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Ces derniers jours, la campagne présidentielle s’est abîmée dans les plus abjectes polémiques. Il n’est plus question de projet pour la France, plus question de tracer une voie crédible pour sortir de l’ornière un pays qui, comme tant d’autres vieilles démocraties occidentales, voit s’épuiser son influence dans le monde, son socle industriel, son modèle social et jusqu’à son identité.
Des deux candidats en présence, le meilleur qualifié du premier tour s’efforce, par tous les moyens, de conserver la virginité qui lui promet la victoire par défaut. N’ayant jamais porté de responsabilités nationales, n’ayant jamais eu à assumer le moment difficile du choix qui engage un pays, homme sans histoire et sans bilan, personnage composé à l’inspiration mitterrandienne, il navigue avec toute l’habileté qu’on lui connaît sur le puissant courant qui éloigne les Français de son adversaire, en se mouillant le moins possible. Peu importe qu’il n’ait rien prouvé jusqu’ici. Peu importe que ses engagements soient, sur l’essentiel, des illusions qui se briseront vite sur des récifs bien réels : François Hollande est parvenu, en restant dans le creux, à se forger une silhouette de président qui, tant est fort le rejet de l’occupant actuel de la fonction, suffit à rassembler les suffrages.
Face à lui, le président-candidat devenu outsider est à l’exact inverse : laissant au fil de la campagne s’effacer les contours de la fonction, il n’est plus aujourd’hui qu’une masse informe de discours et de gestes, relayé par une cohorte de mercenaires oublieux des règles élémentaires du débat démocratique. Lesté par un bilan dont il n’a pas su faire voir la part estimable, si peu pénétré de la France qu’il s’est laissé, sans clairvoyance, approcher et entourer par ses pires démons, Nicolas Sarkozy est redevenu ce qu’il est : un corps sans squelette, une simple énergie, un flux en mouvement perpétuel, que seul guide un instinct qui, chez lui, n’est pas le meilleur conseiller.
Dans quelques jours, les Français retourneront aux urnes. Il est probable qu’ils préfèreront des contours bien propres à des contenus saumâtres, pensant peut-être avoir une chance d’y mettre en suite un peu d’eux-mêmes.
La campagne de Nicolas Sarkozy aurait pu être le moindre de ses échecs. Après tout, gouvernée pendant tant d’années par la droite, la France pouvait, ne serait-ce que par souci d’hygiène démocratique, aspirer à l’alternance. De surcroît, une crise majeure est passée par là, réservant mécaniquement le mauvais rôle à celui qui dut l’affronter. Depuis le début, l’équation du scrutin est simple. Elle met en balance deux perceptions : celle du passif de l’un et celle de l’aptitude de l’autre. Suivant cette arithmétique, rien n’était joué, chacun avait sa chance. Aujourd’hui, après quelques semaines de campagne, les jeux sont faits. François Hollande n’a pas commis d’erreur quand Nicolas Sarkozy n’a évité aucun piège, jusqu’à tutoyer l’indignité et susciter, dans son propre camp, un mouvement centrifuge dont personne ne sait, pour l’heure, ce qu’il résultera. Les jeux sont faits mais il n’y aura aucun gagnant. Le futur occupant de l’Élysée héritera d’un pays désorienté et divisé, affaibli et démoralisé, dont une part grandissante sent monter la tentation de la révolte. Il devra, sur des plaies à vif et des contradictions irrésolues, donner corps à la fonction qu’il aura reçue au titre de la présomption d’innocence et trouver les voies du rassemblement.
Pour notre pays, souhaitons-lui de réussir tout en restant lucides : à l’évidence, si le changement est pour maintenant, l’espoir n’est pas encore pour demain.