2023 à 10h30

    Monsieur le Président,

    C’est d’un lieu ruiné, abusé, manipulé de toutes parts, que je vous adresse cette lettre. Il se pourrait qu’à l’heure actuelle, notre expérience de l’impuissance et de la défaite ne soit pas inutile à ceux qui, comme vous, affrontent des équations explosives et les limites de leur toute puissance.

    Je vous écris parce que la France est membre du Conseil de sécurité de l’ONU et que la sécurité du monde est en danger. Je vous écris au nom de la paix.

    L’horreur qu’endurent en ce moment les Gazaouis, avec l’aval d’une grande partie du monde, est une abomination. Elle résume la défaite sans nom de notre histoire moderne. La vôtre et la nôtre. Le Liban, l’Irak, la Syrie sont sous terre. La Palestine est déchirée, trouée, déchiquetée selon un plan parfaitement clair : son annexion. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les cartes.

    Le massacre par le Hamas de centaines de civils israéliens, le 7 octobre dernier, n’est pas un acte de guerre. C’est une ignominie. Il n’est pas de mots pour en dire l’étendue. Si les arabes ou les musulmans tardent, pour nombre d’entre eux, à en dénoncer la barbarie, c’est que leur histoire récente est jonchée de carnages, toutes confessions confondues, et que leur trop plein d’humiliation et d’impotence a fini par épuiser leur réserve d’indignation ; par les enfermer dans le ressentiment. Leur mémoire est hantée par les massacres, longtemps ignorés, commis par des Israéliens sur des civils palestiniens pour s’emparer de leurs terres. Je pense à Deir Yassin en 1948, à Kfar Qassem en 1956. Ils ont par ailleurs la conviction – je la partage – que l’implantation d’Israël dans la région et la brutalité des moyens employés pour assurer sa domination et sa sécurité ont très largement contribué au démembrement, à l’effondrement général. Le colonialisme, la politique de répression violente et le régime d’apartheid de ce pays sont des faits indéniables. S’entêter dans le déni, c’est entretenir le feu dans les cerveaux des uns et le leurre dans les cerveaux des autres. Nous savons tous par ailleurs que l’islamisme incendiaire s’est largement nourri de cette plaie ouverte qui ne s’appelle pas pour rien « la Terre sainte ». Je vous rappelle au passage que le Hezbollah est né au Liban au lendemain de l’occupation israélienne, en 1982, et que les désastreuses guerres du Golfe ont donné un coup d’accélérateur fatal au fanatisme religieux dans la région.

    Qu’une bonne partie des Israéliens reste traumatisée par l’abomination de la Shoah et qu’il faille en tenir compte, cela va de soi. Que vous soyez occupé à prévenir les actes antisémites en France, cela aussi est une évidence. Mais que vous en arriviez au point de ne plus rien entendre de ce qui se vit ailleurs et autrement, de nier une souffrance au prétexte d’en soigner une autre, cela ne contribue pas à pacifier. Cela revient à censurer, diviser, boucher l’horizon. Combien de temps encore allez-vous, ainsi que les autorités allemandes, continuer à puiser dans la peur du peuple juif un remède à votre culpabilité ? Elle n’est plus tolérable cette logique qui consiste à s’acquitter d’un passé odieux en en faisant porter le poids à ceux qui n’y sont pour rien. Écoutez plutôt les dissidents israéliens qui, eux, entretiennent l’honneur. Ils sont nombreux à vous alerter, depuis Israël et les États-Unis.

    Commencez, vous les Européens, par exiger l’arrêt immédiat des bombardements de Gaza. Vous n’affaiblirez pas le Hamas ni ne protégerez les Israéliens en laissant la guerre se poursuivre. Usez de votre voix non pas seulement pour un aménagement de corridors humanitaires dans le sillage de la politique américaine, mais pour un appel à la paix ! La souffrance endurée, une décennie après l’autre, par les Palestiniens n’est plus soutenable. Cessez d’accorder votre blanc-seing à la politique israélienne qui emmène tout le monde dans le mur, ses citoyens inclus. La reconnaissance, par les États-Unis, en 2018, de Jérusalem capitale d’Israël ne vous a pas fait broncher. Ce n’était pas qu’une insulte à l’histoire, c’était une bombe. Votre mission était de défendre le bon sens que prônait Germaine Tillion « Une Jérusalem internationale, ouverte aux trois monothéismes. » Vous avez avalisé, cette même année, l’adoption par la Knesset de la loi fondamentale définissant Israël comme « l’État-Nation du peuple juif ». Avez-vous songé un instant, en vous taisant, aux vingt et un pour cent d’Israéliens non juifs ? L’année suivante, vous avez pour votre part, Monsieur le Président, annoncé que « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme. » La boucle était bouclée. D’une formule, vous avez mis une croix sur toutes les nuances. Vous avez feint d’ignorer que, d’Isaac Breuer à Martin Buber, un grand nombre de penseurs juifs étaient antisionistes. Vous avez nié tous ceux d’entre nous qui se battent pour faire reculer l’antisémitisme sans laisser tomber les Palestiniens. Vous passez outre le long chemin que nous avons fait, du côté dit « antisioniste », pour changer de vocabulaire, pour reconnaître Israël, pour vouloir un avenir qui reprenne en compte les belles heures d’un passé partagé. Les flots de haine qui circulent sur les réseaux sociaux, à l’égard des uns comme des autres, n’exigent-ils pas du responsable que vous êtes un surcroît de vigilance dans l’emploi des mots, la construction des phrases ? À propos de paix, Monsieur le Président, l’absence de ce mot dans votre bouche, au lendemain du 7 octobre, nous a sidérés. Que cherchons-nous d’autre qu’elle au moment où la planète flirte avec le vide ?

    Les accords d’Abraham ont porté le mépris, l’arrogance capitaliste et la mauvaise foi politique à leur comble. Est-il acceptable de réduire la culture arabe et islamique à des contrats juteux assortis – avec le concours passif de la France – d’accords de paix gérés comme des affaires immobilières ? Le projet sioniste est dans une impasse. Aider les Israéliens à en sortir demande un immense effort d’imagination et d’empathie qui est le contraire de la complaisance aveuglée. Assurer la sécurité du peuple israélien c’est l’aider à penser l’avenir, à l’anticiper, et non pas le fixer une fois pour toutes à l’endroit de votre bonne conscience, l’œil collé au rétroviseur. Ici, au Liban, nous avons échoué à faire en sorte que vivre et vivre ensemble ne soient qu’une et même chose. Par notre faute ? En partie, oui. Mais pas seulement. Loin de là. Ce projet était l’inverse du projet israélien qui n’a cessé de manœuvrer pour le rendre impossible, pour prouver la faillite de la coexistence, pour encourager la fragmentation communautaire, les ghettos. À présent que toute cette partie du monde est au fond du trou, n’est-il pas temps de décider de tout faire autrement ? Seule une réinvention radicale de son histoire peut rétablir de l’horizon.

    En attendant, la situation dégénère de jour en jour : il n’y a plus de place pour les postures indignées et les déclarations humanitaires. Nous voulons des actes. Revenez aux règles élémentaires du droit international. Demandez l’application, pour commencer, des résolutions de l’ONU. La mise en demeure des islamistes passe par celle des autorités israéliennes. Cessez de soutenir le nationalisme religieux d’un côté et de le fustiger de l’autre. Combattez les deux. Rompez cette atmosphère malsaine qui donne aux Français de religion musulmane le sentiment d’être en trop s’ils ne sont pas muets.

    Écoutez Nelson Mandela, admiré de tous à bon compte : « Nous savons parfaitement que notre liberté est incomplète sans celle des Palestiniens, » disait-il sans détour. Il savait, lui, qu’on ne fabrique que de la haine sur les bases de l’humiliation. On traitait d’animaux les noirs d’Afrique du Sud. Les juifs aussi étaient traités d’animaux par les nazis. Est-il pensable que personne, parmi vous, n’ait publiquement dénoncé l’emploi de ce mot par un ministre israélien au sujet du peuple palestinien ? N’est-il pas temps d’aider les mémoires à communiquer, de les entendre, de chercher à comprendre là où ça coince, là où ça fait mal, plutôt que de céder aux affects primaires et de renforcer les verrous ? Et si la douleur immense qu’éprouve chaque habitant de cette région pouvait être le déclic d’un début de volonté commune de tout faire autrement ? Et si l’on comprenait soudain, à force d’épuisement, qu’il suffit d’un rien pour faire la paix, tout comme il suffit d’un rien pour déclencher la guerre ? Ce « rien » nécessaire à la paix, êtes-vous sûrs d’en avoir fait le tour ? Je connais beaucoup d’Israéliens qui rêvent, comme moi, d’un mouvement de reconnaissance, d’un retour à la raison, d’une vie commune. Nous ne sommes qu’une minorité ? Quelle était la proportion des résistants français lors de l’occupation ? N’enterrez pas ce mouvement. Encouragez-le. Ne cédez pas à la fusion morbide de la phobie et de la peur. Ce n’est plus seulement de la liberté de tous qu’il s’agit désormais. C’est d’un minimum d’équilibre et de clarté politique en dehors desquels c’est la sécurité mondiale qui risque d’être dynamitée.

    Par Dominique EDDÉ. Écrivaine.

  • L’histoire de Gaza, ou la fabrique d’une poudrière
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/15/gaza-la-fabrique-d-une-poudriere_6194561_3210.html

    Le 11 septembre 2005, le dernier drapeau israélien flottant sur la bande de Gaza est ramené. Après avoir évacué les colons juifs qui y étaient implantés, les troupes de l’Etat hébreu abandonnent le territoire palestinien qu’elles avaient conquis en 1967, lors de la guerre des Six-Jours. Bastion de la résistance à l’occupation israélienne, Gaza bascule sous le contrôle intégral de l’Autorité palestinienne, en application du plan de « désengagement » voulu par le premier ministre israélien de l’époque, Ariel Sharon. Moment de vertige. L’enclave côtière de 360 kilomètres carrés et de deux millions d’habitants, concentré de colère et de misère, allait-elle faire ses adieux aux armes ? Allait-elle devenir la vitrine des rêves d’indépendance des Palestiniens, le prototype de l’Etat auquel ils aspirent ?

    Un multimillionnaire juif américain, familier des grands de ce monde, est chargé de guider ses pas : James Wolfensohn. A 73 ans, l’ex-président de la Banque mondiale, tout juste retraité de l’institution, a accepté la casquette d’envoyé spécial du Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Nations unies). Sa mission consiste à redresser l’économie de la langue de sable, saignée à blanc par la répression de la seconde Intifada (2000-2005). En usant de son carnet d’adresses, le philanthrope new-yorkais a déjà récolté 9 milliards de dollars de promesses de dons. Vu de l’étranger, l’espoir ne semble pas interdit. L’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman prédit même à Gaza un destin de « Dubaï sur la Méditerranée ».

    Ce pronostic laisse aujourd’hui un goût amer. Placé sous blocus depuis 2007, bombardé à intervalles réguliers, le réduit palestinien s’est transformé en volcan. Et, à l’aube du 7 octobre, il est entré en éruption. Couverts par des salves de roquettes, plus d’un millier d’hommes en armes du Hamas, le mouvement islamiste qui dirige le territoire depuis 2006, ont percé la clôture fortifiée qui le sépare d’Israël. Les infiltrés ont déferlé sur les localités juives voisines, en pick-up, à moto et même en ULM, semant la terreur sur leur passage. Bilan de cet assaut : au moins 1 300 morts, des civils pour l’immense majorité, et au moins 120 kidnappés d’après l’armée israélienne. La pire tuerie d’Israéliens depuis la création de l’Etat hébreu en 1948.

    En retour, une pluie de bombes et de missiles s’est abattue sur la bande de Gaza, décimant des familles entières. Des immeubles de plus de dix étages sont pulvérisés l’un après l’autre. Plus de 2 200 personnes, des civils pour la plupart là aussi, ont déjà péri dans cette opération qui ne fait probablement que commencer.

    Dix-huit ans après le retrait de 2005, l’armée israélienne pourrait à nouveau investir la bande de Gaza, comme elle l’a fait en 2014, lors de l’opération « Bordure protectrice ». Des plans sont en préparation dans l’hypothèse d’une campagne de longue durée, destinée à démanteler l’infrastructure militaire du Hamas. Dans l’esprit des dirigeants israéliens, le mouvement palestinien est « le nouvel “Etat islamique” », « un fléau que même le diable n’a pas créé », selon les termes d’Eli Cohen, le chef de la diplomatie de l’Etat hébreu. Et « l’antre » de ce mal absolu est Gaza.

    Le processus de stigmatisation de l’enclave palestinienne a une histoire ancienne. Dans l’Israël du début des années 1990, après la première Intifada (1987-1993), l’expression « lekh le-Azza ! » (« va à Gaza ! ») était la version hébraïque du « va au diable ! » occidental.

    Avant même que ne débutent les attentats-suicides qui ont marqué cette décennie, ce lieu était perçu à la fois comme dangereux et repoussant. Un « nid de guêpes » ou un « tas de fumier », écrit la journaliste israélienne Amira Hass, dans son ouvrage Boire la mer à Gaza (La Fabrique, 2001).

    Cette bizarrerie géographique est pourtant le fait des fondateurs d’Israël. A la fin de l’année 1948, en pleine « guerre d’indépendance », David Ben Gourion, premier chef de gouvernement du nouvel Etat, renonce à attaquer Gaza où sont retranchées les troupes égyptiennes venues au secours des Palestiniens. En 1949, l’armistice signé avec Le Caire donne naissance à cet étroit territoire, peuplé de ses 80 000 habitants originaux, et de 200 000 réfugiés qui ont été expulsés de leur domicile, plus au nord et à l’est, par les milices sionistes. De peur qu’un foyer d’agitation nationaliste palestinien n’y éclose, Ben Gourion cherche à le neutraliser.

    Dans son Histoire de Gaza (Fayard, 2012), l’universitaire Jean-Pierre Filiu explique que le premier chef de gouvernement de l’Etat hébreu proposa aux Nations unies d’annexer ce territoire, en contrepartie d’une réinstallation des réfugiés sur le sol israélien. Les Egyptiens s’y opposèrent, sans pour autant étendre leur souveraineté sur la bande de Gaza. Ils devinrent, par défaut, les administrateurs de la région. Et c’est ainsi que cette anomalie née de la guerre s’est installée dans la durée.

    C’est là, dans les années 1950, que la résistance palestinienne réalise ses premiers faits d’armes. Israël répond par une première occupation de Gaza, de novembre 1956 à mars 1957. Un épisode qui cause la mort d’un millier de Palestiniens. « Si l’on ajoute au nombre de morts celui des blessés, emprisonnés et torturés, environ un habitant sur cent du territoire a été frappé dans sa chair par la violence de l’envahisseur », écrit Jean-Pierre Filiu.

    Les actions de guérilla des fedayins se poursuivent après l’occupation de 1967. Alors chargé du commandement du front sud, Ariel Sharon riposte, en 1971, en lançant ses blindés et ses bulldozers contre les camps de réfugiés. Rafles, liquidations, expulsions, démolitions de masse assomment Gaza. L’année suivante, changement de ton : Israël accorde aux Palestiniens des territoires occupés un « permis de sortie général », qui les autorise à circuler sans entraves entre la mer et le Jourdain. Le nombre de Gazaouis travaillant sur le sol israélien, comme ouvrier, serveur, chauffeur, cuisinier ou jardinier, bondit aussitôt : 61 000 en 1973, contre 5 000 en 1968.

    La manœuvre vise à diluer le nationalisme palestinien dans le marché du travail israélien. Et dans un premier temps, elle fonctionne. Les salaires empochés par les Palestiniens, nettement supérieurs à ce qu’ils gagnaient à Gaza, achètent une forme de paix sociale. Mais les effets de l’occupation et de la colonisation, avec leur cortège de violences et d’humiliations, reprennent vite le dessus. La première Intifada éclate en décembre 1987. Gaza est l’épicentre de ce soulèvement populaire que le ministre de la défense israélien, Yitzhak Rabin, promet de mater en « brisant les os » des jeunes lanceurs de pierres.

    Le Hamas émerge à ce moment-là. Il s’appuie sur le réseau d’une organisation caritative religieuse, Al-Moujamaa Al-Islami (« le centre islamique »), qui s’est implantée dans la bande de Gaza avec le soutien – d’abord tacite, puis actif – de l’occupant La bureaucratie militaire israélienne a misé sur cette excroissance des Frères musulmans, qui se désintéresse de la politique, pour affaiblir le camp nationaliste incarné par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat. Dans la bande de Gaza, entre 1967 et 1986, le nombre de mosquées affiliées à la confrérie est passé de 76 à 150. Quand le cheikh Ahmed Yassine, dirigeant du Moujamaa, décide, en 1987, de donner à la lutte contre l’occupant la priorité sur l’islamisation de la société, les bases du mouvement Hamas sont prêtes.

    L’essoufflement de la première Intifada, en 1991, coïncide avec une mesure très importante : la révocation du « permis de sortie général ». D’un droit accordé à toute la population palestinienne, la liberté de circulation entre Gaza, Israël et la Cisjordanie, se transforme en un privilège, octroyé à quelques catégories sociales seulement – étudiants, hommes d’affaires et travailleurs en Israël. Cette décision, prise à la veille de la première guerre du Golfe (janvier-février 1991), est présentée comme une mesure de précaution temporaire.

    Mais, dans les faits, sa portée est bien plus ambitieuse. Les généraux israéliens ont compris qu’en favorisant, à travers le « permis de sortie général », une réunification de Gaza et de la Cisjordanie, ils ont généré un dynamisme qui n’est pas étranger au déclenchement de la première Intifada. Les théoriciens en treillis de Tel-Aviv prônent désormais la « séparation ». Il s’agit de disloquer le corps social et politique palestinien. Les prémices du futur blocus de Gaza sont posées.

    A ce nouveau régime de déplacement, s’ajoute une mesure couperet : le bouclage. Il suffit que l’armée en donne l’ordre pour que le checkpoint d’Erez, la porte de sortie de Gaza vers Israël et la Cisjordanie, se referme. La première injonction tombe en mars 1993, un an avant que le Hamas – qui refuse toute légitimité à Israël – ne lance une série d’attentats-suicides. Chaque jour de bouclage représente des centaines de milliers de shekels de salaire perdus.

    Le paradoxe veut que le processus de paix d’Oslo démarre à ce moment. Yitzhak Rabin est devenu premier ministre. « J’aimerais que Gaza sombre dans la mer, mais cela n’arrivera pas et une solution doit être trouvée », déclare-t-il à cette époque. Des plans visant à établir aux portes de l’enclave des zones industrielles mixtes, avec du capital israélien et de la main-d’œuvre palestinienne, sont dressés. Mais, à chaque acte de violence du Hamas, l’état-major israélien resserre le carcan autour de Gaza. Bouclages, baisse du nombre de permis : ces mesures, dénoncées comme des « châtiments collectifs », font bondir le taux de chômage dans le territoire jusqu’à 70 %.

    En 2000, alors qu’éclate la seconde Intifada, Israël accroît cette logique punitive. Le corridor ouvert quelques mois plus tôt pour faciliter les trajets vers la Cisjordanie est fermé. L’aéroport de Gaza, en service depuis un an, est bombardé en 2001. Les étudiants de Gaza inscrits dans une faculté de Cisjordanie se voient privés de permis de sortie. L’Etat hébreu, qui contrôle le registre d’Etat civil palestinien, bannit même les changements d’adresse entre les deux territoires. Les Palestiniens de Gaza résidant en Cisjordanie sans permis ad hoc sont renvoyés manu militari dans la bande de sable.

    « Durant les dix-sept dernières années de ma vie, je n’ai pu passer que quatre mois, en tout et pour tout, avec ma famille à Gaza », expliquait, en 2008, Arij Hejazi, une ingénieure d’une trentaine d’années, bloquée à Ramallah où elle était partie étudier en 1992.

    Arrive alors le retrait israélien de Gaza, en 2005. Mahmoud Abbas, qui a succédé à la tête de l’Autorité palestinienne à Yasser Arafat, décédé en 2004, y voit l’opportunité de relancer le processus de paix. Il espère redonner un peu de crédit à son régime, usé par le fiasco du processus d’Oslo, et contenir ainsi la poussée du Hamas. Le mouvement islamiste estime, non sans raison, que le désengagement israélien est la conséquence de sa stratégie de harcèlement armé. Mais à Ramallah, les efforts du raïs pour coordonner le départ des 8 500 colons juifs se heurtent à la stratégie unilatérale d’Ariel Sharon, devenu premier ministre d’Israël.

    Quelques mois avant le retrait, l’éminence grise du chef du gouvernement israélien, l’avocat Dov Weissglas, s’est confiée au journal Haaretz. « La signification du désengagement, c’est le gel du processus de paix, a-t-il admis. Tout ce package qu’on appelle l’Etat palestinien, avec tout ce que cela implique, a été retiré indéfiniment de notre agenda. Le désengagement est comme du formol. Il apporte la quantité de formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus politique avec les Palestiniens. » Le 11 septembre 2005, les hauts gradés de Gaza boycottent la cérémonie de départ de l’armée israélienne. Ils ont le sentiment qu’au lieu de leur remettre la clé du territoire, leurs homologues l’ont jetée dans les champs.

    Le milliardaire James Wolfensohn s’attelle alors la tâche. Son principal instrument de travail s’appelle l’Agreement on Movement and Access (AMA), un accord israélo-palestinien signé sous l’égide de Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine de l’époque, dans le but de désenclaver le territoire. Le document prévoit la réouverture des points de passage et de la liaison routière avec la Cisjordanie, la mise en chantier d’un port et l’éventuelle remise en service de l’aéroport.
    Stratégie du pire

    Mais, très vite, le scénario déraille. Le terminal de Karni, voie d’accès au marché israélien, n’ouvre que par intermittence. Les mauvais jours, un embouteillage de camions remplis à ras bord de tomates et de poivrons se forme devant ses grilles. Quand deux ou trois cargaisons parviennent à passer, dix doivent être jetées. Karni se transforme en cul-de-sac. Question de sécurité, répond Israël à ceux qui l’accusent de torpiller l’AMA.

    Le 13 janvier 2005, six civils israéliens avaient été tués par des miliciens du Hamas qui avaient réussi à s’infiltrer dans le terminal. Entre 2005 et 2006, les tirs de roquettes et de mortiers sur les localités du sud d’Israël – des projectiles de facture encore artisanale – augmentent de 300 %. La stratégie du pire des islamistes entretient la hantise sécuritaire israélienne.

    Wolfensohn ne se décourage pas. Les scanners géants promis par l’AMA sont installés à Karni. Il garantit aux militaires israéliens, sceptiques, qu’ils peuvent détecter la moindre menace tapie dans la remorque d’un camion. Mais l’interlocuteur de Wolfensohn est Amos Gilad. Général à la retraite, chef du bureau politico-sécuritaire du ministère de la défense israélien, c’est l’homme du verrouillage de Gaza. « Avec lui, la moindre demande peut prendre des mois, confiait à l’époque un diplomate occidental. Il ne dit jamais non, jamais oui, mais “il faut voir” ou bien “on va évaluer”. Il est la machine qui prédigère toutes les excuses pour ne rien faire. »

    Les séances de travail entre l’équipe de Wolfensohn et Amos Gilad sont souvent houleuses. Mais, en janvier 2006, ces différends s’aplanissent. Le Hamas vient alors de remporter les élections législatives, conséquence logique du discrédit de l’Autorité palestinienne au sein de la population. Pour Washington, la priorité n’est plus tant de relever Gaza, que de faire tomber les islamistes. Sous l’influence d’Elliott Abrams, conseiller adjoint à la sécurité nationale et néoconservateur, rétif à toute pression sur Israël, la diplomatie américaine lâche l’envoyé spécial du Quartet, qui démissionne en avril 2006. Son dernier rapport dresse un constat de faillite : Karni fermé un jour sur deux, pas de port, pas d’aéroport, pas de corridor avec la Cisjordanie.

    Keith Dayton, le coordinateur sécuritaire des Etats-Unis au Proche-Orient, relève le gant. Il propose de faire sortir la production gazaouie par l’Egypte, via deux autres terminaux, Kerem Shalom et Rafah. Mais ses efforts pour sauver l’AMA butent à leur tour sur l’intransigeance israélienne et sur les croche-pattes des faucons de Washington. « Au lieu de reprendre espoir, les Palestiniens ont compris qu’ils étaient remis en prison. Avec 50 % de chômage, le conflit est inévitable », confie Wolfensohn au quotidien Haaretz.

    Naufrage du Fatah

    A la mi-juin 2007, les forces du Fatah, fidèles à Mahmoud Abbas, sont défaites par le Hamas, au cours d’une guerre civile de cinq jours. Le mouvement islamiste s’empare de la totalité du pouvoir dans la bande de Gaza, sous le regard accablé des négociateurs palestiniens, qui ont travaillé d’arrache-pied pour redonner de l’oxygène à Gaza. « Les gens de Dayton nous l’ont dit en privé, expliquait l’un d’eux. Si Karni, Rafah et Kerem Shalom avaient pu ouvrir avant le coup de force du Hamas, la situation aurait été complètement différente. Il n’est pas interdit de se demander si les Israéliens n’ont pas favorisé délibérément l’ascension du Hamas. »

    Le 13 juin, un jour avant le naufrage du Fatah, Amos Yadlin, le chef du renseignement militaire israélien, avait été franc avec l’ambassadeur américain à Tel-Aviv. « Israël serait heureux si le Hamas s’emparait de Gaza parce que l’armée pourrait alors traiter Gaza comme un Etat hostile », avait-il dit dans la conversation, consignée dans un câble du département d’Etat américain, rendu public par WikiLeaks.

    Les seize années qui suivent écrivent la chronique d’un cataclysme annoncé. Effectivement décrété « entité hostile » par Israël, le confetti de terre palestinien est placé sous un blocus quasi hermétique dès 2007. C’est l’occupation sous une autre forme, le contrôle à distance. « L’idée est de mettre les Palestiniens au régime, sans les faire mourir de faim », explique Dov Weissglas, qui, après l’accident vasculaire cérébral d’Ariel Sharon, est passé au service du nouveau chef de gouvernement israélien, Ehoud Olmert.

    Les diététiciens de l’armée israélienne ont calculé la ration calorique permettant de maintenir le Gazaoui moyen juste au-dessus du seuil de malnutrition : 2 279 calories par personne et par jour. A partir de cette estimation, l’état-major a déterminé que 131 camions seraient autorisés à entrer dans Gaza chaque jour. Mais, selon l’ONG israélienne Gisha, spécialisée dans les problèmes d’accès à Gaza, leur nombre a souvent été inférieur.

    La liste des produits interdits, accusés de « double usage », déroute les observateurs. « Avez-vous déjà vu des bombes à base de lentilles ? Quelqu’un va-t-il vous tuer avec un macaroni ? », s’interroge l’élu démocrate américain Brian Laird, de retour en 2009 d’une visite dans le territoire sous cloche. La contrebande transitant par les tunnels de Rafah, florissante à la fin des années 2000, permet d’éviter de trop graves pénuries.

    A intervalles réguliers, les chasseurs-bombardiers israéliens attaquent Gaza, en réponse à des tirs de roquettes du Hamas ; 2008-2009, 2012, 2014 et 2021 : quatre guerres se succèdent, provoquant la mort de milliers de Palestiniens. Il s’agit de « tondre le gazon », expliquent les stratèges israéliens, de maintenir les capacités offensives du Hamas à un stade supportable. Une recette de guerre perpétuelle.

    A intervalles réguliers aussi, le Hamas et le Fatah annoncent un projet de réconciliation, voire la formation d’un gouvernement d’unité nationale. Mais ces initiatives avortent avec une constance de métronome. Ni l’un ni l’autre de ces deux mouvements rivaux n’est concrètement prêt à partager le maigre pouvoir qu’il exerce dans son fief.

    Pressé par la communauté internationale, le Hamas réforme en 2017 sa charte, un texte souvent abscons, truffé de saillies antisémites. Le nouveau document, plus présentable, parle d’un Etat en Cisjordanie et dans la bande de Gaza comme d’une « base commune à toutes les factions palestiniennes ». Mais il ne franchit pas le pas de la reconnaissance d’Israël, la condition sine qua non des chancelleries occidentales pour ouvrir le dialogue avec lui.

    En 2018 et 2019, le Hamas et d’autres factions palestiniennes encadrent les « marches du retour » organisées le long de la clôture de Gaza. Une initiative de la société civile gazaouie, pour protester contre un blocus étouffant. La mobilisation est réprimée avec brutalité. En un an, les snipers israéliens fauchent près de 200 vies. On compte 7 100 blessés par balles, des jeunes souvent mutilés à vie.

    La rage qui monte à Gaza et le désespoir de sa population n’alertent pas Benyamin Nétanyahou, parvenu au pouvoir en 2009. Distribution de valises de dollars par le Qatar ; arrangements ponctuels et discrets avec Yahya Sinouar, le chef du Hamas, que les responsables israéliens ne sont pas loin de considérer comme un « pragmatique » ; bombardements soigneusement dosés : « Bibi » croit avoir trouvé la bonne formule pour contenir les islamistes et réaliser son grand dessein politique. « Quiconque veut contrecarrer la création d’un Etat palestinien doit soutenir notre politique de renforcement du Hamas et de transfert d’argent au Hamas, expliquait-il, en mars 2019, devant les parlementaires du Likoud. Cela participe de notre stratégie : isoler les Palestiniens de Gaza de ceux de Cisjordanie. » Un demi-siècle d’occupation a engendré un monstre à Gaza. Samedi 7 octobre, il s’est réveillé.

  • Contre Attaque: «LA POLITESSE DU DÉSESPOIR Rép…» - Framapiaf
    https://mastodon.social/@contreattaque/111261026501291445

    LA POLITESSE DU DÉSESPOIR

    Répondre à l’horreur par la dignité et le sarcasme. Démontrer la bêtise criminelle par l’absurde.

    Le médecin et comédien Bassem Youssef, invité sur la chaine Sky News, se moque des remarques déplacées du présentateur Piers Morgan et fait voler en éclat la propagande pro-israélienne.

    Une scène que vous ne verrez jamais sur les chaines françaises. À regarder jusqu’au bout.

    –—

    Sous-titres : Caisses de grève
    19 oct. 2023, 11:42

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  • Le Moyen-Orient crie justice – La chronique de #Joseph_Andras

    Nous accueillons régulièrement l’écrivain Joseph Andras pour une chronique d’actualité qui affûte nos armes et donne du style à nos frustrations.

    Deux États bombardent deux peuples en cet instant. Au #Kurdistan syrien et en #Palestine. Chaque heure qui passe nous mine. Mais nos mots n’ont pas le moindre sens là-bas. S’ils en ont un, ça n’est qu’ici. Ceci oblige à parler droit, c’est-à-dire à parler juste. Tout intellectuel, disait Edward W. Saïd, a pour fonction de refuser « les formules faciles ». La rigueur est la seule chose qui reste quand le sang coule au loin.

    Deux populations colonisées

    Le Kurdistan est historiquement colonisé par les États turc, iranien, irakien et syrien. Le Kurdistan irakien, dirigé par un pouvoir corrompu et autoritaire, a gagné son autonomie et mène de nos jours une politique de collaboration zélée avec Ankara. Le Kurdistan syrien a conquis, par la voie révolutionnaire, une autonomie précaire et conduit, laborieusement, une politique inspirée par les principes post-marxistes du KCK, plateforme des forces révolutionnaires kurdes au Moyen-Orient. Le Kurdistan turc vit sous occupation et a vu ses résistants brutalement écrasés dans les années 2015 et 2016. Le Kurdistan iranien, acteur majeur du dernier soulèvement en date contre la dictature théocratique iranienne, vit lui aussi sous occupation. L’État turc, bâti sur la négation du génocide arménien, a longtemps nié l’existence même des Kurdes : leur langue était proscrite, leurs porte-paroles abattus ou incarcérés, leur culture traquée. Dans les années 1990, ce sont environ 4 000 villages et hameaux kurdes qui ont été rasés. « Nous avons opté pour la règle de la terreur et de l’anéantissement », a ainsi déclaré Hanefi Avci, un temps chef-adjoint du Bureau du renseignement de la Direction générale de la sûreté.

    La Palestine est, aux côtés, notamment, du Kurdistan et du #Sahara_occidental, l’une des dernières colonies de par le monde. Elle végète aujourd’hui, de l’aveu même de Tamir Pardo, ancien chef du Mossad, en situation d’apartheid. L’État israélien, officialisé après le génocide des Juifs d’Europe, s’est construit sur le nettoyage ethnique de la Palestine : s’il était besoin, nombre d’historiens israéliens l’ont confirmé. « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place… », a confié Ben Gourion dans sa correspondance, le 5 octobre 1937. Ce nettoyage ethnique reposait sur une idéologie coloniale, autrement dit raciste, arguant qu’il n’existait aucun peuple sur cette terre. Or un peuple existait et, depuis 1948, celui-ci est déplacé, spolié, massacré, assassiné, parqué, détenu en masse. La Cisjordanie et la bande de Gaza sont emmurées avec la collaboration des « démocraties » occidentales, étasunienne au premier chef. Les colonies dévorent chaque année toujours plus de terres. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – qui, selon Amnesty International, relève de l’« État policier » – n’a plus aucune légitimité aux yeux de la population palestinienne : elle n’est, pour reprendre les mots du militant socialiste israélien Michel Warschawski, qu’un « instrument au service de l’occupation ». L’actuel gouvernement de Netanyahu, ouvertement fasciste et raciste, a accompli l’exploit de jeter dans la rue des centaines de milliers d’opposants israéliens.
    Deux puissances coloniales alliées

    Trois jours après l’opération Déluge al-Aqsa co-orchestrée par le Hamas le 7 octobre, Erdoğan a dénoncé le siège de la bande de Gaza : « Où sont donc passés les droits de l’Homme ? » Et, de fait : l’ONU vient de rappeler que le droit international l’interdit en ce qu’il constitue une « punition collective » attentatoire aux civils. Gaza agonise sous le phosphore blanc en l’attente d’une possible invasion terrestre. Sauf que : Erdoğan est bien le dernier à pouvoir parler. La Turquie est « la plus grande prison au monde pour les journalistes » (Amnesty) et son gouvernement bombarde actuellement le Kurdistan syrien. Des infrastructures civiles sont à terre : hôpitaux, écoles, stations électriques, stations de pompage d’eau, barrages, silos à grain, fermes, stations services, installations pétrolières, usines… Deux millions de personnes sont privées d’eau et d’électricité. Les hôpitaux sont saturés ; on compte pour l’heure près de 50 morts, dont une dizaine de civils.

    Le prétendu soutien de l’État turc à la Palestine est une farce, grossière avec ça. La Turquie est le quatrième partenaire commercial d’Israël, avec un commerce bilatéral en hausse de 30 % en 2021. La ministre israélienne de l’Économie et de l’Industrie du gouvernement Bennett-Lapid a fait état, l’an dernier, de « l’engagement d’Israël à approfondir les liens économiques avec la Turquie ». L’État turc, membre clé de l’OTAN, a acheté des drones israéliens pour lutter contre le PKK, chef de file de la résistance socialiste kurde. En 2018, il a envahi le Kurdistan syrien fort d’une centaine de chars M60-A1 modernisés par l’industrie israélienne (et du concours d’anciens combattants de Daech) : le canton nord-syrien d’Afrîn, majoritairement kurde, vit depuis sous occupation militaire. Abdullah Öcalan, leader du PKK incarcéré depuis deux décennies, disait déjà en mars 1998 : « Les Turcs ont conclu un accord avec Israël pour tuer les Kurdes. »

    « Les Turcs ont conclu un accord avec Israël pour tuer les Kurdes.”
    Abdullah Öcalan, leader du PKK

    Au lendemain de l’opération ordonnée par le Hamas, Yeşil Sol Parti, le Parti de la gauche verte implanté en Turquie, a publié un communiqué titré : « La paix ne viendra pas au Moyen-Orient tant que les problèmes palestinien et kurde ne seront pas résolus ». Tout en réprouvant « le meurtre de civils » et « la torture de cadavres », l’organisation kurde a apporté son soutien à « la lutte du peuple palestinien pour la liberté » et condamné « l’occupation de la Palestine par Israël ». Quelle issue au carnage ? Une « solution démocratique et juste ». C’est que les résistances kurde et palestinienne sont liées par le sang versé depuis les années 1980 : le PKK et l’OLP ont combattu cote à cote contre l’occupation israélienne. Can Polat, cadre kurde de la révolution nord-syrienne, avait ainsi déclaré à l’écrivain palestinien Mazen Safi : « Le point important, mon frère et camarade, est que les facteurs qui nous lient sont mille fois plus importants que les facteurs qui nous divisent, en dépit des tyrans, des agents et des racistes. Victoire sur Jérusalem occupée. »
    Résister

    Résister à l’oppression est légitime. Y résister par les armes l’est aussi. Le droit international ne dit rien d’autre : la résolution 37/43 de l’Assemblée générale des Nations Unies a, le 3 décembre 1982, réaffirmé « la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la domination coloniale et étrangère, de l’occupation étrangère, par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ».

    Les populations kurdes et palestiniennes ont déployé un nombre incalculable de modalités de lutte, non violentes et violentes : grèves de la faim, marches, recours juridiques et institutionnels, guérilla, attentats. L’ennemi, comme l’a indiqué Nelson Mandela dans Un long chemin vers la liberté, détermine toujours le cadre du combat. « Nous avons utilisé toutes les armes non violentes de notre arsenal – discours, délégations, menaces, arrêts de travail, grèves à domicile, emprisonnement volontaire –, tout cela en vain, car quoi que nous fassions, une main de fer s’abattait sur nous. Un combattant de la liberté apprend de façon brutale que c’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte, et il ne reste souvent à l’opprimé d’autres recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur. » Le « pacifisme » de Mandela, longtemps présenté comme « terroriste » par les puissances capitalistes, est un mythe. Les États coloniaux turc et israélien qualifient à leur tour la résistance de « terrorisme ».
    La fin et les moyens

    Résister est légitime. Mais il est des moyens de résistance qui le sont moins. Le PKK s’engage de longue date à ne frapper que les cibles militaires et policières. Quand, par malheur, un civil perd la vie au cours d’une opération, sa direction présente sans délai ses excuses aux familles. Öcalan a reconnu que des femmes et des enfants étaient tombés sous les coups de son mouvement et promis en avoir « souffert », assurant que leur mort avait eu lieu lors d’échanges de tirs : « ce n’était pas intentionnel ». Georges Habbache, fondateur socialiste du FPLP palestinien, a quant lui confié dans les années 2000 : « Nous sommes opposés à tout acte terroriste gratuit qui frappe les civils innocents. […] [L]a vie humaine a une trop grande valeur pour que j’approuve ces attentats-kamikazes [palestiniens]. »

    Le 7 octobre, des soldats et des policiers israéliens ont été pris pour cible par les combattants du Hamas, du Jihad islamique, du DFLP et du FPLP. Nul ne saurait le dénoncer, sauf à ratifier l’apartheid et la colonisation militaires. Mais le Hamas a également fait le choix de frapper des civils. On dénombre à l’heure qu’il est la mort de 1 300 Israéliens. Parmi eux, 260 festivaliers et nombre de civils : le kibboutz Be’eri comptait des enfants, celui de Kfar Aza aussi. Un massacre qui tord le cœur. Il s’agit donc de parler droit, à l’instar de Rima Hassan, fondatrice franco-palestinienne de l’Observatoire des camps de réfugiés : « Que ça soit clair, il est moralement inacceptable de se réjouir de la mort de civils ». Et de préciser : « Le faire c’est oublier les principes qui nous engagent dans la perspective d’une paix qui doit nous sauver ». Frapper les civils, c’est affaiblir la résistance. Dans ses mémoires Récits de la longue patience, Daniel Timsit, militant communiste du FLN algérien, a raconté avoir confectionné des engins explosifs pour le compte du mouvement indépendantiste. Les bombes visaient l’armée française occupante. « Mais quand ont eu lieu les premiers attentats terroristes dans la ville, ça a été atroce ! » Plus loin il ajoutait : « La fin ne justifie pas les moyens. L’utilisation consciente de moyens immoraux pourrit l’âme, et le cycle infernal se constitue. »

    « La fin ne justifie pas les moyens. L’utilisation consciente de moyens immoraux pourrit l’âme, et le cycle infernal se constitue.”
    Daniel timsit, militant communiste du fln algérien

    La morale n’est pas un à-côté de la lutte : elle a toujours été son cœur battant. « Si nous voulons changer le monde, c’est aussi, et peut-être d’abord, par souci de moralité », avançait un texte collectif initié, en 1973, par le militant anticolonialiste et trotskyste Laurent Schwartz. De fait : les révolutionnaires livrent partout bataille pour la dignité, la liberté, la justice et l’égalité. En un mot pour l’émancipation. L’amoralisme n’est que la grammaire de l’ordre en place. Aucune guerre n’est « propre » et toutes les causes justes, on le sait, on ne le sait même que trop, ont pu à l’occasion se faire injustes : des communards ont exécuté dix hommes de foi, rue d’Haxo, en dépit des protestations de Vallès ; l’IRA provisoire a tué 12 civils en frappant l’établissement La Mon House Hostel (puis s’en est excusée) ; la branche armée de l’ANC sud-africain a posé une bombe à quelques pas de Church Square, tuant et blessant des civils (puis s’en est excusée) ; etc. L’injustice occasionnelle n’invalide en rien la cause juste ; elle l’amoindrit. Car ce qu’il reste à l’occupé qu’on écrase, disait Edward W. Saïd, c’est justement « la lutte morale ». Le PKK s’y évertue et, au Kurdistan syrien, les prisonniers de Daech sont maintenus en vie. Il ne saurait être question d’idéalisme abstrait mais de morale concrète – révolutionnaire, aurait dit Hô Chi Minh. Elle engage les militants, non sans d’immenses difficultés, et, peut-être plus encore, ceux qui, sans craindre pour leur vie, prennent par internationalisme position sur ces questions. Saïd poursuivait : il est du ressort des intellectuels « de soulever des questions d’ordre moral ». C’est en toute cohérence que le penseur palestinien, pourfendeur de l’occupation israélienne et de la collaboration palestinienne, s’est continûment levé contre la mise à mort des civils. « Je me suis toujours opposé au recours de la terreur », rappelait-il en 1995. Les attentats sont « moralement ignobles » et « stratégiquement nuls ». Toucher des enfants est « une abomination qui doit être condamnée sans conditions ».
    Le Hamas

    Il se trouve que le Hamas se réclame de l’idée révolutionnaire. Or révolutionnaire il ne l’est pas. Car l’idée révolutionnaire n’est rien d’autre que l’idée démocratique enfin réalisée. Le Hamas, dont les menées antidémocratiques ne sont plus à démontrer, ne constitue pas une force d’émancipation. « On sait même que les Israéliens ont soutenu Hamas au début pour affaiblir les courants laïcs et démocratiques de la résistance palestinienne. Bref, l’islam politique a été construit par l’action systématique de l’impérialisme soutenu bien entendu par les forces réactionnaires locales obscurantistes », a rappelé en 2006 l’économiste socialiste Samir Amin, contempteur résolu de l’islamisme en ce qu’il ne « peut être un adversaire authentique de la mondialisation capitaliste-impérialiste ». Enfant des Frères musulmans né au lendemain de la première Intifada, le Hamas s’est d’abord montré favorable à la fondation d’un État islamique. En 1993, il appelait dans un mémorandum à la « Guerre sainte » contre l’occupant et se dressait, dans sa charte fondatrice (amendée depuis), contre « l’idée laïque » telle que portée par l’OLP. Son ancrage contre-révolutionnaire était ouvertement revendiqué dans la charte en question : les Juifs, lisait-on, étaient à l’œuvre derrière la Révolution française et le communisme… L’antisémitisme est une triple trahison : de la cause humaine, palestinienne et révolutionnaire. Humaine, voilà qui se passe de commentaire ; palestinienne, car la guerre en cours n’oppose pas des Arabes et des Juifs mais une population colonisée, à la fois musulmane et chrétienne, et un régime d’apartheid ; révolutionnaire, car que serait cette tradition sans l’inestimable contribution juive ? À un projet raciste – « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » –, l’antiracisme fournit l’unique réponse.

    En toute logique, le Hamas témoigne son admiration pour Erdoğan et a encouragé, par la voix de Khaled Mechaal, l’opération de nettoyage ethnique kurde entreprise à Afrîn. Aucun partisan de l’égalité ne peut se montrer solidaire d’un ennemi de l’égalité. Il en va d’une élémentaire cohérence politique. Bien des Palestiniens ont mis en évidence le problème que pose le Hamas au sein du mouvement de libération. Lisons Edward W. Saïd, en 1995 : « Le Hamas et le Jihad islamique ne sauraient constituer une alternative : leur pensée réductrice, leur vision réactionnaire et leurs méthodes irrationnelles ne peuvent en aucun cas servir l’avènement d’un ordre social acceptable. » Lisons Mustapha Barghouti, fondateur de Palestinian National Initiative, dénonçant en 2004 « le fondamentalisme du Hamas ». Lisons Mahmoud Darwich, évoquant deux ans plus tard les succès électoraux de l’organisation islamiste : « Quand on défend une Palestine plurielle et laïque, on ne peut que craindre pour les droits des femmes, pour les jeunes et pour les libertés individuelles. » Lisons Georges Habbache, à la même époque : « Le modèle islamiste comporte beaucoup de points négatifs ; en termes de choix de société, notre vision est différente, notamment sur la question de la femme. Aujourd’hui, à Gaza, certains aspects sociaux de la vie quotidienne sont inquiétants. » Lisons enfin Leïla Khaled, figure socialiste de la lutte armée, en 2014 : « Le Hamas estime que la Palestine est un endroit sacré qui appartient aux musulmans, ce qui va à l’encontre de nos opinions ».

    “L’antisémitisme est une triple trahison : de la cause humaine, palestinienne et révolutionnaire.’‘
    joseph andras

    On ne saurait, tant s’en faut, réduire la question palestinienne à celle du Hamas. La Palestine était assujettie avant sa création ; elle continuera de l’être quand bien même celui-ci disparaîtrait. Le point central, c’est l’occupation. C’est l’apartheid. C’est, depuis 1948, la spoliation sans fin. Le Hamas n’en est pas moins une force palestinienne incontournable. Il est un acteur de la guerre et, à ce titre, quantité de ses opposants palestiniens savent qu’il faudra bien compter avec lui pour entrevoir quelque issue. Le Hamas est une maladie de l’occupation. Sa funeste résultante. Enfermez une population, privez-la de tout espoir, déchiquetez-la : les démocrates, mécaniquement, s’épuisent. « On a rendu Gaza monstrueux », vient de déclarer le cinéaste israélien Nadav Lapid. Bombarder la bande de Gaza, comme l’État israélien n’a de cesse de le faire, ajoute seulement à l’horreur. Ces bombardements pointent « officiellement » le Hamas ; ce dernier, supposément affaibli, vient pourtant de diligenter une opération militaire d’une envergure inégalée. Depuis 2008, quatre guerres ont été menées contre ce minuscule ghetto asphyxié. Une cinquième est en cours. L’opération Plomb durci a tué 1 315 Palestiniens – 65 % de civils, dont plus de 400 enfants. L’opération Pilier de défense a tué plus de 100 Palestiniens – dont 66 civils. L’opération Bordure protectrice a tué au moins 245 enfants. Au 12 octobre 2023, on compte plus de 1 400 morts, dont 447 enfants. Autant de crimes sans noms. Une vie, pourtant, ne paraît pas valoir une vie en Occident « démocratique ». Personne n’a allumé la tour Eiffel pour eux. Personne ne leur a apporté un « soutien inconditionnel ». Personne n’a organisé de minutes de silence en leur mémoire. Car, comme vient de l’admettre le « philosophe » Raphaël Enthoven : « Je pense qu’il faut marquer cette différence, que c’est même très important de la faire. Là encore, ça n’est pas commensurable. » Une franchise emblématique : l’esprit colonial au grand jour.
    Deux solutions politiques

    Un jour, comme toujours, les armes seront rangées. Ce jour n’est pas venu. Les forces d’émancipation kurdes ne se lassent pas de le scander, jusqu’en France : « Solution politique pour le Kurdistan ! » Le PKK a de longue date proposé un plan de paix et, par suite, le désarmement complet de ses unités. Tout est prêt sur le papier ; l’État turc s’y refuse et Erdoğan a mis un terme aux derniers pourparlers. Le PKK – et avec lui le parti de gauche HDP, quoique sous des modalités différentes, réformistes et légalistes – réclame l’autonomie des territoires kurdes au sein des frontières constituées. Non un État-nation indépendant, comme il le souhaitait originellement, mais le respect démocratique de la vie culturelle, linguistique et politique kurde dans les quatre portions du Kurdistan historique. « On ne peut concevoir de solution plus humaine et modeste », note Öcalan du fond de sa prison. La réélection d’Erdoğan au mois de mai repousse à nouveau l’espoir de la paix. Mais une solution, qui passera par la libération du leader du PKK, existe bel et bien sur la table – aux internationalistes de l’appuyer à leur façon.

    En Palestine, la fameuse « solution à deux États » est caduque de l’aveu de tous les analystes informés : une fable pour plateaux de télévision et discutailleries diplomatiques. Expansion coloniale oblige, un État palestinien – auquel le Hamas a finalement consenti – n’est plus à même de voir le jour. La Cisjordanie est totalement disloquée et aucune continuité territoriale n’est assurée avec Gaza. Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrits, a lui-même reconnu en juillet 2023 que « le rêve arabe d’un État en Cisjordanie n’est plus viable ». Il ne reste aux Palestiniens que deux alternatives : « renoncer à leurs aspirations nationales » (et vivre en Israël en tant qu’individus) ou « émigrer » dans un pays arabe. Pourtant, parmi les ruines, demeure une solution : un État « commun » ou « binational ». Perspective incommode, à l’évidence. Certainement pas réalisable dans l’immédiat. Mais des gens de justice s’y rallient de part et d’autre. En 2001, Michel Warschawski a publié l’ouvrage Israël-Palestine le défi binational : il invitait, sur le modèle sud-africain, à tourner la page de l’apartheid par « un État unitaire ». La décennie suivante, l’historien israélien Ilan Pappé y appelait à son tour : « décolonisation, changement de régime et solution à un État ». De leur vivant, Georges Habbache et Edward W. Saïd sont allés dans le même sens : le premier a loué « un État démocratique et laïc » comme « seule solution » ; le second indiqué que les Israéliens et les Palestiniens vivaient dans une promiscuité quotidienne telle qu’une séparation étatique n’avait aucun sens. Pour que le sang ne coule plus, reste à bâtir un espace de « citoyens égaux en paix sur une même terre ».

    “Un jour, comme toujours, les armes seront rangées“
    joseph andras

    Ici, oui, nous ne pouvons rien. Tout juste nous faire l’écho malaisé des voix démocratiques en lutte. C’est peu. Mais ce peu-là, entre les cris et l’hystérie médiatique française, vaut peut-être un petit quelque chose si l’on aspire à la libération des peuples.

    https://www.frustrationmagazine.fr/moyen-orient

    #colonisation #Hamas #nettoyage_ethnique #colonisation #résistance #oppression #lutte #7_octobre_2023 #droit #civils #paix #morale #guerre #révolution #idée_révolutionnaire #démocratie #émancipation #islam_politique #impérialisme #islamisme #Frères_musulmans #Intifada #antisémitisme #Palestine #Israël #apartheid #occupation #Gaza #bombardements #opération_Plomb_durci #opération_Pilier #opération_Bordure_protectrice #solution_à_deux_États #Etat_binational

    #à_lire

  • (J’ai lu pour vous...)

    Une agriculture sans agriculteurs, François Purseigle et Bertrand Hervieu (2023)

    A la réflexion, le titre est un peu étrange, il pourrait laisser penser qu’il s’agit de dépeindre une évolution allant vers une agriculture entièrement robotisée. En fait ce n’est pas tellement le sujet. Le livre traite de l’évolution de l’organisation sociale du travail agricole, mais sans vraiment s’attarder sur les techniques vers plus de mécanisation - ce fait est sous-entendu, avec simplement une note de bas de page vers le livre Reprendre la terres aux machines de l’Atelier paysan (p. 112) comme étant le fait d’agriculteurs résistant à cette tendance.

    Le livre aurait pu avoir comme titre, « la fin prochaine de l’agriculture familiale » ou plutôt « la fin de l’agriculteur qui fait tout », puisqu’il s’agit essentiellement de montrer que notre vision de l’organisation du travail agricole présent est déjà erronée et en décalage avec la réalité.

    Il y a bien eu un modèle de l’organisation du travail agricole, sur lequel l’industrialisation de l’agriculture s’est appuyée après 1945 : la ferme à 2 UTH, l’agriculteur et sa conjointe, un agriculteur locataire ou propriétaire de ses terres, qui cultive lui-même ces terres, avec ses outils et machines et qui habite sur place, avec un statut de travailleur indépendant. Aujourd’hui en France ce modèle ne concerne 37% des exploitations agricoles et 40% de la production agricole.

    Je résume le 2ème chapitre intitulé « Des entreprises éclatées ».

    A la place on a ce qu’on peut appeler une agriculture de firme, et en fait une organisation qui ressemble à celle des autres secteurs de productions industrielles, c’est-à-dire recourant à de la sous-traitance, faisant appel à des services extérieurs pour déléguer le travail agricole, et avec des montages juridiques plus complexes, et recourant à du salariat.

    « La ferme, entité juridique unipersonnelle rassemblant capitaux et conduite de l’activité, fait place à un enchevêtrement de sociétés dont les membres, souvent encore issus d’une même parentèle mais d’horizons désormais différents, possèdent des parts dans des proportions variables et n’entretiennent avec l’activité de production que des liens d’intérêt exclusivement financier. La dissociation des sphères de gestion est si affirmée que le travail lui-même peut être délégué ou sous-traité. C’est ce que nous avons appelé le processus d’abstraction du travail agricole. »

    On assiste donc à une délégation du travail agricole, à différentes échelles, là où ce qu’on appelait « l’agriculteur » faisait tout lui-même.

    Le principal moteur de cette tendance à la délégation du travail agricole ? La dégradation du taux de renouvellement des générations, combinée à la concentration croissante des structures (p. 116).

    On peut même avoir des tâches agricoles entièrement déléguées, avec un « chef de culture », salarié d’une ETA (entreprise de travaux agricoles) ou d’une CUMA (coopérative d’utilisation du matériel agricole), gérant ce qu’on appelle le « chantier complet » ou de « A à Z ».
    Ou même encore une délégation intégrale des travaux agricoles comprenant, en plus de cela, la gestion économique et administrative de l’exploitation. Une CUMA dite intégrale peut ainsi mutualiser du matériel et de la main-d’oeuvre, mais aussi le foncier de plusieurs exploitants pour définir un assolement commun. Le chef de culture peut faire ses choix seul ou conjointement avec les exploitants. Le chef de culture (ou land manager) supervise les chantiers, en faisant lui-même appel à d’autres entreprises, le semis étant réalisée par l’une, les traitements phytosanitaires, l’irrigation et la moisson par d’autres. Là dedans, ce qu’on appelle des « agriculteurs » encore considérés juridiquement comme exploitants peuvent être mobilisés à la marge pour quelques opérations.

    Citation d’un exploitant et également gérant d’une ETA :

    "Il y a beaucoup d’agriculteurs aujourd’hui qui font faire les travaux de A à Z parce que vous, vous héritez d’une propriété de votre père, vous avez un métier à côté, vous n’avez pas la connaissance, vous ne voulez pas vous embêter à ça et vous n’avez pas envie de laisser le foncier, vous avez envie de gagner un peu d’argent (...). Vous allez voir une ETA qui vous fait tout de A à Z et qui va vous dire à 350 € l’hectare, je vous fais tout, du labour à la récolte. Ne vous embêtez pas. Vous choisissez quelqu’un avec qui vous avez confiance, qui fait le travail comme il faut en lui faisant un contrat, le type, il vous fait tout.

    Moi j’ai des gens, je leur fais la moisson depuis quelques années, ils arrivent à la retraite dans deux ans. Ils ont 130 hectares. ils ont deux fils, un qui est prof à Toulouse et l’autre, médecin à Montpellier. Tous les deux, c’est un patrimoine de famille, ils n’ont pas envie de laisser la terre et ils m’ont demandé de venir les voir l’autre jour, de discuter avec eux : « Je vous le prends en fermage, je vous travaille tout et je vous paye en fermage ? ». Tous les deux m’ont dit : « Non. On voudrait rester, mais on n’a pas envie de s’emmerder avec ça, on n’y connaît rien. On voudrait que tu nous fasses une prestation complète de A à Z, que tu nous fasses l’assolement, que tu nous fasses tout » Le fermage fait peur aujourd’hui. Eux ils veulent rester maîtres de leur terre."

    En 2016, 7% des exploitations sont ainsi intégralement déléguées, et particulièrement (jusqu’à 18%) dans les régions Midi-Pyrénées, Aquitaine, Poitou-Charentes, Centre, Bretagne, Basse-Normandie et Champagne-Ardenne.

    Le numérique participe de cette tertiarisation de la production agricole, au travers de plateformes d’intermédiation des échanges (il en existe entre 100 et 200 en France). Les prestataires s’inscrivent sur le site en indiquant leurs offres (outils, prix, disponibilités) tandis que les agriculteurs à la recherche d’un prestataire indiquent les caractéristiques du travail à réaliser. Il peut même y avoir des facilités de paiement en lissant les versements sur l’année.

    Les grandes entreprises agricoles en 2010 représentaient déjà 30% du produit agricole. Ses caractéristiques :
    – Un empilement de structures juridiques correspondant à des entités productives et à une multiplicité de sphères de prise de décision ayant chacune leurs finalités propres
    – Un niveau élevé d’investissement financier et technologique
    – Une mobilisation conséquente de ressources matérielles et immatérielles d’origine non agricole
    – Une distanciation de la relation famille/entreprise agricole, avec le recours à des capitaux externes, au salariat et à la délégation d’activités
    – Un développement de logiques financières et de gestion patrimoniale avec l’implication de nouveaux acteurs (société d’investissement, grande familles d’entrepreneurs, industriels, etc).
    – Une multi-localisation de l’activité, avec un degré souvent faible de relation au territoire
    Tout cela renvoie à une rationalisation de la production et du travail, ordonnée à un objectif de production de masse à bon marché.

    Le 3è chapitre est plus centré sur les différentes organisations et institutions agricoles, la représentation encore importante mais déclinante des agriculteurs dans la société française, tous ces éléments restant basés sur l’ancien modèle de l’agriculture familiale, donc une représentation erronée. Le sous-titre du livre étant « la révolution indicible », les auteurs cherchent à faire reconnaître cette réalité actuelle aujourd’hui impensée. Il y a finalement une panne de projet collectif autour de l’agriculture :

    « Face à une réussite dans précédent mais désormais inopérante pour l’avenir, les agriculteurs se trouvent en panne de projet collectif, comme si le projet propre à la seconde moitié du XXè siècle était indépassable. Ils semblent prisonniers de leur réussite, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour un milieu qui a tant souhaité, par l’entrée dans la modernité, se libérer des carcans matériels et culturels hérités du passé ». (p. 191)

    Mon commentaire : Ce qui m’a intéressé dans ce livre était de comprendre comment l’agriculture évolue dès à présent, sous la contrainte des très nombreuses fermes qui ne sont pas reprises par d’autres jeunes, pour différentes raisons. Finalement, il s’opère un changement de l’organisation du travail agricole, avec des héritiers d’anciennes familles agricoles conservant la propriété des terres : les fermes ne sont pas tant « reprises », j’imagine, que séparés en différents éléments. La poursuite de l’industrialisation est en train de balayer le modèle familial de l’agriculteur et son statut de travailleur indépendant.
    Ironiquement, on observe aussi la tendance paradoxale du capitalisme à une mise en commun et à une coopération plus grande qu’au stade précédent (tout en restant dans un paradigme global concurrentiel). Tandis qu’à l’inverse, les alternatives à cette tendance (micro-fermes, permaculture, etc) montrent souvent des projets où c’est une personne seule qui s’installe comme agriculteur, et qui saurait tout et saurait tout faire... jusqu’à ses propres machines. Le degré de mutualisation est donc paradoxalement bien plus faible dans les contre-modèles à cette agriculture de firme, contre lesquels on tente de résister.

    #agriculture #capitalisme

  • Pierre Stambul + Mariam Abou Daqqa : là y’a vraiment du level | Mediapart | 18.10.23

    https://www.mediapart.fr/journal/international/181023/mariam-abou-daqqa-le-gouvernement-m-assimile-une-terroriste-parce-que-je-d

    Pierre Stambul se souvient précisément du jour où il a rencontré Mariam Abou Daqqa à Gaza. C’était il y a sept ans. « Elle s’est présentée devant moi ainsi : “Je suis une femme palestinienne qui se bat contre l’occupation de mon pays et contre le patriarcat de ma propre société.” »

    Voir cette figure militante et intellectuelle palestinienne, dépeinte selon lui comme une « dangereuse terroriste » par le gouvernement français, « choque profondément » le porte-parole de l’Union juive française pour la paix (UJFP), dont les parents ont débarqué apatrides à Marseille en 1938, d’un pays qui n’existe plus, la Bessarabie, entre la Moldavie et l’Ukraine.

    Pour ce fils de l’un des rares survivants du groupe Manouchian, qui fut déporté à Buchenwald, et qui rappelle d’emblée être également le petit-fils de deux rescapées du pogrom de Kichinev en Bessarabie en 1903, ce qui arrive à Mariam Abou Daqqa, 72 ans, est « une dérive inquiétante de l’État français »

    • un pays qui n’existe plus, la Bessarabie

      Ça calme, quand même, non ? Des pays ont disparu au milieu du XXe siècle !

    • Mariam Abou Daqqa : C’est cela la démocratie française ? Ce n’est pas tolérable. Nous avons lancé une action en justice pour faire valoir mes droits.

      Pierre Stambul : Cet arrêté d’expulsion est totalement surréaliste. Tout est mélangé : la guerre, l’attentat d’Arras, le mouvement BDS, le militant Georges Ibrahim Abdallah. On est passé dans une phase de criminalisation de toute la Palestine, d’assimilation de la Palestine au terrorisme de la part d’un gouvernement qui laisse les migrants se noyer en Méditerranée.

    • du même Stambul :

      Quel est le projet israélien ? Je vais vous le dire : se débarrasser des Palestiniens avec la complicité de la communauté internationale, en annexant la Cisjordanie et en organisant une nouvelle Nakba, en expulsant les Gazaouis dans le désert du Sinaï, auxquels les Nations unies donneront de l’argent pour qu’ils puissent planter des tentes et survivre.

      Les premiers responsables de ce qui est en train de se passer, ce ne sont pas seulement les suprémacistes et les fascistes qui sont au pouvoir en Israël, c’est toute la communauté internationale. Ce n’est pas seulement la France, l’Allemagne, l’Union européenne, la Grande-Bretagne, l’Otan, c’est tous ceux qui donnent à Nétanyahou le permis de tuer sans être jugé et en prétendant que c’est un État démocratique et que ce sont les autres qui sont les terroristes.

    • L’expulsion de la militante Mariam Abou Daqqa suspendue par la justice, le ministère de l’intérieur va faire appel
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/20/l-expulsion-de-la-militante-mariam-abou-daqqa-suspendue-par-la-justice-le-mi

      « Le ministre de l’Intérieur a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté d’aller et venir » de Mme Abou Daqqa, estime le juge des référés....

      #libertés_politique #expulsion

    • en attendant, elle est assignée à résidence pour 45 jours dans un hôtel de Marseille, avec :

      – couvre feu de 22h à 7h = interdiction de sortir - et sans doute flic devant la porte de l’hôtel pour vérifier,

      – obligation de pointer tous les jours à 12h30 dans un commissariat Marseillais ;

      ça limite un peu les déplacements ; et la liberté d’aller et venir.

      l’article de l’AFP rappelle :

      Lundi dernier, Mme Abou Daqqa avait été assignée à résidence dans les Bouches-du-Rhône 45 jours, jusqu’à la fin de novembre, avec l’obligation de pointer tous les jours à 12 h 30 au commissariat, dans l’attente de son expulsion.

      mais ne dit pas si la décision du trib administratif suspend aussi son assignation à résidence.

    • Yaël Braun-Pivet passe son week-end en terre sainte. Un voyage « de soutien » et « humanitaire », selon l’AFP. Elle est accompagnée de la crème des humanistes... Éric Ciotti, qui réclame le gel de l’aide à Gaza, du député des Français de l’étranger Meyer Habib, la voix de Netanyahou en France et du député Renaissance Mathieu Lefèvre, président du groupe d’amitié France-Israël.
      https://www.ouest-france.fr/politique/yael-braun-pivet/yael-braun-pivet-se-rend-en-israel-ce-soir-jusqua-dimanche-b38fabd0-6ff

      La mère tape dur pense probablement que l’armée de Tsahal exerce sa mission de façon merveilleuse comme la police et la gendarmerie française cet été.
      https://www.france.tv/france-2/telematin/5071101-les-4-verites-yael-braun-pivet.html

      Sur son chamboule tout [Xtwitter] début 2023
      https://twitter.com/YaelBRAUNPIVET/status/1616433177496543236

      Honorée de recevoir le Président Nicolas Sarkozy
      à l’Assemblée. Des échanges chaleureux et une hauteur de vue précieuse sur la France et le monde d’aujourd’hui.

      Pour sa précieuse hauteur de vue, à moins que le nabot à son côté soit monté sur un escabeau, ils sont à peu près de la même hauteur. Par contre, pour la taille de leur égo je ne saurai pas dire.

  • George Orwell: Looking Back on the Spanish War
    https://www.orwellfoundation.com/the-orwell-foundation/orwell/essays-and-other-works/looking-back-on-the-spanish-war

    I have little direct evidence about the atrocities in the Spanish Civil War. I know that some were committed by the Republicans, and far more (they are still continuing) by the Fascists. But what impressed me then, and has impressed me ever since, is that atrocities are believed in or disbelieved in solely on grounds of political predilection. Everyone believes in the atrocities of the enemy and disbelieves in those of his own side, without ever bothering to examine the evidence. Recently I drew up a table of atrocities during the period between 1918 and the present; there was never a year when atrocities were not occurring somewhere or other, and there was hardly a single case when the Left and the Right believed in the same stories simultaneously. And stranger yet, at any moment the situation can suddenly reverse itself and yesterday’s proved-to-the-hilt atrocity story can become a ridiculous lie, merely because the political landscape has changed.

  • “Un nettoyage ethnique en Palestine” – Kaoutar harchi & joseph andras
    https://www.frustrationmagazine.fr/nettoyage-ethnique-palestine

    Un nettoyage ethnique a cours sous nos yeux. Ne pas le dire c’est y prendre part. Chaque silence vaut blanc-seing. Chaque fausse parole aussi. Écoutons Catherine Colonna, ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères : « Israël a le droit de se défendre face à la monstruosité du Hamas et du danger qu’il représente. Sa réponse […]