• « Iter Auto » et « Plus Fours Routefinder » – Les systèmes de navigation automobile des années 1920 / 1930 | Ufunk.net
    http://www.ufunk.net/gadgets/iter-auto-plus-fours-routefinder

    Je vous présente le « Iter Auto » et le « Plus Fours Routefinder« , deux systèmes de navigation automobile des années 1920 / 1930 ! L’électronique, le #GPS, la 3G et les écrans tactiles n’étant pas vraiment d’actualité à cette époque, il fallait choisir son itinéraire à l’avance, et insérer la cartouche correspondante dans le lecteur du « Iter Auto » ou sa version portable pour motard dans le bracelet du « Plus Fours Routefinder« . On faisait ensuite défiler les cartes pour se repérer et suivre l’évolution de son trajet… Si il fallait tourner manuellement une molette du « Plus Fours Routefinder » pour trouver sa position, le « Iter Auto » se branchait directement sur le cable du compteur de vitesse pour un défilement de la carte automatique !

    #steampunk #cartographie

    • Gael Faye ce qui lui plaît
      Maria Malagardis, Libération, le 13 février 2013
      http://next.liberation.fr/musique/2013/02/13/gael-faye-ce-qui-lui-plait_881630

      Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir connu dès l’enfance, le paradis puis l’enfer, d’avoir griffonné ses premiers textes « sous les obus et les balles traçantes », à la veille d’un exil brutal. Et, bien des années plus tard, d’avoir soudain renoncé aux mirages de la City de Londres pour assumer une passion pour le rap, née à l’adolescence. Une façon de choisir enfin son destin. Gael Faye a 30 ans et déjà une vie bien remplie. Celle-ci forme la trame de son premier album solo, qui évite les clichés sur le métissage pour décliner les différentes facettes d’une existence de caméléon, sur des rythmes swinguants, mélangeant la rumba congolaise et un zeste de jazz-soul, au rap le plus affirmé. Une réussite d’autant plus notable que Gael Faye reste avant tout un auteur,« virevolteur de mots plein d’amertume », comme il se décrit lui-même dans le titre A-France, écrit il y a déjà dix ans et qui fut « la première vraie chanson » de cet album, rappelle ce jeune homme à l’allure presque sage et au visage encore enfantin.

      Faye parle de clivage entre deux cultures et deux mémoires. Cela peut sembler banal, c’est tout le contraire. Peut-être parce qu’exilé à 13 ans, un âge où l’on commence quand même à penser, il a une conscience claire de ses origines et prend un vrai plaisir à faire découvrir « son » Burundi natal, petit pays de l’Afrique des Grands Lacs qu’il a fallu abandonner du jour au lendemain. C’est à ce moment-là, en avril 1995, qu’il commence à écrire, dans une atmosphère de guerre civile. Des textes d’ado, alors que la mort des premiers Blancs vient de sonner l’heure du départ pour tous les Occidentaux. Le jeune Gael, lui, est métis. Avec un papa « croissant-beurre » et une maman « pili-pili » (nom du piment local), dont il raconte les amours contrariées dans la chanson qui donne son titre à l’album. En guise de « croissant beurre », le père est un personnage atypique : enraciné en Afrique, gérant aussi bien une réserve naturelle qu’une troupe de théâtre locale, et surnommé « Crocodile Dundee » depuis qu’il a tenté d’attraper Gaspard, le gigantesque caïman mangeur d’hommes du lac Tanganyika, sur les rives duquel se trouve Bujumbura, la capitale du Burundi. En l’occurrence, c’est la mère, qui rêve de Paris et finit par abandonner mari et enfants, longtemps avant les troubles qui conduiront à l’exil.

      Larmes.
      Bien des années plus tard, c’est donc dans l’urgence d’une évacuation que Gael Faye retrouve sa mère et découvre Saint-Quentin-en-Yvelines. Adieu l’Afrique, voici « l’A-France », « l’asile et l’exil ». Pour la première fois de sa vie, le garçon se découvre Noir, et trompe son angoisse en noircissant des pages d’écolier. On lui conseille de s’inscrire à l’atelier d’écriture de la MJC locale, « un atelier de rap, cette année-là. C’est comme ça que j’ai découvert cette musique », raconte-t-il. Très vite, il réalise aussi que, vu d’ici, l’Afrique est un gros trou noir perdu dans une lointaine galaxie, et c’est pour tromper cette ignorance complaisante qu’il prend plaisir à évoquer dans ses chansons les quartiers de « Buja » (Bujumbura), à remplir ses textes de noms de lieux et d’amis disparus.

      Gael Faye a tourné sur place, au Burundi, les clips de deux titres : Ça bouge à Buja, évocation endiablée d’une capitale réputée pour sa vie nocturne, et le sublime Petit Pays, qui arrachera des larmes à ceux qui connaissent l’Afrique des Grands Lacs. En réalité, le texte évoque un pays voisin, victime d’un autre drame : le Rwanda, dévasté par un génocide en 1994. C’est aussi l’autre patrie de Gael Faye, car sa mère était, au Burundi, une exilée rwandaise qui avait fui les premiers pogroms contre la minorité tutsie dans les années 60. Beaucoup de chansons sont d’ailleurs hantées par cette tragédie, dont il n’a découvert la genèse que longtemps après : « A l’époque, en 1994, on disait juste "les événements" devant les enfants », souligne-t-il. Le génocide hante aussi indirectement le magnifique Président,auquel participe le légendaire musicien angolais Bonga, dont la voix enrobe de rumba lusophone cette dénonciation des dérives du pouvoir sur le continent noir.

      Rencontres.
      Les thèmes d’inspiration remontent à l’adolescence. Ils ont eu le temps de mûrir avant que Gael Faye ne se décide à franchir le pas, larguer une vie de gestionnaire de hedge funds à Londres et cesser de ne considérer le rap que comme une passion intime. Bientôt, il crée avec Edgar Sekloka, un copain d’origine camerounaise, le groupe Milk Coffee & Sugar, qui produit un premier album, déjà prometteur. L’histoire de Gael Faye est faite de rencontres. Celle de ses potes, qui l’ont aidé à chaque étape à construire ce groupe, puis cet album solo. Celle de sa compagne, à laquelle il rend hommage (Ma Femme), mère de sa fille (Isimbi, autre titre empreint de tendresse). Elle est métisse, franco-rwandaise, et ses parents à elle traquent les présumés auteurs du génocide rwandais cachés en France. Au jeu de l’oie de la vie, on retombe toujours sur la case départ, semble suggérer ce jeune homme inspiré qu’on a envie de suivre, même quand il chante Je pars.

    • Gaël Faye, le paradis perdu à hauteur d’enfant
      Maria Malagardis, Libération, le 23 septembre 2016
      http://next.liberation.fr/livres/2016/09/23/gael-faye-le-paradis-perdu-a-hauteur-d-enfant_1507806

      Il s’étonne encore, parfois, de ce qui lui arrive. Du succès foudroyant de ce premier livre, publié cet automne, qui lui vaut emballement médiatique et cascade de consécrations. A peine Petit Pays vient-il d’être couronné du prix Fnac, vite suivi du prix Cultura, que Gaël Faye, auteur de 34 ans, apprenait qu’il figure sur la première liste du prix Goncourt comme du prix Médicis. Trois jours après notre rendez-vous, il se retrouvera également sur celle du Femina. Belle prouesse pour ce jeune homme au visage d’enfant, qui vit si loin des salons parisiens, au Rwanda. Sur la carte du monde, ce n’est qu’un petit cercle à peine plus grand que la Bretagne, dans le flanc du continent africain. Un pays au destin intense, en partie évoqué dans le roman sans en être le sujet principal, où il a fini par s’installer il y a un an, après tant d’années en banlieue parisienne. D’abord parce que sa femme y avait trouvé un nouveau job. A l’époque, il venait de rendre son manuscrit. Et c’est de loin, depuis ce pays « où l’idée d’écrire un livre vous fait passer pour un excentrique », qu’il a découvert le succès si rapide de Petit pays. Le livre n’était pas encore paru en France qu’il avait déjà été vendu à une vingtaine de maisons d’édition étrangères qui se sont parfois livrées une féroce concurrence. Comme en Allemagne, où dix éditeurs étaient en lice pour obtenir les droits du livre, en partie autobiographique. Depuis la parution en France, Gaël Faye enchaîne les interviews et les signatures, avec un agenda de rockstar auquel ce jeune homme discret n’était pas forcément préparé. Ce samedi soir, le voilà même invité chez Ruquier. Et on a du mal à l’imaginer jonglant avec la dérision et les provocs qui font la renommée de l’émission, lui qui a voulu raconter une histoire a priori empreinte de gravité : celle, exprimée à travers le regard d’un enfant, du basculement tragique, du paradis vers l’enfer, de son « petit pays » natal, le Burundi. Derrière lequel se profile très vite, le destin terrible d’un autre « petit pays » : le Rwanda voisin, dont la page la plus sombre, celle du génocide de 1994, fait également partie de la trame de ce premier roman.
      De la musique à la littérature

      En principe, pas vraiment de quoi se marrer sur le canapé du salon face au petit écran. En arrivant au café où l’on s’est donné rendez-vous ce jour-là au centre de Paris, il montre ébahi un exemplaire d’un magazine people qui lui consacre une page entière, suite au choix d’Isabelle Adjani qui a beaucoup aimé le livre. Elle aussi. Qu’est-ce qui fait que « la sauce prend » ? Qu’au milieu de la rentrée littéraire, un Petit pays se distingue soudain dans l’avalanche de parutions et suscite un enthousiasme unanime ?

      Il est vrai que dans la vie de Gaël Faye, il y a déjà eu beaucoup de rebondissements inattendus. Des bons et des moins bons. A commencer bien sûr par la fin d’une enfance enchantée au cœur de l’Afrique, celle qui inspire la fiction. Suivie d’un exil forcé en banlieue parisienne pour ce petit métis, fils d’un père français et d’une mère rwandaise, elle-même exilée au Burundi. Fruit d’une identité indécise (trop blanc en Afrique, trop noir en France), il cherchera longtemps son destin. Il y a six ans, on s’était déjà retrouvés dans ce même café. A l’époque, il poussait le landau de sa fille aînée et s’efforçait de percer sur la scène du rap. Sans regretter son choix : avoir quitté une vie confortable de trader à Londres, pour se consacrer à sa passion, la musique. La vie n’était pas forcément facile, mais Gaël appréhendait alors les difficultés de la vie d’artiste avec la même sérénité qu’il affiche aujourd’hui face à ce succès littéraire inespéré. Sur la scène rap, il finira par connaître une certaine reconnaissance. Notamment grâce à Petit Pays, titre d’une chanson qui suscitera un réel engouement et qui préfigure évidemment déjà certains thèmes de son livre.

      La musique reste sa passion. Ses chansons ont raconté les étapes et les émotions de sa vie, plus concrètement que son premier roman. Il a chanté, avec une sensibilité touchante, ses fantômes, ses interrogations comme son amour pour sa femme, et son émerveillement à la naissance de son premier enfant. Son roman est bien plus pudique sur sa vie privée. Il lui ouvre pourtant le sésame de la célébrité, comme jamais la musique n’a pu le faire. Désormais, lorsqu’il se produit en concert, « les librairies de la ville concernée m’appellent souvent pour me proposer d’animer dans la foulée une signature », s’amuse-t-il.

      En réalité, de la musique à la littérature, le lien est encore plus direct. Dans les vrais contes de fées, le hasard est l’autre nom du destin. Donc, il était une fois une éditrice indépendante dont le fils écoutait du rap à la maison. Un jour, la voilà intriguée par ce jeune chanteur à la peau café au lait qui plaît tant à son fils, et dont les thèmes d’inspiration sortent des poncifs habituels sur la vie de banlieue. Il y a aussi cette façon d’agencer les mots, de donner du sens aux paroles, qui suggérait, peut-être, un vrai talent d’écriture. « Catherine Nabokov m’a écrit une lettre en 2013, puis on s’est vus deux ou trois fois, de façon informelle. Elle m’a poussé à écrire. Mais moi à l’époque, j’étais très pris par les tournées. Je venais de sortir mon premier album en solo, j’avais aussi un groupe, Milk, Coffee & Sugar. Et, surtout, je n’avais pas d’idée très précise sur ce que je pouvais lui proposer : un recueil de nouvelles ? De la poésie ? J’ai longtemps hésité, je tâtonnais », raconte Gaël. Un an plus tard, il profite des vacances d’été pour écrire enfin quelques pages : ce sera le prologue du roman. C’est sur cette seule base, mais après de nombreuses discussions, qu’un contrat est signé avec Grasset fin 2014. « J’avais en principe trois mois pour écrire un roman, et cette deadline m’a donné un bon coup de pied aux fesses », se remémore Gaël, qui ne cache pas avoir beaucoup souffert : « Au début je m’arrêtais sur chaque phrase, je pouvais passer une journée à écrire dix lignes. C’était déprimant, poussif. Jusqu’au jour, où je me suis décidé à dérouler tout en vrac sans me poser de questions et peu à peu les personnages et l’histoire ont pris corps. »

      Comme Gaby, le narrateur du roman, Gaël a vécu la séparation de ses parents peu avant que les passions ne se déchaînent dans son pays natal. Comme celle de Gaby, la mère de Gaël est une Rwandaise, membre de la minorité tutsie, contrainte de fuir son pays natal, lors des premiers pogroms contre les Tutsis à l’aube des années 60. Les ressemblances formelles s’arrêtent globalement là. Le reste est un kaléidoscope où l’imagination et les souvenirs s’entremêlent pour brouiller les pistes. Au fond, la seule « vérité », c’est ce petit pays tant aimé, où la haine va peu à peu gangrener les cœurs, obligeant chacun à prendre position.
      Une impasse de Bujumbura

      Tout s’est déroulé très vite, en quelques mois, il y a une vingtaine d’années. A la façon d’un jeu de dominos fatal. Le premier président démocratiquement élu du Burundi est sauvagement assassiné, le pays s’embrase. Quelques mois plus tard, c’est au tour du dirigeant du Rwanda voisin d’être victime d’un attentat. Les extrémistes proches du défunt y trouvent le prétexte pour déclencher une solution finale contre la minorité tutsie. Le Rwanda sombre dans l’apocalypse. Une déflagration qui se répercute au Burundi voisin, qui plonge encore plus vers l’abîme.

      C’est cette mécanique implacable du « eux contre nous » que raconte le roman, lequel réserve une surprise, lourde de sens, assénée à la dernière phrase. Si surprenante et tellement déchirante. Quand on a soi-même vécu une période aussi bouleversante, peut-on échapper à l’impérieuse nécessité de la raconter ? La vie de Gaël Faye est évidemment à jamais marquée par cette enfance brisée au Burundi, par le deuil et le traumatisme du génocide au Rwanda voisin, qui a emporté tant de proches. Ceux de sa propre famille et de celle de sa femme, dont les parents traquent depuis quinze ans sans relâche les responsables du génocide, qui ont tenté de se faire oublier et de recommencer une nouvelle vie en France.

      A table, lors des retrouvailles familiales, pourtant souvent joyeuses en apparence, il y a toujours des fantômes qui s’invitent de manière subliminale. C’est le destin des familles de rescapés. Et celles de Gaël et de sa femme n’y échappent pas. Même les prénoms qu’on choisit pour les enfants porteront la marque de cette mémoire qui ne vous lâche jamais. Certaines scènes du livre s’inspirent d’ailleurs, au détail près, d’événements qu’ont vécu ses beaux-parents, avant ou pendant le génocide. Mais le jeune auteur a réussi à résister à la tentation d’un livre dénonciateur, comme à toute fascination pour la mort. « Je ne voulais pas faire uniquement un récit des violences qui ont embrasé cette région, explique Gaël. Les moments heureux méritaient eux aussi d’être évoqués. J’ai voulu y mettre la même douceur que celle que j’essaye d’insuffler dans mes chansons, sans minimiser bien sûr l’impact de la tragédie. »

      On retrouve dans ce premier roman bien plus que les thèmes d’inspiration qui habitent le musicien : un tempo, un style qui s’imposent parfois dans des formules lapidaires (« l’Afrique a la forme d’un revolver », « La guerre, sans qu’on lui demande, se charge de nous trouver un ennemi »). Elles alternent toutefois avec des moments, magnifiques, où le temps semble suspendu. Juste avant le drame : « Les vieilles ne disaient rien. Maman fermait les yeux, elle se massait les tempes. La radio des voisins diffusait des chants liturgiques. On entendait nos fourchettes tinter dans les assiettes ». Des instants où la vie semble en apesanteur, avant de basculer brutalement.

      Est-ce propre à l’Afrique ? Quand on écrit son premier livre à Paris, pendant l’hiver 2015, d’autres événements se télescopent fatalement. « J’ai situé l’univers du narrateur dans une impasse de Bujumbura [la capitale du Burundi, ndlr] », rappelle-t-il. « Mais ce n’est pas un souvenir personnel. L’idée s’est imposée le 7 janvier 2015, le jour de l’attaque contre Charlie Hebdo. Ce jour-là, j’avais rendez-vous avec le cofondateur de mon groupe, qui m’a annoncé qu’il voulait mettre un terme à notre collaboration. C’était la fin de notre aventure, de nos projets communs. Et pendant cette discussion très pénible, on voyait aussi défiler les tweets de plus en plus alarmistes sur l’attaque. On était concentrés sur nos préoccupations, alors que tout notre univers était soudain en train d’exploser. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de cette impasse où habiteraient mon héros et sa bande de copains. Un monde clos, préservé, au départ, d’une violence qui fait soudain irruption et bouleverse tout. La France à ce moment-là se croyait à l’abri du danger avant d’être projetée dans la terreur. Comme le sera le petit monde dans lequel évolue mon narrateur. »
      Des victimes qui nous ressemblent

      A quel monde appartient-on ? A celui de nos origines ou bien à celui que le destin nous impose ? Et sont-ils vraiment si différents ? Bujumbura-Paris, en aller simple : catapulté en France après son évacuation d’urgence, le jeune Gaël sera souvent agacé d’être toujours réduit aux mêmes images exotiques : « Quand je suis arrivé en France, on m’interrogeait sans cesse sur les baobabs et les girafes, alors que moi j’avais grandi dans une culture dominée par Nike et Michael Jordan. » Dans le premier chapitre du roman, le narrateur mélancolique et tourmenté par son passé se retrouve dans un bar où défilent les images des réfugiés qui arrivent en masse aux frontières de l’Europe. Encore un autre drame qui a marqué l’année 2015. « On ne dira rien du pays en eux », constate Gaby en observant ces groupes de réfugiés désespérés. A sa façon, Petit pays tente de réparer cette injustice, celle de l’ignorance ou de l’indifférence face au passé des « autres ». Mais le livre révèle aussi combien les victimes de ces tragédies lointaines, au fond, nous ressemblent.

      Et c’est peut-être dans cette facilité d’identification avec le narrateur et ses amis, que réside la clé de l’engouement pour ce premier roman d’un jeune auteur inconnu. Gaby n’est pas un petit Africain, c’est un enfant du monde emporté par la fureur du destin. Notre hantise commune. Une fois la saison des prix et promotions achevée, Gaël Faye repartira pour Kigali au Rwanda. Retrouver sa femme et ses deux enfants. Il y est heureux, apprécie le retour à la paix dans ce pays qui s’est reconstruit de manière impressionnante. Seule ombre au tableau : depuis le printemps 2015, le Burundi voisin sombre à nouveau dans la violence. L’enfer côtoie toujours le paradis. C’est ce que nous réserve, trop souvent, notre époque tourmentée. Là-bas comme ici.

  • – La petite : « Maintenant à l’école on apprend la lettre “H”. C’est une lettre qu’on n’entend pas. Comme dans “monsieur”. »
    – Moi : « Mais y’a pas de “H” dans “monsieur”, ma puce. »
    – Elle : « Mais siiii voyons… Mais on l’entend pas ! » (avec des grands gestes des mains pour me signifier que, quand même papa, c’est pourtant pas compliqué à comprendre.)

  • Brian House | Urban Intonation
    https://brianhouse.net/works/urban_intonation

    for Urban Intonation, I recorded rats at multiple sites in NYC with a custom ultrasonic microphone that I left in their burrows for 24-hour periods. I then pitch-shifted the result into the human auditory range and mixed it for multi-channel playback over a human public address system, repositioning rat vocalizations as something that is recognizable, if not intelligible, as (political) communication.

    https://soundcloud.com/brianhouse/urban-intonation

    #son #chant #rats #animaux @intempestive

  • Traces of war and laser scanning.
    http://www.greatwar.ugent.be/en/case-studies/traces

    The Belgian front zone, from Newport at the coast to the French border at Comines-Warneton, is actually one large, continuous archaeological site, with thousands of war features preserved in the ground. At the surface today, we see only graveyards, commemoration monuments and pillboxes. At first sight, that is, because the landscape is literally covered with scars of the war: remains of trenches, mine craters, and vast areas that still remind of the massive destruction caused by four years of intense artillery shelling, where millions of explosions converted the woods, fields and pastures of Flanders into a lunar landscape by the end of the war. Many of these shell holes and craters are still preserved today; you only have to know how and where to look. Next to this preserverd landscape of destruction, there are numerous remains of Great War trenches, narrow-gauge railways, practice fields and campments, all over Flanders.
    These sometimes subtle traces form a large part of the war heritage in Flanders, although they are mostly unknown. The recent Digital Elevation Models of Flanders (DHMV II, AGIV) and of Wallonia (MNT 2013-1024), made by Airborne Laser Scanning (ALS or LiDAR) can be used to trace all these remains: the detailed elevation models show all subtle relief differences in the forested areas (as it can filter out tree cover and other vegetation), but also in pastures and arable lands. Different visualisation techniques help to highlight even the smallest features preserved in the microtopography. Our team is now analysing the entire study area, and a first estimation is that about 14% of the area still has these surface features, much more than previously known.

    Applied Geography | Scratching the surface with Lidar.
    http://www.greatwar.ugent.be/applied-geography-scratching-the-surface-with-lidar

    • Dans le pipeline de la pensée managériale, qui crache du bullshit à jet continu, la dernière trouvaille à la con a pour nom la « holacratie ». Comme les penseurs du management sont pressés et ne regardent pas trop au détail, ils ont cru pouvoir décalquer à l’identique, et à leur propre usage, la holarchie d’Arthur Koestler, mais sans voir que le mot procédait par contraction pour éviter le hiatus holo-archie – le pouvoir (archie) du tout (holon). Dans l’entreprise holocrate (et non holacrate – il ne s’agit pas du pouvoir de la holà...), il n’y a supposément plus de pouvoir central, car le pouvoir appartient à tous : plus de de hiérarchie, plus de commandement, autonomie partout. Les plus idiots se sont empressés de conclure qu’on avait enfin trouvé la formule vraie du capitalisme à visage humain. Il faudrait leur demander d’imaginer ce qui se passera au moment où un retournement de conjoncture enverra l’entreprise dans le rouge, et où et comment les actionnaires, et le dirigeant nommé par eux, suggéreront aux salariés de s’administrer la holocratie.

      […]

      On pouvait pourtant trouver, et de longue date, de quoi nous prévenir de cette épouvante en marche, et plus généralement des prétentions contemporaines de l’entreprise de fonctionner à la joie, à l’amour et à la concorde. On peut ainsi lire ceci dans les Pensées de Pascal : « Es-tu moins esclave pour être aimé et flatté de ton maître ? Tu as bien du bien esclave, ton maître te flatte. Il te battra tantôt ».

      Plus près de nous, voici ce que Marguerite Yourcenar met dans la bouche d’un de ses personnages antiques dans Les mémoires d’Hadrien : « Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l’esclavage : on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d’imaginer des formes de servitude pires que les nôtres, parce que plus insidieuses : soit qu’on réussisse à transformer les hommes en machine stupides et satisfaites, qui se croient libres alors qu’elles sont asservies, soit qu’on développe chez eux, à l’exception des loisirs et des plaisirs humains, un goût du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares. À cette servitude de l’esprit ou de l’imagination humaine, je préfère encore notre esclavage de fait ».

      […]

      Et ça c’est ce que je dis depuis des années à propos des coopératives VS toutes les autres entreprises (mais sans oublier que ça reste dans le capitalisme, du capitalisme plus ou moins démocratique donc) :

      Il y a ainsi de quoi rire beaucoup à l’expérience de pensée qui imagine Laurent Joffrin ou l’éditorialiste du Monde, dont les suites de mots ne sont qu’un long gargarisme sur le thème de la « démocratie », sommés de se prononcer sur ce fait étonnant que, dans la société de leur gargarisme, les hommes passent la moitié de leur temps éveillé sous des rapports d’obéissance, et puis, ceci aperçu, qui leur demanderait ce qu’ils pensent d’un projet politique, somme toute logique, d’extension réelle de la pratique démocratique à toutes les sphères de la vie commune – y compris, donc, la sphère de la production.

      […]

      Mais la difficulté de ces questions offre peut-être la raison même de commencer à les poser, et à les poser avec insistance, comme le seul moyen de hâter quelque chose qui nous ferait échapper à cette fulgurante prédiction, qui ne sort pas de quelque traité théorique mais d’un ouvrage d’un tout autre genre, célébrant à sa manière la préscience, pour ne pas dire les vertus oraculaires, du Côtes du Rhône, je veux bien sûr parler des Brèves de Comptoir, dans le millésime 1995 desquelles on trouve ceci : « On finira qu’on nous dira de nous torcher le cul les uns les autres, et ils diront on leur a donné du boulot ». 1995… Et qui ne voit que nous y sommes quasiment. Car, logiquement, en prolongeant la série : après Uber Drive et Uber Eat devraient venir Uber Poop ou Uber Wipe. Heureusement, ce tome 1995, particulièrement riche, ne nous laisse pas complètement désespéré, puisqu’on peut aussi y lire ceci : « À partir de dix millions de chômeurs, je crois qu’on peut sortir le soleil et les parasols ». L’idée générale, donc, ce serait bien ça : qu’on n’ait pas à attendre d’en arriver là pour sortir les parasols.

      #Lordon #Frédéric_Lordon #Bernard_Friot #capitalisme #travail #critique_du_travail éventuellement #critique_de_la_valeur mais sous un autre angle (et là il s’agit plutôt de proposition d’un autre mode de calcul de la valeur et non pas d’une abolition de la valeur)

    • À chacun des trois régimes d’#accumulation observables depuis la fin du XIXe siècle correspondent donc trois régimes d’affects de la mobilisation salariale. D’un point de vue analytique, le plus important, c’est le premier : le régime de la mobilisation par les peurs basales, les peurs de ne simplement pas pouvoir survivre – l’aiguillon de la #faim, disait Marx. Ce régime n’est pas un régime avant d’autres régimes, et comme les autres régimes. C’est le régime fondement de tous les régimes, le régime qui dit l’essence, la vérité ultime du rapport salarial comme rapport de #chantage à la survie même. S’employer ou crever : les capitalistes ont longtemps poursuivi de ramener la donnée du #travail telle qu’elle se présente aux individus à la pureté, à l’exclusivité, de cette alternative. Et comme ils n’y sont jamais complètement parvenus, ils ont été conduits à emprunter d’autres voies passionnelles, en apparence tout à fait contraires – en apparence seulement.

  • Pour tou.te.s les géographes ici :

    Pour une géographie anarchiste
    Simon Springer
    Traduit de l’anglais par Nicolas Calvé
    Lux Editeur
    Parution en Amérique du Nord : 25 janvier 2018
    Parution en Europe : 15 mars 2018
    http://www.luxediteur.com/catalogue/pour-une-geographie-anarchiste

    Grâce aux ouvrages de David Harvey, Mike Davis ou même Henri Lefebvre, on connaît aujourd’hui la géographie radicale ou critique née dans le contexte des luttes politiques des années 1960 aux États-Unis et qui a, comme le disait Harvey, donné à Marx « la dimension spatiale qui lui manquait ». Dans ce livre, Simon Springer enjoint aux géographes critiques de se radicaliser davantage et appelle à la création d’une géographie insurrectionnelle qui reconnaisse l’aspect kaléidoscopique des espaces et son potentiel émancipateur, révélé à la fin du XIXe siècle par Élisée Reclus et Pierre Kropotkine, notamment.

    L’histoire de l’humanité est une longue suite d’expériences dans et avec l’espace ; or aujourd’hui, la stase qui est imposée à ces mouvements vitaux, principalement par les frontières, menace notre survie. Face au désastre climatique et humain qui nous guette, il est indispensable de revoir les relations que nous entretenons avec le monde et une géographie rebelle comme celle que défend Springer nous libérerait du carcan de l’attentisme. Il faut se défaire une bonne fois pour toutes des géographies hiérarchiques qui nous enchaînent à l’étatisme, au capitalisme, à la discrimination et à l’impérialisme. « La géographie doit devenir belle, se vouer entièrement à l’émancipation. »

    #géographie #anarchisme #Simon_Springer #Lux

  • The Anarchist Roots of Geography | AK Press
    https://www.akpress.org/the-anarchist-roots-of-geography.html?mc_cid=d2be082e23&mc_eid=a465e577a9

    Signalé ce matin par Thomas Deltombe

    The Anarchist Roots of Geography sets the stage for a radical politics of possibility and freedom through a discussion of the insurrectionary geographies that suffuse our daily experiences. By embracing anarchist geographies as kaleidoscopic spatialities that allow for nonhierarchical connections between autonomous entities, Simon Springer configures a new political imagination.

    Experimentation in and through space is the story of humanity’s place on the planet, and the stasis and control that now supersede ongoing organizing experiments are an affront to our survival. Singular ontological modes that favor one particular way of doing things disavow geography by failing to understand the spatial as a mutable assemblage intimately bound to temporality. Even worse, such stagnant ideas often align to the parochial interests of an elite minority and thereby threaten to be our collective undoing. What is needed is the development of new relationships with our world and, crucially, with each other.

    #anarchisme #géographie

  • The Anarchist Roots of Geography — University of Minnesota Press
    https://www.upress.umn.edu/book-division/books/the-anarchist-roots-of-geography

    A passionate plea for radical geographers to abandon Karl Marx and embrace anarchism

    In The Anarchist Roots of Geography, Simon Springer sets the stage for a radical politics of possibility and freedom through a discussion of the insurrectionary geographies that suffuse our daily experiences. By embracing anarchist geographies as kaleidoscopic spatialities that allow for non-hierarchical connections between autonomous entities, Springer configures a new political imagination.


    #géographie #anarchie #livre

  • Réponse au rapport Bergé sur la déconnexion des profs sur le terrain social
    https://twitter.com/Karenine2/status/958904083729051648

    Chère Aurore Bergé et chère autre rombière inconnue, qui avez commis ce Rapport Bergé.
    Pour vous et vos amis de la France 2.0, la petite chronique d’un #professeur déconnecté des réalités sociales vécues par ses #élèves.

    Lundi, il fallait faire cours pour la dernière fois à M. (6eB) sans pour autant lui dire au revoir. Sa mère et les gendarmes viendraient le chercher à l’interclasse.

    A l’interclasse, c’était mieux, cela éviterait des heurts à la sortie du collège : son père y est presque toujours posté, titubant.

    M. ne savait pas qu’il ne reverrait sans doute plus jamais ses copains ni ses professeurs et il levait la main pour participer, souriant comme d’habitude, ses lunettes de la sécurité sociale sur le nez.

    Je lui ai prêté un livre - Tom Sawyer - dont j’avais parlé en classe et qu’il voulait lire. Il l’a mis, tout content, comme un trésor, dans son cartable. Et puis la porte s’est refermé et il est parti.

    Mardi, on a fait un petit travail d’écriture avec les 4e, à partir de scènes de repas de la littérature. Ça marche toujours bien, on bosse notamment le vocabulaire des 5 sens.

    Je n’étais pas du tout satisfait du travail de R. Quelques lignes d’une extrême platitude. Je le convoque donc à la fin de l’heure pour lui passer un savon. Oui, c’est ma bienveillance à moi quand ils ne foutent rien.

    Il est venu vers mon bureau, avec sa maladroite carcasse, je voyais bien qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. J’ai fait semblant de finir de corriger une copie avant de relever la tête et de m’intéresser à lui (un truc classique de prof un peu expérimenté).

    Le père de R. vient de perdre son boulot. Il touche le chômage mais il est terrifié. « Alors maintenant, on bouffe des pâtes. Ou du riz. »
    Ainsi, le festin de Babette ou les étals du Ventre de Paris, eh ben ça l’avait démoralisé, R.

    R. a aussi une grande soeur qui pleure pour 5 euros d’APL comme le dit votre distinguée grande gueule O’petit ; c’est pas sûr qu’elle puisse finir ses études. Pourtant, une élève très brillante.

    Bref, c’est pas la fête. Pas grand chose dans la copie mais pas grand chose dans l’assiette non plus et le moral dans les chaussettes. J’ai dit à R. que c’était très chic d’être vegan, très tendance, et ça l’a fait marrer.

    Il avait deux heures de permanence : « Je vous rapporte une bonne rédaction à 17h00, Monsieur ». A la récréation, je suis allé voir la PP de la classe. Pas de mauvaise surprise : l’assistante sociale suivait le dossier.

    J’ai lu la copie de R. à 17h10. C’était pas terrible. Je lui demanderai de refaire son travail. Mais sans l’aider plus que ça, parce que c’est un garçon qui écrit très bien.

    Mercredi (aujourd’hui), rien. Je ne travaille pas au collège. Je corrige des copies, installé dans ma véranda qui surplombe la vallée minière où s’entassent les pauvres gueux. Note : comme vous avez l’air un peu niaises, Mesdames, je précise que c’est une amère plaisanterie.

    Jeudi matin (tout à l’heure), semaine A ou B ? Je ne sais jamais, je sais juste que c’est jeudi et que c’est restitution des dictées. Et c’est, avec les 3eF, un moment que je déteste, quand je dois rendre sa copie à S.

    Pourtant, c’est très chouette les dictées. Ils aiment bien ça, je choisis de beaux textes, parfois on les prépare avant, parfois pas du tout, parfois un peu. Ils en bavent, c’est dur, mais ils progressent. Ils s’en sortent tous plus ou moins bien.

    Enfin pas tous. S. ne s’en sort pas bien du tout. Et elle me regarde un peu de travers quand je rends les résultats, un peu comme si c’était ma faute. Elle progresse aussi mais pas comme elle le voudrait. Elle est passée de 0 à 5. Moi je suis très content d’elle.

    S. est arrivée en France quand elle avait 6 ans. Dans une rédaction, l’an dernier (je l’avais aussi l’an dernier), elle avait écrit un très beau texte qui racontait sa bataille pour apprendre à lacer des chaussures. Avant son arrivée en France, elle n’en avait jamais porté.

    Je me souviens que sa rédaction se terminait par « J’aimerais tant marcher de nouveau dans mes montagnes, sur un sol qui ne me serait pas étranger. » Elle avait souligné le mot étranger (qu’elle avait aussi orthographié « étrangé »)

    Les parents de S. ne savent ni lire ni écrire. Ils parlent à grand peine quelques mots de français. Quand ils viennent en réunion parents-profs, S. assure la traduction. Je la soupçonne de ne pas toujours restituer exactement ce que je dis (elle est maline) mais passons...

    Son père parvient quand même à me dire directement des trucs quand il évoque le petit frère de S. : « Si déconne, tu tapes. » Et je vois S. qui rigole, elle a sans doute en tête une scène où j’en colle une à son frangin. Elle se dit peut-être que ça ne lui ferait pas de mal.

    Bref, S. est une des élèves les plus intelligentes et persévérantes que je connaisse. Je pense qu’elle peut mener son projet au bout, elle veut être prof (bon, là elle est un peu stupide). Mais pour ça, il ne faudra plus faire de fautes.

    Alors, elle y travaille. Elle travaille même très dur et il faut mettre les bouchées doubles car le temps ridicule consacré à l’enseignement du français ne permet plus aux enfants nés en dehors de la langue d’espérer la maîtriser un jour.

    J’espère que demain, quand je vais lui rendre son 5, je pourrai passer 20 minutes avec elle pour reprendre 2 points précis. Mais elle a 27 condisciples : ce sont les budgets que vous votez.

    J’espère surtout qu’un jour, S., M. et R. auront été suffisamment instruits par mes soins et ceux de mes collègues pour vous cracher très convenablement à la gueule que la misère sociale, c’est vous, les politiques, qui la fabriquez.

    J’espère que vous descendrez alors de vos carrosses et que vous salirez vos jolies robes.

    Dans l’immédiat, gardez vos leçons de dame patronnesse pour vous et croyez bien que les enseignants, tout comme les policiers ou le personnel hospitalier, ont une parfaite conscience des réalités sociales vécues par ceux qu’ils instruisent, protègent ou soignent.

    Au sujet du rapport Bergé http://www.lcp.fr/actualites/les-enseignants-sont-ils-deconnectes-de-la-realite

    #éducation #instruction #mépris_de_classe

  • Au CHU de Besançon, les épisios ne sont plus lésion - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2018/01/30/au-chu-de-besancon-les-episios-ne-sont-plus-lesion_1626275

    Le centre hospitalier du Doubs a, depuis quinze ans, cantonné le bistouri aux cas exceptionnels. La pratique, encore régulière en France, est décriée pour son manque de respect des femmes.

    L’été dernier, en pleine polémique sur les violences obstétricales, elle dit avoir ressenti le besoin de « se mettre dans une bulle ». A 32 ans, Amandine attendait alors son premier enfant. « J’avais déjà entendu pas mal de récits pas forcément drôles de copines, et avec tout ce qui se disait alors sur l’épisiotomie, j’avais très, très peur de l’accouchement, d’être déchirée, d’avoir mal », se souvient la jeune femme.

    Pour conjurer cette peur, cette employée de banque a appliqué une méthode singulière : « Je me disais : "Tu as de la chance, tu accouches à Besançon." » Car dans la maternité du centre hospitalier universitaire (CHU) de la préfecture du Doubs, le taux d’épisiotomies est le plus bas de France : moins de 1 % des femmes accouchant par voie basse subissent cette incision chirurgicale partielle du périnée, (entre le vagin et l’anus), censée agrandir la zone de passage du bébé. Rien à voir avec la moyenne nationale qui, quoiqu’en baisse, atteint tout de même les 20 % (34,9 % pour les premières naissances et 9,8 % pour les autres) d’après les dernières données parues en octobre (1). A la maternité du CHU de Besançon, à l’inverse, seules 12 épisiotomies ont été pratiquées en 2016 pour 2 900 naissances.

    De quoi rassurer les futures mères, telle Amandine : « J’avais fait part de mes craintes à la sage-femme libérale qui me suivait, se souvient-elle. Elle avait justement été formée dans cet hôpital et elle m’a assuré que si cela devait arriver, c’est que c’était "ultra-nécessaire". J’ai aussi choisi cet établissement pour sa réputation en la matière. »

    « Poids des habitudes »

    Ce jour-là, assise à côté de son lit dans l’une des quarante chambres individuelles du service, la jeune femme brune, tout sourire, peut souffler : la naissance de sa petite Louison trois jours plus tôt n’a « pas du tout été la catastrophe qu’[elle] appréhendait ». Et de louer le « respect de la femme et du bébé » qui règne dans la maternité, ainsi que la disponibilité et la pédagogie du personnel.

    N’en jetez plus ! Aurait-on déniché un paradis de l’enfantement, loin du sang et des larmes, où les vagins vivraient heureux tout en ayant beaucoup d’enfants ? Mollo tout de même, tempère le chef du pôle « mère-femme », le Dr Didier Riethmuller. « On ne peut pas promettre qu’il y aura zéro épisiotomie, mais seulement que s’il doit y en avoir une, c’est qu’elle était absolument indispensable », avertit le médecin. Comment, dès lors, expliquer que l’incision polémique soit si peu pratiquée dans son service, et même plus largement en Bourgogne-Franche-Comté (8,8 %), quand l’Ile-de-France, par exemple, est à 24 % d’épisiotomies ? « Je crois que la région bénéficie de l’héritage d’un patrimoine obstétrical basé sur le bon sens, avance le Dr Riethmuller. Je pense aussi que le poids des habitudes et des croyances est déterminant. »

    Ainsi, depuis sa première description par le praticien irlandais Sir Fielding Ould, en 1742, l’épisiotomie a été longtemps perçue comme une manière d’anticiper, par une incision nette car chirurgicale, d’éventuelles lésions graves, pouvant aller jusqu’à la déchirure du sphincter anal. « Pendant très longtemps, protéger la continence des femmes a été une problématique essentielle. Jugez plutôt : au XIXe siècle, même la comtesse de Lavalette s’est carrément fait répudier à cause de son incontinence », conte le Dr Riethmuller. A tel point que le geste est devenu quasi systématique au fil du temps : il y a vingt ans, le taux d’épisiotomies culminait à 55 % dans l’Hexagone. A la même époque, le CHU bisontin, bien en dessous de la moyenne nationale (30 %), avait déjà entrepris de moins dégainer son bistouri en salle de naissance. L’élément déclencheur : une étude argentine publiée dans la revue médicale The Lancet, en 1993. Sa conclusion est sans appel : l’épisiotomie systématique n’empêche pas la survenue de lésions du périnée, et peut même compliquer les suites pour la mère.

    « Tire-chieurs »

    « Dès le début des années 2000, la consigne dans notre service était claire. Avant de pratiquer une incision, demandons-nous : "Est-ce que cela va rendre service à la femme ?" » se souvient le Dr Riethmuller. D’abord accueillie avec une pointe d’inquiétude par l’équipe, cette nouvelle philosophie est très vite adoptée : « On a publié au fil du temps une série de travaux attestant que les effets délétères redoutés n’étaient pas là », précise le chef de service. Puis, en 2005, à l’issue d’un groupe de travail dont le Dr Riethmuller était membre, le Conseil national des gynécologues et obstétriciens français publie des recommandations en faveur de pratiques plus « restrictives ». Le pourcentage d’épisiotomies n’a depuis eu de cesse de dégringoler à Besançon : rien qu’entre 2003 et 2010, il est passé de 18,8 % à 1,3 %.

    Se pose alors la question de la formation continue à ce geste si peu pratiqué dans ce CHU. Pour ce faire, mannequins, vidéos et autres parties intimes de porcs sont mis à contribution. Mais il n’empêche que, dans certaines situations, bien réelles cette fois, l’équipe n’a pas d’autre choix que d’inciser : quand il y a un « risque de délabrement » des parties génitales de la mère, notamment quand l’utilisation de forceps s’impose ou en cas de danger pour le nouveau-né.

    Sinon, c’est la règle du « respect périnéal » prônée par Didier Riethmuller qui fait foi. Ce qui implique tout de même quelques ajustements : « Prendre le temps : c’est le principe que j’essaie d’enseigner aux jeunes, à qui je dis qu’ils ne sont pas des "tire-chieurs" », plaisante le chef de service. Le temps nécessaire à l’élongation naturelle du périnée, donc, de telle sorte que la sortie de l’enfant soit contrôlée afin d’éviter tout effet « boulet de canon ». « Vous faites du sport ? » nous demande-t-il. Affirmatif. Explication en image : « Ce qu’il faut, c’est l’équivalent d’un stretching pour éviter les claquages. »

    Au premier étage de l’immense et moderne bâtiment, c’est un peu cet entraînement qui vient de se jouer, lors d’une séance de préparation à l’accouchement. « Le périnée est tellement méconnu que c’est très important de donner aux femmes l’accès à ce muscle », détaille la sage-femme qui anime ces séances, Patricia Moyne. Et de déplorer que cet inconnu soit « quasiment absent des programmes de sciences et vie à l’école ». Alors, cette professionnelle qui exerce ici depuis presque trente ans, essaie de « donner un sens à tout ce qui se passe au cours de l’accouchement, de la perfusion aux contractions, en passant par le périnée, pour que les femmes ne se sentent plus dépossédées de ce moment ». Cela passe bien sûr par des explications, y compris anatomiques, des exercices de visualisation, de contractions-décontractions du muscle, ou encore par des massages au cours du dernier mois.

    « Coups de bistouri »

    Assise sur un des ballons de grossesse colorés disséminés dans la salle, Coralie, ingénieure de 32 ans, a découvert lors de son premier rendez-vous à la maternité que cette dernière avait une pratique restrictive de l’épisiotomie. « J’y reste », a-t-elle immédiatement pensé. Car pour cette troisième grossesse, la jeune femme espère bien ne pas revivre certains traumatismes. « J’ai mis presque quinze jours à pouvoir me rasseoir après mon premier accouchement. C’est un peu la honte de se trimballer avec un petit plaid à mettre sous ses fesses, souffle-t-elle en rougissant. D’autant qu’on ne m’a pas vraiment expliqué ce qui se passait. »

    « On entend parler de "point du mari" [une suture du périnée plus serrée que nécessaire, ndlr], de coups de bistouri systématiques… Ça fait vraiment flipper », abonde Soraya, 32 ans, dont c’est la première grossesse. « Quand j’ai entendu parler du CHU, ça m’a enlevé un poids », affirme cette prof. Pour Pauline, laborantine de 25 ans, pour qui c’est aussi une première, il est même question de « préserver notre féminité : au départ, je me disais qu’on allait forcément me charcuter. J’ai eu trois rendez-vous dans une clinique, et puis j’ai entendu parler de la manière dont cela se passait ici, et j’ai décidé d’y accoucher ».

    La maternité risque-t-elle d’être victime de son succès ? Que nenni, rétorquent les professionnels qui y travaillent, pour qui les cas de femmes prêtes à engloutir des kilomètres pour venir y mettre au monde leur enfant demeurent « anecdotiques » : certaines viennent des départements limitrophes, et une petite poignée de la Suisse voisine, voire de la région lyonnaise. Quant à dupliquer le modèle comtois sur tout le territoire, le Dr Riethmuller est sceptique : « Je ne suis pas certain que cela soit transposable partout… Pour ma part, j’ai la chance d’avoir une équipe médicale au sein de laquelle tout le monde rame dans le même sens. » Et sans trop de galères.
    (1) Selon la dernière enquête nationale périnatale, menée sur 14 142 naissances survenues entre le 14 et le 20 mars 2016 dans les 517 maternités de métropole et d’Outre-mer.
    (2) Friese K, Labeit D, Runkel S, Melchert F, « Routine vs selective episiotomy : a randomised controlled trial ; Argentine Episiotomy Trial Collaborative Group, The Lancet, 1993.
    Virginie Ballet

  • Endométriose, une maladie méconnue
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-lundi-15-janvier-2018


    Qu’est-ce que l’endométriose ? Quels sont les traitements adaptés à l’endométriose ? Quelles sont les pistes de recherches scientifiques pour mieux comprendre cette pathologie ? L’endométriose est-elle encore un tabou ?

    Super émission sur l’endométriose, la recherche, les causes du manque de financement, l’information, les perspectives…
    #santé #femmes #endométriose #règles #infertilité #douleurs #recherche

  • Procédures-bâillons : les chercheurs visés par l’intimidation judiciaire
    https://www.franceculture.fr/droit-justice/procedures-baillons-les-chercheurs-vises-par-lintimidation-judiciaire

    Il raconte l’histoire longuement, avec une certaine émotion. #Laurent_Neyret est soulagé, mais encore surpris des trois années de procédure judiciaire qu’il vient de traverser. Elles se sont achevées fin septembre par sa relaxe définitive en appel. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce chercheur en droit privé ne s’attendait pas à se retrouver un jour sur le banc des accusés… pour avoir fait son travail. Ce qui lui est reproché : un #article_scientifique.

    Tout commence un jour de 2014 quand ce professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines reçoit un appel de l’éditeur de la revue Environnement et Développement durable : la police judiciaire veut le voir. Quelques semaines plus tôt, le chercheur a publié un article scientifique. Comme souvent, il y commente une décision de #justice. En l’occurrence, la récente condamnation de l’entreprise #Chimirec.

    #recherche #environnement #liberté_d'expression #justice #intimidation #procédure_baillon

  • Ecole et parents : comment renouer le dialogue (Alternatives Economiques)
    https://www.alternatives-economiques.fr/ecole-parents-renouer-dialogue/00082590

    Voilà vingt ans que le mouvement ATD Quart monde met en œuvre son « croisement des savoirs », une méthodologie de débat entre groupes de pairs, pour créer le dialogue entre des personnes en situation de pauvreté et des professionnels. Depuis 2015, il le développe aussi dans des écoles du Nord de la France, avec l’Éducation nationale et des centres socio-culturels : pendant trois jours, des enseignants, des acteurs du quartier, des parents ayant un bon souvenir de l’école et des parents en ayant gardé un mauvais souvenir discutent, d’abord par groupes de personnes partageant la même expérience, puis entre eux. « L’idée est de mettre les acteurs à égalité, précise Sreng Truong, d’ATD Quart monde. Il s’agit pour chacun d’entrer dans l’univers de l’autre. »

    #éducation #ATD_Quart_monde #éducation_prioritaire #relations_école_famille #relations_parents_enseignant.e.s

  • La magie de LXD
    https://bioinfo-fr.net/la-magie-de-lxd

    #LXC est un système de virtualisation comme Docker qui contrairement à une machine virtuelle, simule l’environnement d’exécution au lieu d’une machine. L’avantage c’est que c’est vraiment light ! Vous pouvez lancer des milliers de #containers sans consommer toutes vos ressources.
    Le souci avec LXC, c’est qu’il n’est pas aussi facile à installer et manipuler que Docker. Suite à ça, les développeurs de Canonical ont décidé de faire encore plus simple en créant une surcouche appelée #LXD. Il s’agit d’un daemon exposant une API REST qui permet de contrôler LXC. Et le client de cette API REST est la commande lxc.

    Liens complémentaires pour débuter :
    https://help.ubuntu.com/lts/serverguide/lxd.html
    https://linuxcontainers.org/fr/lxd/getting-started-cli

    Avant j’utilisais #virtualbox pour mon monter un serveur local de test rapidement. Je viens de tester LXC pour installer Lufi afin de travailler sur le thème qu’on utiliser sur http://drop.infini.fr et je dois reconnaître que c’est vraiment simple et rapide.

  • Aphantasia: How It Feels To Be Blind In Your Mind
    https://m.facebook.com/notes/blake-ross/aphantasia-how-it-feels-to-be-blind-in-your-mind/10156834777480504

    I just learned something about you and it is blowing my goddamned mind.
    This is not a joke. It is not “blowing my mind” a la BuzzFeed’s “8 Things You Won’t Believe About Tarantulas.” It is, I think, as close to an honest-to-goodness revelation as I will ever live in the flesh.
    Here it is: You can visualize things in your mind.
    If I tell you to imagine a beach, you can picture the golden sand and turquoise waves. If I ask for a red triangle, your mind gets to drawing. And mom’s face? Of course.
    You experience this differently, sure. Some of you see a photorealistic beach, others a shadowy cartoon. Some of you can make it up, others only “see” a beach they’ve visited. Some of you have to work harder to paint the canvas. Some of you can’t hang onto the canvas for long. But nearly all of you have a canvas.
    I don’t. I have never visualized anything in my entire life. I can’t “see” my father’s face or a bouncing blue ball, my childhood bedroom or the run I went on ten minutes ago. I thought “counting sheep” was a metaphor. I’m 30 years old and I never knew a human could do any of this. And it is blowing my goddamned mind.

  • L’affaire catalane

    Miquel Amorós

    https://lavoiedujaguar.net/L-affaire-catalane

    Le défi que l’oligarchie politique catalane a exercé sur l’État espagnol est surprenant, et plus encore vu de l’extérieur. Mais ce qui est vraiment extraordinaire, c’est le soutien populaire obtenu, en partie du fait de ses propres mérites, mais aussi pour avoir fait converger dans le temps un certain nombre de facteurs favorables au soi-disant « procès ». La question catalane a frôlé la crise d’État. Personne n’ignore que le catalanisme politique a participé à la rédaction de la Constitution espagnole postfranquiste, et qu’il a joué un rôle stabilisateur pendant la « transition » de la dictature vers le système des partis amnésiques, facilitant à plusieurs reprises la « gouvernabilité » de l’État dont il aspire maintenant à se défaire. En contrepartie, il obtint des transferts substantiels. Probablement en fonction des liens qu’il entretient avec le monde des émotions, s’attache au nationalisme une disposition singulière à se développer en tant que mode. Et l’une des règles d’or de la mode est l’abolition du passé remplacé par un présent amnésique. (...)

    #Espagne #catalanisme #nationalismes #anarchisme #décomposition

  • Connexion Internet lente et/ou instable ? Créez votre propre box 4G ! – Le Crabe Info
    https://lecrabeinfo.net/connexion-internet-lente-qui-saute-rame-debit-faible-creez-votre-propre

    Votre connexion Internet est très lente ? Vous avez une connexion Internet qui rame, qui saute et se coupe tout le temps ? Vous en avez marre d’avoir un débit pourri alors que vous payez votre forfait Internet fixe plein pot ? Je vous comprends car j’étais moi aussi dans la même situation que vous ! ? J’habite en effet dans une zone géographique qui n’est pas raccordée en fibre optique, juste en ADSL. Et mon domicile étant assez loin du central téléphonique (NRA, Nœud de Raccordement d’Abonnés), j’ai une ligne longue et donc un débit assez faible (seulement 4,8 Mbit/s)…