Reka

géographe cartographe information designer - rêveur utopiste et partageur de savoirs

  • Les pays restent-ils toujours à la même place ?

    https://visionscarto.net/danemark-mouvant
    par Jacob Høxbroe Jeppesen, Fondateur d’Atla.ai, Århus, Danemark

    On croit, à tort, que les contours de nos pays sont immuables... Mais la mer avance et les terres reculent.

  • Les pays restent-ils toujours à la même place ?

    https://visionscarto.net/danemark-mouvant
    par Jacob Høxbroe Jeppesen, Fondateur d’Atla.ai, Århus, Danemark

    On croit, à tort, que les contours de nos pays sont immuables... Mais la mer avance et les terres reculent.

  • [46] Un jour, une archive – 14 août : Les Roums, citoyens d’Istanbul (2011)

    https://visionscarto.net/les-roums-citoyens-d-istanbul

    par Céline Pierre-Magnani

    L’évocation de « la Ville », en grec i Poli (η Πόλη), nous mène directement à Istanbul… Les hellénophones orthodoxes ont prospéré sur les rives du Bosphore depuis des milliers d’années. Dans l’historiographie grecque, l’Empire byzantin est présenté comme l’apogée de la culture hellène, et la continuité revendiquée par la communauté roum (communauté des Grecs d’Istanbul) durant toute la période ottomane a contribué à perpétuer le visage cosmopolite de cette gigantesque agglomération. La naissance de la République en 1923 et la volonté d’affirmation de l’État-nation turc ont conduit à définir un statut juridique pour les Roums, dès lors reconnus comme une « minorité ».

  • [46] Un jour, une archive – 14 août : Les Roums, citoyens d’Istanbul (2011)
    https://visionscarto.net/les-roums-citoyens-d-istanbul
    par Céline Pierre-Magnani

    L’évocation de « la Ville », en grec i Poli (η Πόλη), nous mène directement à Istanbul… Les hellénophones orthodoxes ont prospéré sur les rives du Bosphore depuis des milliers d’années. Dans l’historiographie grecque, l’Empire byzantin est présenté comme l’apogée de la culture hellène, et la continuité revendiquée par la communauté roum (communauté des Grecs d’Istanbul) durant toute la période ottomane a contribué à perpétuer le visage cosmopolite de cette gigantesque agglomération. La naissance de la République en 1923 et la volonté d’affirmation de l’État-nation turc ont conduit à définir un statut juridique pour les Roums, dès lors reconnus comme une « minorité ».

  • Au cœur du #lobbying européen

    S’il est fréquent de dénoncer le travail des lobbyistes à Bruxelles, peu de travaux tentent de comprendre les raisons de leur #influence. Jean Comte renverse ici la perspective, et s’interroge sur l’#utilité qu’ont les représentants d’intérêts pour ceux qui font les lois. Il met ainsi en lumière la fonction peu connue mais essentielle des #lobbys comme passeur d’#information et d’#expertise, depuis les secteurs qu’ils défendent vers les institutions européennes. Ce faisant s’explique la position incontournable qu’ils ont acquise dans la machine institutionnelle européenne.

    https://pressesuniversitairesdeliege.be/produit/au-coeur-du-lobbying-europeen
    #lobby #UE #EU #Union_européenne #livre

  • Berlin, 13.8.1961
    https://www.openstreetmap.org/node/3034708085#map=19/52.53834/13.39567

    Quelques fainéants et rockers au solde du pouvoir impérialiste regardent des ouvriers socialistes au travail. Sur la photo on reconnaît l’interprétation socialiste du plein emploi. Un ouvrier travaille, un deuxième attend son tour, tous les deux sont payés. On se demande pourquoi cette forme de société n’est plus aussi populaire qu’à l’époque. Côté spectateurs on remarque les imitations d’Harley Davidson fabriquées maison.

    A Berlin le pouvoir ne cesse de se rendre ridicule dans sa tentative de ressembler à son idole de Washington. ;-)

    Pourquoi ce commentaire à peine cynique ? Parce qu’il est aussi vrai et authenitique (je vous l’assure, j’étais sur place !) que tous les discours que vous allez entendre aujourd’hui.

    On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. Vu comme ça cet événement historique constituait la tentative desespérée d’en finir avec le sabotage permanent par Bonn et Washington de la construction d’une économie et société socialiste. A mon avis c’était un acte cru qui en fin de compte a contribué à l’échec du modèle de société post-stalinienne. En même temps le mur nous a protégé pendant 28 ans contre l’avancée des forces qu’on connaît aujourd’hui sous l’appellation « neocon » et « néolibérale ».

    La guerre d’Ukraine risquait de commencer cinquante ans plus tôt en 1964, au moins c’est ce que fait penser l’envoi de commandos parachutés en Ukraine par les anciens nazis de Pullach et leurs commanditaires à Langley. Le mur de Berlin a donc contribué à nous épargner une grande guerre et nous a permis de jouir d’une époque de rapprochement entre les peuples jusqu’au putsch contre Gorbatchev et la démocratie naissante en Union Soviétique.

    Après les guerres ont recommencé en Europe, d’abord avec la guerre civile pendant la déstruction de la République fédérative socialiste de Yougoslavie à partir de 1991. Ensuite on assisté avec effroi au bombardement de la République fédérale de Yougoslavie par l’OTAN en 1999. Actuellement nous vivons la deuxième phase d’une époque de guerres permanentes dont le développement ne suit plus la logique des guerres mondiales du passé.

    Nos enfants sont alors confrontés à la tâche de survivre pendant l’actuelle période des Royaumes combattants de l’age impérialiste sur fond de catastrophe climatique. Comme si ce n’était pas assez il leur revient aussi l’obligation de préparer la société qui mettra fin à ces bains de sang. Les forces en mouvement sont désormais trop grandes pour qu’un mur aussi long et haut qu’il soit puisse encore arrêter les guerres et flux migratoires conséquents.

    Le 13 août 1961 serait une date nostalgique rappellant une époque meilleure si le mur de Berlin avait fonctionné comme prévu par ses constructeurs et s’il n’y avait pas eu au moins 140 victimes à plaindre qui ont payé de leur vie le maintien d’un équlibre précaire mondial.

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9riode_des_Royaumes_combattants
    https://de.m.wikipedia.org/wiki/Central_Intelligence_Agency
    https://de.m.wikipedia.org/wiki/Organisation_Gehlen
    https://de.m.wikipedia.org/wiki/Bundesnachrichtendienst

    #Berlin #mur #Bernauer_Straße #Brunnenstraße ? #photographie #histoire #WTF #1961 #police

  • [45] Un jour, une archive – 13 août : Cartes heuristiques ou « Vivre mieux avec Sénèque » !
    https://visionscarto.net/cartes-heuristiques

    par Camille Euris qui écrit :

    Les cartes heuristiques présentées ci-dessous sont des schémas de synthèse d’une réflexion sur un thème précis. Généralement réalisés à partir d’une ou plusieurs sources, ces dessins me permettent de réfléchir en tournant autour d’un sujet, d’un problème ou d’une question. Il ne s’agit plus d’avancer de haut en bas, comme si la pensée était hiérarchisée mais plutôt d’envisager les variables qui composent une idée comme placées en orbite autour d’un centre qui les relie. Ces cartes sont un moyen de détente qui ne prétend pas démontrer une vérité ou étaler son savoir, mais plutôt dépeindre un thème comme un paysage que chacun et chacune pourra explorer, s’approprier, corriger, améliorer, approfondir en continuant le schéma pour soi-même.

  • [45] Un jour, une archive – 13 août : Cartes heuristiques ou « Vivre mieux avec Sénèque » !

    https://visionscarto.net/cartes-heuristiques

    par Camille Euris qui écrit :

    Les cartes heuristiques présentées ci-dessous sont des schémas de synthèse d’une réflexion sur un thème précis. Généralement réalisés à partir d’une ou plusieurs sources, ces dessins me permettent de réfléchir en tournant autour d’un sujet, d’un problème ou d’une question. Il ne s’agit plus d’avancer de haut en bas, comme si la pensée était hiérarchisée mais plutôt d’envisager les variables qui composent une idée comme placées en orbite autour d’un centre qui les relie. Ces cartes sont un moyen de détente qui ne prétend pas démontrer une vérité ou étaler son savoir, mais plutôt dépeindre un thème comme un paysage que chacun et chacune pourra explorer, s’approprier, corriger, améliorer, approfondir en continuant le schéma pour soi-même.

  • [44] Un jour, une archive – 12 août : Le monde vu de… Pékin – Évolution des visions cartographiques sur dix ans (2003-2013).

    L’archive que je rediffuse aujourd’hui, est un voyage dans le temps d’une vision cartographique : le monde vu de Chine, de son environnement immédiat, à ce que je pensais être la perception de sa place et de ses interactions avec le reste du Monde.

    En 2003, la vision est très resserrée, et ne figurent que les conflits et différends frontaliers aux marges intérieures et extérieures du pays : elle se « desserre » très légèrement en 2006 et commence à intégrer quelques éléments économiques et stratégiques. Mais cette deuxième version reste encore très (trop) complexe et difficile à appréhender, avec une légende bien trop développée, bien qu’elle soit relativement complète.

    Changement d’échelle pour la version de 2009 où j’introduis une donnée nouvelle : les liens systémiques chinois avec d’autres régions du monde, avec en particulier le renforcement des liens avec les pays importants pour son approvisionnement en matières premières, à l’époque pour nourrir sa croissance fulgurante.

    La dernière version produite en 2012 figure un décentrement et un renversement : la projection déformée est sino-centrée, l’Aise devient le centre dynamique avec l’Inde et l’Asie du Sud-Est en particulier, et en « marge » du monde, si je puis dire, les grandes puissances traditionnelles, ce qu’on appelait « Triade », représentée en forme de régions « stagnantes » (mais il faut bien sur relativiser, il s’agissait surtout de symboliser des taux de croissance infiniment plus lent de ceux des pays asiatiques émergents).

    2003 - Le monde vu de Pékin : conflits frontaliers et revendications territoriales
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-frontieres

    2006 - Le monde vu de Pékin : l’encerclement géostratégique
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-encerclement

    2009 - Le monde vu de Pékin : desserrer l’encerclement
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-dans-la-cours-des-grands

    2012 - Le monde vu de Pékin : l’œuf asiatique
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-oeuf-asiatique

    Cette collection spatio-temporelle de quatre cartes est accompagnée de deux cartes complémentaires, la première représentant un retour détaillé, à plus grande échelle, de la Chine dans ses liens économiques et géostratégiques avec son voisinage, la deuxième une figuration de la Chine dans les rouages du système monde (disons de la mondialisation pour faire plus simple) qui reprend les rouages imbriqués que j’avais déjà utilisé pour la carte de la « Grande roue africaine ».

    2008 - La Chine dans son environnement géopolitique
    https://visionscarto.net/chine-inde-puissances-maritimes

    2013 - Le système Chine dans la mondialisation
    https://visionscarto.net/le-systeme-chine

  • #Francesco_Sebregondi : « On ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme »

    Après avoir travaillé pour #Forensic_Architecture sur les morts d’#Adama_Traoré et de #Zineb_Redouane, l’architecte #Francesco_Sebregondi a créé INDEX, pour enquêter sur les #violences_d’État et en particulier sur les violences policières en #France et depuis la France. Publié plusieurs semaines avant la mort de Nahel M., cet entretien mérite d’être relu attentivement. Rediffusion d’un entretien du 22 avril 2023

    C’est en 2010 que l’architecte, chercheur et activiste Eyal Weizman crée au Goldsmiths College de Londres un groupe de recherche pluridisciplinaire qui fera date : Forensic Architecture. L’Architecture forensique avait déjà fait l’objet d’un entretien dans AOC.

    Cette méthode bien particulière avait été créée à l’origine pour enquêter sur les crimes de guerre et les violations des droits humains en utilisant les outils de l’architecture. Depuis, le groupe a essaimé dans différentes parties du monde, créant #Investigative_Commons, une communauté de pratiques rassemblant des agences d’investigation, des activistes, des journalistes, des institutions culturelles, des scientifiques et artistes (la réalisatrice Laura Poitras en fait partie), etc. Fondé par l’architecte Francesco Sebregondi à Paris en 2020, #INDEX est l’une d’entre elles. Entre agence d’expertise indépendante et média d’investigation, INDEX enquête sur les violences d’État et en particulier sur les violences policières en France et depuis la France. Alors que les violences se multiplient dans le cadre des mouvements sociaux, comment « faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents » ? Si la vérité est en ruines, comment la rétablir ? OR

    Vous avez monté l’agence d’investigation INDEX après avoir longtemps travaillé avec Forensic Architecture. Racontez-nous…
    Forensic Architecture est né en 2010 à Goldsmiths à Londres. À l’origine, c’était un projet de recherche assez expérimental, pionnier dans son genre, qui cherchait à utiliser les outils de l’architecture pour enquêter sur les violations des #droits_humains et en particulier du droit de la guerre. La période était charnière : avec l’émergence des réseaux sociaux et des smartphones, les images prises par des témoins étaient diffusées très rapidement sur des réseaux souvent anonymes. La quantité d’#images et de #documentation_visuelle disponible commençait à augmenter de manière exponentielle et la démocratisation de l’accès à l’#imagerie_satellitaire permettait de suivre d’un point de vue désincarné l’évolution d’un territoire et les #traces qui s’y inscrivaient. La notion de #trace est importante car c’est ce qui nous relie à la tradition de l’enquête appliquée plus spécifiquement au champ spatial. Les traces que la #guerre laisse dans l’#environnement_urbain sont autant de points de départ pour reconstruire les événements. On applique à ces traces une série de techniques d’analyse architecturale et spatiale qui nous permettent de remonter à l’événement. Les traces sont aussi dans les documents numériques, les images et les vidéos. Une large partie de notre travail est une forme d’archéologie des pixels qui va chercher dans la matérialité même des documents numériques. On peut reconstituer les événements passés, par exemple redéployer une scène en volume, à partir de ses traces numériques en image.

    Quels en ont été les champs d’application ?
    À partir du travail sur les conflits armés, au sein de Forensic Architecture, on a développé une série de techniques et de recherches qui s’appliquent à une variété d’autres domaines. On commençait à travailler sur les violences aux frontières avec le projet de Lorenzo Pezzani et Charles Zeller sur les bateaux de migrants laissés sans assistance aux frontières méditerranéennes de l’Europe, à des cas de #violences_environnementales ou à des cas de violences policières… L’origine de notre approche dans l’enquête sur des crimes de guerre faisait qu’on avait tendance à porter un regard, depuis notre base à Londres, vers les frontières conflictuelles du monde Occidental. On s’est alors rendus compte que les violences d’État qui avaient lieu dans des contextes plus proches de nous, que ce soit en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Grèce, pouvaient bénéficier d’un éclairage qui mobiliserait les mêmes techniques et approches qu’on avait à l’origine développées pour des situations de conflits armés. Tout cela est en lien assez direct avec la militarisation de la #police un peu partout dans le Nord global, le contexte occidental, que ce soit au niveau des #armes utilisées qu’au niveau des #stratégies employées pour maintenir l’ordre.

    La France vous a ensuite semblé être un pays depuis lequel enquêter ?
    Je suis revenu vivre en France en 2018 en plein milieu de la crise sociale autour du mouvement des Gilets jaunes et de son intense répression policière. Dès ce moment-là, il m’a semblé important d’essayer d’employer nos techniques d’enquête par l’espace et les images pour éclairer ce qui était en train de se passer. On en parlait aussi beaucoup. En 2020, j’ai dirigé les enquêtes sur la mort d’Adama Traoré et de Zineb Redouane pour le compte de Forensic Architecture depuis la France avec une équipe principalement française. C’était une période d’incubation d’INDEX en quelque sorte. Ces enquêtes ont initié notre travail sur le contexte français en rassemblant des moyens et une équipe locale.
    On est aujourd’hui dans un rapport de filiation assez clair avec Forensic Architecture même si INDEX est structurellement autonome. Les deux organisations sont très étroitement liées et entretiennent des relations d’échange, de partage de ressources, etc. Tout comme Forensic Architecture, INDEX est l’une des organisations du réseau international Investigative Commons qui fédère une douzaine de structures d’investigation indépendantes dans différents pays et qui travaillent à l’emploi des techniques d’enquêtes en sources ouvertes dans des contextes locaux.

    Il existe donc d’autres structures comme INDEX ?
    Elles sont en train d’émerger. On est dans cette phase charnière très intéressante. On passe d’une organisation reconnue comme pionnière dans l’innovation et les nouvelles techniques d’enquête à tout un champ de pratiques qui a encore beaucoup de marge de développement et qui, en se frottant à des contextes locaux ou spécifiques, vient éprouver sa capacité à interpeller l’opinion, à faire changer certaines pratiques, à demander de la transparence et des comptes aux autorités qui se rendent responsables de certaines violences.

    On utilise depuis toujours le terme d’enquête dans les sciences humaines et sociales mais l’on voit aujourd’hui que les architectes, les artistes s’en emparent, dans des contextes tous très différents. Qu’est-ce que l’enquête pour INDEX ?
    On emploie le terme d’#enquête dans un sens peut-être plus littéral que son usage en sciences humaines ou en recherche car il est question de faire la lumière sur les circonstances d’un incident et d’établir des rapports de causalité dans leur déroulement, si ce n’est de responsabilité. Il y a aussi cette idée de suivre une trace. On travaille vraiment essentiellement sur une matière factuelle. L’enquête, c’est une pratique qui permet de faire émerger une relation, un #récit qui unit une série de traces dans un ensemble cohérent et convaincant. Dans notre travail, il y a aussi la notion d’#expertise. Le nom INDEX est une contraction de « independant expertise ». C’est aussi une référence à la racine latine d’indice. Nous cherchons à nous réapproprier la notion d’expertise, trop souvent dévoyée, en particulier dans les affaires de violences d’État sur lesquelles on travaille.

    Vos enquêtes s’appuient beaucoup sur les travaux d’Hannah Arendt et notamment sur Vérité et politique qui date de 1964.
    On s’appuie beaucoup sur la distinction que Hannah Arendt fait entre #vérité_de_fait et #vérité_de_raison, en expliquant que les vérités de fait sont des propositions qui s’appuient sur l’extérieur, vérifiables, et dont la valeur de vérité n’est possible qu’en relation avec d’autres propositions et d’autres éléments, en particuliers matériels. La vérité de raison, elle, fait appel à un système de pensée auquel on doit adhérer. C’est à partir de cette distinction qu’Arendt déploie les raisons pour lesquelles #vérité et #politique sont toujours en tension et comment la pratique du politique doit s’appuyer sur une série de vérités de raison, sur l’adhésion d’un peuple à une série de principes que le pouvoir en place est censé incarner. Ainsi, le pouvoir, dépendant de cette adhésion, doit tenir à distance les éléments factuels qui viendraient remettre en cause ces principes. C’est ce qu’on essaye de déjouer en remettant au centre des discussions, au cœur du débat et de l’espace public des vérités de fait, même quand elles sont en friction avec des « #vérités_officielles ».
    Du temps d’Hannah Arendt, le politique avait encore les moyens d’empêcher la vérité par le régime du secret. C’est beaucoup moins le cas dans les conditions médiatiques contemporaines : le problème du secret tend à céder le pas au problème inverse, celui de l’excès d’informations. Dans cet excès, les faits et la vérité peuvent se noyer et venir à manquer. On entend alors parler de faits alternatifs, on entre dans la post-vérité, qui est en fait une négation pure et simple de la dimension sociale et partagée de la vérité. Si on veut résister à ce processus, si on veut réaffirmer l’exigence de vérité comme un #bien_commun essentiel à toute société, alors, face à ces défis nouveaux, on doit faire évoluer son approche et ses pratiques. Beaucoup des techniques développées d’abord avec Forensic Architecture et maintenant avec INDEX cherchent à développer une culture de l’enquête et de la #vérification. Ce sont des moyens éprouvés pour mettre la mise en relation de cette masse critique de données pour faire émerger du sens, de manière inclusive et participative autant que possible.

    L’#architecture_forensique, même si elle est pluridisciplinaire, s’appuie sur des méthodes d’architecture. En quoi est-ce particulièrement pertinent aujourd’hui ?
    L’une des techniques qui est devenue la plus essentielle dans les enquêtes que l’on produit est l’utilisation d’un modèle 3D pour resituer des images et des vidéos d’un événement afin de les recouper entre elles. Aujourd’hui, il y a souvent une masse d’images disponibles d’un événement. Leur intérêt documentaire réside moins dans l’individualité d’une image que sur la trame de relations entre les différentes images. C’est la #spatialisation et la #modélisation en 3D de ces différentes prises de vue qui nous permet d’établir avec précision la trame des images qui résulte de cet événement. Nous utilisons les outils de l’architecture à des fins de reconstitution et de reconstruction plus que de projection, que ce soit d’un bâtiment, d’un événement, etc.

    Parce qu’il faut bien rappeler que vos enquêtes sont toujours basées sur les lieux.
    L’environnement urbain est le repère clé qui nous permet de resituer l’endroit où des images ont été prises. Des détails de l’environnement urbain aussi courants qu’un passage piéton, un banc public, un kiosque à journaux ou un abribus nous permettent de donner une échelle pour reconstituer en trois dimensions où et comment une certaine scène s’est déroulée. Nous ne considérons pas l’architecture comme la pratique responsable de la production de l’environnement bâti mais comme un champ de connaissance dont la particularité est de mettre en lien une variété de domaines de pensées et de savoirs entre eux. Lorsqu’on mobilise l’architecture à des fins d’enquête, on essaye de faire dialoguer entre elles toute une série de disciplines. Nos équipes mêmes sont très interdisciplinaires. On fait travailler des vidéastes, des ingénieurs des matériaux, des juristes… le tout pour faire émerger une trame narrative qui soit convaincante et qui permette de resituer ce qui s’est passé autour de l’évènement sous enquête.

    L’historienne Samia Henni qui enseigne à Cornell University aux États-Unis, et qui se considère « historienne des environnements bâtis, détruits et imaginés », dit qu’apprendre l’histoire des destructions est aussi important que celles des constructions, en raison notamment du nombre de situations de conflits et de guerres sur la planète. Quand on fait du projet d’architecture, on se projette en général dans l’avenir. En ce qui vous concerne, vous remodélisez et reconstituez des événements passés, souvent disparus. Qu’est-ce que ce rapport au temps inversé change en termes de représentations ?
    Je ne suis pas sûr que le rapport au temps soit inversé. Je pense que dans la pratique de l’enquête, c’est toujours l’avenir qui est en jeu. C’est justement en allant chercher dans des événements passés, en cherchant la manière précise dont ils se sont déroulés et la spécificité d’une reconstitution que l’on essaye de dégager les aspects structurels et systémiques qui ont provoqué cet incident. En ce sens, ça nous rapproche peut-être de l’idée d’#accident de Virilio, qui est tout sauf imprévisible.
    L’enjeu concerne l’avenir. Il s’agit de montrer comment certains incidents ont pu se dérouler afin d’interpeller, de demander des comptes aux responsables de ces incidents et de faire en sorte que les conditions de production de cette #violence soient remises en question pour qu’elle ne se reproduise pas. Il s’agit toujours de changer les conditions futures dans lesquelles nous serons amenés à vivre ensemble, à habiter, etc. En cela je ne pense pas que la flèche du temps soit inversée, j’ai l’impression que c’est très proche d’une pratique du projet architectural assez classique.

    Vous utilisez souvent le terme de « violences d’État ». Dans une tribune de Libération intitulée « Nommer la violence d’État » en 2020, encore d’actualité ces temps-ci, l’anthropologue, sociologue et médecin Didier Fassin revenait sur la rhétorique du gouvernement et son refus de nommer les violences policières. Selon lui, « ne pas nommer les violences policières participe précisément de la violence de l’État. » Il y aurait donc une double violence. Cette semaine, l’avocat Arié Alimi en parlait aussi dans les colonnes d’AOC. Qu’en pensez-vous ?
    Je partage tout à fait l’analyse de Didier Fassin sur le fait que les violences d’État s’opèrent sur deux plans. Il y a d’une part la violence des actes et ensuite la violence du #déni des actes. Cela fait le lien avec l’appareil conceptuel développé par Hannah Arendt dans Vérité et politique. Nier est nécessaire pour garantir une forme de pouvoir qui serait remise en question par des faits qui dérangent. Cela dit, il est important de constamment travailler les conditions qui permettent ou non de nommer et surtout de justifier l’emploi de ces termes.

    Vous utilisez le terme de « violences d’État » mais aussi de « violences policières » de votre côté…
    Avec INDEX, on emploie le terme de « violences d’État » parce qu’on pense qu’il existe une forme de continuum de violence qui s’opère entre violences policières et judiciaires, le déni officiel et l’#impunité de fait étant des conditions qui garantissent la reproduction des violences d’État. Donc même si ce terme a tendance à être perçu comme particulièrement subversif – dès qu’on le prononce, on tend à être étiqueté comme militant, voire anarchiste –, on ne remet pas forcément en question tout le système d’opération du pouvoir qu’on appelle l’État dès lors qu’on dénonce ses violences. On peut évoquer Montesquieu : « Le #pouvoir arrête le pouvoir ». Comment faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents ? Il s’agit a minima d’interpeller l’#opinion_publique sur les pratiques de l’État qui dépassent le cadre légal ; mais aussi, on l’espère, d’alimenter la réflexion collective sur ce qui est acceptable au sein de nos sociétés, au-delà la question de la légalité.

    Ce que je voulais dire c’est que Forensic Architecture utilise le terme de « violences d’État » ou de « crimes » dans un sens plus large. Sur le site d’INDEX, on trouve le terme de « violences policières » qui donne une information sur le cadre précis de vos enquêtes.
    On essaye d’être le maillon d’une chaîne. Aujourd’hui, on se présente comme une ONG d’investigation qui enquête sur les violences policières en France. Il s’agit d’être très précis sur le cadre de notre travail, local, qui s’occupe d’un champ bien défini, dans un contexte particulier. Cela reflète notre démarche : on est une petite structure, avec peu de moyens. En se spécialisant, on peut faire la lumière sur une série d’incidents, malheureusement récurrents, mais en travaillant au cœur d’un réseau déjà constitué et actif en France qui se confronte depuis plusieurs décennies aux violences d’État et aux violences policières plus particulièrement. En se localisant et étant spécifique, INDEX permet un travail de collaboration et d’échanges beaucoup plus pérenne et durable avec toute une série d’acteurs et d’actrices d’un réseau mobilisé autour d’un problème aussi majeur que l’usage illégitime de la force et de la violence par l’État. Limiter le cadre de notre exercice est une façon d’éprouver la capacité de nos techniques d’enquête et d’intervention publique à véritablement amorcer un changement dans les faits.

    On a parfois l’impression que la production des observateurs étrangers est plus forte, depuis l’extérieur. Quand la presse ou les observateurs étrangers s’emparent du sujet, ils prennent tout de suite une autre ampleur. Qu’en pensez-vous ?
    C’est sûr que la possibilité de projeter une perspective internationale sur un incident est puissante – je pense par exemple à la couverture du désastre du #maintien_de_l’ordre lors de la finale de la Ligue des champions 2022 au Stade de France qui a causé plus d’embarras aux représentants du gouvernement que si le scandale s’était limité à la presse française –, mais en même temps je ne pense pas qu’il y ait véritablement un gain à long terme dans une stratégie qui viserait à créer un scandale à l’échelle internationale. Avec INDEX, avoir une action répétée, constituer une archive d’enquêtes où chacune se renforce et montre le caractère structurel et systématique de l’exercice d’une violence permet aussi de sortir du discours de l’#exception, de la #bavure, du #dérapage. Avec un travail au long cours, on peut montrer comment un #problème_structurel se déploie. Travailler sur un tel sujet localement pose des problèmes, on a des difficultés à se financer comme organisation. Il est toujours plus facile de trouver des financements quand on travaille sur des violations des droits humains ou des libertés fondamentales à l’étranger que lorsqu’on essaye de le faire sur place, « à la maison ». Cela dit, on espère que cette stratégie portera ses fruits à long terme.

    Vous avez travaillé avec plusieurs médias français : Le Monde, Libération, Disclose. Comment s’est passé ce travail en commun ?
    Notre pratique est déjà inter et pluridisciplinaire. Avec Forensic Architecture, on a souvent travaillé avec des journalistes, en tant que chercheurs on est habitués à documenter de façon très précise les éléments sur lesquels on enquête puis à les mettre en commun. Donc tout s’est bien passé. Le travail très spécifique qu’on apporte sur l’analyse des images, la modélisation, la spatialisation, permet parfois de fournir des conclusions et d’apporter des éléments que l’investigation plus classique ne permet pas.

    Ce ne sont pas des compétences dont ces médias disposent en interne ?
    Non mais cela ne m’étonnerait pas que ça se développe. On l’a vu avec le New York Times. Les premières collaborations avec Forensic Architecture autour de 2014 ont contribué à donner naissance à un département qui s’appelle Visual Investigations qui fait maintenant ce travail en interne de façon très riche et très convaincante. Ce sera peut-être aussi l’avenir des rédactions françaises.

    C’est le cas du Monde qui a maintenant une « cellule d’enquête vidéo ».
    Cela concerne peut-être une question plus générale : ce qui constitue la valeur de vérité aujourd’hui. Les institutions qui étaient traditionnellement les garantes de vérité publique sont largement remises en cause, elles n’ont plus le même poids, le même rôle déterminant qu’il y a cinquante ans. Les médias eux-mêmes cherchent de nouvelles façons de convaincre leurs lecteurs et lectrices de la précision, de la rigueur et de la dimension factuelle de l’information qu’ils publient. Aller chercher l’apport documentaire des images et en augmenter la capacité de preuve et de description à travers les techniques qu’on emploie s’inscrit très bien dans cette exigence renouvelée et dans ce nouveau standard de vérification des faits qui commence à s’imposer et à circuler. Pour que les lecteurs leur renouvellent leur confiance, les médias doivent aujourd’hui s’efforcer de convaincre qu’ils constituent une source d’informations fiables et surtout factuelles.

    J’aimerais que l’on parle du contexte très actuel de ces dernières semaines en France. Depuis le mouvement contre la réforme des retraites, que constatez-vous ?
    On est dans une situation où les violences policières sont d’un coup beaucoup plus visibles. C’est toujours un peu pareil : les violences policières reviennent au cœur de l’actualité politique et médiatique au moment où elles ont lieu dans des situations de maintien de l’ordre, dans des manifestations… En fait, quand elles ne touchent plus seulement des populations racisées et qu’elles ne se limitent plus aux quartiers populaires.

    C’est ce que disait Didier Fassin dans le texte dont nous parlions à l’instant…
    Voilà. On ne parle vraiment de violences policières que quand elles touchent un nombre important de personnes blanches. Pendant la séquence des Gilets jaunes, c’était la même dynamique. C’est à ce moment-là qu’une large proportion de la population française a découvert les violences policières et les armes dites « non létales », mais de fait mutilantes, qui sont pourtant quotidiennement utilisées dans les #quartiers_populaires depuis des décennies. Je pense qu’il y a un problème dans cette forme de mobilisation épisodique contre les violences policières parce qu’elle risque aussi, par manque de questionnements des privilèges qui la sous-tendent, de reproduire passivement des dimensions de ces mêmes violences. Je pense qu’au fond, on ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme en France.
    Il me semble aussi qu’il faut savoir saisir la séquence présente où circulent énormément d’images très parlantes, évidentes, choquantes de violences policières disproportionnées, autour desquelles tout semblant de cadre légal a sauté, afin de justement souligner le continuum de cette violence, à rebours de son interprétation comme « flambée », comme exception liée au mouvement social en cours uniquement. Les enquêtes qu’on a publiées jusqu’ici ont pour la plupart porté sur des formes de violences policières banalisées dans les quartiers populaires : tirs sur des véhicules en mouvement, situations dites de « refus d’obtempérer », usages de LBD par la BAC dans une forme de répression du quotidien et pas d’un mouvement social en particulier. Les séquences que l’on vit actuellement doivent nous interpeller mais aussi nous permettre de faire le lien avec la dimension continue, structurelle et discriminatoire de la violence d’État. On ne peut pas d’un coup faire sauter la dimension discriminatoire des violences policières et des violences d’État au moment où ses modes opératoires, qui sont régulièrement testés et mis au point contre des populations racisées, s’abattent soudainement sur une population plus large.

    Vous parlez des #violences_systémiques qui existent, à une autre échelle…
    Oui. On l’a au départ vu avec les Gilets jaunes lorsque les groupes #BAC ont été mobilisés. Ces groupes sont entraînés quotidiennement à faire de la #répression dans les quartiers populaires. C’est là-bas qu’ils ont développé leurs savoirs et leurs pratiques particulières, très au contact, très agressives. C’est à cause de cet exercice quotidien et normalisé des violences dans les quartiers populaires que ces unités font parler d’elles quand elles sont déployées dans le maintien de l’ordre lors des manifestations. On le voit encore aujourd’hui lors de la mobilisation autour de la réforme des retraites, en particulier le soir. Ces situations évoluent quotidiennement donc je n’ai pas toutes les dernières données mais la mobilisation massive des effectifs de police – en plus de la #BRAV-M [Brigades de répression des actions violentes motorisées] on a ajouté les groupes BAC –, poursuivent dans la logique dite du « contact » qui fait souvent beaucoup de blessés avec les armes utilisées.

    Avez-vous été sollicités ces temps-ci pour des cas en particulier ?
    Il y aura tout un travail à faire à froid, à partir de la quantité d’images qui ont émergé de la répression et en particulier des manifestations spontanées. Aujourd’hui, les enjeux ne me semblent pas concerner la reconstitution précise d’un incident mais plutôt le traitement et la confrontation de ces pratiques dont la documentation montre le caractère systémique et hors du cadre légal de l’emploi de la force. Cela dit, on suit de près les blessures, dont certaines apparemment mutilantes, relatives à l’usage de certaines armes dites « non létales » et en particulier de #grenades qui auraient causé une mutilation ici, un éborgnement là… Les données précises émergent au compte-goutte…
    On a beaucoup entendu parler des #grenades_offensives pendant le mouvement des Gilets jaunes. Le ministère de l’Intérieur et le gouvernement ont beaucoup communiqué sur le fait que des leçons avaient été tirées depuis, que certaines des grenades le plus souvent responsables ou impliquées dans des cas de mutilation avaient été interdites et que l’arsenal avait changé. En fait, elles ont été remplacées par des grenades aux effets quasi-équivalents. Aujourd’hui, avec l’escalade du mouvement social et de contestation, les mêmes stratégies de maintien de l’ordre sont déployées : le recours massif à des armes de l’arsenal policier. Le modèle de grenade explosive ou de #désencerclement employé dans le maintien de l’ordre a changé entre 2018 et 2023 mais il semblerait que les #blessures et les #mutilations qui s’ensuivent perdurent.

    À la suite des événements de Sainte-Soline, beaucoup d’appels à témoins et à documents visuels ont circulé sur les réseaux sociaux. Il semblerait que ce soit de plus en plus fréquent.
    Il y a une prise de conscience collective d’un potentiel – si ce n’est d’un pouvoir – de l’image et de la documentation. Filmer et documenter est vraiment devenu un réflexe partagé dans des situations de tension. J’ai l’impression qu’on est devenus collectivement conscients de l’importance de pouvoir documenter au cas où quelque chose se passerait. Lors de la proposition de loi relative à la sécurité globale, on a observé qu’il y avait un véritable enjeu de pouvoir autour de ces images, de leur circulation et de leur interprétation. Le projet de loi visait à durcir l’encadrement pénal de la capture d’image de la police en action. Aujourd’hui, en voyant le niveau de violence déployée alors que les policiers sont sous les caméras, on peut vraiment se demander ce qu’il se passerait dans la rue, autour des manifestations et du mouvement social en cours si cette loi était passée, s’il était illégal de tourner des images de la police.
    En tant que praticiens de l’enquête en source ouverte, on essaye de s’articuler à ce mouvement spontané et collectif au sein de la société civile, d’utiliser les outils qu’on a dans la poche, à savoir notre smartphone, pour documenter de façon massive et pluri-perspective et voir ce qu’on peut en faire, ensemble. Notre champ de pratique n’existe que grâce à ce mouvement. La #capture_d’images et l’engagement des #témoins qui se mettent souvent en danger à travers la prise d’images est préalable. Notre travail s’inscrit dans une démarche qui cherche à en augmenter la capacité documentaire, descriptive et probatoire – jusqu’à la #preuve_judiciaire –, par rapport à la négociation d’une vérité de fait autour de ces évènements.

    Le mouvement « La Vérité pour Adama », créé par sa sœur suite à la mort d’Adama Traoré en 2016, a pris beaucoup d’ampleur au fil du temps, engageant beaucoup de monde sur l’affaire. Vous-mêmes y avez travaillé…
    La recherche de la justice dans cette appellation qui est devenue courante parmi les différents comités constitués autour de victimes est intéressante car elle met en tension les termes de vérité et de justice et qu’elle appelle, implicitement, à une autre forme de justice que celle de la #justice_institutionnelle.
    Notre enquête sur la mort d’Adama Traoré a été réalisée en partenariat avec Le Monde. À la base, c’était un travail journalistique. Il ne s’agit pas d’une commande du comité et nous n’avons pas été en lien. Ce n’est d’ailleurs jamais le cas au moment de l’enquête. Bien qu’en tant qu’organisation, INDEX soit solidaire du mouvement de contestation des abus du pouvoir policier, des violences d’État illégitimes, etc., on est bien conscients qu’afin de mobiliser efficacement notre savoir et notre expertise, il faut aussi entretenir une certaine distance avec les « parties » – au sens judiciaire –, qui sont les premières concernées dans ces affaires, afin que notre impartialité ne soit pas remise en cause. On se concentre sur la reconstitution des faits et pas à véhiculer un certain récit des faits.

    Le comité « La Vérité pour Adama » avait commencé à enquêter lui-même…
    Bien sûr. Et ce n’est pas le seul. Ce qui est très intéressant autour des #comités_Vérité_et_Justice qui émergent dans les quartiers populaires autour de victimes de violences policières, c’est qu’un véritable savoir se constitue. C’est un #savoir autonome, qu’on peut dans de nombreux cas considérer comme une expertise, et qui émerge en réponse au déni d’information des expertises et des enquêtes officielles. C’est parce que ces familles sont face à un mur qu’elles s’improvisent expertes, mais de manière très développée, en mettant en lien toute une série de personnes et de savoirs pour refuser le statu quo d’une enquête qui n’aboutit à rien et d’un non-lieu prononcé en justice. Pour nous, c’est une source d’inspiration. On vient prolonger cet effort initial fourni par les premiers et premières concernées, d’apporter, d’enquêter et d’expertiser eux-mêmes les données disponibles.

    Y a-t-il encore une différence entre images amateures et images professionnelles ? Tout le monde capte des images avec son téléphone et en même temps ce n’est pas parce que les journalistes portent un brassard estampillé « presse » qu’ils et elles ne sont pas non plus victimes de violences. Certain·es ont par exemple dit que le journaliste embarqué Rémy Buisine avait inventé un format journalistique en immersion, plus proche de son auditoire. Par rapport aux médias, est-ce que quelque chose a changé ?
    Je ne voudrais pas forcément l’isoler. Rémy Buisine a été particulièrement actif pendant le mouvement des Gilets jaunes mais il y avait aussi beaucoup d’autres journalistes en immersion. La condition technique et médiatique contemporaine permet ce genre de reportage embarqué qui s’inspire aussi du modèle des reporters sur les lignes de front. C’est intéressant de voir qu’à travers la militarisation du maintien de l’ordre, des modèles de journalisme embarqués dans un camp ou dans l’autre d’un conflit armé se reproduisent aujourd’hui.

    Avec la dimension du direct en plus…
    Au-delà de ce que ça change du point de vue de la forme du reportage, ce qui pose encore plus question concerne la porosité qui s’est établie entre les consommateurs et les producteurs d’images. On est dans une situation où les mêmes personnes qui reçoivent les flux de données et d’images sont celles qui sont actives dans leur production. Un flou s’opère dans les mécanismes de communication entre les pôles de production et de réception. Cela ouvre une perspective vers de formes nouvelles de circulation de l’information, de formes beaucoup plus inclusives et participatives. C’est déjà le cas. On est encore dans une phase un peu éparse dans laquelle une culture doit encore se construire sur la manière dont on peut interpréter collectivement des images produites collectivement.

    https://aoc.media/entretien/2023/08/11/francesco-sebregondi-on-ne-peut-pas-dissocier-les-violences-policieres-de-la-

    #racisme #violences_policières

    ping @karine4

    • INDEX

      INDEX est une ONG d’investigation indépendante, à but non-lucratif, créée en France en 2020.

      Nous enquêtons et produisons des rapports d’expertise sur des faits allégués de violence, de violations des libertés fondamentales ou des droits humains.

      Nos enquêtes réunissent un réseau indépendant de journalistes, de chercheur·es, de vidéastes, d’ingénieur·es, d’architectes, ou de juristes.

      Nos domaines d’expertise comprennent l’investigation en sources ouvertes, l’analyse audiovisuelle et la reconstitution numérique en 3D.

      https://www.index.ngo

  • [44] Un jour, une archive – 12 août : Le monde vu de… Pékin – Évolution des visions cartographiques sur dix ans (2003-2013).

    L’archive que je rediffuse aujourd’hui, est un voyage dans le temps d’une vision cartographique : le monde vu de Chine, de son environnement immédiat, à ce que je pensais être la perception de sa place et de ses interactions avec le reste du Monde.

    En 2003, la vision est très resserrée, et ne figurent que les conflits et différends frontaliers aux marges intérieures et extérieures du pays : elle se « desserre » très légèrement en 2006 et commence à intégrer quelques éléments économiques et stratégiques. Mais cette deuxième version reste encore très (trop) complexe et difficile à appréhender, avec une légende bien trop développée, bien qu’elle soit relativement complète.

    Changement d’échelle pour la version de 2009 où j’introduis une donnée nouvelle : les liens systémiques chinois avec d’autres régions du monde, avec en particulier le renforcement des liens avec les pays importants pour son approvisionnement en matières premières, à l’époque pour nourrir sa croissance fulgurante.

    La dernière version produite en 2012 figure un décentrement et un renversement : la projection déformée est sino-centrée, l’Aise devient le centre dynamique avec l’Inde et l’Asie du Sud-Est en particulier, et en « marge » du monde, si je puis dire, les grandes puissances traditionnelles, ce qu’on appelait « Triade », représentée en forme de régions « stagnantes » (mais il faut bien sur relativiser, il s’agissait surtout de symboliser des taux de croissance infiniment plus lent de ceux des pays asiatiques émergents).

    2003 - Le monde vu de Pékin : conflits frontaliers et revendications territoriales
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-frontieres

    2006 - Le monde vu de Pékin : l’encerclement géostratégique
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-encerclement

    2009 - Le monde vu de Pékin : desserrer l’encerclement
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-dans-la-cours-des-grands

    2012 - Le monde vu de Pékin : l’œuf asiatique
    https://visionscarto.net/le-monde-vu-de-pekin-oeuf-asiatique

    Cette collection spatio-temporelle de quatre cartes est accompagnée de deux cartes complémentaires, la première représentant un retour détaillé, à plus grande échelle, de la Chine dans ses liens économiques et géostratégiques avec son voisinage, la deuxième une figuration de la Chine dans les rouages du système monde (disons de la mondialisation pour faire plus simple) qui reprend les rouages imbriqués que j’avais déjà utilisé pour la carte de la « Grande roue africaine ».

    2008 - La Chine dans son environnement géopolitique
    https://visionscarto.net/chine-inde-puissances-maritimes

    2013 - Le système Chine dans la mondialisation
    https://visionscarto.net/le-systeme-chine

  • [43] Un jour, une archive – 11 août : Mapping the Alaska Boundary
    Par Emily Fuhrman
    https://visionscarto.net/mapping-the-alaska-boundary

    La carte est la représentation symbolique d’un territoire physique. Si la carte « dessinée » a une relation iconographique avec le territoire qu’elle représente, ce n’est bien sûr pas le cas de la carte purement « linguistique ». Cette œuvre est la « figuration » linguistique d’un territoire aux extrêmes orthogonaux de la précision et de l’illisibilité.

  • [43] Un jour, une archive – 11 août : Mapping the Alaska Boundary
    Par Emily Fuhrman
    https://visionscarto.net/mapping-the-alaska-boundary

    La carte est la représentation symbolique d’un territoire physique. Si la carte « dessinée » a une relation iconographique avec le territoire qu’elle représente, ce n’est bien sûr pas le cas de la carte purement « linguistique ». Cette œuvre est la « figuration » linguistique d’un territoire aux extrêmes orthogonaux de la précision et de l’illisibilité.

  • Pendant l’été, alors qu’on fonctionne plus ou moins en ralenti, visionscarto.net rediffuse quotidiennement une sélection de contributions picorées dans les archives (2006-2023). mais au milieu de ces souvenirs, voici une nouvelle publication, pour rendre compte d’un projet artistique qui aborde subtilement des événements d’une grande violence.

    Refuges éphémères, lieux transformés, 2019-2023
    https://visionscarto.net/refuges-ephemeres
    par Bahar Majdzadeh

    « Dans ses travaux, Bahar Majdzadeh met en scène l’espace, en particulier quand il est le théâtre d’un « acte » politique, comme par exemple ces lieux ultimes où se retrouvent les réfugié·es. Avec deux outils de prédilection, la photographie et la carte, elle témoigne des transformations fonctionnelles de ces lieux « d’accueil d’urgence » pour des populations en détresse qui, après leur évacuation et une « fermeture » temporaire, sont transformés en espaces qui remplissent d’autres fonctions (loisir, jardins partagés, etc.).

    À ces deux outils sont adjoints des témoignages de réfugié•es. Voici ce qu’elles et ils disent, entre autre :

    Je suis ce rossignol sans refuge
    Je suis loin de ma patrie dans un pays étranger
    Je suis cet exilé sans toit
    Je suis ce vagabond autour du monde »

    Les photos témoignent des traces et les cartes matérialisent la géographie des événements, la combinaison des deux mediums permettant de rendre compte, et prendre conscience, des phénomènes complexes entre les populations, les communautés, et l’usage de l’espace public quand il est imposé par le pouvoir.

    En d’autres termes, les photos et les cartes de Bahar Majdzadeh témoignent de l’expulsion d’une « population indésirable » finalement remplacée par une « population désirable »...

  • Pendant l’été, alors qu’on fonctionne plus ou moins en ralenti, visionscarto.net rediffuse quotidiennement une sélection de contributions picorées dans les archives (2006-2023). mais au milieu de ces souvenirs, voici une nouvelle publication, pour rendre compte d’un projet artistique qui aborde subtilement des événements d’une grande violence.

    Refuges éphémères, lieux transformés, 2019-2023
    https://visionscarto.net/refuges-ephemeres
    par Bahar Majdzadeh

    « Dans ses travaux, Bahar Majdzadeh met en scène l’espace, en particulier quand il est le théâtre d’un « acte » politique, comme par exemple ces lieux ultimes où se retrouvent les réfugié·es. Avec deux outils de prédilection, la photographie et la carte, elle témoigne des transformations fonctionnelles de ces lieux « d’accueil d’urgence » pour des populations en détresse qui, après leur évacuation et une « fermeture » temporaire, sont transformés en espaces qui remplissent d’autres fonctions (loisir, jardins partagés, etc.).

    À ces deux outils sont adjoints des témoignages de réfugié•es. Voici ce qu’elles et ils disent, entre autre :

    Je suis ce rossignol sans refuge
    Je suis loin de ma patrie dans un pays étranger
    Je suis cet exilé sans toit
    Je suis ce vagabond autour du monde »

    Les photos témoignent des traces et les cartes matérialisent la géographie des événements, la combinaison des deux mediums permettant de rendre compte, et prendre conscience, des phénomènes complexes entre les populations, les communautés, et l’usage de l’espace public quand il est imposé par le pouvoir.

    En d’autres termes, les photos et les cartes de Bahar Majdzadeh témoignent de l’expulsion d’une « population indésirable » finalement remplacée par une « population désirable »...

  • [42] Un jour, une archive – 10 août : Dans la nasse (2020)
    https://visionscarto.net/dans-la-nasse

    par Le Pantale

    Description en images des techniques utilisées par la police pour perturber, casser, pourrir les manifestations. Sortir de chez soi pour défendre ses idées ne relève plus du parcours de manifestation mais du parcours du combattant.

  • [41] Un jour, une archive – 9 août : Élisée Reclus, le géographe qui n’aimait pas les cartes !

    Reclus à l’honneur pour la rediffusion d’aujourd’hui, avec trois contributions qui reviennent sur sa relation à la cartographie et sa collaboration avec Charles Perron

    https://visionscarto.net/elisee-reclus-n-aime-pas-les-cartes
    https://visionscarto.net/le-monde-sans-la-carte
    https://visionscarto.net/charles-perron

    Élisée Reclus est plutôt critique envers la cartographie. Comme son maître Carl Ritter (1779-1859), il dénonce les insuffisances de la carte topographique, produite d’abord pour les militaires et qui passe sous silence toutes les informations sur les sociétés humaines, leur histoire et la manière dont elles organisent les territoires sur lesquels elles vivent. Aussi s’élevait-il contre l’usage, à l’école, des cartes murales « planes », qu’il considérait comme de fausses représentations du monde (il militait même pour leur complète interdiction !). La carte, expliquait-il, ne donne aucune idée de la véritable géographie « à trois dimensions », selon lui fondamentale pour comprendre les dynamiques sociales et spatiales.

  • [41] Un jour, une archive – 9 août : Élisée Reclus, le géographe qui n’aimait pas les cartes !

    Reclus à l’honneur aujourd’hui avec trois contributions qui reviennent sur sa relation à la cartographie et sa collaboration avec Charles Perron

    https://visionscarto.net/elisee-reclus-n-aime-pas-les-cartes
    https://visionscarto.net/le-monde-sans-la-carte
    https://visionscarto.net/charles-perron

    Élisée Reclus est plutôt critique envers la cartographie. Comme son maître Carl Ritter (1779-1859), il dénonce les insuffisances de la carte topographique, produite d’abord pour les militaires et qui passe sous silence toutes les informations sur les sociétés humaines, leur histoire et la manière dont elles organisent les territoires sur lesquels elles vivent. Aussi s’élevait-il contre l’usage, à l’école, des cartes murales « planes », qu’il considérait comme de fausses représentations du monde (il militait même pour leur complète interdiction !). La carte, expliquait-il, ne donne aucune idée de la véritable géographie « à trois dimensions », selon lui fondamentale pour comprendre les dynamiques sociales et spatiales.

  • [40] Un jour, une archive – 8 août : Deux cartes qui montrent les formes de discrimination des femmes pour tous les pays du monde. Les données sont de 2013 et 2014, il serait intéressant de recartographier ces situations aujourd’hui

    Accès aux ressources et aux richesses
    https://visionscarto.net/discrimination-des-femmes-acces-ressources

    Libertés civiles
    https://visionscarto.net/discrimination-des-femmes-libertes-civiles

  • Lenny Bruce (1925 - 1966), pionnier et martyr du stand-up
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/lenny-bruce-1925-1966-pionnier-et-martyr-du-stand-up-6046767

    Mort d’une « overdose de police » en 1966 à seulement quarante ans, le comique américain #Lenny_Bruce a inventé une forme de stand-up hilarante et crue. Méconnu en France, il a pourtant posé des jalons essentiels dans l’histoire de la comédie.

  • Atlas der Abwesenheit
    Kameruns Kulturerbe in Deutschland

    Une somme énorme de savoir sur les pillages allemands, les cruelles expéditions punitives et les « butins », etc...

    Le livre en format livre est enfin arrivé en Norvège, 520 pages en format 25 x 25. C’est en Allemand, et je sais qu’il y a des germanophones ici qui seront peut-être intéressés, j’en ai deux copies en plus que j’offre très volontiers à celles et ceux qui le demanderont ! (les premièr·es arrivés seront les premiers servis) !

  • [39] Un jour, une archive – 7 août : Cartographie et subjectivité chez Alexander von Humboldt

    https://visionscarto.net/humboldt-carto-subjective

    par Laura Péaud

    Quand Humboldt parsème ses cartes d’éléments sensibles et subjectifs…

    En scrutant minutieusement les différentes cartes réalisées par Alexander von Humboldt, on remarque certaines particularités, des mentions qui, à priori, n’auraient pas lieu de s’y trouver tant elles témoignent de la subjectivité de l’auteur. Ce sont pourtant ces précisions mêmes qui, à ses yeux, faisaient office de preuve de véracité. Elles permettent également de comprendre que le géographe assumait pleinement la relativité du savoir scientifique.

  • Âmes sœurs, Saint Phalle et Tinguely : un podcast à écouter en ligne | France Culture
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-ames-soeurs-saint-phalle-et-tinguely

    Une sélection d’archives, proposée par Albane Penaranda, pour entendre les voix de Niki de Saint Phalle et de Jean Tinguely alors que le Cyclop ouvrait à nouveau au public et qu’en mai 2002 disparaissait Niki de Saint Phalle.

    https://awarewomenartists.com/artiste/niki-de-saint-phalle